Quelques semaines plus tôt, Arthur avait reçu un avis favorable de la part du Conseil pour reprendre le célèbre Chaudron Baveur. Grâce à son rôle de gérant, c’était maintenant à lui de recruter le personnel qui le seconderait au quotidien. Des offres pour le poste de serveur avaient circulé sur le Chemin de Traverse et les autres lieux sorciers du pays. Il avait déjà reçu plusieurs candidats intéressés et enchaînait les rendez-vous. Ce samedi ne faisait pas exception et, d'une minute à l'autre, une jeune femme devait passer elle aussi l’entretien.

Arthur attendait donc dans le salon privé situé le plus proche du comptoir, son futur bureau. C’était pour l’instant le seul endroit du pub complètement rénové et apte à recevoir convenablement du monde. Cependant, la pièce n'était pas encore tout à fait meublée. Il y avait son bureau, couvert de dizaines de parchemins et d'ouvrages, une malle et une table basse avec deux fauteuils installés devant la cheminée déjà fonctionnelle.
La porte était entrebâillée pour accueillir la candidate et l’homme lui tournait le dos. Debout devant la fenêtre, les mains dans les poches, il regardait les passants parcourir le Chemin de Traverse.

L'attente ne fut finalement que de courte durée puisqu'il entendit des pas se faire de plus en plus distincts. En se retournant, il vit une sorcière aux longs cheveux blonds. Il reconnut sans mal le visage qui apparaissait sur la photo communiquée avec les documents de l'entretien : Enola Bush.

"Je t'en prie, entre et assieds-toi." dit-il en désignant du doigt le fauteuil qui se trouvait face à son bureau. Arthur ne s'était pas attardé à la vouvoyer. Il n'avait jamais été très au fait des conventions et préférait aller au plus simple.

En se baladant sur le chemin de Traverse un jour, Enola avait repéré une offre pour le poste de serveuse au chaudron Baveur. C'était sans hésité qu'elle avait alors entame la démarche nécessaire pour postuler à ce poste. Elle n'avait qu'une envie c'était de quitter la maison de ses parents et enfin trouver un appartement dans lequel elle pourrait vivre de manière autonome. Seulement, sans revenus, cette mission était tout de suite plus compliqué et elle n'allait pas vivre dans la misère. Depuis le temps qu'elle cherchait un travail autre que pour le conseil des sorciers. Elle n'approuvait pas ce système, et encore moins la demande d'un serment inviolable alors un poste de serveuse dans un lieu tel que le Chaudron Baveur était vraiment une aubaine pour elle. Elle était plutôt adroite et n'avait jamais cassé une fiole en potions, ça ne devrait pas être trop compliqué si ?

Le jour de l'entretien, Enola avait enfilé un jeans et une chemise blanche, une veste en cuire et une paire de converse. Elle avait opté pour la simplicité et le naturel mais tout en restant un minimum élégante. L'ancienne Poufsouffle avait opté pour un maquillage simple et peu voyant et laissé ses cheveux détachés. Avant de partir, elle avait demandé quelques derniers conseils pour réussir au mieux cet entretien et décrocher ce poste. Ceux-ci lui conseillèrent alors de ne pas trop stresser. Au final ils n'étaient pas d'une grande aide même si heureusement ce n'était pas la seule chose qu'ils lui avaient dit. Elle se regarda une énième fois dans le miroir, attrapa son sac à main avec les papiers et cria pour ses parents.

- A plus tard, j'y vais !

Elle transplana ensuite dans une ruelle vide proche du Chemin de Traverse et marcha jusqu'à sa destination. Visiblement la construction du bâtiment avançait bien. Arrivée, elle chercha le premier salon privé, comme il était indiqué sur ses papiers. Souriante, elle repéra sans difficulté la porte à moitié ouverte et comprit que c'était ici, elle replaça une mèche derrière son oreille et souffla un coup discrètement. C'était maintenant le moment de faire bonne impression alors elle toqua doucement à la porte avant de repérer le propriétaire qui regardait par la fenêtre.

- Bonjour. dit-elle souriante en passant la porte, prenant garde à ne pas se cogner.

Il lui indiqua alors deux fauteuils en lui disant qu'elle pouvait s'asseoir et Enola prit place sur le fauteuil le plus proche d'elle. Elle était un peu stressée, douter la dessus aurait été se mentir, mais en même temps elle se sentait prête, elle n'avait pas pour habitude de se prendre la tête alors ça ne risquait pas de commencer à ce moment.

- Merci ! dit-elle. Bon, maintenant, place aux questions, on aurait presque pu croire qu'elle faisait face à un journaliste qui allait lui poser des questions.

Le nouveau patron nota immédiatement quelques points très positifs. Tout d'abord elle était souriante. Une qualité à ne pas négliger lorsque l'on souhaitait être en contact avec les clients. Le ton employé était de plus enthousiaste et sa tenue vestimentaire soignée. Sur ces premières secondes, l'image renvoyée était complètement satisfaisante.

Arthur s'avança vers son propre fauteuil et posa sa main sur le dossier. Le siège s'écarta alors du bureau et s'en rapprocha lorsque le sorcier fut assis dessus. Il poussa les parchemins qui se trouvaient juste devant lui et y posa les documents relatifs à Enola. Il sortit ensuite une plume blanche de son encrier et la plaça au-dessus d'une feuille vierge. Elle commencerait à retranscrire l'entretien dès que la première question serait formulée.

Un peu plus tôt dans la journée, le vieil homme avait préparé des scones aux groseilles accompagnés de confiture de framboise, de crème épaisse et servis avec du thé Earl Grey. Le meilleur à ses yeux. A l'aide de sa baguette, il apporta le plateau qui se trouvait dans la cuisine et le déposa devant eux. Il comportait les six petits gâteaux, trois coupelles creuses pour la confiture, la crème et les morceaux de sucre ainsi que deux tasses fumantes.

"N'hésite pas à te servir." lui indiqua-t-il en portant l'une des tasses à ses lèvres. Il en but une première gorgée puis la reposa sur sa gauche.

"Si tu as des questions tu pourras les poser à la fin de l'entretien." Arthur attrapa les documents qui l'intéressaient, colla son corps au dossier du fauteuil et croisa les jambes. "Bien, nous allons pouvoir démarrer maintenant. J'ai bien pris connaissance de ta lettre de motivation et de ton CV - ses yeux les parcouraient en même temps pour se remettre en mémoire les différentes informations - mais j'aimerais que tu commences par me parler un petit peu de toi s'il te plaît." La question classique mais non moins importante puisqu'elle permettait aux candidats de se mettre en valeur.

Mr. Wyatt lui proposa de quoi manger et Enola s'empara de l'autre tasse pour se réchauffer. On avait beau dire, elle ne s'était pas habillée de manière particulièrement chaude et un boisson chaude ne lui ferrait pas de mal du tout. La prochaine fois, elle penserait à prendre une fiole ou une chose dans le genre pour se chauffer de l'eau et se réchauffer. Elle mit un sucre dedans et prit une cuillère en touillant légèrement. En observant un peu mieux la pièce, on voyait bien que la construction avait un peu avancé.

Elle hocha ensuite la tête pour signifier qu'elle avait comprit, elle garderait ses questions pour la fin. Temps mieux, elle n'en avait pas pour l'instant, pas besoin d'en faire tout une misère. La première question tomba ensuite et l'ancienne Poufsouffle comprit que c'était le moment de se mettre en valeur. Ses parents lui en avaient parler, ou du moins cela faisait parti des points ou ses parents lui avaient donné des conseils et elle avait pu déjà réfléchir un peu sur la question. D'un naturel plutôt enthousiaste et sans prise de tête, sans trop douter elle réfléchit quelque secondes avant de se lancer. Ce n'est pas comme si un journaliste lui faisait face est lui posait des questions très compliqué.

- Alors, je suis née à Londres dans une petite maison en banlieue et y vit encore actuellement avec mes parents. J'aime beaucoup notre maison, notre quartier et très agréables et les personnes sont très sympa. J'ai fais ma scolarité à Poudlard, maison Poufsouffle et suis rentrée à l'Académie des Enchantements et Sortilèges. Finalement j'ai décidé de partir en voyage pour découvrir le monde, depuis le temps que j'en avais envie. Je suis resté à peu près 6 mois en France et je pense que je peux dire que je maitrise maintenant plutôt bien cette langue. C'était très plaisant de voyager et de découvrir de nouvelles choses mais j'avoue que je me sentais un peu seule et je ressens le besoin de renouer avec Londres et retrouver un peu de contact.

Enola voyait la petite plume bouger et ça lui rappela qu'elle n'avait pas trop intérêt à dire n'importe quoi si elle voulait décrocher ce poste. Toujours autant souriante et enthousiaste, elle finit :

- Sinon... que dire d'autre, je joue aussi du piano et j'aime bouger, rester des heures sans bouger devant un bureau ce n'est vraiment pas mon truc. Jugeant qu'elle en avait dit assez, elle prit sa tasse et souffla un peu dessus avant de prendre une petite gorgée et de la reposer. A vrai dire, elle cachait sa petite fierté mais elle était contente de ne pas s'être brulée la langue, et de ne pas s'être cogné contre quelque chose. Ça n'aurait pas été étonnant pour elle mais en même temps elle essayait de faire attention à ce qu'elle faisait. Histoire de ne pas donner de mauvaise impression.

Arthur ne se préoccupait pas le moins du monde de la plume qui parcourait le papier. Il écoutait simplement Enola en hochant la tête de temps en temps. Ces informations, il les connaissait déjà en partie mais avait besoin que la jeune femme les exprime de vive voix. Néanmoins, il retint celles qu'il jugeait intéressantes à mettre en avant : qualités de la maison Poufsouffle, maîtrise de la langue française, dextérité fine grâce à la pratique du piano et dynamisme. C'était un bon début si l'on ajoutait son attitude enthousiaste et souriante.

Le sorcier laissa la plume terminer sa phrase et prit la parole.

"Très bien." Il s'arrêta puis se rapprocha du bureau pour reprendre sa tasse et en boire une nouvelle gorgée. Il la reposa et se réinstalla au fond de son fauteuil. "Tu as dit avoir étudié à l'Académie des Enchantements et Sortilèges... Pourquoi vouloir postuler à un poste de serveuse alors que tes compétences ne seront finalement que très peu utilisées ?"

La question était légitime. Poursuivre son cursus après l'obtention de ses ASPIC destinait à des postes plus prestigieux que celui-ci. Evidemment, Arthur n'était pas dupe. Il se doutait très bien que, vu son jeune âge et sa formation, il ne s'agissait là que d'un emploi transitoire, le temps pour elle de trouver quelque chose de mieux. Et c'était loin d'être un problème. Même si la garantie d'avoir un employé sur le long terme était souhaitable, si elle faisait correctement son travail c'était tout ce qui importait.

Par la barbe de Merlin, c'était impressionnant à quel point une simple plume pouvait être stressante. Elle écouta ce que le patron du Chaudron Baveur lui disait, toujours aussi souriante en s'efforçant de ne pas la regarder, ni d'en prendre compte.

La question qu'elle redoutait fit son entrée. Évidement, cette question risquait d'arriver un jour, elle ne pouvait que s'en douter, ce n'était pas particulièrement logique de vouloir être serveuse après un an d'étude à l'AES. Le vrai problème était qu'elle ne pouvait pas dire la vérité. Dire ouvertement qu'elle ne voulait pas rejoindre le Conseil des Sorciers sachant que le nouveau patron avait été choisi par lui était sûrement une très mauvaise idée. Faire un serment inviolable pour rejoindre un poste, même très simple ne l’intéressait pas. Elle ne voulait pas être mêlée à tout ça. Heureusement, Enola c'était préparé et avait réfléchi avec ses parents à comment répondre à cette potentielle question.

- En réalité, en sortant de mes études, je pensais sérieusement à décrocher un poste en tant qu'employée pour le conseil des sorciers. Je n'avais pas encore particulièrement réfléchi à quel poste exactement à la sortie de Poudlard. Puis mon année d'étude est passée et arrivée à la fin, je me suis rendu compte qu'être à ce genre de poste ne m'intéressait pas franchement et que j'avais plus besoin de bouger. Être au contact avec le monde et aussi prendre le temps de mieux découvrir le monde qui m'entoure. Je suis donc partie en voyage et maintenant je me rend compte que je n'ai pas plus envie de rejoindre un bureau... Sauf qu'il est peut-être temps maintenant que je me trouve un travail et celui de serveuse me semble idéal. Je serais en contact avec des personnes, je me sentirais utile et je suis certaine que je me plairais à faire ça, ce qui n'est pas le cas en tant qu'employée du Conseil.

Enola sourit, ce n'était pas complétement faux, mais on ne pouvait pas dire que c'était complétement vrai non plus, en tout cas son ton se voulait assuré. Elle espérait juste que sa justification passe et qu'elle ait été plutôt clair dans ce qu'elle voulait dire.

Je suis vraiment désolée pour l'attente

Le sorcier était pour le moment satisfait de ce qu'il entendait. La jeune fille cherchait un travail dynamique qui la mettrait en contact avec des personnes. Elle serait servie avec celui-ci.
Arthur se redressa, attrapa un des scones à la groseille puis se renfonça au fond de son fauteuil. Il sépara le gâteau en deux parties pour en prendre une première bouchée. Une fois terminée, il regarda Enola et lui sourit en retour lorsqu'elle mit fin à son intervention.

"Eh bien je pense que tu devrais te retrouver dedans. L'avantage c'est que je suis persuadé que tu maîtrises les sortilèges qui sont utiles pour évoluer à un poste comme celui-là."

Le vieil homme mangea l'autre moitié de son scone et la fit descendre en buvant de nouveau dans sa tasse qu'il reposa juste après. Ensuite, il réarrangea machinalement les papiers concernant la sorcière et sortit de sous un parchemin sa pipe préférée. Lorsqu'il la porta à ses lèvres, elle s'alluma et une fumée bleutée¹ s'en dégagea.

"J'aimerais te demander, d'après toi qu'elle serait une journée type en tant que serveuse, qu'est-ce que tu serais amenée à faire ?"

Le gérant du Chaudron Baveur laissa quelques secondes de silence qu'il combla en tirant doucement sur sa pipe. Heureusement pour les personnes qui l'entouraient dans un moment comme celui-ci, la fumée n'était absolument pas dérangeante.
Il enchaîna ensuite sans perdre de temps.

"Dans cette même idée, imaginons qu'une bagarre éclate, comment est-ce que tu réagirais ?"

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¹ La couleur varie en fonction de son humeur.

Arthur opina de nouveau de la tête aux différentes interventions d'Enola tout en continuant de tirer sur sa pipe. Elle lui apportait, jusqu'à présent, des réponses tout à fait convenables.
Il jeta un coup d'oeil à la plume qui terminait sa phrase. Il avait visiblement fait le tour des sujets qu'il souhaitait aborder. Les mots étaient une chose mais les actes en étaient une autre et le sorcier préférait ces derniers. Ils étaient davantage conformes à la réalité et représentatifs d'une personne. C'était pour cette raison que le candidat retenu serait dans un premier temps en période d'essai, afin qu'Arthur puisse évaluer son travail dans de vraies conditions.

Le patron se leva en gardant la pipe coincée entre ses dents et contourna son bureau pour se poster aux côtés de la jeune fille.

"Merci pour cet entretien Enola, je n'ai pas d'autres questions à te poser." articula-t-il avec difficulté.

Il attendit ensuite qu'elle se soit levée de son fauteuil pour l'escorter jusqu'à la sortie du salon privé.

"Je vais prendre le temps de réfléchir et je te recontacte dans quelques jours pour te donner ma décision finale. Rentre bien." Après une brève poignée de mains échangée, le gérant ferma la porte derrière Enola et retourna s'asseoir à son bureau. Il but la dernière gorgée de son thé à contrecœur. Il était désormais froid.

Il étala devant lui les notes provenant des différents entretiens qu'il avait organisés. La réouverture étant prévue pour le 7 avril, il lui était impossible de prendre son temps. Il devait se fixer rapidement.