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13 nov. 2016, 10:07
{PV} Au crépuscule de la Magie
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ARSENI STOYANOV


Je ne me souviens plus quand et comment j’ai commencé à m’intéresser aux affaires d’Aidan Bowers. Mais je sais qu’une fois plongé dedans, il m’a été impossible de m’en détacher. Ce qui était valable pour moi, l’était pour tous ceux qui essayaient, d’une façon ou d’une autre, de le percer à jour.

Cet homme était une énigme. Non pas au sens large du terme, car une bonne partie de sa vie nous était connue par le recoupement systématique et méthodique de témoignages ciblés et de documents administratifs dont la légalité ne faisait aucun doute, mais d’une façon plus insidieuse, si je puis dire. Il me laissait, comme il en avait laissé l’impression à tant d’autres avant moi, une sensation de perfection absolue orchestrée de toute pièce par un esprit brillant. Quiconque se plongeait dans le récit de son existence ne pouvait que reconnaître l’exceptionnelle destinée de cet homme, et finalement se demander comment, au vu de tout ce qu’il avait miraculeusement accompli, il avait pu basculer de manière si soudaine et si brutale dans les ténèbres. Avec le recul, je conçois que le charme magnétique du personnage soit pour beaucoup dans cette interprétation faussée que nous avions, moi comme d’autres, de ses actes. Durant très longtemps, l’hypothèse seule qu’Aidan Bowers ait pu joué la comédie bien avant les évènements qui avaient conduit à son emprisonnement avait été refoulée par la théorie, plus réaliste, et surtout plus confortable, d’un changement brutal dans sa vie. A ce moment là, Aidan Bowers n’était pas encore perçu comme un tacticien hors pair, mais comme un simple individu corrompu par une force mystérieuse. C’était évidemment se tromper sur toute la ligne.

Le génie de cet homme résidait précisément dans sa connaissance poussée des méthodes d’analyse de l’esprit humain, que son remarquable don pour la legilimancie n’avait fait que hisser à un niveau jamais atteint. Croire que cet homme ne lisait pas clairement en chacun d’entre nous ou ne percevait pas nos intentions les plus sourdes revenait à croire à n’importe quel conte pour enfants inventé de toutes pièces. Aidan Bowers n’était pas seulement un génie calculateur, c’était un monstre d’anticipation. Je m’en étais rendu compte tardivement ; mais à ma décharge, l’homme avait pris un si grand soin à maquiller la vérité qu’encore à ce jour, il m’arrive parfois de douter de ma propre analyse. Reste que mon intuition forgée dans les intrigues d’une vie de lutte et de privation à Durmstrang m’avait mise sur la piste de ses monstrueuses capacités de prévoyance. Dès lors, je n’avais plus réussi à considérer Aidan Bowers comme un illuminé, mais bel et bien comme un individu parfaitement sensé, capable d’hypnotiser des foules entières en fabriquant des tissus de mensonges si bien imbriqués dans la réalité qu’ils en devenaient parfaitement réels.

J’observais Kristen du coin de l’oeil et souris à la réponse qu’elle me fit. Avait-elle jamais perçu le réel potentiel de cet homme ? Je l’ignorais. Mais comme de coutume, cette éventualité, au même titre que les autres, ne semblait pas pouvoir éteindre le feu intérieur qui brûlait en elle. C’était, sans nul doute possible, l’aspect le plus captivant de sa personnalité complexe. Une force sur laquelle je n’avais pas regretté de capitaliser à une époque où elle n’était pas encore complètement consciente de son potentiel.


« J’envie votre enthousiasme, déclarais-je en tendant ma main droite vers la table de chevet. »

Je sortis une pipe fine de style japonais du tiroir. Le regard de Kristen m’en disais long sur son étonnement, quand bien même son faciès ne trahissait aucune forme d’étonnement. Une fois le bec logé entre mes lèvres, je repris possession de ma nouvelle baguette magique, me laissais une nouvelle fois surprendre par son contact si étranger à mes sens, et m’en servis pour allumer le fourneau de la pipe. La première bouffée de fumée blanche ne révéla aucune odeur. Pas plus que la seconde ou que toutes celles qui suivirent. Les feuilles qui se consumaient délicatement au coeur de l’objet provenaient d’une créature magique qu’on ne trouvait que dans les forêts japonaises. Le nom de cette créature ne me revenait plus en tête, mais je connaissais sur le bout des doigts l’effet de ses feuilles. Au-delà de leur force de stimulation pour l’esprit, elles avaient conservé l’étonnante capacité de leur propriétaire originelle, à savoir celle de saisir certaines pensées en vol et de leur donner forme.


« Voyou, il l’est toujours, dis-je en fixant le visage de Bowers qui venait de prendre forme au coeur du filet de fumée qui s’échappait continuellement de ma pipe. Mais d’une espèce dont je me serais volontiers passé, ajoutais-je en reposant ma baguette sur la table de chevet. Je ne sais pas ce dont vous vous souvenez à son sujet, mais mon intuition me dit que ce qui se passe aujourd’hui avait été préparé longtemps à l’avance. Je ne serais absolument pas surpris d’entendre de sa bouche qu’il s’y préparait déjà du temps où il était à Poudlard. »

Je tournais la tête de côté et exhalais un petit nuage de fumée par le nez. Mes pensées tournoyaient alors avec une précision sans égal dans mon esprit.

« Nous ne devons pas agir de manière conventionnelle avec lui, dis-je en plantant mon regard dans celui de Kristen, ma main droite tenant la pipe magique au niveau de ma cuisse. Nous ne pouvons pas nous le permettre, j’en ai peur. Bowers cherche à atteindre un but qu’il ne nous est pas permis de comprendre. Quand bien même nous le connaîtrions, j’ai le sentiment que cela ne ferait que nous induire en erreur comme tous les éléments que cet homme nous a volontairement laissé. C’est un fin calculateur. Probablement le pire qu’il m’ait été donné de voir. Pour l’atteindre, il nous faudra atteindre sa réalité. Par là, j’entends celle qu’il n’a jamais livré à personne, en tout cas d’après ce que nous pouvons supposer. A ce petit jeu, je me suis déjà avancé. Ma soeur travaille déjà à cette tâche. Malgré son réseau et ses compétences, je doute que cela suffise. Il vous faudra sans doute sonder votre mémoire à la recherche du moindre détail troublant, peut-être même traquer les traces qu’il a pu laissées derrière lui, au coeur même de Poudlard… »
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:51, modifié 1 fois.
18 nov. 2016, 19:50
{PV} Au crépuscule de la Magie
Arseni révéla, dans les minutes qui suivirent, beaucoup de choses intéressantes. D’abord, il fumait, et surtout, il fumait une drôle de pipe que Kristen n’avait pas souvent vu, ici, en Angleterre. Ce n’était pas une pipe de Sherlock Holmes, typiquement british et donc absolument géniale, mais plutôt une espèce de grand bâton fin, recourbé au bout. C’était presque une flûte, mais cela ne faisait pas de musique. En revanche, cela faisait de la fumée. Normal : c’était une drôle de pipe, mais une pipe tout de même. Elle avait levé un petit sourcil étonné en considérant le nouveau joujou du Ministre, et celui-ci l’avait remarqué. C’était un petit interlude hors-sujet qui détendait légèrement l’atmosphère en même temps qu’il l’enfumait. Kristen imaginait que cela devait donner un ton très sérieux à la conversation : « Nous allons maintenant parler de choses très importantes, mais pour cela, attendez, je dois prendre un air mystérieux en fumant ma nouvelle pipe. »

Kristen ne fumait plus depuis des années. Elle avait repris, l’année passée, d’accord. Mais ce n’était qu’une cigarette par-ci par-là, alors cela ne comptait pas. Elle avait presque définitivement arrêté à la naissance d’Owen. Elle avait parfois l’impression de fumer du cancer, et elle avait ce goût de pétrole dans la bouche après chaque cigarette, alors elle avait plus ou moins pensé : « pourquoi ne pas arrêter ? Ce n’est pas bon, après tout, ni de goût, ni de rien du tout. » Et surtout, la cigarette, c’était un petit rituel étroitement lié à Bal. Bal, elle n’en voulait plus. Elle l’avait jeté dans une cellule, tout comme ses paquets de Marlboro Light. C’était comme ça.

La fumée que produisait Arseni ne sentait rien, ce que Kristen trouva malgré tout bien pratique. Il aurait été mal vu qu’une chambre d’hôpital empeste le tabac froid. Cela aurait été assez paradoxal. En revanche, alors que les feuilles brûlaient dans le fourneau – des feuilles qui n’étaient vraisemblablement pas des feuilles de tabac, donc, ce qui ne manqua pas d’étonner un peu plus Kristen -, la fumée prit des formes incroyables. Le visage d’Aidan Bowers se dessina avec la fumée. La directrice de Poudlard ne put s’empêcher d’avancer un peu la tête vers l’avant et de plisser les yeux le temps de cette brève apparition.

Kristen écouta attentivement les paroles d’Arseni. Finalement, l’effet fumée magique lui donnait effectivement un air plus sage. On aurait presque dit un vieux samouraï à la retraite qui aurait voulu donner des conseils de guerre à son apprenti, le tout sous forme d’énigmes étranges entre deux ronds de fumée. Kristen ne se sentait pas du tout l’apprentie de qui que ce soit, mais elle avait un peu tendance à trouver qu’Arseni avait pris dix ans d’un coup. Elle se demanda si elle ne lui avait pas trouvé un tout petit peu plus de charme lorsqu’il était encore jeune et ravagé, c’est-à-dire comme il était il y a deux mois.

Heureusement, la mission donnée par ce sage fumant improvisé était assez excitante pour émouvoir Kristen. Un sourire sombrement ironique naquit sur ses lèvres. Ne pas agir de manière conventionnelle… Avec ce que venait de vivre Arseni, cela ne pouvait vouloir dire ce que Kristen espérait, mais elle l’espérait tout de même. Si elle pouvait enfin ne plus avoir le Ministère sur le dos, et être libre d’agir librement, enfin, et efficacement ! La menace Azkaban pesait toujours – c’était une menace fantôme - à chaque mouvement de travers qu’elle aurait pu faire. Arseni, même s’il était ministre, ne pourrait pas toujours être là pour la tirer d’affaire.


« Pas de manière conventionnelle ? »

Elle n’avait pas osé demander s’il s’agissait d’une quelconque autorisation ministérielle officieuse (les autorisations ministérielles avaient de toute façon la fâcheuse tendance d’être officieuses, quand il s’agissait de sujets tabous : Kristen avait déjà pu l’expérimenter). Néanmoins, répéter ces mots prononcés par Arseni ferait certainement comprendre au Ministre quels espoirs inavoués Kristen plaçait derrière eux.

Elle n’avait pourtant l’air de rien. Elle rêvait de pouvoir faire les choses vite et bien, maintenant, tout de suite, mais elle resta très calme en façade. Elle croisa les bras avec beaucoup de retenue. Elle n'attendit pas, au final, de réponse d'Arseni.

« La rumeur disait que Bowers… »

Elle ne voulait pas l’appeler Aidan. C’est inconvenant d’appeler un méchant par son petit nom, quand on est du côté des gentils. D’ailleurs, ce n’était pas non plus seulement « la rumeur » qui disait que. Mais encore une fois, la distance était de mise.

« … avait déjà de grands projets, à cette époque. Et il se débrouillait pour obtenir tout ce qu’il voulait. »

Elle croyait faire confiance à Arseni, mais elle s’apercevait, au fil de son discours, que sa retenue cachait quelque chose en elle-même. Peut-être avait-elle peur du jugement qu’il pourrait faire. Peut-être l’associait-elle involontairement et inconsciemment au Ministère, qu’elle n’appréciait « pas plus que cela ». Qui n’aurait pas associé le Ministre au Ministère, me direz-vous ? L’idée avait été désespérément utopique.

Pas un seul instant, d’ailleurs, elle ne voulut évoquer la découverte du plan d’un des repaires de Bowers, plan qu’un agent postal de Pré-au-Lard, un certain Kayle, lui avait remis quelques mois plus tôt. Hors de question d’impliquer le Ministère et ses ordures incompétentes. Cette information aurait pourtant sans doute été très précieuse pour les enquêtes sur Aidan. Agissait-elle en traîtresse en ne disant rien ? Peut-être. S'en souciait-elle ? Pas le moins du monde. Elle se faisait confiance et avait la sensation d’agir justement. Elle avait toujours eu l'idée que les personnes qui agissaient justement finiraient par être comprises, même si ce n'était pas évident au premier coup d’œil.


« Je sonderai chaque recoin de Poudlard - et de ma mémoire - à la recherche du moindre indice, soyez-en sûr. »

Ses souvenirs étaient déjà assez précis. Elle n'avait pas réellement attendu le feu vert d'Arseni pour se replonger dans ces années-là. Elle ne jugea cependant pas utile d'en dire plus au Ministre - c'est ce qu'il était, finalement !- pour le moment.

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20 nov. 2016, 12:28
{PV} Au crépuscule de la Magie
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ARSENI STOYANOV


Il n’était pas dans la nature d’Arseni de ne pas apporter un soin particulier aux détails qu’il souhaitait mettre en place. C’était également aller à l’encontre de l’éducation qu’il avait reçue. En digne fils de Durmstrang, il avait émis un certain nombre d’hypothèses quant à la manière d’aborder le problème Bowers. Au fil de ses réflexions, le nombre avait été réduit de moitié pour ne conserver que le socle le plus solide, celui duquel il comptait bien tirer la meilleure force d’action. A partir de là, Arseni avait commencé à battre ses cartes et, constatant que son jeu laissait à désirer, s’était attaché à en revoir les règles : la restructuration massive du ministère était née. Kristen n’en savait encore rien, mais au cours de la deuxième moitié du tournoi des Trois Sorciers, Arseni avait profité de la couverture surmédiatisée de l’évènement pour faire passer une série de petites réformes structurelles dans l’ignorance générale. Souriant, Arseni bloqua sa pipe entre ses lèvres puis il ouvrit le second tiroir de sa table de chevet pour en extirper un document officiel qu’il présenta à Kristen.

« A compté de cet instant, ce document vous place en dehors de nos lois et de tous nos moyens de détections magiques, annonça-t-il en guettant la réaction de Kristen. Ce qui fait de vous un fantôme au regard du ministère. Ce document a une validité d’un mois que je m’assurerais de vous renouveler le temps, pour vous, de mener votre enquête à bien. »

Il referma doucement le tiroir de la table de chevet pour ne pas troubler la lecture du document. Puis, tirant régulièrement sur sa pipe, il observa la fenêtre et ce qui se situait au-delà en attendant que Kristen en termine. Quand se fut chose faite, Arseni la regardait de son habituel regard perçant.

« La bataille des Puits Noirs n’était qu’un prélude à toutes celles qu’il me faudra mener pour mettre un terme à cette institution gangrenée. »

La gangrène commençait par la possibilité, pour un ministre de la Magie, de pouvoir nommer n’importe qui au sein de l’institution aux postes-clé : les sous-secrétariats. Les mêmes sous-secrétariats qui, s’ils suivaient naturellement les directives ponctuelles du ministre de la Magie, suivaient avant tout celles de leurs têtes pensantes : les sous-secrétaires d’état. Aussi, n’y avait-il rien de surprenant à voir des départements entiers sombrer dans l’illégalité pour peu que cela plaise à leurs sous-secrétaires d’état et soit ingénieusement caché au ministre de la Magie.

« Bowers… Lynch… Au nom de sous-secrétaire d’état aux Mystères, Arseni accentua son sourire pour signifier à Kristen qu’il savait et qu’il en savait bien plus encore que ce qu’elle avait soupçonné. Ne sont pas des produits du système. Le système leur a seulement permis de s’exprimer librement, contre l’intérêt même de la communauté. L’absurdité et l’illégalité de leurs actions ont condamné le ministère tel qu’il est. Bientôt, il ne restera plus rien de lui. Les choses changent. Plus aucun tyran ne pourra survivre au système car le système le musellera… et je tiens à museler Bowers avant qu’il n’entraîne la mort d’un plus grand nombre de personnes, comme je vais museler Lynch… »

Arseni regardait de nouveau vers la fenêtre, fuyant le regard de Kristen et le souci du détail pour une fois.


« Poudlard me manque, dit-il d’un ton solennel. C’est un monde à part imbriqué dans un univers bien plus vaste et dangereux. De la même façon que je vous faisais confiance pour le diriger, je vous faire à présent confiance pour le protéger. Le ministère n’interférera plus jamais dans les affaires de l’école. Vous voilà désormais libre comme l’air, mon amie… »

Sur ces mots, le texte sous les yeux de Kristen se métamorphosa en un autre, tout aussi officiel que le premier, qui assurait pour une durée d’un millénaire, l’indépendance totale de Poudlard vis à vis du ministère ; tant sur le plan de sa protection, du choix de son dirigeant, que celui des programmes enseignés, du traitement des populations magiques vivants sur son domaine, domaine devenu par ailleurs propriété entière de corps professoral de l’école, et de tout un tas d’autres prérogatives. A bien regarder Arseni à cet instant, on percevait un certain relâchement dans sa posture. Plus encore, on remarquait que le ruban de fumée qui s’échappait en permanence de sa pipe avait pris la forme du château de Poudlard étincelant sous des rayons de soleil. Le Poudlard idéalisé de ses songes.
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:51, modifié 1 fois.
20 nov. 2016, 16:57
{PV} Au crépuscule de la Magie
Kristen avait saisi le document le plus simplement du monde, avec un visage qui ne comprenait pas tout à fait ce qu’il se passait. Elle écouta Arseni présenter ce document. Elle sentit presque ses oreilles s’agiter à l’annonce de la nouvelle. Elle passa son regard du document à Arseni, puis se plongea dans la lecture de ce document à nouveau. Ce qu’elle n’avait fait qu’imaginer avec un peu de cette déception que l’on éprouve face à l’impossible se réalisait maintenant. Elle serait libre d’agir comme elle le souhaitait. En d’autres termes, cela signifiait que le Ministère ne serait pas très regardant sur la méthode tant que les résultats étaient là. Arseni savait probablement ce que c’était de priver un utilisateur occasionnel de magie noire de son outil : c’était comme lui couper la main. Sans mauvais jeu de mot en rapport avec celle d’Arseni.

Kristen lisait chaque ligne du document avec une l’attention excitée d’un enfant qui savoure un cadeau de Noël. Lorsqu’elle eut terminé, elle releva les yeux vers Arseni. Elle espérait que son enthousiasme ne serait pas trop visible, mais elle sentait pétiller ses yeux alors que ses lèvres se bornaient à rester figées dans une non-expression factice.

A ce moment, Kristen ne regretta pas d’avoir voté pour lui lors des dernières élections. Elle ne l’avait jamais regretté, à vrai dire, et il lui avait semblé complètement naturel de lui accorder son vote après les événements de Poudlard, la Bataille des Puits Noirs, et tout ce qui avait tourné autour… Comment aurait-elle pu voter pour Newt Forest, pro de la politique politicienne – donc tout ce que Kristen détestait – ou George Hudson, qui avait pu se présenter uniquement parce qu’il en avait dans le porte-monnaie ? Aujourd’hui, pourtant, elle avait fini d’être convaincue. Arseni se montrait sous un nouveau jour : ce n’était plus juste l’homme de la bataille des Puits Noirs qui était là, simplement parce qu’il était une sorte de héros qui manie suffisamment bien sa baguette pour protéger les autres, c’était l’homme d’Etat décidé et fort qui était enfermé dans cette prison d’hôpital. Un homme qui faisait des promesses, certes, mais qui commençait doucement à les tenir – même si ce n’était que via des bouts de papier aux grands pouvoirs. Un homme qui pouvait changer les choses, racler la pourriture du Ministère ; déjà, parce qu’il en était conscient et ne la tolérait pas. C’était rare.

Kristen observait Arseni avec une certaine admiration. Elle espérait sincèrement qu’il parviendrait à purger le Ministère de tous ces insignifiants rats corrompus tant par l’argent que par leur simple ambition. Lynch compris. Elle s’en réjouissait. Elle ne l’avait jamais senti, celui-là.

La directrice de Poudlard, alors qu’Arseni lui indiquait des yeux de replonger son regard sur le document qu’il lui avait donné plus tôt, obéit à cette indication. De nouveaux pétillements prirent racine dans ses yeux et un tout petit sourire retenu fit bouger ses lèvres. A mesure qu’elle parcourait le document, celui-ci prit plus de réalité dans son esprit, et son sourire ne put être retenu plus longtemps.

Elle s’en voulut d’avoir tant douté d’Arseni, de l’avoir vu devenir un enraciné du Ministère, embourbé malgré lui dans ses contraintes et son système figé.

Et il l’avait appelée « mon amie ». Jusque-là, cela avait été entendu et tacite, mais entendre ces mots prononcés faisait toujours à Kristen un drôle d’effet. La première personne à l’avoir qualifiée ainsi – et la seule qui comptait, d’ailleurs, avant Arseni -, c’était Aude. C’était un petit mot tout simple mais qui lâchait un grand souffle de chaleur dans tout votre être. D’ailleurs, la directrice de Poudlard sentit presque cette chaleur lui remonter jusqu’aux joues, mais elle crut que rien ne se verrait vraiment – elle pouvait dire merci à son blush. Kristen ne put que s’en vouloir un peu plus de ne pas avoir fait confiance à Arseni comme il lui faisait confiance.

Elle hésita sur ce qu’il convenait de dire à cet enfant de Durmstrang amoureux de Poudlard. Finalement, elle trouva ce qui serait à peu près bon :


« Merci. »

C’était simple et vrai. Cela lui rappela une lointaine scène, où elle était elle-même allongée sur un lit et où Arseni se tenait à son chevet. Maintenant, les rôles étaient inversés, mais c’était toujours elle qui disait merci. Il y a beaucoup de choses qui changent. Il semblait à Kristen que tout ou presque – en elle, en tout cas - avait changé depuis ce moment-là. Mais il y en a aussi certaines qui ne changent pas.

Elle voulut alors se rattraper de ses pensées négatives de tout à l'heure.


« J'ai obtenu une information importante, il y a quelques mois. Grâce à cet agent postal de Pré-au-Lard... »

Elle fit une pause. Elle se rappela que l'agent postal en question avait disparu de la circulation quelques jours après le passage de Kristen dans son bureau. Elle savait pertinemment que c'était sa faute. Elle ne culpabilisait pas plus que cela d'avoir probablement détruit la vie de ce moins que rien, mais elle n'était pas non plus désireuse de s'étendre sur le sujet.

« Un plan d'un quartier général de l'organisation de Bowers. Je n'ai pas l'intention de vous le montrer, ni à personne d'autre, d'ailleurs... Mais c'est un peu grâce à vous que je l'ai obtenu... Alors maintenant, vous êtes au moins au courant. »

Par ces paroles, elle lui montrait qu'elle lui faisait relativement confiance. Plus que si elle n'avait rien dit du tout, en tout cas. Avant qu'Arseni ne put poser plus de questions - même si Kristen doutait qu'il en posât -, elle lui fit un sourire en coin et se dirigea lentement vers la porte.

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