Inscription
Connexion

21 févr. 2016, 23:19
Les Sorcières de Charing Cross  PV 
La jeune fille semblait assez troublée par ce que disait Kristen – ce qu’elle eut du mal à comprendre. Elle parlait honnêtement et justement, ne cherchant pas à produire le moindre effet sur son interlocutrice ; pourtant, ces mots avaient de toute évidence fait écho chez Sybille Luneau, qui paraissait gênée et contrite. Le professeur Loewy l’observa avec un air soucieux et attendri et ce fut, finalement, un sourire presque rassurant qui marqua son visage.

Kristen voulait sincèrement aider Aude Luneau, car elle sentait qu’à elles deux, elles pourraient se faire plus fortes, et c’était aussi d’une certaine réciprocité dont la directrice de Poudlard avait besoin. Cependant, son expérience en relations humaines étant assez récente, elle n’aurait pas craché sur une aide extérieure pour parvenir à cet objectif. Sybille Luneau, d’ailleurs, avait l’air de ne pas tout à fait comprendre la chance qu’elle devait représenter pour Aude – si, du moins, Aude résonnait comme Kristen de ce point de vue aussi.


« Je vous l’ai dit. Vous êtes pour elle une chance exceptionnelle. »

Son air était très sérieux et son ton était catégorique. Elle baissa les yeux sur les nervures du bois, tentant de ne pas penser à nouveau à cette chance qu’elle, elle n’avait pas. En relevant les yeux, elle ajouta :

« Je ferai donc mon possible, mais je ne saurais me passer de vous. »

Le regard de la directrice de Poudlard se fit insistant, elle était légèrement penchée en avant, et elle attendit quelques secondes. Puis, un petit sourire naquit sur ses lèvres et elle se redressa. Elle saisit son sac et commença à se lever.

« Bon ! Il est temps pour moi de regagner l’école. Quand le chat n’est pas là…»

Elle passa son sac sur son épaule, bien moins soucieuse de sa discrétion qu’à son arrivée ici. Elle tâta ses poches et testa vaguement l’épaisseur de son sac, afin de confirmer qu’elle avait bien tout sur elle. Il aurait été fâcheux qu’elle ait égaré entre temps la raison de sa venue dans ce quartier. Elle soupira légèrement, repensant à la folie qu’elle avait faite. Les secrets qu’elle gardait étaient de plus en plus nombreux, le poids à porter de plus en plus lourd. Comme il devait être agréable et reposant d’être un saint !

Kristen reporta son attention sur l’élève de Beauxbâtons. Constatant l’heure et la fréquentation du lieu à cet instant, elle jugea préférable de ne pas laisser cette jeune fille seule. Bien qu’elle semblait avoir une grande confiance en elle et en la sécurité que lui procurait sa situation, Kristen n’était pas si convaincue du calcul. D’autant plus qu’avec son privilège de directrice, elle pouvait rejoindre Poudlard en un claquement de doigts, en transplanant. Si l’un de ces derniers voyages lui avait valu une petite cicatrice sous la mâchoire, elle pouvait malgré tout se vanter de maîtriser à la quasi-perfection ce moyen de se déplacer : l’autre fois, ce n’était qu’un accident, elle n’était pas dans son état normal.


« Je vous y emmène aussi ? demanda-t-elle avec un petit sourire, haussant un peu le menton. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou

29 févr. 2016, 11:53
Les Sorcières de Charing Cross  PV 

Les mots du professeur Loewy s'entrechoquaient dans ma tête avec une brutalité inouïe. Une partie de ma personne ne pouvait se résoudre à être cette " chance exceptionnelle " tandis qu'une autre, plus effacée, continuait d'espérer qu'une telle chose fut seulement possible. La lutte entre ces deux idéologies serait âpre et douloureuse, longue et fatigante, mais peut-être qu'il en ressortirait un mieux pour moi et pour Mère. Le professeur Loewy semblait y croire, sans même réellement me connaître. A la manière d'un legilimens averti, elle semblait avoir la capacité de lire en moi d'un seul regard foudroyant. L'était-elle réellement ? Je ne pouvais le deviner. Sa magie écrasait de très loin la mienne et me laissait sans souffle et sans réponses face à une grande inconnue.

J'émergeais de mes songes, piquée par un mouvement inattendu. En retrouvant toute mon acuité visuelle, je trouvais le professeur Loewy debout, son regard doucement posé sur moi. Notre entrevue touchait à sa fin. Combien de temps s'était écoulé depuis son commencement ? Je n'en avais pas la moindre idée. Il me semblait avoir discuté durant des heures avec cette femme surprenante, mais peut-être que mon esprit fourvoyé se berçait d'une telle illusion pour magnifier ce qui n'avait été qu'un instant parmi tant d'autres. Je me levais et me glissais dans la chaleur douillette de mon manteau de laine en me demandant ce qu'il convenait de faire désormais. D'un côté, accepter la proposition qui m'était faite et ranger cette entrevue sur une étagère bien propre de ma conscience, d'un autre rentrer seule pour me donner le temps de réfléchir à tout ce qui venait d'être dit pendant que mes souvenirs étaient encore frais... quand brusquement, sans que je ne la vois poindre, une troisième solution émergea du néant. Une solution si perturbante que mon regard soutint longuement celui du professeur Loewy sans que mes lèvres ne puissent lui livrer la moindre réponse.

Devait-elle l'apprendre de moi ou de quelqu'un d'autre, plus tard ? Pour quelle raison le lui dire ? Était-elle réellement aussi digne de confiance qu'elle le laissait paraître devant moi ? Ma main se crispa autour d'une des fioles logées au fond des poches de mon manteau. Lisse comme le verre pour ne jamais froisser personne... ne jamais s'échauffer car froides sont nos pensées... Alors d'où provenait cette chaleur qui nouait peu à peu à mon ventre ? Toujours des questions, mais jamais aucune réponse. La fatigue commençait à avoir raison de moi.


« Professeur... »

Je m'entendis l'appeler comme si je vivais ça à travers un autre corps.

« Je n'ai pas été tout à fait honnête avec vous... »

Pourquoi le lui dire ? Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que mon cœur me le dictait. Sûrement parce que seize années d'un lourd silence venaient de trouver un écho inespéré. Le professeur Loewy l'apprendrait tôt ou tard, j'en avais la conviction. Mais je ne voulais pas que la vérité soit dénaturée, comme l'étaient tant d'autres choses qui gravitaient autour de Mère. La vérité pour ne froisser personne et n'avoir jamais à s'échauffer.

« Aude Luneau n'est pas ma tante. Je ne suis pas sa nièce. Elle a donné vie à une seule fille dans le plus grand secret... cette fille c'est moi. »

02 mars 2016, 17:44
Les Sorcières de Charing Cross  PV 
Kristen accueillit la révélation avec un sourire chaleureux. Elle posa des yeux pleins de douceur sur cette jeune fille qui devait sans nul doute faire preuve d’une grande force de caractère au quotidien, pour résister au poids de tous les secrets qu’elle devait garder. Elle ne comprit pas réellement pour quelle raison Aude infligeait tout cela à sa fille, mais elle estima qu’elle devait avoir ses raisons et qu’elle le saurait un jour si le destin en décidait ainsi. La directrice de Poudlard n’était pas une adepte du « Pourquoi ? » Elle expira un petit rire et baissa les yeux. Au fond, la surprise n’était pas si grande ; s’il y avait eu un autre membre dans la fratrie, Aude n’en serait peut-être pas arrivée là où elle en était actuellement.

Ce n'était pas de la jalousie, mais plutôt de l'envie. Kristen enviait sincèrement Aude, qui avait une fille brillante qui s'inquiétait sincèrement pour elle, et semblait l'admirer plus que tout. Si elle ne s'en rendait pas compte, il fallait engendrer le déclic. La directrice se demanda si Owen pourrait un jour éprouver tout cela à son égard, s'il pourrait mettre de côté la rancœur de l'abandon et l'aimer comme un fils aime sa mère - car elle, elle l'aimait comme une mère aime son fils. Ce qui poussait dans son cœur à côté de l'envie, c'était l'espoir : anéantie par l'accueil qui lui avait été fait à Noël, elle sentait désormais un regain d'énergie face à la fille d'Aude. Owen était son fils, et personne ne lui prendrait ; jamais plus.

« Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse, au contraire, l’est à sa façon. »

Les termes « histoires de famille » sont si répandus de nos jours, à ce point surexploités qu’ils en perdent leur sens. On les emploie pour parler d’un déjeuner du dimanche qui s’est un peu mal passé, où la belle-mère a fait des remarques au gendre et où la grand-mère hésitait entre se plaindre perpétuellement de ses problèmes de santé ou du fait que bon sang, de son temps c’était pas comme ça, c’était tellement mieux avant ! Les histoires de famille les plus élaborées n’atteignaient même pas le suspense d’un mauvais polar. Ceux qui avaient vraiment des problèmes familiaux, autres termes employés à tort et à travers, n’en parlaient tout simplement pas et ne leur donnait pas de nom ; justement parce que ce qui est trop complexe n’intéresse plus personne. On raconte ce que les bœufs qui écoutent peuvent prendre la peine de comprendre ; on nourrit leur cerveau d’histoires inintéressantes que l’on amplifie pour qu’ils puissent dire à leur tour que vous savez quoi, il connait quelqu’un qui… parce que cela vous rend hautement intéressant de connaître quelqu’un qui.

Kristen, après avoir longuement fixé Sybille Luneau, tourna la tête et sourit à nouveau. Elle ferma les yeux dans un nouveau rire expiré et dit :


« Je ne sais pas pourquoi vous devez garder ce secret, mais j’imagine qu’il y a une excellente raison à cela. Même si c’est lourd à porter, je ne peux que vous conseiller de faire attention à ce que vous révélez. Après tout, je ne suis peut-être pas digne de confiance. »

Elle rit de plus belle et se passa la main dans les cheveux.

« Ah, mais si je ne suis pas digne de confiance, vous ne devriez peut-être pas suivre mon conseil ! C’est infernal ! »

La directrice mit ses mains dans ses poches et réduisit son sourire. Elle appliquait elle-même cette règle, c’était donc un réel conseil qu’elle venait de donner à cette jeune fille. On ne sait jamais qui se cache derrière le masque que les gens nous exposent.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou

05 mars 2016, 23:26
Les Sorcières de Charing Cross  PV 
Le mal était fait. Si mal il devait y avoir. Mais le poids du silence s'était définitivement volatilisé avec lui. L'angoisse latente qui me comprimait autrefois la poitrine n'était plus. Les quelques barrières que j'avais pu dresser tout autour de moi depuis que j'étais en âge de comprendre avaient disparu. J'étais désormais libre, à ma façon. Comment une telle chose était-elle seulement possible ? Je l'ignorais. Je fixais le professeur Loewy en capturant chacun de ses faits et gestes comme si une partie de mon inconscient voulait conserver à tout jamais le moindre détail de cette scène. Sa réaction m'arrachait un sourire ; de ceux qui baignaient dans la sincérité pure.

Peut-être n'était-elle pas digne de confiance, en effet. Peut-être que tout ceci n'était qu'une vaste erreur. Mais quelque chose en moi, quelque chose que le professeur Loewy ne pouvait pas encore soupçonner, guidait chacun de mes pas. Les bons comme les mauvais. Le sang d'Aude Luneau coulait dans mes veines. J'étais la dernière héritière d'une très ancienne lignée de sorcières aux pouvoirs singuliers. Les Luneau étaient des illusionnistes de talent depuis des générations, mais personne parmi mes aïeux n'avait atteint les pouvoirs de Mère. Ce lourd héritage reposait déjà sur mes épaules. Kristen Loewy pouvait sans le moindre doute tromper qui elle voulait, mais pour rien au monde elle ne pouvait tromper une Luneau, à moins que celle-ci ne le veuille. Les choses étaient ainsi.

Je lui pris la main et en caressa le grain en parcourant du regard les lignes tracés par le Créateur, s'il devait y en avoir un.


« Mère croit que le Destin est tracé pour chacun d'entre nous. Le sien y compris. Toute sa vie elle a couru sur ses talons. Elle l'a cherché partout. Partout où il était humainement possible de le chercher... en vain. »

Les larmes me montèrent aux yeux. L'émotion me comprima le cœur avec violence. Nul autre que moi savait combien il lui en avait coûté et combien sa déception était grande maintenant que la lumière était faite. Le Destin existait bel et bien. On pouvait consacrer son existence à lui courir après, cela ne servait à rien. Le Destin était tout simplement là. A chaque instant, telle une ombre parmi les ombres.

Le Destin avait tranché pour elle, comme il tranchait pour tous. Tout ce que l'Homme avait à savoir sur cette affaire, c'est comment en accepter les conséquences.

« Si vous n'êtes pas digne de confiance, alors je ne suis peut-être pas digne de vous avoir confié la vérité. Si tel devait être le cas, je ne deviendrai tout au plus qu'un souvenir pour vous. »

Je laissais la main du professeur Loewy et entamais mon premier pas vers la sortie.

« Quelque chose me dit que les Luneau ne sont pas faites pour être des souvenirs, professeur. Toutes, à leur façon, souhaitent marquer durablement leur réalité. Les illusions n'existent que pour masquer les malheurs de notre existence. »

06 mars 2016, 14:42
Les Sorcières de Charing Cross  PV 
Kristen avait sorti ses mains de ses poches. Par un regard et un geste, elle avait compris que la jeune élève de Beauxbâtons voulait effectuer un geste en particulier. Elle retira un gant de sa main saine et laissa faire cette très étrange manœuvre – c’était le cas de le dire ! Elle sonda Sybille, qui semblait très douce et minutieuse dans son entreprise. Elle cherchait quelque chose comme les lignes de sa main, comme si cela pouvait signifier autre chose que les plis créés quand on l’ouvre et la ferme. Kristen ressentait une grande émotion dans cette jeune fille. Qu’avait-elle déjà dû endurer, à son jeune âge ?

Ses mots, une fois de plus, eurent un écho en elle. Comme avec Aude, elle sentait qu’elle pouvait comprendre ce que voulait dire Sybille. Kristen, définitivement, avait une malheureuse affinité avec cette famille. Elle sourit à cette jeune fille qui semblait comprendre beaucoup de choses – peut-être même trop de choses pour son âge. Cela avait des chances de lui nuire : ce n’est jamais bon signe de parler comme un adulte quand on n’a que seize ans. La directrice de Poudlard baissa les yeux vers le sol et dit avec un sourire nostalgique :


« Nous finirons tous par n’être plus que des souvenirs, tant que… notre destin nous guidera vers la fin. »

Cette phrase pouvait faire un peu… gothique torturé, mais il fallait être un idiot pour en nier l’évidence. Tant d’embûches sont placées sur le chemin de certains d’entre nous, sans qu’on ne sache pourquoi, et au final, tous les chemins mènent à Rome ! nous courons tous à notre perte. Sans qu’on ne sache jamais pourquoi la vie aura privilégié ceux-ci et non ceux-là.

En relevant les yeux vers Sybille, elle plissa les yeux et lui offrit un sourire qui se voulait rassurant, après ces sinistres paroles.


« Alors au moins devons-nous faire de notre mieux pour que les personnes qui comptent se souviennent de nous en bien. »

Cela, c’était une chance, elle le sentait, qui ne lui serait pas offerte de sitôt. Elle avait déjà tout foutu en l’air, tant de fois. Pourtant, cet entretien avec Sybille Luneau et les réflexions qu’elle se faisait autant à elle-même qu’en guise de conseils pour cette jeune fille, finissaient presque par lui redonner espoir. Est-ce qu’elle devrait tenter sa chance, tenter de tout réparer, et surtout l’irréparable ? Faire de son mieux. C’était toujours une question de faire de son mieux. On en revenait à ce fichu destin, qui s’amusait à défaire tout ce qui avait été fait. Ou plutôt, chacun de nos actes faisait partie de son plan. Comme Œdipe qui croit le déjouer, et qui se précipite dans ses bras. Oui, la vie est une p… de tragédie. Kristen, en tant que Gryffondor, avait un sérieux problème avec ces imbéciles de stoïciens, clamant haut et fort leur superbe idéologie de l’Amor Fati. Une belle bande de flemmards. Abdiquer est un crime ; la lutte doit être permanente, le refus total, et les erreurs sont faites pour être réparées. Après tout, « il faut bien que quelqu’un torde le cou au destin. »

Sybille Luneau offrit un grand sourire à Kristen, hochant la tête. La directrice de Poudlard se sentait bien. Elle n’avait jamais vraiment parlé comme cela à qui que ce soit. Elles sortirent toutes deux, et de là, transplanèrent jusqu’à Poudlard, dans le couloir vide qui menait aux appartements des élèves de Beauxbâtons, une des tours réservées aux invités, pour les événements exceptionnels. Kristen sourit sincèrement à cette jeune fille, pendant que celle-ci s’inclinait respectueusement. La directrice en fit de même, baissant légèrement la tête, et conclut par ces mots :


« Merci pour cet échange, Mademoiselle. Au plaisir de vous revoir. »


- FIN -

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou