D’un pas faussement assuré, Misaki avançait. Une cascade de jais ondulait à un rythme régulier le long de son petit dos. Ses beaux et longs cheveux lui venaient de sa mère, tout comme la pâleur de sa peau. La fillette était si blanche qu’on aurait dit que son corps avait été taillé dans l’albâtre. Ses yeux étaient fixés sur l’horizon, la tête bien droite. « C’est comme ça qu’on montre aux autres que l’on n’est pas une femme faible » lui répétait inlassablement sa mère en relevant son menton s’il avait le malheur de pointer vers le sol.
Il était difficile de deviner ce à quoi Misaki pensait. Ses yeux étaient si sombres et son visage si peu expressif qu’elle en devenait indéchiffrable. Le regard de la jeune fille était profond, si profond qu’on se sentait facilement envoûté par ses yeux ronds. Heureusement son visage se trouvait adouci par son petit nez légèrement retroussé et ses lèvres charnues et roses, enfantines, surmontées par un philtrum bien marqué.
Misaki se dirigeait vers sa petite maison, où elle habitait avec sa mère et Cyrus, son géniteur, qui était en réalité plus un inconnu que son père. En effet, comédien de renom, il sillonnait le monde depuis toujours courant de castings en castings, de tournages en tournages et de tournées en tournées. Cyrus était un coureur de jupons depuis son adolescence, mais lorsqu’il rencontra Shiori lors d’un voyage au Japon, c’était censé être différent. C’était censé être le coup de foudre réciproque. L’homme entrant doucement dans la trentaine, il décida qu’il était temps de se laisser apprivoiser. Alors tout alla si vite, trop vite, et bientôt son amante enfantait sa progéniture. Une jolie petite fille synonyme d’espoir pour les deux parents. 美咲. Misaki. « Beauté florissante ». Mais on ne change pas la nature d’un homme, c’était ce que sa mère disait. Elle qui avait abandonné son quotidien japonais pour se consacrer à son éphémère amour écossais.
Cyrus était reparti, désintéressé du foyer qu’il avait si rapidement bâti. Shiori s’était transformée en pierre et élevait Misaki comme son petit caillou. Alors Misaki, obéissante et attachée à sa maman rocher, s’efforçait de devenir un petit caillou. Elle écoutait les enseignements de sa mère et ne parlait pas aux inconnus, ne montrait pas ce qu’elle ressentait, était polie mais néanmoins réservée. Mais intérieurement, la jeune fille débordait d’amour et d’admiration pour sa mère même s’il lui était interdit de le montrer. Elle était curieuse, et ne s’ennuyait jamais tant son monde intérieur était riche. Elle nourrissait une grande passion pour les livres et le dessin et espérait un jour pouvoir faire le tour du monde. Misaki avait des rêves de grandeur, très souvent bridés par la possessivité et la peur de l’abandon de sa mère. Concernant les autres, elle était plutôt craintive. Il y avait une chose qu’elle avait bien compris grâce à Cyrus : on ne peut faire confiance à personne car on ne connait jamais vraiment les gens.

- Misaki ! Un courrier est arrivé pour toi !
C’était Shiori, sur le pas de la porte. Elle tenait une enveloppe étrangement cachetée. « Bizarre, je n’attends pas de courrier » pensa la fillette en courant vers la femme. Elle saisit le papier et aperçut un blason qui lui était inconnu composé de quatre animaux différents. La jeune fille ouvrit la lettre en fronçant ses sourcils désordonnés, et lu sur l’en-tête « Collège Poudlard, école de sorcellerie ».