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26 juil. 2019, 02:23
1er Septembre 2042  solo   RPG++ 
Flashback

Assis au volant de son ancienne Ford LTD de 1976 offerte par son beau-père, Vadim, le père de Kyra conduisait, vitre baissée. Le trajet entier se passait en silence, entrecoupé quelquefois d'échanges brefs entre l'adulte et l'enfant. Il en était mieux ainsi. Tous les deux savaient qu'il n'y avait aucune obligation à parler et à faire sortir de force des mots de sa bouche.

Kyra, tout comme son père, adorait les trajets en voiture. Elle pouvait rester des heures à regarder le paysage défiler, le visage collé contre la vitre, à arpenter ces routes du regard. Il est vrai que la poudre de cheminette aurait été un moyen beaucoup plus rapide d'arriver à Londres, mais les deux, d'un accord tacite, ont décidé d'utiliser leur transport préféré.

Installée confortablement derrière, cette fois-ci elle ne prêtait que peu d'attention à ce qui se passait autour d'elle. Cela n'échappa à son père qui, du regard, l'interrogea par le biais du rétroviseur.

Tu as peur? lui dit-il avec son fort accent russe

Elle réfléchit.

Non, pas encore. Tant que je suis avec toi.

Il ne faut pas avoir peur. Il y aura toujours des gens gentils là où tu seras.

Merci papa. Je sais.

Elle soupira, bien sûr qu'elle savait. Elle savait aussi qu'il ne savait pas rassurer.

Kyra jeta un coup d’œil par la fenêtre. Un champ se présenta devant elle. La brume posa une voile blanche par dessus, on y distinguait quelques silhouettes des rares vaches qui broutaient l'herbe et le tintement lointain de leurs cloches qui parvenait à ses oreilles en écho.

Des frissons parcoururent son dos, il faisait assez humide. Elle s'avança alors sur son siège pour être juste derrière son père et dit à voix basse:

Papa? Tu peux fermer la fenêtre s'il te plait? Il fait un peu trop froid.

D'un simple geste, il s'exécuta sans un mot. Comme elle restait ainsi, les mains appuyées sur le dossier en cuir, après un bref silence il articula:

Est-ce que tu es fâchée après ta mère?


Cette question l'a prise de court.

Parce qu'elle n'a pas voulu venir avec nous pour me dire au revoir?...

Ce n'était pas une réponse pleine de rancune, ce n'était qu'une constatation. En vérité, elle ne savait ce qu'elle en pensait vraiment. Malgré son caractère, sa mère était au final quelqu'un de sensible, qui se cachait derrière une image qu'elle avait elle-même construite. Même contre les membres de sa famille qui la connaissaient par cœur. Anaïs n'était pas une femme comme les autres, on devait constamment l'apprivoiser. C'est ce qui avait sûrement charmé Vadim lors de leur première rencontre.

Ayant passé une grande partie de son enfance dans un orphelinat, adoptée par la suite par la famille Villenaut, Anaïs avait encore du mal à aimer, à exprimer son amour. Elle n'était pas une mère ordinaire. Malgré ses efforts, sa vraie nature ressortait parfois: elle était alors plus distante, plus maladroite, paraissant même plus froide et stricte. Vadim répétait alors à Kyra "Elle a pas mal changé depuis ta naissance, tu sais, même si ça se voit pas... Tu peux juste pas comparer maintenant".

Kyra acceptait sa mère comme elle l'était, et bizarrement ne s'était jamais posé de question jusqu'à ce trajet. Comment se sentait-elle vis-à-vis de ça?
Elle se rassit, tira sur le bas de son pull rayé bleu marine et gris et répondit enfin;

Je pense que tu connais la réponse aussi bien que je la connais. Maman va sûrement encore pleurer dans la cuisine. Elle n'aurait pas voulu que je vois ça. Elle veut encore paraître forte et tout. Et puis... je n'aime pas les adieux larmoyants là... Donc non, je ne suis pas fâchée.

Vadim hocha la tête pour signifier qu'il avait bien entendu et qu'il était même d'accord avec son idée.

Le reste de trajet se passa en silence.

Kyra fouilla son sac-à-dos vert olive et en sortit une petite console portable de jeu. Elle savait qu'elle ne pourrait pas l'utiliser à Poudlard; enfonçant alors une cartouche à l'intérieur de celle-ci, elle plongea dans un autre monde jusqu'à s'endormir de fatigue.

*           *           *

La voiture garée sur le parking de la gare King's Cross, son père l'avait enfin réveillée. Plus de deux heures de route de son petit village en voiture jusqu'à Londres l'ont épuisée. Mais c'était la meilleure façon de ralentir le temps avant la séparation. La journée s'annonçait déjà très remplie.

Déjà à l'intérieur du bâtiment, marchant côte à côte avec son père à la recherche de la bonne plateforme, Kyra observait la cohue qui l'entourait. La majorité des gens était moldue. Certains couraient, en retard, agitant la main, montre au poignet; d'autres prenaient tout le temps, sirotant leur gobelet de café. Certains semblaient être de ceux qui attendent quelqu'un.

Se rapprochant de plus en plus près de l'endroit cherché, Kyra remarqua qu'il y avait de plus en plus de jeunes sorciers, perdus comme elle, accompagnés de leurs parents. Ils n'étaient pas difficiles à distinguer. Leur manière de s'habiller et d'agir était quelque peu différente des gens "normaux". Le chariot regorgeant de valises, certains avaient des hiboux encagés. Les moldus semblaient ne pas se rendre compte d'une telle curiosité.

Remarquant alors la présence d'autres sorciers, un hochement de tête significatif fut échangé. Entre sorciers, ils se reconnaissaient tous. Et tous envoyaient leur progéniture au même endroit.

Arrivant enfin au portillon de pierre avec un 10 et un 9 de chaque côté, ils s'arrêtèrent. Respectant l'ordre de passage, tous les jeunes sorciers et leurs parents disparaissaient entre ces deux nombres.
"C'est curieux, pensa alors Kyra, aucun des moldus ne s'aperçoit de ces gens qui se volatilisent devant leurs yeux. Eux, qui rêvent de magie ne la voient pas passer devant leurs yeux."

Modifiant la position de son chariot de sorte à être juste derrière, elle prit une grande inspiration. Elle n'avait jamais fait ça, et cela marquait une étape importante dans son existence. En effet, malgré son père sorcier, sa vie était toute simple, presque moldue, non-marquée comme ces familles traditionnelles magiques. Elle ne s'imaginait pas à quoi elle devait s'attendre.

Son coeur battait. Pour un mouvement aussi simple de rentrer dans un mur, cela demandait pas mal d'efforts psychologiques.

Elle marcha jusqu'à être à moins d'un mètre du mur.

Soudain, elle sentit que quelqu'un avait poussé très fort le manche du chariot. C'était son père. Reconnaissable à son:

Allez, pas de peur! et son grand rire.

Avant qu'elle n'ait eu le temps de protester, de force, elle fut projetée en avant à la suite de ses bagages. Touchant le mur, elle fut engloutie instantanément par ces briques.