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08 août 2021, 23:50
À l'heure où rougit l'horizon  + 


— aube dorée —

C'est sur l'horizon que je voudrais écrire, pas sur un cahier. J'aimerais qu'on nous apprenne comment toucher le ciel, comment repousser les orages, comment ne plus avoir peur.
Ondine Khayat


crédit œuvre : Ana Maria Edulescu



5 JUIN 2046, 6h37
ARBRE GEANT, PARC

Alyona, 16 ans



*... ajouter la bile de tatou, les dés de scarabées et... ?* Absence de souvenirs. Merlin, comment vais-je faire si je ne parviens pas à mémoriser une simple recette de potion ? Comment vais-je faire si on me demande de réaliser la potion d'Aiguise-Méninges et que je ne me souviens plus de quels ingrédients utiliser ? Ce ne sont que des étapes à apprendre par cœur, des mots à savoir dans un ordre précis. Il n'y a aucun sortilège à exécuter ou à rechercher pour trouver lequel est le plus adapté pour vaincre un Merrow et aucun geste à reproduire correctement sur un balai ; tout cela n'est qu'une recette que je dois savoir pour pouvoir la réaliser si on me le demande. Je dois connaître chaque détails, du temps de cuisson à la manière de traiter et de mettre les ingrédients en passant par les quantités désirées et l'ordre exact de toutes ces étapes. Je n'ai pas à m'adapter à une plante ou à user de mes connaissances pour répondre à une question. Il me faut simplement apprendre cette recette pour pouvoir la refaire plus tard. Alors, pourquoi donc est-ce que je ne parviens pas à la mémoriser correctement ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à retenir cela quand le regard vert tellement dur qu'elle a posé sur moi s'est encré si facilement dans ma mémoire ?
Mes pensées sont un bordel innommable. Tout se mélange, se noue, se croise et se mêle. J'essaye de rester concentrée sur mes BUSE mais les événements de cette année, comme des bulles de savons explosant à la surface de l'eau, ressurgissent parfois brutalement pour s'imposer à moi sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. La simple idée que tout cela ne s'améliore pas avant un certain moment me bouleverse. C'est terrifiant, ce jeu avec lequel ma propre mémoire joue, tellement terrifiant.

L'herbe est encore humide sous moi. Ce matin, la douce rosée est venue se déposer avec délicatesse sur l'herbe sombre pour la recouvrir de ses perles iridescentes. C'est un spectacle d'une beauté et d'une douceur magnifique. L'air frais de la matinée me caresse le visage et les bras. L'aube est certainement mon moment favori de la journée : l'horizon rougit avec l'arrivée majestueuse de l'Astre du Jour, le Monde semble s'éveiller avec délicatesse, les autres élèves du château sont presque tous à l'intérieur ou sous leurs draps et les Acrobates de l'Azur chantent ensemble une ode à la vie. Cette période de la journée est propice aux révisions, c'est pour cela et afin de profiter de ce moment et de la fraîcheur matinale que je me suis levée tôt — étrangement, mes pensées semblent plus calmes le matin.

D'un geste, je referme mon manuel de potion pour le glisser dans mon sac. Parfois, mieux vaut ne pas se concentrer sur la seule tache qui risque de nous prendre toute notre énergie et notre bonne humeur. Je ne voudrais pas louper mes BUSE d'aujourd'hui à cause d'un stress trop profond et de pensées insupportables, je suis déjà passée à côté de celle d'hier. *Le Merrow*, Merlin, *le fichu Merrow* ! Une après-midi entière ne m'a pas suffi pour chasser cet affreux moment de mon esprit. J'étais tellement préparée, entraînée, déterminée et concentrée mais tout s'est effondré à la seule vision de cette eau dans laquelle je devais plonger. Seule ma terreur est restée, navigatrice de mon bateau en détresse. Et j'ai échoué, je le sais, je le sens. J'étais tellement confiante et... par Circé ! tout s'est effondré quand mon corps s'est retrouvé privé d'air, entouré par ce liquide étouffant et pris au piège par mes propres pensées qui m'hurlaient de partir au plus vite. En parallèle, les souvenirs de cet effondrement et de ma chute dans le Lac Noir et glacé me revenaient sans cesse à l'esprit, comme pour me rappeler la force de ma terreur et mon incapacité à pouvoir faire quoi que ce soit sous le niveau de la terre.

Je chasse avec difficultés mes souvenirs traumatisants de mes pensées. Les laisser me dominer ne m'apportera rien de bon, j'en suis certaine. Je dois me reprendre, respirer calmement et me concentrer, évacuer toutes mes pensées déstabilisantes. Pour réussir mes BUSE, il ne faut pas que j'hésite, que je prenne peur ou que je laisse mes émotions me guider. Je dois rester sereine et sûre de moi, ne jamais faiblir, ne jamais douter.

J'inspire et gonfle doucement mes poumons de l'air frais extérieur. Je guide mes réflexions vers l'horizon doré et vers ce qui m'entoure. J'essaye de m'ouvrir, de laisser le Monde me toucher doucement, la Magie me faire frémir par sa puissance et sa beauté, le Silence m'envahir et caresser mes pensées. Un oiseau chante derrière mon dos — peut-être dans l'Arbre Géant ? — un air très doux et joyeux, vite repris par ses compères imitateurs. Face à moi, d'autres bruits me parviennent, parfois rendus inaudibles par le murmure du Vent à mes oreilles. Je crois distinguer des pas et des voix, mais peu m'importe, je ne m'attarde pas dessus. L'humidité environnante accroît les odeurs autour de moi, si bien que le parfum discret des fleurs du parc vient danser dans mes narines. Le Monde est si doux, Merlin. Chaque chose perçue est une beauté, une aide à la compréhension, un nouveau mystère à percer. Pourquoi le bruissement des feuilles mêlé avec le chant des Acrobates célestes forme-t-il une musique si agréable ? Comment cela se fait-il que la Nature apporte tant de légèreté, de douceur et de réconfort aux âmes errantes ? Comment la Nature s'y prend-elle pour réussir à calmer aussi rapidement les remous puissants de mes pensées ? Mes questions semblent s'envoler vers les Cieux, frôlant à peine mon esprit. J'ai l'impression de flotter je-ne-sais-où mais c'est très agréable et plaisant. Alors, je me laisse emporter.

Ainsi, le corps avachi contre l'Arbre Géant, les yeux fermés et le cœur battant doucement, un calme étrange m'envahit. Tout en moi s'est tu, comme pour écouter le reste, l'au-delà de mon propre corps, l'extérieur à mon enveloppe humaine, la beauté du monde qui me saisit en son sein. Je ne suis soudain plus rien qu'un être parmi tous les autres, englobée par quelque chose de bien plus grand, de bien plus fort, de bien plus magnifique. Mes sens s'affûtent petit à petit, si bien que l'Arbre derrière moi me paraît un peu plus vivant et réel, il n'est plus un bout de bois comme tous les autres. Enfin, je perçois, à l'orée de mon esprit, la puissance éblouissante de la Magie, si proche mais si lointaine.

Et en une expiration, tout s'enfuit hors de moi. Il ne me reste plus que ce calme pour bercer mon esprit.


Plume de @Charlotte Dwight et Plume de @Felicia Luke, j'espère que ce premier Pas vous plaira et vous inspirera !
Dernière modification par Alyona Farrow le 04 juin 2023, 18:24, modifié 2 fois.

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle

04 sept. 2021, 01:19
À l'heure où rougit l'horizon  + 
Mardi 5 juin 2046,
En dehors,
Première année.


Le stress. Ce n'est pas quelque chose que j'ai beaucoup expérimenté dans ma vie. Je suis plutôt du genre à prendre plein de choses à la légère, à ne pas m'inquiéter du futur et surtout vivre au jour le jour. Pourtant... Ce matin je me suis réveillée bien trop tôt pour une journée d'examen et je me dis que je le dois particulièrement à ce monstre qu'on ne voit pas souvent. Le stress.

Je n'avais pas vraiment l'impression que les épreuves de la veille s'étaient mal passées et bien au contraire. J'ai envoyé baladé l'examen de botanique haut la main, et la métamorphose ne m'a pas donné trop de mal. Mais aujourd'hui, il semblerait que mon corps et mon esprit n'étaient pas en accord sur l'heure de réveil. Alors je me retrouve là. Dans le parc, à penser à mes examens de la journée. Il est tôt. Bien trop tôt pour faire quoi que ce soit de constructif et pourtant je me dirige vers mon endroit favori comme un pèlerinage. Une marche sensée apaiser mon esprit.

Une fois sortie du château par la grande porte, je me laisse happer par l'air frai de la matinée qui me frappe de plein fouet. Et alors, je regarde autour de moi, un peu mélancolique de voir cette grande étendue presque vide, ce n'est pas habituel, je n'aime pas le vide, ni la solitude. Ce matin, je suis pourtant sortie en me disant que je ne verrais certainement personne. Mais en prenant ce chemin qui a été le mien tout au long de l'année, je me retrouve face à une grande. Une grande en dessous de l'arbre géant dans lequel on ne peut pas monter. Est-ce qu'elle aussi est apaisée par cet arbre ? Elle a l'air tellement paisible que j'ai un peu peur de l'approcher.

Cette grande ne me dit rien. Elle est certainement aussi grande que la grande Bristyle. Mais je ne crois pas que les deux filles peuvent se ressembler. Ma dernière vraie discussion avec l'autre grande à plutôt débuté sur une explosion de caillou, là c'est différent. Comme si je me trouvais devant tableau. Un peu hésitante, chose qui ne me ressemble pas, je m'arrête en plein du milieu du parc devant cette fille qui ne bouge pas.

Je ne sais pas si elle peut me voir mais après un court instant à regarder les environs, je me précipite vers elle en sautillant. Mon pas est léger mais bien peu sûr, ma maladresse ressort à chaque impulsion contre le sol. Je pense que la fille peut me remarquer. Je m'en veux un peu de briser ce tableau si beau mais je me suis sentie obligée de la rejoindre. Tenter de comprendre, commet arrive-t-elle à faire autant partie du paysage. Une fois en face d'elle, debout, face à cette grande, je chuchote, comme pour m'excuser d'avoir brisé le charme du lieu.

- Bonjour la grande du matin dont je connais pas le prénom... J'peux te voler un peu de ton calme ? J'peux partager l'arbre géant avec toi ?

Et là, ma voix me semble presque de trop, comme si tout avait été brisé. Mais mon chuchotement devra bien arriver jusqu'à ses oreilles si ce n'est pas mes pas trébuchants qui l'ont sortie de son équilibre.

Excusez moi profondément pour le retard... Je voulais attendre le bon moment pour écrire ce pas et il semblerait qu'il soit enfin arrivé. J'espère qu'il vous plaira ^^ En tout cas plume d'Alyona, le tiens m'a beaucoup plu !

Poufsouffle Vult !! / Bôs débilus / RASA / Fan de Will
4e année RP (48-49)/ Capitaine des Hel's Angels / #804000
"Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin" #PouffyFamily

18 sept. 2021, 19:21
À l'heure où rougit l'horizon  + 
Felicia
Quatorze années — déjà
Le point du jour




Frôler l'horizon, sans jamais le toucher.


Je marche vite, aujourd'hui. Je marche avec une fièvre qui n'est pas la mienne, je marche vite, mais sans courir. Une étrange détermination me guide, tandis que l'angoisse retient mes pas. Je marche sans but, insensément ; la tête haute. Mon cerveau s'égare dans mille méandres de la pensée tandis que mon corps, lui, me presse, me pousse, m'assaille de fulgurantes impressions, d'émotions mêlées, nouées si fermement que j'en ressens le poids, enfermée dans ma cage thoracique pour l'éternité. Je ne sais pas poser les mots sur ce qui me secoue, ce matin. Je suis ballottée par la peur, par l'espoir, par le savoir qui me fait tant défaut ces temps-ci, par le désespoir, aussi. *Non* Par le découragement.
Je marche vite parce que je fuis le château, je fuis les devoirs, je fuis les *épreuves*. Je marche vite pour m'échapper, je m'offre au Ciel pour me délasser, et j'abandonnerais mon esprit et ses travers retors s'Il m'en donnait la possibilité. Je n'en peux plus. Je n'en peux tout simplement *plus*. Les examens ont débuté hier et me laissent déjà épuisée, vide de tout. Vidée de sens. Cette nuit même, une fois la dernière étoile éteinte, chacune de mes connaissances, passées dans des boucles infinies et harnachées de force à ma mémoire pour un jour, m'ont soudainement désertée. Comme si elles n'avaient jamais réellement existé. Comme une âme se détache de son enveloppe charnelle une fois la vie disparue : seule la coquille demeure.
Et pourtant non, car je suis aussi pleine, fiévreuse, agitée. Incapable de trouver un instant de repos. Je nage dans une mer de paradoxes, et je finirai par m'y noyer. J'étouffe, et même l'air de ce « dehors » cloîtré par la Magie me rassérène.

Je marche sans fin, sans pensées, sans objectif. Je repousse les parasites, les problèmes, l'anxiété. Je détruis ce qui n'est pas moi — mais qui fait partie d'aujourd'hui.
Le vent s'engouffre dans mes poumons, gonfle mon être d'une clarté salvatrice ; il me donne la force de continuer. Je respire, enfin. La nuit blanche a usé son encre dans mes cahiers, et les couleurs se multiplient par points lumineux sous mes paupières, quand je ferme les yeux ; alors seules ces rafales dans la brume lactescente, intangibles et vivantes, me sont supportables à cette heure. Mes paupières ne se reposent pas, malgré cette quiétude bancale, enfin retrouvée ; elles s'ouvrent sur le monde, plus vives qu'avant, et les paysages de l'aube paraissent à mon regard é(mer)veillé.

A moi qui n'ai jamais voyagé, cloîtrée tous les étés dans une ville vibrante et polluée, enfermée chaque hiver dans ce Château mystérieux, chaque vision de la Nature est un joyau. Quelque chose de pur, de sain(t), émane de ces lueurs piquetées dans la brume évanescente, tandis que le Lac remue sous la brise. Les arbres, de *l'autre côté*, soupirent à l'aurore en quittant leurs sombres heures.
Sous ces paysages divins, mes sentiments illusoires s'évanouissent, pour m'emplir de sérénité. La douceur de l'atmosphère à cet instant apaise tout ; je me délivre des chaînes de mots, des pléiades de phrases et d'apprentissages qui pèsent sur mon cerveau.
Je lâche tout, sans m'inquiéter de la chute.
Le rythme de mon cœur ralentit sa course folle, le sang reprend ses lentes pulsations dans mes veines et, après un dernier regard amoureux à l'aube, je clos mes yeux pour respirer, encore. Je n'inhale plus d'immenses goulées d'air, je ne me gorge pas d'oxygène au point d'en étouffer ; je respire, simplement. Mon souffle est la seule chose qui me rattache à la réalité, et la seule qui m'en éloigne, paradoxalement, la seule qui me fait flotter dans ma bulle de silence. Je m'y tiens comme on se lie à quelque chose que l'on a jamais quitté : avec évidence.

Je marche toujours ; mes prunelles papillonnent sans se poser sur le monde qui m'entoure. Je marche toujours — je suis incapable de m'arrêter —, mais mon pas est incertain, plus prudent, plus fragile. Je me dirige inconsciemment, guidée par mes pas vagabonds, vers le lieu qui me trouble le plus, ici.

L'Arbre Géant se dresse devant moi. Comme il est grand, comme il est incommensurable ! ; comme il est majestueux, gracieusement levé vers le ciel, il caresse de ses branches la pointe du Dôme ! Comme il m'impressionne, du haut de ses centaines de mètres !
Infime silhouette face à lui, je me sens redevenir la petite fille qui l'admirait il y a deux années de cela, à sa création. Je me sens rétrécir jusqu'à ne plus être, tant sa splendeur prend de place, tant son aura est brûlante. L'énergie que ces deux troncs enlacés délivrent est perceptible ; je suis dans l’œil du cyclone.
C'est insupportable. C'est extraordinaire. Cette Beauté me dérange, et je voudrais fuir ce lieu que la Magie a enfanté. Par peur, par dégoût, par trouble je n'aime pas demeurer dans ces ombreux parages, mais je suis incapable de les quitter. Je suis fascinée, inévitablement attirée par ce lieu tellement décalé du reste de la réalité. Quelque chose le différencie du reste, sans que je ne comprenne quoi. Mes yeux parcourent ses courbes, ses arcs, ses branches tendues vers les nuages, attentifs et subjugués, en recherche d'un je-ne-sais-quoi qui expliquerait.

Mais je ne trouve rien.
Je ne trouve rien, comme toujours ; cet espace est un mystère, environné de brouillard.
Je ne trouve rien, seulement deux filles ; une grande, une petite, au creux des racines. Deux silhouettes opposées, que rien ne saurait assembler physiquement, et pourtant, ici elles semblent parfaitement à leur place. Ensemble. Je les vois, et j'ai envie de les rejoindre ; j'ai envie de partager avec elles la paix de l'Arbre ; je refuse à présent la solitude dans laquelle je me suis lovée : je veux être avec d'autres. Pour que le temps passe, dans l'immobilité.
Je m'avance auprès d'elles, doucement, prenant garde de ne pas toucher au Silence ; je fais attention à ne pas l'abîmer, car le silence est une chose sensible qui s'effrite au moindre son, au moindre retour d'onde, et sa fin est toujours terrible. Je foule le sentier sans bruit, je m'approche d'elles.

Qui sait ce dont elles parlent ? Qui sait ce à quoi elles pensent ? Qui sait à quelle vitesse le temps s'écoule pour elles, à cet instant ? Qui sait pourquoi elles ont cherché la compagnie de l'Arbre, elles aussi ?
J'ignore ces questions ; je vais à leur rencontre, seulement.

Je suis face à elles, maintenant, et les mots s'échappent d'entre mes lèvres : « Si ce matin est beau, peut-être qu'il l'est encore davantage si plusieurs yeux le regardent ensemble ? »

Adressés à elles, et à personne.

Peu importe la réponse ; je suis bien. Le temps du silence me laisse le loisir de les dévisager, sans pudeur et sans effronterie. Leurs traits s'ancrent sur mes rétines, et le visage de la plus jeune, la blondeur incarnée, me renvoie à un souvenir récent ; je reconnais la *p'tite Poufsouffle* qui fêtait ses douze ans en mai. Mi-surprise, mi-interrogatrice, je lui adresse un léger sourire. Rien de plus, pour ne plus vaguer le silence de l'autre, la Grande.
Je me tais.


Chères Plumes, pardonnez-moi pour cette attente (et pour ce pavé, aussi) !
Vous lire toutes les deux est un vrai plaisir, j'espère que mon Pas mitigé saura vous plaire aussi...

évanaissance

26 déc. 2021, 11:49
À l'heure où rougit l'horizon  + 
Et si le temps pouvait s'arrêter ? Un doigt posé sur les aiguilles qui tournent comme un cyclone, une main devant le Soleil qui court dans le ciel ; plus aucun repère, des secondes transformées en minutes, des minutes transformées en heures, des heures transformées en jours : plus aucune importance, les sensations comme seules références.
Je respire profondément. J'ai l'impression d'être parvenue à ralentir le temps. J'ai posé mes doigts sur la grande roue qui ne cesse de tourner et la voici qui continue son chemin plus lentement, rencontrant des difficultés à progresser à son rythme habituel. Oh, bien sûr, je sais que ce n'est qu'une image. Je ne suis pas réellement parvenue à faire cela, c'est tout bonnement impossible. Le temps n'est pas une roue et rien ne peut l'étirer ou même le ralentir. Quand les aiguilles ne tournent pas comme des toupies face à nos yeux, ce sont nos sensations qui définissent leur rythme. Or, ce matin, bercée par le vent qui chante dans l'Arbre Géant, envahie par le calme des lieux et caressée par la beauté de l'horizon, mes sensations me chuchotent que le temps n'est rien et que, même s'il me frôle comme un murmure, je suis capable de l'ignorer tout en garder les yeux ouverts. Je suis parvenue à le faire disparaître de mes pensées, envolées les minutes qui sonnent comme des avertissements ; le temps est un mirage.

J'ai l'impression d'être en équilibre, les deux pieds alignés sur une maigre corde au-dessus du vide et les yeux fermés. Je flotte quelque part dans le Monde et c'est agréable cette sensation harmonieuse de plénitude. Je suis en équilibre mais rien ne se balance, tout est parfaitement stable, à la bonne place ; tout est juste et cohérent. Oh, je me sens bien. Mes soucis ont été emportés par un souffle du vent. Adieu angoisse, peurs, regrets, appréhension et vagues incessantes de pensées paralysantes qui emmêlaient mon esprit. Je respire calmement et mon coeur ne tremble plus — mais pour combien de temps ? La nature doit être pleine de magie pour parvenir à faire s'envoler ainsi mes (t)erreurs.

Dans le silence qui me recouvre, je me sens plus légère. Je suis sereine et l'inquiétude provoquée par les BUSE n'atteint même plus mon esprit. Cela semble si fragile comme sensation. J'ai peur qu'en un geste, tout s'écroule. L'équilibre est-il aussi fragile que le silence ? Je ferme mes yeux un instant, craignant les oscillations. Cependant, rien ne se passe. Je sens simplement l'Arbre Géant dans mon dos, l'herbe contre mes mollets nus et j'entends les oiseaux, les feuilles qui chantent, les pas qui se dirigent vers moi et... *Merlin !* Des pas qui se dirigent vers moi. J'ouvre brutalement les yeux. Une blonde assez jeune me fait face. Elle semble assez hésitante et ses paroles sont murmurées, comme si elle avait peur de me déranger. Je la dévisage un instant, la surprise m'ayant saisi dans le creux de ses doigts. Je ne m'attendais ni à une telle visite, ni à une telle demande. Prise au dépourvu, je parviens tout de même à ne pas tituber sur mon équilibre. Un sourire me transperce tout à coup le visage. Par Circé, cette fille a le Soleil dans les cheveux !

Mon sourire vient percer les nuages de ma surprise. La grande, Merlin, cela me fait bizarre que l'on puisse me considérer ainsi. Je me sens encore si jeune ! Pourtant, ici, je suis grande. Je rêve encore d'avoir de grandes ailes comme les oiseaux mais aux yeux de cette fille, je suis grande. C'est une étrange sensation, c'est un mélange de gêne et de plaisir. Cependant, je crois que je peux m'y habituer, même si cela me fait un petit quelque chose dans le corps.

« Si tu veux, je peux partager avec toi mon calme en plus de l'Arbre Géant. Ainsi, tu n'auras pas à me le voler. » Mon sourire navigue sur mes lèvres. Depuis combien de temps n'avais-je pas souri ainsi ? *Trop longtemps* Le Bonheur est bien plus fragile que le Silence, il ne fait pas de bruit lorsqu'il s'en va.

Je suis de nouveau surprise par une présence. Est-ce le soleil qui éblouie de cette manière ma vision et mes pensées ? Je ne m'en chagrine pas : j'aime être prise dans les doigts de la surprise.

La nouvelle venue semble plus grande que la blonde. Une presque-grande alors ? Une étincelle vient se poser sur mon esprit amusé. Ses cheveux forment un contraste saisissant avec ceux de la plus jeune. L'une est Nuit, l'autre Jour. Quel étrange hasard que celui qui se balade sur mon chemin ce matin. Malgré ces deux visites, mon équilibre reste bien présent. Je suis si stable sur la corde de mon esprit que je n'ai plus peur d'avancer. Est-ce le contact avec l'Arbre Géant qui m'offre autant de sérénité ? Merlin, je devrai m'y rendre plus souvent. La nature a sur moi un pouvoir sans pareil ; je suis la feuille ballottée par son souffle, le soleil brille et je rayonne, les nuages noirs et je frissonne.

Regarder ensemble le matin ? Unies sous les branches protectrices, l'horizon infini rougeoyant sous nos yeux ? L'idée fleurit dans mon esprit. Oh, ce serait tellement agréable ! Des inconnues partageant une seule vision et un unique moment, comme si elles n'étaient finalement qu'un. Liées par le calme, la beauté et la magie des lieux. Mon sourire s'étire en silence. Cette aube a un goût d'inattendu.

« Peut-être, oui. Si le calme et la vue depuis l'Arbre sont miens, je peux les partager avec vous. » Je replis mes jambes et enserre mes genoux de mes bras. Mes yeux ne quittent pas ces deux filles venues me rejoindre. Mon regard est rempli de curiosité. Est-ce pour voir l'horizon qu'elles sont venues ou pour le calme ? Un peu des deux, peut-être ? Même si les raisons de leur venue m'intriguent, je préfère me taire et les laisser s'installer. Je ne pensais pas avoir de la compagnie ce matin mais les surprises ont un goût sucré qui me séduit pleinement.
Trois regards unis sous celui du soleil perçant l'horizon, n'est-ce pas joli ?


Navrée pour ce retard... Vos Mots sont très jolis !
J'aime bien cette ambiance qui se crée, c'est très doux.

(Et joyeux Noël, un peu en retard, à vous deux !)

#466962Étudiante à l'Institut de Médicomagie et des Sciences Magiques — spécialité botanique
présence partielle