Étouffant un énième bâillement, Olivia s’étira de tout son long. Après avoir passé des heures à tourner dans son lit, incapable de s’endormir, la fillette finit par extirper son corps longiligne de la prison de draps créée par son agitation. Une agitation qui était le reflet de la tempête émotionnelle qui l’ébranlait depuis cinquante-deux jours maintenant : abasourdissement, curiosité, peur, excitation, inquiétude, ahurissement, exaltation, anxiété, impatience. À quelques heures de sa première rentrée au collège, elle était incapable de trouver le sommeil. La pauvre enfant ne savait que ressentir et l’information dévastatrice contenu dans le courrier entre ses mains était responsable de ce chaos psychique : la magie existait et elle était une sorcière qui allait intégrer Poudlard, la plus ancienne école de sorcellerie au monde.

Un sourire radieux étira sa petite bouche aux lèvres boudeuses. C’était un phénomène assez récurrent depuis la révélation. Il suffisait que quelqu’un mentionne l'imminence de la rentrée pour que ses zygomatiques entrent en action. La magie existait et pas un jour n'était passé depuis cette découverte sans que la fillette n’imagine un phénomène dit impossible que la magie pourrait rendre possible. Se téléporter ? Voler ? Devenir invisible ? Lire les pensées ? Voir l’avenir ? Déplacer les objets par la pensée ? Maîtriser les éléments ? Et encore, il ne s’agissait là que de choses auxquelles elle avait pensé ! Qu’en était-il des choses que son esprit n’était pas en mesure de concevoir, comme, comme, … elle n’en savait trop rien - et pourtant l’imagination ne lui manquait pas - mais elle était impatiente de la découvrir.

Après tout, elle était désormais armée d’une baguette magique et, si elle comprenait bien ses lectures estivales, elle serait bientôt capable de quantité de choses extraordinaires. N'est-ce pas ? En un instant, le doute s’empara de la fillette et son sourire s’étiola. Saurait-elle faire de la magie ? Lancer des sorts et préparer des potions ? Ou bien serait-elle si mauvaise qu’elle se ferait renvoyer avant même la fin du premier trimestre ? Était-il possible de voir son statut de sorcière révoqué ? Malheureusement pour elle, son esprit était très bon aussi pour imaginer des scénarios catastrophes. La magie existait, elle était une sorcière qui dans quelques heures voyagerait pour se rendre dans la plus prestigieuse école de sorcellerie au monde et elle était terrorisée.

Après tout, aller en pensionnat n’avait jamais été dans la liste des choses qu’elle voulait faire. Elle aimait le confort de sa maison, le fait de ne pas avoir à partager sa chambre, la proximité de sa famille. Rien qu’imaginer passer plus des ¾ de l’année loin de ses parents lui donnait envie de pleurer. Et ses amis ? Resteraient-ils ses amis ou vivraient-ils comme une trahison impardonnable le fait qu’elle aille dans un collège à des milliers de kilomètres d’eux si soudainement ? Et si la distance n’était pas un obstacle à leur amitié, est-ce que la magie le serait ? Et une fois à Poudlard, parviendrait-elle à se faire de nouveaux amis ou bien finirait-elle seule, isolée, ignorée, trop différente des autres enfants sorciers pour s’intégrer ? La fillette habituellement si sûre d’elle et de ses compétences sociales disparaissait face à ces interrogations.

On avait beau le lui avoir annoncé, elle ne se sentait pas particulièrement sorcière et cela minait terriblement sa confiance en elle ? Un changement de nature aussi important aurait dû être plus visible, non ? C’était peut-être stupide de sa part, mais elle s’était attendue à ce que la magie qui coulait dans ses veines soit plus physiquement visible. Après tout, si l’annonce n’était faite qu’à onze ans, c’est qu’il devait se passer quelque chose de spécial à cet âge-là, non ? C’est pourquoi, depuis son onzième anniversaire, elle avait passé de nombreuses soirées à s’observer attentivement dans la glace pour vérifier sa théorie, mais rien n’avait changé de façon magique. Elle était toujours elle, Olivia Mary HOGDKINS, une enfant somme toute assez banale.

De taille et de corpulence moyenne, avec des membres longs et graciles, on devinait encore les rondeurs de l’enfance sur son petit visage encadré par un amas indomptables de boucles noires.
Ses yeux en amande révélaient des iris noisette. Quelques taches de rousseur rebelles résidaient sur ses pommettes et son petit nez légèrement retroussé, contrastant de façon saisissante avec sa peau caramel. Peau qui avait d’ailleurs la fâcheuse tendance à virer aussi écarlate que le peuvent les peaux métissées dans les moments gênants, moments qui au vu de sa maladresse naturelle faisaient partie intégrante de son quotidien.

La jeune fille soupira. Peu importait qu’elle se sente sorcière ou non, dans quelques heures elle monterait dans un train qui la ramènerait en Écosse. Déterminée, Olivia se dirigea vers sa malle. Il fallait qu’elle s’occupe, et elle ne voyait rien de mal à vérifier une fois de plus qu’elle n’avait rien oublié. Elle ne savait pas ce qui l’attendait à Poudlard, mais rien n’empêchait qu’elle soit aussi prête que possible.