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22 août 2017, 22:45
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 
Reducio
Rappel des événements : Ce RP fait suite à celui nommé Isolement personnel avec Dylan Swanson. Si vous n’y avez pas accès, en voici un très bref résumé : Tyr et Dylan se trouvaient dans les toilettes lorsqu’à la suite d’une dispute, le second frappe le premier d’un collier pointu qui l’atteint à l’œil. Tyr tombe de douleur et se cogne dans un robinet. Inconscience, œil droit blessé, choc à la tête ; depuis, il ne voit plus que de son œil gauche. Sur recommandation de l’infirmière de Poudlard, il est envoyé à Sainte-Mangouste. Nous sommes aujourd’hui samedi : cela fait à présent deux jours que Tyr a perdu l’usage de son œil.




Tyr avait repris conscience, mais pas au point d’être complètement en phase avec son environnement. Il passait la plus claire partie de son temps l’œil fermé, à ressasser les événements passés. Le bruit du choc contre l’évier en pierre résonnait encore dans ses oreilles, aussi essayait-il de penser à autre chose. Eviter de revoir la scène, peut-être, pour essayer de l’accepter et de la faire disparaître de son esprit. Le visage de Dylan apparut sur le fond noir de ses pensées. Ce garçon. Tout était de sa faute. C’était lui qui sous le coup de l’impulsion avait attaqué Tyr, qui n’avait voulu qu’une seule chose : l’aider.

Au final, tout cela n’était qu’une répétition de choses. Il avait tenté d’aider Aelle : elle l’avait craint, elle avait fui, elle avait tout fait pour ne pas le recroiser. Il avait voulu réconforter Ambre : mais il n’avait plus jamais eu de ses nouvelles depuis. Comme si ce dessin n’avait servi à rien. Aider Gryffondor à gagner la coupe de Quidditch ? Poufsouffle avait soulevé le trophée. Pris soin du Bukavac ? Il avait révélé son existence à quelqu’un. Sa mère ? Toujours aussi folle. Les efforts du Gryffon n’avaient servi à rien. Malgré ses yeux fermés, il sentit une larme apparaître sous sa paupière. Tyr commençait à se rendre compte qu’il se leurrait. Que ce qu’il considérait comme de l’altruisme pouvait aussi porter préjudice à tous ceux qu’il rencontrait.

Et pour la première fois, il n’avait plus envie d’aider les autres.

Un bruit de porte qui s’ouvrit l’interrompit et le tira de sa réflexion ; le son des pas de plusieurs personnes fit irruption dans la pièce. Avec les yeux clos, Tyr avait l’ouïe plus fine ; aussi reconnut-il au milieu du petit boucan la sonorité si spéciale des tongs du docteur Andersen. Une dame dans la trentaine, l’air toujours décontracté, et souriante avec cela. C’était elle qui avait pris en charge Tyr la veille lorsqu’il avait été amené depuis Poudlard. Le pauvre bougre tenait à peine debout sur ses jambes, et sitôt allongé, il était retombé dans cette espèce d’état à mi-chemin entre le sommeil et l’inconscience. A son réveil, elle l’avait examiné longuement, en demandant toutes les trente secondes si elle ne lui faisait pas mal, si elle le dérangeait, s’il souhaitait remettre l’examen à plus tard. A chaque fois, il répondait non : malgré ce qu’il lui était arrivé, il ne souhaitait pas être seul. La petite troupe s’arrêta et Tyr sentit que quelqu’un se penchait au-dessus de lui. Une main se posa sur la sienne.


« Debout, petit garçon. Il y a quelque chose dont il faut que nous parlions. »

Tyr fit semblant de se réveiller. Toujours en gardant son œil abimé fermé, il regarda les gens qui se trouvaient dans sa chambre d’hôpital. Le docteur Andersen, qui le tenait par la main. Ses boucles brunes qui descendaient sur son visage n’arrivaient pas à cacher son air grave. De chaque côté d’elle, ses assistants. Et derrière l’un d’eux, un visage bien connu : des cheveux noirs en broussaille, des yeux rouges de larmes, un sourire fatigué. Tyr souffla et écarta les bras. Son père s’approcha et le serra. Fort. Il lui faisait presque mal, mais l’enfant ne lui en tint pas compte. Une fois qu’ils eurent terminé leur longue étreinte, le docteur Andersen jeta un regard à Owen, qui hocha la tête. Puis elle se tourna à nouveau vers Tyr.

« Tyr, nous avons fini d’examiner ton cas. Je suis venu pour t’expliquer ce qu’il va se passer à présent. »

Le garçon glissa sous sa couette et disparut de leur champ de vision. Il répondit tout de même d’un ton bougon :


« Oui. »

Il l’entendit prendre une grande inspiration. Elle se lança.

« Ton œil droit a été sérieusement atteint au niveau de la sclérotique… le blanc de l’œil. Il a été déplacé et percé lors du premier choc, puis lorsque tu t’es cogné le crâne à nouveau, il a à nouveau bougé. Aujourd’hui, il est inutilisable, et en plus de cela, dangereux pour ta santé : il pourrait s’infecter, et donner lieu à une septicémie. Une maladie grave. Aussi… il va falloir t’opérer pour que nous le retirions. »

Tyr accueillit la nouvelle avec un long silence. Il n’avait rien à dire. Il ne savait pas quoi dire.

« L’opération se déroulera demain, mais il reste une chose dont je dois te parler. Tu sais ce qu’est un œil de verre ? »

« C’est comme pour remplacer, mais on ne peut pas voir ? »

« Exact. Or il se trouve que ta cavité a été gravement touchée lorsque tu es tombée, ce sont des os très fragiles. Résultat, nous ne pouvons pas te poser d’œil de verre tant qu’elle n’est pas réparée et remise en place, mais cela va prendre du temps, et pendant cette période de temps, ton œil pourrait s'infecter. Je pourrais faire usage de la magie mais comme c’est une blessure au visage, il est trop risqué d’essayer. Aussi… »

« Je ne pourrais pas en porter ? » devina Tyr dans un sanglot.

« Ce sera impossible, en effet. »

Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»

24 août 2017, 13:52
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 


C’était l’une des sensations les plus désagréables qu’il lui avait été donné de connaître. En fait, il n’y avait pas de douleur : juste un vide qu’il lui était impossible de compléter. On lui avait retiré l’œil la veille, aux alentours de midi ; puis l’anesthésie avait prolongé son sommeil pour plus d’une heure après l’opération. A son réveil, Tyr avait voulu lever la tête pour regarder où il se trouvait ; mais la douleur du réveil après un sommeil forcé, combiné à son opération à la tête lui avait cloué le crâne contre l’oreiller sur le champ. Il était resté ainsi, au milieu des gens endormis pendant à peu près un quart d’heure, avant qu’on ne le remarque enfin. Il avait ensuite été reconduit dans sa chambre où le docteur Andersen l’attendait. Après s’être assurée que tout allait bien, elle était partie. Laissant le Gryffon seul dans sa chambre avec son père. Et pour la première fois dans toute sa vie, il s’était disputé avec lui.

Les disputes semblaient devenir la norme, ces derniers temps, dans la vie du garçon ; mais celle-ci resterait dans sa mémoire jusqu’à sa mort. Pour la première fois, son père remettait en question l’une de ses actions car il ne croyait pas à la version des faits donnée par Tyr. Il pensait qu’il y avait autre chose, et il blâmait Tyr pour la propre perte de son œil, alors que ce dernier n’en était même pas responsable. C’était quelque chose qu’il n’avait jamais fait pour la simple et bonne raison suivante : Augusta leur avait appris à tous les deux combien il pouvait parfois être dur pour une personne de se voir questionnée ainsi. Etant l’un des seuls héritages de la mère de famille qu’ils avaient encore, les deux garçons avaient fait survivre cette règle. Jusqu’à la veille. Tyr avait alors demandé à son père de partir, et ce dernier, surpris de se faire congédier ainsi, était parti sans même saluer son enfant. Alors, le Gryffon s’était soudain senti fatigué ; le sommeil prodigué par l’anesthésie n’était apparemment pas suffisant pour combler la fatigue. Il s’était endormi très vite pour se réveiller assez tard, chose qui était inhabituelle. Et pour trouver une surprise au pied de son lit. Un gros matou gris qui attendait assis, posé sur ses pieds, et qui le regardait avec de grands yeux orangés. Ojcu. Quelqu’un le lui avait apporté pendant qu’il dormait, et était reparti aussitôt. Un bienfaiteur inconnu ? Il allait sûrement préserver son anonymat un peu plus longtemps. Pour l’instant, l’esprit de Tyr était réservé à son matou. Il le prit dans ses bras et commença à le gratter derrière l’oreille.

Lui, il avait su le protéger. Quand l’oiseau de Dylan avait attaqué – même s’il s’agissait plutôt de l’inverse - ou encore quand il était lui-même monté sur le toit de la remise de Quidditch pour récupérer l’animal qui miaulait, coincé. Si Tyr avait un meilleur ami, c’était sans aucun doute l’animal qu’il tenait entre ses mains. Cette pensée était accompagnée de réflexions complètement ingrates vis-à-vis d’Ojcu, mais rien ne sortait de sa bouche. Non. Depuis, le silence était de mise. Une idée germa dans sa tête. Il mit son matou sur l’oreiller malgré les miaulements de protestation et mit pied à terre, au bas du lit. Pensant qu’il allait trébucher, il se tint fermement à son lit ; mais au final, l’épreuve était moins douloureuse que prévue. Il se rendit alors dans la salle de bain et s’arrêta face au miroir qui se trouvait au-dessus de l’évier.

Il avait cru qu’il pourrait voir l’état de son œil, ou au moins de ce qu’il en restait ; mais un énorme bandage blanc posé grossièrement sur la moitié droite de son visage l’empêchait de réaliser son souhait. Il aurait dû s’en douter ; on n’allait pas laisser son œil sans protection évidente le temps de s’assurer que les points de sutures et les tissus de l’œil cicatrisent. Mais son attention n’était plus sur sa blessure désormais : quelques mèches de cheveux lui manquaient. Elles avaient été grossièrement coupées lors de l’opération, semblait-il. Forcément. Avec des cheveux aussi épais que les siens, ils avaient dû gêner lors de l’opération et peut-être même lors de la pose du bandage. Lorsque le docteur Andersen lui retirerait le bandage, il ne serait pas beau, il en avait la conviction.

L’avait-il seulement été ? Il ne s’en rappelait plus vraiment. En fait, avec cet œil, c’était comme si tout une partie de lui était partie. Une partie de lui dont il avait honte, une partie à laquelle il n’avait plus envie de repenser. Cette partie qui avait eu tort d’être méchante. Qui lui avait coûté un œil.

Cette blessure, il la garderait comme un rappel. Un rappel de ses échecs.

Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»

27 août 2017, 10:06
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 


Ce matin-là, Tyr fut debout à la première heure. Tout d’abord parce qu’il avait oublié de tirer ses rideaux, la veille, et que le soleil l’avait réveillé en lui brûlant les yeux – enfin, l’œil. Mais aussi parce que le docteur Andersen, passé la veille au soir, lui avait dit qu’on lui retirerait le bandage aujourd’hui. Il était plus excité qu’apeuré à l’idée de découvrir l’état de sa blessure, pour être honnête. Pourquoi ? Il n’en savait rien. Peut-être était-ce ce tempérament si spécifique aux Gryffons que certains appelaient impétuosité, d’autres idiotie : en y réfléchissant bien, le garçon connaissait plusieurs personnes dont il savait à coup sûr qu’à sa place, ils se seraient cachés sous leurs draps pendant tout le siècle à venir. Il affronterait son nouveau visage avec courage la première fois ; les autres, il verrait cela plus tard.

Erreur de se réveiller si tôt : le docteur Andersen n’arriva qu’en fin de matinée accompagnée de sa clique habituelle. Il avait attendu tout ce temps dans son lit, sans n’avoir rien à faire, à lire ou à écouter, juste un chat qui ne semblait pas d’humeur à jouer avec lui et qui miaulait dès que la main de son maître arrêtait de le caresser. Quand la dame en blouse arriva, elle salua Tyr, attrapa le chat à la base du cou pour le poser par terre – ce qui fit protester le garçon – et se plaça près du bord du lit. Elle avait l’air épuisée : ses cheveux n’étaient pas coiffés, elle peinait à garder les yeux ouverts et baillait fréquemment. Elle n’avait peut-être pas dormi depuis la veille, pensa Tyr.


« Bonjour, petit garçon. C’est l’heure ! »

Tyr se mit assis sur son lit. Il en était si impatient qu’il oublia de la saluer également ; il avait hâte de voir à quoi ressemblait son nouveau visage. Il était assez réconfortant de voir comment, en quelques jours, il était passé du désespoir le plus total à une certaine forme d’optimisme teintée de regrets. Il ne pensait plus trop à son accident, à présent, mais plutôt à ce qui allait arriver maintenant que le jeune Gryffon aux cheveux rouges était borgne. Il allait bien falloir qu’il retourne en cours. Après tout, à seulement treize ans, il n’avait pas d’autres choses à faire. Comment serait-il accueilli là-bas ? Les gens ne seraient plus pareils avec lui. Tyr qui d’habitude pouvait marcher dans un couloir sans se faire remarquer allait là attirer tous les regards. Une personne avec un œil unique, vous ne passez pas à côté d’elle sans un chuchotement, un regard en coin, ou même une pensée, pour les plus discrets. Est-ce qu’être au centre de l’attention lui plairait ? Il n’en savait rien du tout. Il n’avait vraiment jamais goûté au succès et à la gloire – la coupe de Quidditch lui avait malheureusement échappé des mains avant qu’il n’ait pu y toucher – et ce n’était pas avec sa blessure qu’il allait se faire des amis. Le docteur Andersen posa les documents qu’elle tenait entre ses mains et se craqua les doigts : elle sourit.

« Je vois qu’on est pressé de retirer son bandage. Aller, mettons-nous au travail. »


Elle commença par défaire l’épais nœud à l’arrière de la tête et enleva les bandages un par un. C’était comme des dizaines de petits chocs lorsque les tissus blancs qui touchaient son visage se décollaient de sa peau, peau qui n’avait pas senti l’air extérieur depuis l’opération. En une minute et trente-deux secondes – Tyr faisait le décompte dans sa tête – elle avait terminé. Le docteur Andersen recula un petit peu, regarda Tyr, et frappa dans ses mains : malgré sa fatigue elle semblait radieuse.


« Tout est en train de bien cicatriser ! Je suis soulagée pour toi, petit garçon. »


Mais son sourire s’assombrit juste après.

« Est-ce que tu souhaiterais… te regarder ? »


Tyr acquiesça. En réalité, il n’attendait que cela. Le docteur fit un signe à l’un des assistants d’aller chercher un petit miroir portatif caché dans un recoin de la chambre ; il l’apporta au garçon. Celui-ci prit une grande inspiration et plongea son regard dans la surface réfléchissante.

Et tout l’optimisme qu’il avait engrangé ces derniers jours s’évapora en un coup d’œil.

Une chose était certaine : il n'était plus le Tyr d'avant. Ses cheveux avaient en effet été coupés par endroits pour ne pas gêner pendant l’opération : résultat, il avait une moitié de chevelure longue et buissonnante, et sur l’autre une véritable coupe de militaire. Ils n’y étaient pas allés de main morte. La partie qui avait été cachée par le bandage était rouge et boursouflée, mais cela disparaîtrait avec le temps. Tout redeviendrait normal avec le temps. Ses cheveux repousseraient eux aussi. Par contre, son œil… son œil, lui, ne repousserait jamais. A la place de son globe oculaire blanc et de son iris aux tons de brun doré se trouvait désormais un amas de peau fripée. Prenez votre main et serrez la paume sans la fermer complètement, de façon à ce que des plis apparaissent ; vous aurez alors une idée de ce qui se trouvait au-dessus de la joue de Tyr. Il fut pris de nausées, sa respiration ralentit, il avait envie de pleurer et de jeter le miroir. Non, il ne voulait pas cela. Il aurait voulu revenir dans le passé, délaisser Dylan à ses problèmes, le laisser seul dans cette foutue salle de bain et laisser couler toutes les larmes de son corps jusqu’à ce qu’il s’assèche et se fasse mal aux yeux, lui aussi. Et même plus : il aurait voulu revenir dans le passé et ne jamais rencontrer Dylan. Ne jamais rentrer à Poudlard. Rester seul à Edimbourg, avec ses animaux, à attendre que le temps passe. A attendre une occasion de s’échapper de ce monde si injuste avec lui. Ce monde qui continuait à s’acharner sur un petit garçon de treize ans qui n’avait demandé qu’à être gentil et juste avec les autres.

Lorsqu’il sortit de ses pensées, le docteur Andersen et ses accolytes avaient disparus.

Il était à nouveau seul. Seul avec son reflet, l’unique reflet de l’injustice elle-même.

Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»

28 août 2017, 23:42
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 


Tyr ne prit pas la peine de se lever, ce matin-là. Il resta allongé dans son lit toute la matinée, à repousser sans cesse son chat qui venait se blottir contre lui comme pour le réconforter. Du réconfort, il n’en voulait point. En fait, il ne savait pas du tout ce qu’il voulait. Pas de ses amis, pas de son père, pas de son chat, rien. Rien ne lui faisait plaisir actuellement. Vous me direz, monsieur Uynauge vient de perdre son œil ; forcément, cela peut quelque peu le mettre de mauvaise humeur. Mais en fait, c’était un mal plus profond que cela. Hier soir, avant de dormir, il avait repensé à la dernière fois où il avait ressenti un peu de bonheur. Cette sensation lui semblait si distante… ces derniers jours, seule la colère avait prédominé. Envers tout. Mais surtout envers une personne, de fait.

Que dirait-il à Dylan lorsqu’il le reverrait ? Plusieurs options s’offraient à lui. La première était bien évidemment la plus simple : ne jamais le revoir. Cela lui semblait être une bonne initiative. Lui pardonner sans toutefois accorder de seconde chance, une bien petite punition pour ce que lui avait infligé son ex-ami. La vengeance physique n’était pas non plus une option. S’abaisser à son niveau était inimaginable. Et puis, au fond de lui, cachée dans une toute petite partie de son cœur, l’esprit de Tyr savait que le but premier de Dylan n’avait pas été d’être violent. C’était pourtant une minuscule parcelle de son esprit mais qui avait résisté à la rancœur qui lui rongeait l’âme. Le meilleur moyen qui s’offrait à présent à lui était de l’ignorer, purement et simplement. Jusqu’à ce qu’une meilleure idée s’offre à lui.

La porte de sa chambre s’ouvrit. Par réflexe, Tyr ferma l’œil et fit semblant de dormir, pensant qu’il s’agissait encore du docteur Andersen ou de quelqu’un d’autre responsable de ses soins, enfin bref, quelqu’un qu’il ne voulait pas voir. Les bruits de pas lui indiquèrent que la personne se trouvait face à lui ; et il sentit son chat se mettre sur ses quatre pattes pour aller voir le nouveau venu. Dont la voix attrapa le cœur de Tyr et le serra. Augusta Uynauge était la dernière personne dont il attendait la venue. Dans son égoïsme à toute épreuve de ces derniers jours, le garçon n’avait pas du tout pensé à elle.

« Bonjour Ojcu. Non, ne réveillons pas Tyr… laissons-le profiter de ses rêves. C’est le seul endroit où il peut décider de ce qui lui arrive. »

Tyr ne comprit pas vraiment le sens de sa phrase. Dans le dernier rêve qu’il avait fait, il revivait sa chute dans les toilettes de Poudlard, et il n’avait nullement choisi de revivre ce moment atroce. Que voulait dire Augusta ? Et déjà, pourquoi était-elle ici ? Il se serait volontiers réveillé, lui aurait volontiers demandé de partir, mais les questions qui envahissaient petit à petit sa tête l’en empêchaient.

« Tu sais, Tyr, j’ai beaucoup de choses à te dire. A te raconter. Après tout, cela doit faire treize ans que nous ne sommes pas parlés. »


Nouveau silence. Sa mère lui faisait encore plus peur que d’habitude. Là, elle semblait extrêmement consciente. Non pas qu’il la préférait avec son si reconnaissable regard dément, ses paupières fatiguées, ses tremblements incessants, mais… il découvrait ici une facette de sa parente dont il n’avait jamais pu profiter. Alors, pour la première fois depuis des jours, il ne pensa plus à son œil ; mais bel et bien à sa mère qui se trouvait en face de lui. Elle qui était la dernière personne envers qui les pensées de Tyr se tournait, à l’accoutumée.

« Et je suis sûre que nombre de ces choses te plairaient. Tiens, par exemple, savais-tu qu’Ojcu est un mi-chat, mi-Fléreur ? Je suis sûr que tu n’avais jamais vraiment compris pourquoi il était aussi intelligent. Quand nous l’avons vu, il nous a marqué, Owen et moi, et nous avons décidé de le prendre sur le champ. A l’origine, il ne t’était pas destiné, mais… quand il t’a vu, il t’a tout de suite suivi. Comme s’il avait des choses à apprendre de toi. »


Un Fléreur ? Ces lointains cousins des chats dont la réputation de l’intelligence. Malgré le fait que ces explications soient satisfaisantes – après tout, cette nouvelle expliquait beaucoup de choses – Tyr avait du mal à y croire. Lui qui connaissait si bien ses créatures magiques, comment avait-il pu passer à côté ? C’était trop beau pour être vrai. Il décida toutefois de croire sa mère lorsque le ronronnement de son hybride, sonnant comme un son d’acquiescement, parvint à ses oreilles. Pourquoi lui racontait-elle cela ? Elle continua sur sa lancée, expliquant moult et moult anecdotes alors que son fils continuait à feindre le sommeil. Le château de papi Teàrlach, les disputes d’oncle Kenneth avec Owen, les aventures de Siegfried, le malheureux hibou des Uynauge… Des choses qui remontaient le moral de Tyr, bien qu’il ne le montre pas. Tous ces moments lui donnaient l’impression d’être un petit garçon normal. Un petit garçon qui aurait toujours ses deux yeux. Augusta resta ainsi là à monologuer, pendant une bonne dizaine de minutes. Puis elle s’arrêta un instant et soupira. Un soupir de soulagement.

« Je suis heureux de voir que tu as l’air d’aller bien, ou tout du moins, que tu es encore en bonne santé. J’ai une dernière chose à te dire. Les médecins ont trouvé un moyen de me soigner correctement, moi aussi. Je reprends conscience du monde qui m’entoure. Et je me rends compte que j’ai loupé treize ans avec un enfant qui avait besoin de moi. Je te demande pardon, Tyr. »

Sur ces mots, il l’entendit quitter la pièce et refermer la porte tout doucement. Il rouvrit l’œil, et attrapa son chat-fléreur et le posa sur son ventre.

« Moi aussi, je suis heureux de voir que tu vas bien, maman.» murmura-t-il.

Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»

01 sept. 2017, 15:32
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 


Le jour précédent, Augusta était à nouveau revenue, et Tyr avait dû feindre l’ignorance quant à tout ce qu’elle avait dit. Le processus avait été tout particulièrement ennuyeux mais il ne voulait pas lui avouer qu’il avait feint le sommeil parce qu’il n’avait pas envie de converser avec elle, même si ce qu’elle racontait le mettait de bonne humeur. Ils avaient parlé de la maladie d’Augusta, de la manière dont les médecins s’y étaient pris pour la soigner. Un traitement aux effets secondaires nombreux mais qui permettaient d’empêcher le cortex cérébral de rechuter à nouveau. Tyr n’avait pas trop compris en quoi il consistait, mais il pensait que tout cela n’importait pas tant qu’il pouvait discuter avec elle. Comment allait-elle à nouveau s’intégrer dans cette famille qui s’était essentiellement construite autour d’elle sans que ses intervenants ne louent de liens avec elle ? C’était une bonne question. Mais la famille Uynauge avait le temps pour trouver la réponse. Tout le temps du monde.

Le docteur Andersen avait prévenu Tyr que, maintenant que tout allait bien et qu’il avait repris des forces, sa présence à ses côtés allait être moins nécessaire, et qu’il allait bientôt partir. Le garçon était un peu déçu, il devait le reconnaître : elle avait été gentille avec lui depuis le début et il commençait à l’apprécier véritablement. Il s’était vite habitué à ce petit train de vie au sein de l’hôpital Sainte-Mangouste et le quitter allait lui enlever une – autre ? – partie de lui. Avec un peu de chance, il n’y reviendrait pas. Il n’y reviendrait plus jamais. Alors, une autre question se posa à Tyr, alors qu’il était en train de parler à Ojcu. Qu’allait-il bien pouvoir trouver comme substitut à son œil ? La meilleure solution serait de trouver quelque chose qui lui permettrait de voir, bien sûr. Devenir Animagus lui confèrerait-il le pouvoir de contempler de ses deux yeux à nouveau ? C’était une possibilité. Il n’y croyait pas vraiment, mais ces derniers temps, il ne lui en fallait pas beaucoup pour croire à quelque chose. Toutefois, il y avait deux problèmes à cette solution.

Le premier venait fait même de se transformer en un autre animal. Une chose était claire et nette : il ne passerait pas la plus grande partie de son temps sous sa seconde forme, quand bien même celle-ci était plus confortable pour lui. Son « lui » animal allait l’empêcher de communiquer avec les autres, et deux yeux ne remplaceraient pas le talent incroyable de la parole. Les choses ne seraient pas plus faciles avec la transformation en Animagus, elles lui permettraient juste d’être normal à nouveau – mais un homme, même magicien, se transformant en animal pouvait-il seulement se prétendre normal ?

Le second, c’est qu’il ne savait presque rien à son sujet, à part peut-être que le rituel était long et douloureux et qu’on gardait le secret sur ces informations jusqu’à ce que l’enfant soit en quatrième année. Il allait donc lui falloir autre chose pour passer les deux prochaines années. Laisser son œil à découvert ? L’envie n’était clairement pas là. L’espèce de tranche de rosbif qui recouvrait le creux béant n’était pas très jolie à voir et il ne tenait pas à l’afficher au reste du monde. La cacher à l’aide de ses cheveux ? Il n’avait pas confiance en ses mèches non plus. Tout ce qu’il lui fallait, c’était une couverture extérieure.

Alors qu’il était en train de réfléchir sur l’utilité de couvrir son œil, Tyr sentit soudain que l’orbite gauche, toujours en état de marche, elle, lui faisait mal. Sentant la douleur monter petit à petit, il prit peur. Que lui arrivait-il ? Sa vue se brouillait. Il se mit à cligner très rapidement de l’œil, sa vue se brouillant petit à petit. Après une minute de bataille acharnée contre lui-même, il retrouva une vue normale. Bizarre. Très bizarre. Il se leva et alla regarder dans le miroir. Non, tout semblait normal. Sauf un petit détail. Tout petit, mais suffisamment louche pour être repéré par le garçon. Son iris n’arrêtait pas de se réduire avant de reprendre quelques millimètres. Comme le faisait les chats dans la pénombre. Mais… le garçon n’était pas un chat ! Et même, il ne se trouvait pas dans la pénombre non plus ! Frustré de ne pas pouvoir expliquer ce qui lui arrivait, il quitta le miroir, un peu énervé, et retourna s’asseoir sur son lit. Très vite, il passa à autre chose et oublia complètement ses pensées sur son morceau de peau.

Cet incident se reproduit quelques minutes plus tard seulement, et à trois autres reprises dans la journée. Il ne sentait presque plus la douleur, mais il était forcé de cligner plus souvent des yeux pour se réhabituer. On aurait pu dire qu’il faisait sans cesse des clins d’œil en face de lui. Son chat s’amusait à le regarder d’un air moqueur, l’air de dire « regarde, tu n’as qu’à faire comme moi ! ».

Et le garçon pouffa. Une idée venait de germer dans son esprit, il n’avait qu’à la soumettre au docteur Andersen.
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Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»

11 sept. 2017, 19:44
Le borgne n'a qu'un œil, mais il pleure quand même  Solo 


« Tyr, ils arriveront bientôt ! » cria sa mère, trois étages plus bas.

Tyr grommela un son inaudible et continua de ranger ses affaires que l’on venait tout juste de lui renvoyer de Poudlard. Il ne terminerait pas l’année là-bas, et n’assisterait pas au banquet de fin d’année où l’on verrait Kristen Loewy annoncer la maison qui avait engrangé le plus de points au cours de l’année. Cela ne lui importait pas vraiment, quoiqu’il aurait vraiment apprécié contempler la tête de tous les autres élèves lorsque Gryffondor serait titrée gagnante de cette année 2042 – Gryffondor allait gagner, la question ne se posait même pas. Il était cela dit un peu déçu de ne pas avoir pu dire au revoir au peu d’amis qu’il lui restait. Ce n’était très poli, mais nécessaire.

Robe de sorcier, chaudron, tout avait été expédié chez lui lorsque l’école avait appris qu’il n’y retournerait qu’en septembre prochain, pour sa troisième année. Allait-il passer en troisième année d’ailleurs ? Sûrement. Les redoublements étaient peu fréquents, à Poudlard, et ayant terminé l’année avec une moyenne d’Optimal, il n’y avait aucun doute sur l’issue de cette année. Il faut dire que Tyr avait beaucoup travaillé ; et ce travail avait indéniablement payé. Justement, parlant de travail, le garçon attrapa un petit parchemin enroulé qu’il déroula. Un bulletin. Toutes ses matières étaient accompagnées d’un petit O à côté de leur nom, sauf, bien sûr, les potions. Tyr soupira. Il n’y avait pas pensé, mais l’année prochaine, plus de potions. Fini, basta. Il n’en était pas mécontent.

Bientôt, il eut quasiment terminer de tout vide ; mais il tomba sur un autre morceau de parchemin, froissé, tout au fond de la valise. Il le prit entre ses mains, pensant qu’il s’agissait de la liste de fournitures à acheter pour son entrée en troisième année. Mais ce n’était pas cela. Une lettre. De Shanti.

Vous aimeriez savoir son contenu, chers lecteurs ? Hé bien, vous ne l’aurez pas pour le moment. Laissons donc Tyr seul un instant, laissons ce peu d’intimité à notre petit Gryffon dont vous connaissez d’habitude les moindres faits et gestes, et avançons un peu dans le temps, si vous voulez bien. Quelques minutes plus tard.


« Tyr, tu as les y… enfin, l’œil rouge ! Tout va bien ? »
demanda Augusta, inquiète.

« Oui, il me fait encore un peu mal, mais rien de grave. Tu n’as pas vu mon cache-œil ? » répondit-il en essuyant une larme sur sa joue.

« Je n’aime pas quand tu le mets, mais je crois que je ne pourrais pas t'en empêcher... Regarde donc près des échantillons de bois que je dois envoyer à la boutique, la semaine prochaine, je crois qu’il était là la dernière fois que je l’ai vu. »


Tyr se rendit à l’endroit indiqué, et s’empara de l’objet, qui était bien posé là. Un gros morceau de cuir et de velours noir, tanné, et autour duquel était enroulé une petite corde élastique. Le garçon la détacha, puis posa le cache sur son œil et fit un nœud derrière sa tête ; puis il rabattit sa mèche de cheveux encore longue au-dessus. Au même moment, la sonnette retentit. Il alla ouvrir.


Les trois Uynauge se tenaient là. Son père, Owen, le visage fatigué mais le sourire triste, celui d’une personne qui retrouvait à nouveau son fils et qui s’en voulait d’avoir eu pareil comportement. Kenneth, son oncle, toujours le visage arrogant, avait les lèvres figées dans une espèce de grimace mi-dégoûtée mi-amusée. Lui travaillait dans le secteur de la mode et exécrait tout ce qui n’était pas beau à ces yeux – ici, en l’occurrence, Tyr. Et enfin, derrière eux, se tenait la personne que Tyr aimait le moins au monde – après Dylan : Teàrlach. Quatre-vingt-deux ans, et pourtant, colossal. Plus de deux mètres de haut, les traits froncés, ses nombreuses cicatrices disparaissant noyées sous les rides, il se tenait droit comme un piquet, à juger son petit-fils d’un œil sévère. Owen et Kenneth entrèrent les premiers, laissant Tyr seul dans le couloir avec son grand-père.


« Il paraît que tu as perdu ton œil ? » demanda l’ascendant d’une voix dure.

Tyr ne répondit pas. Bien mal lui en pris ; Teàrlach l’attrapa par le col d’une main ferme et approcha son visage de celui du blessé. Puis, de sa main libre, il écarta la mèche d’un coup vif. Tyr ne bougea pas. Il savait qu’il ne pourrait rien faire de plus qu’attendre. Teàrlach l’examina encore quelques secondes, sans ciller, de ses yeux gorgés de sang, puis il le relâcha.


« S’il voyait cela… quel dommage qu’il soit mort. Je suis sûr qu’il t’aurait été d’une grande utilité... Tu n'as même pas le cinquième de son talent, il n'aurait pu que te rendre service... » termina-t-il d'un rire franchement méchant.

Puis il quitta les lieux. Le garçon fit comme s'il l'avait ignoré ; mais en son for intérieur, sa curiosité avait été piquée à vif. Ainsi que sa haine. Et son grand-père allait voir de quel bois se chauffait le nouveau Tyr.

Reducio

Fin du RP. Aventures à suivre !

Maïka Cooper : « La question c'est pas de garder Gryffondor pour sauver Poudlard, mais de virer Serpentard pour ne pas avoir à sauver Poudlard.»