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01 avr. 2020, 11:56
 Glasgow  Echantillonner les illusions  PV Rhys Saunders 
La destruction créatrice. Pour permettre à une plante de continuer sa croissance, il faut parfois couper certaines de ses  branches, en tout cas tailler, et parfois sévèrement, dans le vif d’une arborescence trop anarchiquement développée. L’idée avait sa raison d’être mais il allait lui falloir un temps indéfini, peut-être infini avant de pouvoir l’accepter. Dans sa vie rêvée, ce genre de moment aurait été ponctué de cris, de pleurs, de gestes grandiloquents. Face à la réalité, il ne restait rien de cette agitation adolescente.  Le pire est parfois la perte d’une relation qu’on aurait aimé voir grandir dans le confort d’une affection fraternelle. Et qui s’envole du fait d’une incompréhension tenace. Peut-être était-ce juste un grand frère dont elle avait besoin, et celui-là s’éloignait avec l’homme qu’elle ne parvenait pas à rappeler. « Qu’ai-je donc fait ? Qu’ai-je bien pu éprouver pour en arriver à une telle confusion des sentiments ? » Cela aussi, elle pourrait, hypothétiquement, le dire, dans très longtemps. Mais à ce stade, le voir partir constituait la moindre des humiliations. Attentif, il l’avait été au-delà de tout puisque l’offusqué avait quitté les lieux de l’agression, laissant son bourreau ruminer seule leur défaite. Pauvre Rhys Saunders, qui ne méritait surtout pas cela. Tous les professeurs sont un jour l’objet des élans maladroits de leurs élèves. D’une façon ou d’une autre, l’adulte nous façonne dans le secret de sa classe. Et lui, qui avait tant apporté à cette petite Serpentard, n’en touchait pas même le premier fruit. Droit, jusqu’au bout, il avait préféré se retirer.

Nous ne savons pas apprécier les choses que nous vivons. Toujours pressés par une urgence à désirer plus, et mieux, et plus encore. Des machines à générer les ambitions les plus passionnelles, qu’une magie peut en outre exacerber au point de faire sombrer dans le noir les êtres les plus purs. Il en est pourtant qui parviennent à demeurer lumineux. Malgré les années, nous nous souvenons d’eux comme d’une luciole nous guidant face aux ténèbres. Il lui suffit de s’estomper  pour que notre désespoir nous fasse perdre la raison. Pour beaucoup, dire est déjà  trop. Certains domaines de l’existence ne s’apprennent qu’au travers de l’échec. Il est des leçons qu’on reçoit dans la douleur nécessaire.

L’aînée des Alekhin demeurait dans ce pub telle une poupée étêtée, un corps sans âme. Comme si elle savait par avance qu’il allait partir, elle n’eut pas à chercher les mots qui ne viendraient de toutes façons pas. Centrée sur elle-même jusqu’au bout, la seule chose qu’elle vivait s’appelait douleur et désolation. Plus que jamais, Circéia n’avait pas écouté mais parce que son intuition lui dictait qu’il ne valait mieux pas. Dans les romans bien écrits, les périodes de troubles politiques sont souvent le théâtre de passions violentes, irrépressibles et belles. Dans les livres… Sa noblesse de sang, après tout elle était une sorcière de sang pur elle aussi, quand bien même elle n’en ferait ni état ni étalage, lui dictait de se comporter dignement. Alors elle resta là, assise au bar, les traits neutres et les yeux secs, de sorte qu’aucun sorcier ne l’importune. Par un étrange élan, son esprit décida de penser à lui de la manière la plus neutre possible. Elle aurait une chance immense, la sorcière qui un jour serait son éprise. Un homme droit, sensible et délicat. Quelle part d’elle-même pouvait bien s’éveiller qui permette une telle vision de son désastre ? Et si le sang pur se résumait ainsi ? Savoir en toutes circonstances dominer ses émois ? Alors les mots alignés sur des centaines de lignes servaient donc à cela ; décrire le combat entre les pulsions et la raison. Qui toujours l’emporte dans nos vies. Lui avait été sage, un homme. Elle n’était plus une fillette Et venait de le comprendre. Son amour d’enfance avait disparu aussi brutalement qu’il lui était venu. Alors le vide, incommensurable, l’absence de présence. Les ténèbres.

Je te vois
dans mes hontes et mes replis je te vois
mes espoirs et mes remords je te vois
l’égoïsme et le dépit je les vois
les repousse mais il est tard
je le vois
pardonne-moi

Quelle sont les profondeurs réelles de nos pensées ? Sommes-nous seulement capables de les estimer ? Lorsque nous agissons, est-ce vraiment en conscience ou n’existe-t-il pas une part de mécanique invisible, notre volonté première ? Derrière nos justifications, les élans nommés passion, se trouvent peut-être un univers entier de motivations réelles. Nos fautes ne sont que le résultat des lapsus révélateurs des parfums qui nous définissent. La neige est froide, la neige est sèche, dans son état naturel elle n’a pas d’odeur. Ainsi se révéla Circéia : insipide.


Finite Rpgiem

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...