Noémie se concentrait sur les notes écrites sur la partition devant elle. Elle bougeait ses doigts du mieux qu’elle le pouvait sous le regard intransigeant de sa grand-mère.
« -Non, non, non ! Le fa il est dièse ! C’est écrit à la clé. C’est la troisième fois que je te le dis. Qu’est ce qui t’arrive aujourd’hui ? »
Layla regarda sa petite-fille qui se cachait sous ses longs cheveux noirs. L’enfant regardait le sol. La vieille dame soupira avant de prendre l’enfant dans ses bras et de s’assoir sur un fauteuil du salon. Elle mit l’enfant doucement sur ses genoux avant de tresser ses cheveux. Layla remarqua alors les larmes dans les yeux bleu-gris de sa petite-fille.
« -Ben alors ma chérie ! Qu’est ce qui t’arrive ?
-C’est vrai que mon sang il est… sale ? »
Layla ne sut quoi dire, elle ne s’attendait pas à ce que sa petite merveille puisse penser à de tels choses, si jeune. Elle observa l’enfant sur ses genoux. Comment expliquer une telle chose à quelqu’un de si innocent ?
« -Qui t’as dit ça ?
-Matthew, et Georgia, et tous les autres enfants. »
Tous les petits enfants des amis de Layla en somme. Ils répétaient sûrement ce qu’ils avaient entendu à la maison. Même elle disait ce genre de choses avant, avant Noémie.
« -Et bien ! Ce sont des idiots. Et toi tu leur dis quoi ? »
L’enfant haussa les épaules, l’air de dire « rien ».
« -La prochaine fois que Matthew te dit de telle sottises, donne-lui un coup de genou dans l’entre-jambe ! Ça lui passera l’envie de se moquer de toi. »
Un rire s’échappa des lèvres de l’enfant.
« -Mais voyons Mamie ! Ça ne se fait pas !
-Des idiots comme ça, tu en croiseras partout et il est hors de question que tu t’aplatisses face à eux. »
Elle se tut avant de reprendre :
« -Même ta grand-mère a été une idiote comme eux. Avant toi. Mais ne t’en fais pas, la bêtise ça se soigne. Si même une vieille carne comme moi a pu changer d’avis, alors tout le monde le peut.
-Mais non Mamie, toi tu es la plus gentille des vieilles »
Layla rigola, l’honnêteté des enfants l’avait toujours surprise.
« -Si tu le dis. Mais tu m’as changé. Et je t’interdis de ne rien dire la prochaine fois. Malgré ton statut, tu portes le nom des Claire, et il est hors de question que tu ne sois pas fière de qui tu es. Si tu ne veux pas passer par la violence, la rhétorique fera l’affaire.
-La quoi ?
-La rhétorique. Utilise cette langue bien pendue ! Si seulement tu n’avais pas cette timidité. Je sais qu’il y a de la répartie dans cette caboche, laisse-la sortir. »
La petite fille commença à ouvrir la bouche mais Layla ne lui laissa pas le temps de dire quoique ce soit :
« -Non je ne veux rien entendre sur ne pas blesser les autres. Le respect c’est à double sens. Respecte ceux qui le mérite et ignore le reste. Compris ? »
Noémie hocha la tête regardant sa grand-mère avec admiration. Mamie n’était pas souvent si bavarde, il était rare qu’elle se dévoile. D’ailleurs l’adulte durcit son visage.
« -Maintenant que c’est réglé, tu vas me faire le plaisir de retourner sur ce piano et jouer ce morceau en mettant les dièses sur les fa cette fois. »