Inscription
Connexion

03 sept. 2019, 17:52
 Solo  Les adieux à la Reine  TERMINE 
1er Septembre 2044

ft. Annabelle Lyndon, mère d'Anathema


Reducio
Image



Allongé dans son lit, il discernait l’éveil des oiseaux, leurs piaillements derrière les volets de sa fenêtre. Son lit est grand mais sa tête penche sur la gauche. Son corps est étendu sur le dos, ses mains croisées sur son ventre. Il respire doucement tandis que les boucles de ses cheveux blonds forment comme un halo autour de lui. Il ne s’est pas fait couper les cheveux avant cette rentrée. On ne l’a pas regardé. On ne le regardera pas. Ce n’est pas comme si quelqu’un allait y passer les cheveux, de toute façon. Bientôt, il lui faudra se lever, se coiffer, s’habiller. Vérifier pour l’apparence que toutes ses affaires étaient bien là où elles devaient se trouver. Comme si tout n’avait pas été vérifié la veille. Non par lui, car on ne lui faisait pas confiance sur ce genre de sujet. Mais par d’autre. Serviteurs de maison, voire famille. Tout autres yeux et mains que les siennes étaient bonnes à prendre.

Il restait, allongé là, écoutant sa respiration et les bruits des oiseaux. Certains chantaient le matin, le soleil sortait de son lit. Il était encore très tôt, car les brumes du matin ne s’étaient pas encore dissipées. Très tôt et ses yeux étaient renfoncés de fatigue. Il n’avait pas dormi, cette nuit. Avait simplement fermé les yeux, en attendant le jour, ressassant des pensées et des images. Il revoyait son Eté qui défilait. Profitait du fait qu’il était chez lui. Du moins, qu’il se sentait chez lui. Un peu. Dans sa chambre du moins, derrière les rideaux de son lit, avec la vue sur sa fenêtre quand il se tournait vers la gauche. C’était ainsi, qu’il se sentait chez lui. Avec sa mère dans son bureau. Son bureau de bois clair. Une pièce ovale, aux murs de bibliothèque où tous les espaces disponibles étaient occupés un grand tableau noir, des affiches ou parchemins couverts d’annotation. C’était rempli, c’était vivant. Parfois, en passant devant, il sentait l’odeur de la théière de sa mère. C’était souvent du thé aux agrumes. Parfois, ils buvaient une tasse ensemble, en silence.
Ils ne se parlaient pas beaucoup. Mais Anathema ne parlaient pas beaucoup.

Soit c’était trop, comme le faisait remarquer son père. Toujours trop mais pas sur les bons sujets. On s’en fichait, de cette forme grammaticale particulière qu’il avait vue dans la traduction d’une épopée. On s’en fichait, de cette plante à la couleur si belle qu’il avait regardé pousser dans le jardin, près des rosiers et des lilas. On s’en fichait, du fait qu’il veuille apporter de la créativité dans la méthode des potions. Il parlait trop. Alors il se taisait. Mais quand il se taisait, il devait parler. Rien n’allait jamais. Pour son père, ce n’était jamais assez, ou c’était toujours trop. Pas de demi-mesure. C’était peut-être ce qu’il souhaitait, mais Anathema était incapable, fondamentalement, de lui apporter ce qu’il désirait. Alors, il se taisait.
Ça ne gênait pas sa mère, par contre, qu’il se taise. Il préférait l’écouter parler à voix haute, comme si elle était dans un amphithéâtre à Oxford, à donner cours. Il préférait l’écouter et lire en silence ce sur quoi elle travaillait. Il ne comprenait pas tout, il lui manquait des éléments. Mais il arrivait à saisir en quoi ce qu’elle faisait était important. Ça touchait au langage, ça touchait aux formules magiques, à la religion. A ce qui est sacré dans ce qu’on dit et comment on le dit. Il y avait des runes, des hiéroglyphes, du latin, du grec, de l’hébreu, et toutes les langues indo-européennes connues. Quelques-unes africaines aussi, mais c’était encore nouveau. C’était à la fois sorcier et moldu, sans grande distinction car pour quelle utilité, sinon restreindre l’accès au savoir dans ces domaines particuliers ? C’était les mots de sa mère, les cours qu’elle faisait, ses commentaires sur les copies et dossier qu’elle corrigeait. Et lui, qui restait dans cette pièce lumineuse de bois clair. Intimidé, mais buvant son thé aux épices ou aux agrumes. Il l’écoutait, étant comme une éponge pour ses questionnements et ses raisonnements.
Et ça ne lui déplaisait pas.

Cet Eté, le bureau avait été vidé.
Depuis Mai, apparemment, le bureau de sa mère était vide.

Depuis Mai, son père semblait, non pas plus joyeux, mais plus extatique. Comme s’il venait de mettre le doigt sur quelque chose.
Et depuis Mai, son bureau c’était rempli.

C’était un bureau carré, de bois sombre hormis quelques tentures et décorations sobres. C’était un bureau un peu plus grand, de travail. Il y avait des dossiers bien rangés concernant les affaires qu’il traitait en tant que Magenmage pour le Ministère. Il n’en sortait quasiment pas, sauf pour l’heure des repas.
Anathema n’aimait pas l’heure des repas.
Parfois, il y restait même pendant les repas.
Et ces soirs-là, tout allait mieux. Même s’il pouvait venir à tout instant.

Il n’était jamais tranquille, sa présence serait toujours là, entre les murs. Son aura avait imprégné les murs du château Lyndon, comme de la poisse. L’hiver, d’ailleurs, les murs de pierre dans les cachots se mettaient à suinter. Et souvent, le jeune enfant sortait voir si ce n’était pas de la boue noire. Pour vérifier.

Le soleil commençait à devenir de plus en plus insistant derrière ses volets et ses rideaux. La fenêtre avait été laissé ouverte car il préférait dormir comme ça. Il avait l’impression de ne pas pouvoir respirer sinon. Il se sentait enfermé. Une nuit idéale comprenait une porte fermée à double-tour de l’intérieur, pour repousser les éventuelles intrusions et une fenêtre ouvertes mais aux volets entre-ouverts : pour laisser passer l’air frais et ne pas être trop embêté par le soleil. Parce que sa chambre donnait de ce côté. Après, il n’était pas obligé de dormir dans une telle position, mais là allait sa préférence.

Le rayon venait dessiner des formes et des motifs sur ses draps, ses coussins et lui-même. Ça commençait à lui chatouiller les rétines.
Alors, progressivement, en douceur, il se mit en position assise. N’y allant pas trop vite, pas d’un coup. Il s’appuyait sur avant-bras, puis ses mains. Ce n’était pas difficile, en soi. Simplement le chemin pour y arriver. Il préférait ne pas faire de malaise dès le début en se redressant et en se levant trop vite. Car cela arrivait bien trop souvent. Et qu’il se devait d’être à l’heure pour le petit-déjeuner, bien qu’il serait probablement encore seul en bas. Il était trop tôt pour ses frères et sœurs plus jeunes mais peut-être, avec un peu de chance, trop tard pour devoir se confronter à son père.

A l’idée, il se sentit mal. Une nausée le prit, un spasme suivit, mais rien ne sortit de sa bouche. Il n’avait pas déjeuné la veille au soir, il n’y avait donc rien à sortir. Et ce n’était probablement pas un problème d’estomac ou de digestion (bien que cela soit fréquent avec lui). Non, c’était un problème de confrontation. D’idée, tout simplement, de se retrouver en sa présence.

Il tâcha de ne pas y penser et, afin de chasser l’idée de son esprit, se leva brusquement. Soudainement, il se sentait fiévreux, avait probablement transpiré pendant la nuit. Il anticipait et les mots tournaient et tournaient dans sa tête. Quelque chose qu’il avait caché, là, il y a des années, sous des briques et des briques.

Nerveux, il partit à grands pas dans la salle de bain attenante à sa chambre, le pas pressé, avant de s’accrocher au lavabo. Ça va aller. Tout va bien se passer. Il ne croisa pas son regard dans le miroir et préféra se livrer à ses ablutions matinales, frottant peut-être avec un peu trop d’énergie sa peau déjà si sensible.
Une demi-heure plus tard et le voici prêt à affronter tous les impératifs de sa journée. Il était encore très nerveux mais il savait qu’il devait garder ça pour lui, ravaler son angoisse et espérer de nouveau que cette dernière sera digérée dans son estomac. Il espérait surtout qu’elle n’aurait pas la bonne idée de remonter quand il aurait enfin réussit à garder quelque chose dans son estomac.

Les jambes quelques peu tremblantes, les mains aux doigts qui se serrent et se desserrent, il sortit de sa chambre, poussant les lourds battants de la porte, avant d’emprunter le long couloir sombre menant à l’escalier jusqu’à la salle à manger du château Lyndon. Un pas, après l’autre. Il gardait sa respiration sous contrôle, mais son cœur avançait plus vite que lui. Comme son esprit, il partait au gallot.

Il descendit lentement les marches, s’appuyant sur la rampe, ne faisant pas attention à ce qui se passait autour de lui, préférant se concentrer sur ses pas, sa marche, sa progression inévitable. Un pas, après l’autre.
Il aimerait s’enfuir mais où ? Pourquoi ? Il ne devrait pas avoir de telles pensées, il n’était pas malheureux ici.

Il lui semblait qu’on lui étirait le cœur avec une pince quand il passa devant le bureau de sa mère. Ouvert, vide, impersonnel. Il s’y arrêta un instant.
Juste le temps de discerner le bruit régulier de pas s’approchant.

Des pas résonnant sur le parquet classique et vieillit de la demeure. Des pas assurés, soutenant une certaine prestance. Des pas que son ouïe sensible arrivait parfaitement à reconnaître. Il avait en mémoire les pas et la démarche de chacun des membres de sa famille. D’abord ceux de son père, pour être certain d’avoir un endroit où se cacher, si jamais il devait les entendre. Ensuite ceux de sa mère, quand elle venait vérifier qu’il avait bien complété les exercices qu’on lui avait demandé. Enfin, ceux de ses frères et de sa sœurs. Un peu plus bruyants. Un peu plus vivants, peut-être.

Les pas se rapprochèrent, jusqu’à finalement s’arrêter à ses côtés. Il ne leva pas la tête du bureau vide qu’il était en train de fixer. Mais il ne semblait pas nerveux, ou tendu. Sa respiration était calme et en déglutissant doucement, il se rendit compte que son cœur ne battait finalement pas si fort.

« - Tes affaires sont prêtes Anathema ? »

Il acquiesce, doucement, pour répondre à sa mère, son bureau comme horizon.

« - Tu as pu déjeuner ? » Un autre hochement de tête affirmatif. Il n’avait pas envie de descendre davantage, marcher vers la salle à manger, passer devant le bureau de son père.

« - Bien. Je vais t’accompagner à la gare alors. »

Il était encore un peu tôt, pour aller à la gare, si le train partait à midi. Pas si tôt que ça, mais tôt tout de même.

« - D’accord. »

Son premier mot de la journée, sa tête légèrement incliné en direction de sa mère pour voir que cette dernière l’invitait à le suivre. Et c’est ce qu’il fit. Ils descendirent tous deux les marches menant au hall d’entrée et tout de suite, il se sentit plus rassuré. Plus détendu peut-être.

Ses valises l’attendaient en bas. Il prit avec lui son sac de voyage qui ne le quitterait pas, tandis que sa mère fit léviter la lourde malle derrière eux.
Tandis qu’elle lançait le sortilège, il s’intéressa non pas aux mouvements de la main et de la baguette, comme il avait pu la voir faire tant et tant de fois, mais à sa voix, à son visage.
C’était moins assuré que d’habitude. Un peu cassé.

Il se mit à penser aux tasses de thé, en porcelaine, que l’on fait tomber par terre. Qui se brisent et ne peuvent pas se recoller.
Oh, bien sûr, il y a la magie. Mais ce n’est pas la même chose. Parce qu’on sait, que la tasse a été brisé.

Il regarda sa mère, avec son regard d’enfant lucide, qui ne comprenait pourtant pas comment déchiffrer les émotions sur les visages humains. Il comprenait simplement de façon empathique, comme une éponge. Il sentait, que quelque chose n’allait pas, mais ne savait pas pourquoi. Ça demeurait du domaine du mystère, de l’inconnu. C’était donc un malaise.

Sa mère lui tendit la main, le visage fermé. Il la glissa dans la sienne, doucement, presque hésitant et fut surpris, de la sentir serrer soudain si fort. Les bagues qu’elle portait à la main lui faisaient mal, mais il ne dit rien. Il ne lui prenait jamais la main.

Ensemble, ils sortirent par la porte principale. Doucement et tranquillement, par cette matinée au soleil joueur. Ça sentait la fin de l’été, mais l’on était encore loin de l’automne.
Ils marchèrent longtemps, ainsi, la malle lévitant derrière eux avant de rejoindre l’autre main de sa mère. Jusqu’à la limite du domaine, pour être exact. La limite pour pouvoir transplaner.
Et à peine l’eurent-ils atteinte, qu’ils disparurent tous deux dans un CRAC sonore. Lui, se mettant à serrer la main de sa mère en retour. Sans pour autant réussir à y mettre autant de force et d’intensité qu’elle semblait voulait lui transmettre en le tenant ainsi.

Avant le transplanage, il se demanda, fugacement, pourquoi son regard avait semblé si mouillé, en regardant une dernière fois le château.
Dernière modification par Anathema Lyndon le 16 sept. 2019, 18:30, modifié 1 fois.

Method in the Madness
Ière année RP : 2043-2044
Théana : there's alchemy between us

16 sept. 2019, 17:51
 Solo  Les adieux à la Reine  TERMINE 
Dans sa vie d’enfant, il avait assez peu transplané. Du moins, via transplanage accompagné uniquement. Et en était assez heureux. Parce que c’était véritablement une sensation insupportable. Cette impression d’être étiré, essoré puis recracher de la gueule d’un gros monstre marin et antique. Ses jambes auraient lâchées et il se serait retrouvé sur le sol si la main ferme de sa mère ne l’avait pas maintenu droit.
Elle-même était très droite, dans sa posture élégante et assuré. Son visage portait les traits de longues lignées, d’un héritage. Près d’elle, il reconnaissait son parfum aux accents de jasmin. Ça le rassurait. Il avait toujours beaucoup aimé cette odeur. Sa longue jupe haute cintrait sa taille fine et descendait jusqu’à survoler ses bottines noires. Son chemisier crème complétait la jupe couleur taupe qu’un manteau dans les mêmes tons bruns venait souligner. La seule touche de couleur se situait dans son foulard, nouée de manière élégante autour de son cou délicat. Un foulard offert par la sœur de sa mère, s’il se rappelait bien. Ou sa mère, peut-être. Il savait simplement qu’elle y tenait beaucoup. Et c’était son foulard, qui portait le plus de parfum.

Sa tenue, Annabelle Lyndon, née Rosenthal, elle la cultivait jour après jour. Y ajoutant ou y retirant des accessoires comme la montre qu’elle portait au poignet ou ses bagues. L’armoirie des Rosenthal, une rose épanouie dans une couronne d’épines, reproduite dans sa bague dans un camé. D’autres bagues se trouvaient sur ses doigts. Il reconnaissant celle avec le petit grenat, et le bracelet de perles délicat, qu’elle affectionnait beaucoup. Il voyait également, la petite chaîne en or, autour de son cou, reposant tranquillement sur sa gorge.

Son observation fut coupée par la main qui le tenait. Comme une laisse autour du cou, il sentit un mouvement brusque et, de ses jambes d’enfant, trottina au côté de sa mère qui avançait d’un pas vif et décidé. Le bruit de ses talons claquait sur le sol dans un rythme régulier sur lequel il se concentrait. Regardant autour de lui, essayant de ne pas marcher sur les crevasses, serrant la sangle de son sac et restant près sa mère quand un bruit trop fort se faisait entendre.
Il aurait aimé se boucher les oreilles, mais il ne le pouvait pas. Le monde moldu était bien trop bruyant. Ça parlait, ça claquait, ça klaxonnait. Il se sentait trembler progressivement. Alors, la pression autour de sa main augmentait. Il sentait la chaleur et le jasmin, tâchait de se détendre en calant ses battements de cœur et sa respiration sur les bruits de pas de sa mère.

Enfin, ils arrivèrent à la gare.

C’était toujours aussi impressionnant. Mais dans une atmosphère fondamentalement différente de celle de l’année dernière. Plus d’appréhension de ce qu’il y aurait derrière le mur de brique car déjà, ils se retrouvaient sur le quai. C’était allé si vite. Les pas sont si rapides. Ils semblaient s’être fait moins vivaces cependant, au fur et à mesure. Apparaissant plus calme, plus serein, mais toujours déterminés.

Il entendit les bruits d’une conversation avant de plonger en compagnie de sa mère de l’autre côté du mur.

En parallèle avec les voies moldues, la voie 9 ¾. Tout aussi bruyant. Il y avait des enfants, des parents. Mais le climat semblait plus tendu, plus appréhensif. Quand il détournait le regard, il ne voyait plus que du noir de partout. Ça n’en finissait pas.

On leur demanda leurs papiers et pour la première fois depuis le début du trajet, ils s’arrêtèrent et sa mère lui lâcha la main, afin de tendre leurs cartes d’identité auprès de celui qui les avait demandées. Il observait la main de sa mère. Le passage des ans sur la construction et la définition de tous ces muscles et ces os. Si fragile. Sa main à elle était délicate. Ça sentait toujours le jasmin, il voyait toujours ses bagues, mais une autre odeur, plus pesante, s’était ajouté aux autres. C’était lourd. Comme s’ils étaient sous verre.
Ses mains étaient serrées les unes contre les autres et il se prit à se balancer légèrement d’un pied sur l’autre. L’homme au manteau noir qui détenait leurs cartes d’identité le regarda un instant avant de leurs rendre leurs papiers. Il semblait satisfait. Sa mère moins. Il discernait un pli distinctif dans sa mâchoire. Une crispation.

Mais elle n’en dit rien, n’en paru rien, demeura poli. Lui avec, de façon monotone et automatique. Parce que la politesse était avant tout une question d’éducation. Presque rien n’était inné en ce monde.
Mis à part la Magie.

Et pourtant, à quoi pouvait bien servir ce don, quand on était incapable, comme lui, de l’utiliser ?
Il n’arrivait pas à se défaire de son blocage, ne voulait pas retourner à l’école de Poudlard.

Il voulait que sa mère lui prenne la main de nouveau.

Ils marchèrent, l’un à côté de l’autre, le long du quai. Il y avait un peu de monde, mais ce n’était pas encore l’heure de pointe. Le train était là, attendait patiemment qu’on le remplisse d’occupants. De jeunes occupants. Avec une couleur de sang indiscernable de toutes les autres couleurs de sang.
Il lui semblait qu’il y avait bien moins de monde que l’année dernière.

C’était lourd, ça puait la tension. Il discernait de moins en moins le jasmin.

Enfin, sa mère s’arrêta. Ils n’avaient pas marchés bien longtemps. Ou peut-être était-ce simplement passé trop vite. Il la regardait toujours, appréhensif, sans pour autant prendre la parole. Il voyait dans son regard qu’elle voulait lui dire quelque chose. Ce n’était pas le même regard que l’année dernière, quand elle lui avait dit « au revoir ». Aux vacances prochaines. Ce n’était pas le même. C’était un peu plus trouble. Un peu plus éloigné. Un peu plus pressé.

Dans un wagon, sa valise fut placée. Il gardait son sac contre lui, attendant, comptant les minutes, les secondes. Il serait fort la sangle tandis que progressivement, il sentait un poids entre ses poumons, qui commençait à appuyer, petit à petit.
Un point de tension qui n’était pas là avant, et qui semblait s’être matérialisé brusquement.

Un point qui se mit à gonfler soudainement, quand sa mère s’agenouilla devant lui. Son parfum emplit tout son espace à lui. Elle avait retiré son foulard pour le mettre autour de son cou. Il ne sentait plus que le parfum de jasmin. Son parfum à elle qu’il aimait tant.
Et ses mains baguées serrait ses épaules, fort.
De son regard, elle attrapa le sien. Et il en fut comme saisit. Sur son visage, il discernait une expression qu’il n’avait jamais véritablement vue auparavant. C’était de l’inquiétude. C’était de la peur. C’était de l’empressement.
C’était une décision.

« - Anathéma, mon fils. » Elle serrait ses épaules, le regardant toujours. Il détestait le fait de rencontrer le regard d’autrui, mais se sentait comme happé par le sien. Comme si elle voulait en dire plus, tellement plus par ce biais-là. Et qu’en retour, lui, essayait de comprendre, d’assimiler. « - Promets-moi de veiller sur tes frères et ta sœur. »

Il lui semblait que le point qui s’était creusé une place dans sa poitrine venait de décupler.

Method in the Madness
Ière année RP : 2043-2044
Théana : there's alchemy between us

16 sept. 2019, 18:29
 Solo  Les adieux à la Reine  TERMINE 
Une horreur sans objet, encore indiscernable sous sa conscience ralentie, semblait murmurer à son oreille. Il avait du poids, dans le corps, dans le cœur. Ça descendait, mais il ne pouvait succomber. Les mains le tiennent. Et le foulard autour de son cou semble être celui d’un pendu.

La tête maintenue hors de l’égout. Il demeurait trempé. N’osait ouvrir la bouche, par crainte d’avaler, par risque d’avoir suffisamment de volonté pour vomir ce point de tension.

Il ouvre la bouche, mais ne dit rien. Le regard est trop intense, il aimerait détourner le regard. Comme un papillon de nuit suivant un phare. Il se sent brûler, à l’intérieur. Ça consume et ça laisse des cendres que son cœur en verre vient ensuite récolter.

Les mains contraignent ses épaules, il doit s’exprimer.

« - Oui, bien sûr. »

Ça tremblait un peu. Il ne savait comment le formuler, quelle émotion devait-il mettre derrière ? Fallait-il de l’émotion ? Il essayait de sonner vrai mais se sentait faux. Il ne comprenait pas ou peut-être, n’avait pas envie de comprendre.
Ses sourcils se froncent dans un « - Pourquoi ? » que la corne du train étouffe.

Mais sa mère l’a entendue, sa question. Il le sait. Il le voit dans son regard. Dans les émotions et ce qu’elle aimerait lui dire qui passent dans ce prisme décoloré. Il remarque la profondeur des cernes, le tremblement des membres.
Il est envahi par l’odeur de jasmin, s’y enfonce. Aimerait pour toujours sentir cette odeur car elle serait là, près de lui.

Des larmes commencent à lui monter aux yeux.
Il déglutit. Ravale les idées, les sentiments, les interrogations.

Elle ne répond pas. Et, doucement, vient retirer sa chevalière. La bague des Rosenthal. Avec ce camé de rose entourée d’épines. Elle lui prend la main, pour la lui placer au cœur de la paume.
Il se sent adouber. Sent un poids tomber. Comme un pacte, ou une consécration. Quelque chose qu’il ne comprend pas, toujours, et pour lequel les mots se bloquent.

Il aurait aimé resté endormi.

Son estomac vide lui semble douloureux mais sa main se referme par réflexe sur la bague tandis que sa mère se relève. Comme si c’était elle qu’il essayait de retenir par ce geste. Alors que déjà, elle est debout. Elle est grande. Lui-même le sera, un jour. Ils se ressemblent beaucoup. La structure faciale est similaire, les boucles de même. L’intellect et la culture ne manquent pas. Il est bien son fils, elle est bien sa mère. Et sa main devient de plus en plus douloureuse, à mesure qu’il serre la bague.
Elle vient, doucement, de quelques doigts, lui caresser le joue, remettre une boucle rebelle en place. Il distingue son regard, de nouveau, mais tout cela commence à lui être insupportable. Trop de signaux, trop de sous-entendus, de non-dits, d’impossibilité de communication.

Il aimerait parler, mais pour quoi dire ?
Et déjà, la main n’est plus là.
Déjà, elle est partie, lui tourne le dos.

Il n’a eu le temps que de la voir, une dernière fois. Contempler ses iris.
Son pas est rapide, sa figure élégante. Ses gestes assurés, obstinés, comme si le fait de se retourner allait casser l’instant.

En montant les marches le menant à son wagon puis sa cabine, il ne se rappelle plus s’il a pu lui dire « au revoir » ou non. Si elle, a bien formulé un « au revoir », ou si c’était autre chose. Il lui semble avoir perçu des sons, mais pas des mots. Tout est brouillé et sa vision, d’ailleurs, commence à être remplie de larmes, tandis qu’assit, seul dans son compartiment, il ouvre sa main et contemple sa paume dans laquelle est gravée une rose d’épines dans le creux. Il a serré trop fort.
Mais la marque finira par disparaître.

Rien ne reste, hormis les fumées qui encombrent sa vision et son esprit. Il se serre dans ses propres bras, son sac contre lui, les jambes repliées, tandis que le train démarre. Ses yeux embrouillés cherchent la silhouette de sa mère sans la trouver.
Il ne voit plus que du noir, partout.

Alors, fermant les yeux, il décide de placer son foulard sur son visage. Pour ne plus sentir que du parfum. Pour que le noir de sa vision soit un noir réconfortant, et non inconnu.

Le point dans sa poitrine s’est creusé. L’angoisse engloutit tout, et petit à petit, sa tête se vide, ne restant plus qu’un mot, coincé dans une boucle inaccessible :

Pourquoi ?


FIN

Method in the Madness
Ière année RP : 2043-2044
Théana : there's alchemy between us