Inscription
Connexion

14 févr. 2016, 12:00
Huit mois
Quand Edern avait quitté Ste Mangouste au début du mois d'août, la croissance de la fleur de lys qui émergeait de son œil gauche semblait s'être arrêtée. Depuis, il avait dû retourner à l'hôpital régulièrement pour des visites de contrôle mais la visite de janvier ne s'était pas aussi bien passée que les précédentes. Les Magicomages avaient décelé un changement, pour le moment infime mais il n'y avait nul doute : la fleur avait repris son évolution. Ils avaient prévenu le botaniste : un nouveau séjour à l'hôpital s'imposerait si les changements continuaient. Et ils avaient continué. Visibles cette fois-ci. Les bords des six tépales s'étaient peu à peu affirmés, perdant leur aspect irrégulier. Mais surtout la couleur de la fleur semblait tendre vers une certaine uniformité : le blanc se paraît lentement de couleurs vives et chaudes tandis que le rose s'adoucissait, s'éclaircissait. Repoussant le verdict qui ne tarderait pas à tomber sitôt que les médecins seraient au courant, Edern ne les en avertit pas. C'est néanmoins conscient de ce qui l'attendait qu'il quitta Poudlard dans la deuxième semaine de février, ayant prévenu de son absence.

Aussitôt qu'ils le virent, avec sa fleur maintenant orange, les Magicomages séquestrèrent le botaniste, lui reprochant de ne pas avoir donné l'alarme plus tôt. Pendant quatre jours il subit une série de tests qui ne révélèrent pas grand-chose : les racines ne semblaient pas avoir bougé, l'élément perturbateur, cette espèce de réserve de magie que les mages avaient décelé le mois précédent avait disparu. La fleur de lys était simplement passée de rose à orange. Et les médecins n'avaient aucune explication à ce brusque revirement, tout comme il n'en avait toujours aucune quand à la présence de la fleur dans les restes du globe oculaire du professeur.

Aujourd'hui était le quatorze février et Edern était autorisé à quitter Ste Mangouste. D'ici ce soir il serait à Poudlard ! Mais avant cela il voulait s'attarder une dernière fois dans la chambre de sa femme. Ses visites à l'hôpital lui permettait de venir la voir régulièrement. Et de constater à chaque fois l'absence de changement. Vêtu d'un costume moldu, Edern pénétra dans la chambre d'hôpital. Il déposa dans un vase auprès de la tête du lit le bouquet de cyclamen qu'il avait apporté et s'assit auprès de Sophie. Immobile et inchangée, elle était étendue là depuis huit longs mois, les bras le long de son corps amaigrie, ses cheveux blond vénitien étalés sur l'oreiller. Cette posture ne dégageait pas une impression de tranquillité ou de repos. Plutôt une impression dure de rigidité comme si Sophie Rhodes n'était qu'un pantin, une marionnette oubliée dans un coin, guère plus qu'une figure de bois dont l'heure de gloire était passée. Yeux clos et bouche entrouverte, son visage n'offrait guère de réconfort à son mari qui la contemplait. Loin de l'expression calme et heureuse que l'on décrit souvent, le visage de Sophie donnait l'impression d'une inspiration retenue. D'attendre un choc, quelque chose qui la sortirait de cette torpeur. Ou bien au contraire, une expression d'endurance trahissant une sensation désagréable. Souffrait-elle ? Était-elle consciente sous cet immobilisme infernale ? A chaque fois ces mêmes questions, à chaque fois cette même absence de réponse. Edern refusait de la voir comme un pantin désarticulé, comme une poupée oubliée par l'enfant qui jouait avec. Comme un être coupé du monde extérieur. Lui saisissant la main sous le drap qui la recouvrait, il entreprit, comme à chaque fois de lui parler. Lui racontant sa vie à Poudlard, du Tournoi jusqu'à l'anecdote la plus futile. Il l'imaginait rieuse, soucieuse, intéressée, curieuse derrière ses paupières closes, son visage passant par toutes les expressions qu'il connaissait par cœur et qui n'appartenait qu'à elle. Loin de se contenter de sa petite vie personnelle, Edern tentait de lui donner une vision la plus vaste possible du monde extérieur en lui parlant de l'actualité, du quidditch, de la dernière édition de la gazette.

Il lui parla deux heures durant avant de tomber à court d'idées. Le silence retomba dans la petite chambre. Sophie Rhodes était toujours aussi immobile, figée dans son expression de raideur. Edern remit la main de son épouse sous les draps, ajusta ses derniers. Il se pencha alors vers elle et déposa un baiser sur ses lèvres tièdes. Tièdes. Ni vraiment chaudes, ni vraiment froides. Ni vraiment vivante, ni vraiment morte. Après une dernière parole d'amour et une caresse, le botaniste s'apprêta à sortir. Sur le seuil de la porte, il jeta un dernier regard en arrière : quatre murs blancs, une petite fenêtre donnant sur une rue sombre et peu fréquentée, un mobilier rudimentaire tout aussi blanc, la seule touche de gaieté était apportée par le bouquet de cyclamen, éblouissant dans ce décor morne jusqu'à ce qu'il fane, gagné par la tristesse de son environnement. Edern referma la porte, abandonnant son épouse à cette nature morte.


Reducio
Ce RP n'a pas spécialement vocation à obtenir de réponses, c'est plutôt un solo. Si toutefois quelqu'un veut répondre, libre à lui. :)

Même le plus petit des Serpents a du venin.

22 févr. 2016, 02:25
Huit mois
« Et celle-là, Lucy ?Tu peux la nommer ? »

« C'est... du rouge, c'est ça ? »

James, le médicomage la regarde. Ses yeux restes éclairés mais une moue déforme son visage. Ce n'est pas ça, il va dire que ce n'est pas ça.

« Non, pas tout à fait, mais presque ! C'est du rose. »

Lucy regarde à nouveau la petite carte colorée qui se trouve devant elle. Du rose. C'est du rose. Ça réchauffe l’œil doucement, ça le caresse, ça éclate à côté du lit blanc sur lequel elle est assise. Le blanc, c'est facile. Il y en a partout dans l'hôpital, elle a un modèle sur n'importe quel mur de la chambre. C'est la couleur des os aussi, il y en a un sur le symbole de Sainte-Mangouste. Reconnaître les couleurs, ça va l'aider à mieux se diriger, lui ont dit les médicomages. Lucy aime bien cela. Elle découvre un tout nouveau monde. Le monde de la vision. Sur son nez, une paire de lunettes. Assez épaisses, d'un rose vif. Elle ne les voit que dans un miroir. Elles sont enchantées : grâce à elles, Lucy peut voir. Elle n'est plus aveugle. Elle n'est plus handicapée. Mais elle doit apprendre à voir, avant.

« On va s'arrêter là aujourd'hui, Lucy. Tu as bien progressé, félicitations ! Tu peux aller faire un tour maintenant. »


Lucy regarde James et lui sourit. Elle aime beaucoup James. Il est gentil, calme. Patient aussi. Il lui répète sans arrêt que c'est une très bonne élève. Lucy pense qu'il n'a pas eu beaucoup l'occasion d'apprendre à voir à quelqu'un. Elle se trouve lente, au contraire. Elle est là depuis plus d'une semaine. La couleur du jour, c'est le rose. James lui a expliqué que c'était la couleur des amoureux. Aujourd'hui, c'est le jour des amoureux. La Saint-Valentin. Lucy s'en moque un peu, elle n'a pas d'amoureux, et ne compte pas en avoir avant longtemps. C'est nul les garçons de toute façon, ça sert à rien, c'est bruyant et ça dit plein de bêtises.
Elle se lève du lit, s'y agrippe un instant. Autour d'elle, la pièce tourne un peu. Elle a du mal à voir où elle pose le pied, alors elle ferme les yeux, comme quand elle ne voyait pas. Elle se fit à son instinct. Avant de toucher le sol, elle ouvre les yeux en grand. Elle voit, maintenant. Elle n'a plus besoin d'être aveugle. Elle doit apprendre à faire comme les autres, à poser le pied en regardant. Le sol était plus près qu'elle ne le pensait, elle se fait un peu mal à la cheville en écrasant sa jambe sur le carrelage froid.

« D'accord, merci beaucoup James. A demain, donc ! Bonne soirée. »

Elle s'adresse au médicomage en le regardant dans les yeux. Ils sont ronds, brillants, et d'une couleur plutôt calme. Vert ou bleu. Elle lui sourit, il lui sourit en retour, et s'en va. Il a sous le bras un dossier qu'il remplissait d'un coup de baguette magique. Lucy n'a pas sa baguette avec elle. Elle a dû la laisser à Poudlard. Elle n'a pas le droit de faire de la magie à Sainte-Mangouste. C'est le nom de l'hôpital. Elle va apprendre à le lire. Elle sait lire, mais pas comme les voyants. Elle, elle lit le braille. Avec ses doigts. Elle aimerait bien tenir sa baguette entre ses doigts pour pouvoir la regarder. Elle ne l'a jamais vue, et a plutôt hâte.
Elle sort de la pièce à son tour. Elle a envie de se dégourdir les jambes, de tester son nouveau sens. Elle s'est habituée au couloir dans lequel elle marche. Elle reconnait les portraits sur les portes. James lui a expliqué que ce sont des médicomages célèbres. Lucy est admirative. Ils ont sauvé des sorciers, vaincu des maléfices. Elle aimerait bien, plus tard, avoir son portrait accroché quelque part, elle aussi. Elle ne sait pas encore pourquoi. Elle déambule dans les couloirs. Des fois, elle doit mettre sa main sur un mur. Elle a du mal à garder son équilibre. Tous les points ne sont pas fixes. Sous ses doigts, la douceur du mur est rassurante. Ça lui rappelle qu'elle peut faire appel au toucher encore. Elle aurait bien aimé avoir sa trompette avec elle, pour faire un peu de musique.
Au loin, Lucy voit une personne étrange. Elle cherche ses yeux, mais n'en voit qu'un. a la place de l'autre, il y a une fleur, comme celles qui sont mises dans un vase sur la table de chevet de Lucy. Ce n'est pas la première fois qu'elle entend parler d'une personne comme cela. A Poudlard, il y a un professeur qui a aussi une fleur à la place de l’œil. Ce sont ses camarades plus âgés qui lui en ont parlé. Il enseigne la botanique. Lucy ne connait pas son nom. Il est dos à une porte. Il vient sans doute de sortir de la pièce. Lucy s'approche. Et si cette personne était le professeur de Poudlard ? Pourtant, ce ne sont pas les vacances. Il devrait être en train de travailler. Lucy sait qu'elle aurait dû être en train de travailler, mais la Directrice avait signé une dérogation spéciale pour lui permettre de se soigner. Elle est maintenant toute proche de lui. Ils pourraient se toucher en tendant les bras. Elle se racle la gorge, intimidée. Elle pourrait se tromper, et ne pas avoir l'air finaude. Elle pourrait avoir raison mais être trop indiscrète.

« Bonjour. »

Elle laisse un blanc. Lucy ne sait pas comment continuer sa phrase. Les mots planent, et ses yeux cherchent le regard du professeur. La fleur est intrigante. Elle aimerait bien la sentir. Elle essaye de cacher le blanc, répète sa phrase, la complète :

« Bonjour, vous êtes le professeur de Botanique ? »

Ses mains sont derrière son dos, ses doigts s'entrelacent et son cœur se serre. Elle sait son introduction maladroite. Elle est heureuse de pouvoir voir une personne qu'elle connait plus ou moins.

Reducio
Je me suis permise de venir, donc ! ^^

23 févr. 2016, 22:11
Huit mois
Edern s'éloigna d'un pas lent dans le couloir. Mélancolique comme après chaque visite à Sophie, il lui fallait toujours un moment pour chasser de son esprit l'image de ce corps immobile et se replonger dans la vie poudlardienne. En raison de ce temps de transition, il ne rentrait jamais par le transplanage. Trop rapide et trop brusque, le corps du professeur se retrouvait alors de nouveau face à ses cours, copies, et autres responsabilités tandis que son esprit se trouvait toujours à Londres, airant dans Ste Mangouste. Autre raison pratique : le transplanage demandait une très grande concentration qu'Edern avait du mal à fournir à cet instant.

S'obligeant à chasser l'image de son épouse qui restait comme figée sur son unique prunelle, il se concentra sur le programme de la journée. On approchait de midi. Il lui faudrait trouver un endroit pour déjeuner, avant de traverser la ville pour rejoindre le quai 9 3/4 et prendre un train pour Pré-Au-Lard. Tout cela impliquait de se mêler au monde moldu, chose difficile pour lui depuis son accident. Il en était là de ses réflexions quand une petite voix surgit à côté de lui :


« Bonjour. »

Surpris, Edern baissa les yeux pour découvrir devant lui une fillette, qui devait avoir dans les dix ans. De grosses lunettes roses reposaient sur son nez, laissant passer un regard blanc. Les yeux de l'enfant étaient d'un blanc laiteux et uniforme. Aveugles comprit Edern. Pourtant, il était certain de sentir le regard de la petite fille sur lui. Ces lunettes lui permettaient-elles de voir ? Peut-être, les Magicomages n'en étaient pas à leur premier miracle. Après un blanc marqué d'hésitation, elle parla de nouveau :

« Bonjour, vous êtes le professeur de Botanique ? »

Elle était donc élève à Poudlard. Sinon, comment connaîtrait-elle sa profession ? Simplement, elle devait être trop jeune pour qu'il l'ait en cours.

« Bonjour. Oui, c'est ça. Tu es élève à Poudlard ? » répondit-il simplement. Pour une fois, pas de fioritures, pas de belles expressions, des mots simples, des phrases courtes, il n'était pas d'humeur.

Toutefois, avec une réponse aussi simple, la conversation risquait de mourir très rapidement, et Edern n'en avait pas spécialement envie. Ça lui ferait du bien de parler à quelqu'un, même aussi jeune. En plus, si elle regagnait Poudlard dans l'après-midi (on n'était pas en vacances), il y avait des chances que ce ne soit pas la dernière fois qu'ils se croisent dans la journée. Ce serait donc un peu bête qu'il l'ignore.

Edern se força donc à chercher une suite à cette entrée en matière plutôt sobre. Tiens, justement, pourquoi ne pas parler de Poudlard. Ce serait moins intrusif que de lui demander la raison de sa présence ici, ce dont elle n'avait pas forcément envie de parler.


« Tu dois être en première année, non ? Tu rentres à l'école dans l'après-midi où tu dois rester ici ?

Pas forcément terrible comme poursuite. Mais au moins, il y avait matière à répondre.

Même le plus petit des Serpents a du venin.

27 févr. 2016, 03:37
Huit mois
Lucy observe ce professeur qui lui répond. Elle se détend, décroise ses mains.

« Bonjour. Oui, c'est ça. Tu es élève à Poudlard ? »

Le ton est calme, rassurant. Lucy n'a pas vraiment eu d'écho sur ce professeur. Elle sait juste qu'il enseigne la botanique et qu'il a une fleur dans l'oeil. Elle sait maintenant à quoi s'attendre. Le ton est rassurant. Parfois, avec les adultes, elle a l'impression qu'elle se résume à son handicap, parce qu'ils lui parlent plus lentement, des fois plus fort. Ce n'est pas son ouïe qui ne va pas bien, ce sont ses yeux. C'étaient ses yeux. C'est peut-être ça. Peut-être qu'il sait qu'elle le voit et qu'il adapte sa façon de parler. Ce n'est pas très grave. Maintenant elle voit, donc tout le monde pourra lui parler normalement. Plus de barrières.
Lucy esquisse un sourire du coin de la bouche quand elle entend la question. Elle fait écho à celle qu'elle vient de lui poser. Derrière ses lunettes, ses yeux se plissent un peu.


« Oui, je suis à Gryffondor. », répond-elle simplement. Elle est plutôt fière de parler de la maison à laquelle elle appartient. C'est la maison des nobles et des courageux, et tout le monde ne pouvait s'en vanter. Elle essaye de graver dans sa mémoire la tête du professeur. Sa fleur, surtout. C'est joli, se dit-elle. Elle semble en pleine forme. Sans doute qu'il l’arrose de temps en temps pour qu'elle ait l'air aussi joyeuse. Pourquoi le professeur avait-il une fleur dans l'oeil ? L'avait-il mis là volontairement ? Était-il né avec ? Lucy a de nombreuses questions à lui poser mais elle se tait. Elle sait que ce n'est pas très poli. En plus, c'est un professeur, ça ne se fait pas d'être aussi curieuse avec un professeur. Elle chasse ses questions de son esprit, bien que son regard ait pu paraître un peu trop insistant sur l'appendice floral du botaniste. Elle ne laisse pas le silence s'approprier deux secondes de la conversation en ajoutant :

« Je m'appelle Lucy Hitchman au fait. »

Ils ne se connaissent pas, c'est important de se présenter. Sa maman le lui a toujours dit. Alors elle se présente en donnant son prénom et son nom. Il n'a probablement pas entendu parler d'elle, parce qu'il n'y a pas grand chose à dire. Lucy est discrète. Elle aimerait bien qu'on parle d'elle, mais pour autre chose que sa cécité. Or tout le monde doit la connaître à cause de ça, c'est certain. Alors elle reste discrète.

« Tu dois être en première année, non ? Tu rentres à l'école dans l'après-midi où tu dois rester ici ? »

Lucy sourit encore un peu plus. Ce professeur a de bonnes déductions. Il est sympathique. Il essaye même de s'intéresser à elle. C'est quelque part assez rassurant. Il la met en confiance. Elle lui répond, la voix plus affirmée qu'auparavant :

« Non, je ne rentre pas. Je ne sais pas quand je vais rentrer. Les médicomages m'ont dit qu'ils me gardaient jusqu'à ce que j'ai fini d'apprendre à voir. »

Lucy réfléchit à cette situation. C'est plus facile comme cela. C'est difficile et elle en a besoin, alors elle fera tout ce qu'elle peut pour voir comme tout le monde. Elle a du mal avec les couleurs chaudes. Elles se mélangent dans sa tête. Quand elle est fatiguée, elle a du mal à voir la profondeur, alors elle se cogne. A Poudlard, ça pourrait être dangereux. Elle préfère rester ici jusqu'à ce qu'elle soit prête à retourner au château. Elle rattrapera ses devoirs, ce n'est pas grave. Elle a demandé à les faire ici, à Sainte-Mangouste, mais elle ne sait pas vraiment lire pour l'instant : elle n'a pas encore appris à identifier les lettres écrites. Elle les connait en braille, donc la lecture sera facile, elle en est persuadée.
La scène est plutôt inconfortable. Elle irait bien s'asseoir quelque part avec le professeur, au lieu de rester debout là, prêt de cette porte. Elle se demande si ça ne serait pas impoli. En plus, il a sûrement d'autres choses à faire, c'est un professeur. Elle aimerait bien savoir ce qu'il fait à l'hôpital, mais ça, elle en est sûr, c'est très impoli de le demander comme cela, de but en blanc. Elle essaye de soigner sa question.

« Et vous, vous rentrez maintenant ? »

Elle regrette un peu quand elle finit de la poser. Elle lui semble maladroite. Un peu inutile aussi. S'il vient de sortir d'une chambre, c'est sans doute qu'il a fini sa visite ou ses examens. Il n'a plus rien qui le retienne ici. Lucy marmonne contre elle-même dans sa tête. Elle fronce les sourcils, pince les lèvres, avant de se ressaisir : poser une petite question, ce n'est pas si grave que ça !

28 févr. 2016, 16:53
Huit mois
La fillette confirma les intuitions du professeur en se présentant : Lucy Hitchman, première année Gryffondor. « Première année » et « Gryffondor », loin d'être des tares, ces deux caractéristiques suffisaient néanmoins à expliquer pourquoi Edern ne la connaissait pas. Trop jeune pour qu'il l'ait en cours et pas dans la maison où il était affecté. C'était l'inconvénient d'enseigner une matière secondaire : il y avait toute une part de l'école qu'il ne connaissait pas, à l'inverse des professeurs de matières primaires, qui, eux, étaient capables de nommer la totalité des élèves qu'ils soient assis à n'importe laquelle des tables de la Grande Salle. Peut-être un jour se rapprocherait-il des élèves plus jeunes, notamment en organisant des ateliers de botanique… pourquoi pas, il faudra qu'il y songe.

« Non, je ne rentre pas. Je ne sais pas quand je vais rentrer. Les médicomages m'ont dit qu'ils me gardaient jusqu'à ce que j'ai fini d'apprendre à voir. »
répondit-elle aux dernières questions du professeur.

La voix de Lucy avait pris de l'assurance, et son ton joyeux faisait du bien à Edern, le sortant de ses pensées sombres et de son humeur morne.


« Et vous, vous rentrez maintenant ? » l'interrogea-t-elle.

Se forçant à prendre un ton un peu plus enjoué, sans en faire trop, il répondit :


« Je vais rentrer dans l'après-midi, oui, par le train. Mais d'abord, je vais aller manger un morceau en ville. »

Un blanc s'installa entre eux, tandis qu'une idée germait dans l'esprit d'Edern. Une idée toute bête, toute simple, née d'une pensée fugace : Lucy allait rester quelques temps ici, et peut-être y était-elle depuis un moment. Elle devait donc manger ici. Pour avoir passer un assez long séjour à Ste Mangouste l'été dernier, Edern savait que la nourriture de l'hôpital n'était pas forcément très savoureuse. En prononçant donc sa dernière phrase, il avait pensé que cela risquait de donner envie à la petite. La perspective d'un restaurant ou même d'un fast food, ne serait-ce même que de sortir de l'hôpital pendant une heure ou deux. Alors il lui proposa :

« D'ailleurs, tu ne voudrais pas venir manger avec moi ? J'ai souvenir que la nourriture ici, n'est pas forcément… excellente. »

Après un court instant, il ajouta :

« Au fait, me permets-tu de te tutoyer ? »

Il venait en effet de se rendre compte, que, perdu dans ses pensées, il n'avait eu de cesse de tutoyer la fillette, alors qu'il était de coutume à Poudlard qu'élèves et professeurs se vouvoient mutuellement. Simplement, ici, loin de l'Ecosse et de l'univers de l'école, cette simple convenance lui était complètement sortie de l'esprit.

Même le plus petit des Serpents a du venin.

02 mars 2016, 00:05
Huit mois
Lucy est soulagée. La question ne semble pas trop personnelle. Le professeur lui répond, d'une voix plutôt joyeuse, d'ailleurs.

« Je vais rentrer dans l'après-midi, oui, par le train. Mais d'abord, je vais aller manger un morceau en ville. »

C'est vrai que l'idée de manger rend Lucy plutôt joyeuse, elle aussi. Ce n'est pas une grande gourmande, mais elle aime bien ces moments conviviaux qu'elle partage avec ses camarades dans la Grande Salle. Les repas qui y sont servis sont délicieux. Depuis qu'elle est à Sainte-Mangouste, elle regrette un peu ces plats. Ici, la nourriture est plus fade, moins appétissante. Elle doit même se forcer des fois. Elle n'aime pas se forcer. Mais il faut faire plaisir aux madicomages, sinon ils se fâchent. Lucy n'aime pas quand les medicomages se fâchent. Elle a l'impression d'être une enfant de cinq ans à qui on fait un sermon. Tout d'un coup, elle a une brusque envie de rentrer au château afin d'avaler un repas digne de ce nom. Surtout que c'est en effet l'heure de manger et que son estomac ne va pas tarder à crier famine, dans la langue des gargouillis et borborygmes. La question soudaine du professeur la surprend dans ses désirs d'évasion :

« D'ailleurs, tu ne voudrais pas venir manger avec moi ? J'ai souvenir que la nourriture ici, n'est pas forcément… excellente. »

Le sourire de Lucy s'agrandit, ses mains se ferment en poings, ses yeux sourient. L'évocation d'une telle possibilité l'enchante. Elle sent une boule d'excitation se former au niveau de son estomac. Manger avec lui ? Lucy s'imagine au restaurant avec son professeur, bavardant comme elle le ferait avec un oncle ou un cousin un peu plus âgé. Elle aime beaucoup cette idée. Peut-être qu'elle pourrait enfin lui demander d'où vient la fleur qui pousse sur son visage. Que mangerait-il ? Lucy pense qu'il mange plutôt des choses légères. Lucy mangerait bien quelque chose de chaud. Le temps est plutôt maussade, en cette mi-février. Elle a envie de sortir, pourtant. Pour voir la rue, voir les bruits de la ville qu'elle a toujours entendu, pour mettre enfin une image sur les odeurs qui la guidaient auparavant. Où iraient-ils ? Pourraient-ils sortir ? Lucy a un doute. Après tout, elle doit être sous la responsabilité de quelqu'un. Un médicomage, sans doute. Elle ne sait pas trop. Ce ne sont pas ces détails qui l'intéressent. Peut-être qu'elle ne pourra pas aller dehors avec un adulte que les médicomages ne connaissent pas. Elle perd un peu son sourire, mais ne laisse pas la chance de voir le monde extérieur filer :

« Ça serait super, professeur ! C'est vrai que ce n'est pas très bon... Et j'aimerais bien voir comment c'est, dehors ! Par contre, dit-elle après un court silence, je ne suis pas sûr qu'on me laisse sortir de l'hôpital... »

Son professeur devait bien avoir une solution, les adultes savent toujours résoudre tous les problèmes. Lucy s'en est bien aperçue.

« Au fait, me permets-tu de te tutoyer ? », ajoute son professeur. Lucy n'y voit aucun inconvénient : elle avait toujours trouvé bizarre le vouvoiement entre les professeurs et elle, bien qu'elle savait que c'était une marque de respect. Tout cela lui semblait rattaché au cadre assez solennelle du château, bien qu'elle-même ne se permettrait pas de tutoyer ce professeur qu'elle venait à peine de rencontrer. Elle lui répond donc assez simplement :

« Si vous voulez, oui, Professeur. »

14 mars 2016, 22:00
Huit mois
Face à la proposition d'Edern, le sourire de Lucy s'agrandit :

« Ça serait super, professeur ! C'est vrai que ce n'est pas très bon... Et j'aimerais bien voir comment c'est, dehors ! Par contre, je ne suis pas sûr qu'on me laisse sortir de l'hôpital... »

Elle avait raison sur le dernier point. L'administration étant ce qu'elle était, les pensionnaires de l'hôpital, qui plus est les enfants, n'avaient pas le droit de sortir avec n'importe qui dès qu'ils en avaient envie. Toutefois, ces quelques mots avaient largement suffi à mettre en branle tout le système neuronale du professeur, cet exercice lui offrant l'occasion qu'il cherchait pour refouler un peu plus loin les sombres pensées qui l'occupaient quelques minutes plus tôt. Bientôt, une esquisse de solution lui venait.

Il reprit alors la parole, après que Lucy ait répondu à sa dernière question :


« Parfait ! Merci. Ne t'en fais pas pour l'autorisation, j'arriverai bien à te l'obtenir. Réfléchis plutôt à ce que tu voudrais manger. »

Il la conduisit alors à l'accueil et demanda à voir le Médicomage en charge de Lucy, prétextant un message de la part de Poudlard. On les fit patienter une vingtaine de minutes avant que finalement le médecin en blouse blanche ne paraisse dans le couloir :

« Vous vouliez me voir professeur Rhodes ?

- Oui, tout à fait. J'aimerais emmener miss Hitchman à déjeuner en ville ce midi. » annonça Edern sans autre préambule.

Le Médicomage rit devant la franchise de la demande et rappela la procédure : cet enfant était sous sa responsabilité et, à moins d'une dérogation spéciale du responsable légal, aucune sortie ne lui était autorisée, avec qui que ce fut, outre les employés de Ste Mangouste.

« Justement. Miss Hitchman est élève au collège Poudlard, et, de ce fait, sous la responsabilité des employés de l'école pour toute la durée de l'année scolaire. Elle se trouve ici par autorisation du professeur Kristen Loewy qui vous confie sa garde le temps de ses soins, elle n'en reste pas moins sous la responsabilité de l'école. Or il se trouve que je suis professeur de Poudlard. »

Il marqua une pause dans son explication, ménageant sa conclusion :

« Je suis autant responsable d'elle que vous, voir oserais-je dire plus puisque vous n'avez qu'une responsabilité par dérogation, octroyée par mon établissement. »

Le Médicomage se balança d'un pied sur l'autre. Son regard fit des va-et-viens entre Lucy et Edern, lequel ne cilla pas, attendant la réponse d'un air de patience polie. Il tenta quelques réponses maladroites, que le botaniste balaya d'un revers de main avec un aplomb qui lui était propre. Finalement, ne trouvant pas d'arguments suffisamment forts, ou alors complètement dépassé par le baratinage du professeur, il céda.

Edern le remercia et entraîna Lucy d'un pas vif vers la sortie de l'hôpital, avant qu'on ne les retienne.

Il ralentit le pas une fois à l'air libre savourant l'air frais. Ils avancèrent d'une vingtaine de mètres avant que le professeur ne demande :


« Alors, que voudrais-tu manger ? »

Même le plus petit des Serpents a du venin.