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08 juil. 2021, 10:22
 Solo++  Loin d'Eux
8 juillet 2046,
7h55

À ce clip touchant, émouvant, déchirant, à toutes les victimes d'homophobie

Je me sentais seule. Je venais de me réveiller. J’avais un peu de mal à m’habituer à ce nouveau logis. Mes yeux se promènent autour de la pièce : elle était sombre et poussiéreuse. Ma valise était ouverte au pied de mon lit car nous venions de nous installer. Maman avait eu un mal de chien à trouver cet appartement. Situé dans une petite ruelle qui n’inspire pas confiance, il était à des kilomètres des magasins les plus proches. C’était maman qui se chargeait des courses, ne voulant pas me laisser marcher seule dans ce quartier. Un petit papier était posé sur ma table de nuit. Je l’attrapai et pus lire :
Ma chérie, je suis allée régler quelques détails avec notre avocat. Je serai normalement de retour pour le déjeuner. Ne sors pas de la maison.
Je t’aime,
Maman.
Je soupirai et reposai le bout de papier, maintenant habituée aux absences prolongées de maman.
Je savais que le divorce de mes parents n'allait pas tarder à arriver. Je me sentais triste de ne pas avoir retrouvé ma maison à Borth et de ne pas avoir eu l'occasion de nager durant ce début des grandes vacances. J’avais une sorte de besoin de nager. Il me fallait me plonger dans l’eau salée près de chez moi pour me sentir mieux. Cette sensation indéfinissable que me procurait l’eau ne pouvait m’être donnée par autre chose. Depuis toute petite, je nageais dans cette eau, je respirai les odeurs qui l’entouraient et je la voyais dès que je me promenais près de la plage.

Maman était toujours affairée hors du petit appartement à signer des papiers, faire des courses, et revenait toujours à des heures très tardives. Lorsque je la croisais, elle paraissait épuisée, mais affichait un petit sourire, comme pour me rassurer, me dire qu’elle allait bien.

Aujourd'hui, je décidai de sortir, désobéissant au petit message de maman. J'avais besoin de prendre l'air. Je sortis de ma chambre sur la pointe des pieds. Je pris le double des clefs de l'appartement et ouvris la porte. Je sortis dans la rue sombre et levai la tête. De petites gouttes de pluie perlaient sur mon visage. Je fermai les yeux et appréciai pleinement cette sensation qui m’était familière, subissant parfois de fortes pluies près de la mer. L'air qui régnait dans la ruelle était chaud et humide. Je soupirai. Après des jours passés à déballer nos affaires et nettoyer le petit appartement, prendre l'air me fit un bien fou. Je décidai de partir à l'aventure et d'explorer le quartier. Des maisons, toutes d'un gris triste, s'alignaient devant moi. Je m'arrêtai et levai la tête vers le ciel. Je m'apprêtais à me remettre en route, quand une voix grave m'interpella :

Eh ! Petite ! T'fais quoi seule ici ? T'devrais pas traîner sans personne dans l'coin.

Je dirigeai mon regard vers l'endroit d'où provenait la voix. Un homme d'une cinquantaine d'années se tenait debout, à l'autre bout de la rue. Je ne dis rien, paralysée par la peur. Mon regard devait être ressemblant à celui d’une proie prise au piège, car l’homme afficha un léger sourire moqueur et continua :

Rent' chez toi, c't'un conseil d'ami.

Je continuais de le fixer quand je dis d’une voix tremblante :

Z'êtes qui ?

L'homme ricana et dit d'une voix grave marquée par la tristesse :

Si j'étais quelqu'un, je s'rais pas ici.

Il me tourna le dos et s'en alla. Je ne bougeai pas pendant cinq bonnes minutes, prise au dépourvu. Après avoir retrouvé mes esprits, je me dirigeai rapidement vers l'appartement, jetant de rapides regards dans mon dos, afin de vérifier que je n’étais pas suivie. J'entrai, fermai la porte et m'assis, dos contre le mur de la petite pièce qui nous tenait lieu de chambre, à moi et à maman. Je soupirai, puis me levai pour aller prendre mon déjeuner, sentant à peine à ce moment-là mon ventre crier famine. Je pris un toast et me mis à le mâcher à pleines dents, affamée. Je me dirigeai vers la fenêtre ou de petites gouttes de pluie coulaient tranquillement vers le sol. Je posai mon front contre la vitre et observai la buée produite par mon souffle se déposer sur la surface de verre. De mon doigt, je traçai en lettres majuscules « LIBRE », puis l’effaçai de la paume de ma main. Je décollai mon front de son appui et soupirai. J’espérais ne pas devoir rester seule trop longtemps.

#457898 · 4ème année RP

09 juil. 2021, 08:53
 Solo++  Loin d'Eux
9 juillet 2046,
06h45
Ma voix résonnait contre les murs de la pièce. Le bout de mes doigts passait et repassait sur le papier-peint qui recouvrait les parois de l’appartement. Mes pieds, eux, se tenaient tranquillement contre le mur. Cela faisait maintenant un quart d’heure que j’essayais de chanter. Je devais être folle pour me mettre à fredonner comme ça, sans raisons. Je fermai ma bouche : un bruit m’avait interpellée.

Y’a des gens qui essaient de dormir, ici ! entendis-je hurler de derrière le mur où je prenais appui.

Je me décollai de la paroi et souris malgré moi. Entendre une voix autre que la mienne – même si elle m’enguirlandait – me fit chaud au cœur. Je m’approchai à nouveau du mur et dis d’une voix forte :

Bonjour ? Vous habitez à-côté ?

Je collai ma main droite sur la paroi, comme si je pouvais faire disparaître celle-ci d’une pression de doigts, ce qui ne fut pas le cas. La voix derrière ne répondit pas ; peut-être était-elle déjà partie ? Je frappai quelques légers coups contre la surface dure. Toujours pas de réponse. Je soupirai et me reculai du mur, triste d’avoir perdu une occasion de faire la connaissance d’une voix.

Je me dirigeai vers la petite pièce que maman appelait « chambre » et m’accroupis en face d’un petit meuble. J’ouvris le premier tiroir et en sortis plusieurs bouts de papiers : c’étaient les messages que maman me laissait avant de partir. Lorsque je m’ennuyais, je les relisais : je les connaissais tous par cœur. Si les parcourir des yeux me rendait triste, la voir rentrer épuisée me faisait encore plus mal au cœur. Je me sentais coupable de ne rien faire toute la journée, alors qu’elle suait sang et eau pour que tout se déroule pour le mieux. Tout. *Ivy, arrête de penser au divorce, tu sais très bien que plus personne ne se supporte*, me dis-je. J’écartai d’un mouvement de tête le présent en tentai de m’imaginer le futur. Habiter à Londres était bien plus pratique pour aller à Poudlard, il ne fallait pas prendre la voiture, le train et marcher pendant de longues heures. Il fallait prendre le métro, puis le train et son épaisse fumée se présenterait à moi.

Il y avait deux ou trois semaines, je me trouvais à Poudlard, peut-être dans ma Salle Commune, ou encore dans mon dortoir, à lire, étudier ou regarder par la fenêtre. Je regardai le plafond parsemé de taches de moisissures : Poudlard était mille fois mieux entretenu que cet appartement. Je soupirai, passer mes journées sans jamais parler à personne était difficile à vivre pour moi : il me fallait voir de la vie. J’étais déjà sortie une fois de ma cage – comme je nommais à présent l’appartement – mais j’y avais fait une rencontre assez étrange qui m’avais retiré l’idée de sortir seule dans ce quartier sombre. Je frissonnai au souvenir du rire de cet inconnu qui m’avait glacée sur place.

Je me levai et me rattrapai de justesse au mur ; m’étant levée brusquement, des flash de lumière apparurent devant mes yeux et tout tournait autour de moi. Je ne sus comment je me retrouvai assise, les mains encadrant ma tête qui me tournait de moins en moins. Je me levai plus doucement, cette fois et sortis de la petite pièce, en direction de la cuisine, dans l’espoir d’y trouver quelque chose à manger. Mes journées se résumaient à ça : me lever, voir le message de maman, le ranger dans le tiroir, fredonner dans la cuisine, retourner dans la chambre pour apprendre par cœur ses petits mots, et retourner dans la cuisine. Je commençais à en avoir marre de ces journées monotones ; le soir, c’était presque avec joie que je fermais les yeux, pensant que dormir faisait passer le temps plus vite. Seulement, je n’avais pas encore appris l’existence des nuits blanches.

Les doigts de ma main gauche tapotaient contre la surface de bois de la petite table, tandis que ma main droite portait à ma bouche des quarts de pomme découpés il y avait quelques minutes. Mes dents s’attaquaient au fruit avec acharnement, sous les ordres que criait mon ventre affamé. Après avoir fini le fruit, je me lavai les mains – collantes de jus de pomme – et levai les yeux vers le miroir qui se trouvait au-dessus de l’évier. Je ricanai, voyant ma tête portant encore les marques de mon oreiller et mes cheveux non-brossés. Plus courts. Mes cheveux étaient plus courts qu'à Poudlard, maman les avait coupés. Je soupirai et éteins la lumière du seul moment de ma journée différent d’hier.

#457898 · 4ème année RP

11 juil. 2021, 08:49
 Solo++  Loin d'Eux
11 juillet 2046,
08h15
Post écrit sur les sons de la rue


J’ouvris les yeux et les refermai. *Pas encore l’heure de se lever*, me dis-je, me forçant à me rendormir. J’ouvris à nouveau les yeux et tournai la tête vers maman. Lorsqu’elle était là, je me sentais mieux, comme rassurée par sa présence. L’approche du procès arrivant, je dormais de moins en moins bien. Je savais qu’il n’y avait plus rien à faire lorsque deux personnes qui s’étaient aimées ne pouvaient plusse supporter. Je trouvais cela triste de devoir faire un choix, ne pouvoir rester qu’avec qu’une seule des deux personnes m’ayant mise au monde. Je tournai à nouveau la tête, fixant le sol sombre du nouveau logis.



Mes pieds à la peau claire contrastaient étrangement bien avec le noir sombre de la nuit. J’avais toujours été attirée par la relève du jour. Je voyais une journée comme un combat entre le sombre et le clair, la Lune et le Soleil. L’étoile et sa chaleur me donnaient envie de vivre sans limites, tandis que le satellite naturel me donnait envie de me questionner, réfléchir, penser. J’aimais penser, cela me permettait de changer de point de vue, de grandir, pour peut-être un jour atteindre du bout du doigt la Lune, grandir assez pour même pouvoir la dépasser.

Je posai mes deux mains contre le mur, comme pour le pousser, mais il m’aurait fallu une immense force que je n’avais pas. Peut-être que la luminosité du Soleil me la donnerait ? Je jetai un coup d’œil par la fenêtre et soupirai, ne voyant pas ses rayons. Je décollai mes mains du mur et les plaçai devant moi, paume vers le ciel. Mon pied glissa le long du parquet en un mouvement : c’était le début de ma Danse de la Nuit. Mes bras s’agitaient lentement, décrivant le mouvement du vent. Je fermai les yeux et m’imaginai le bruit du vent. J’en avais entendu plusieurs différents : il y avait déjà celui de la côte à Borth, accompagné des cris des mouettes et du bruissement des vagues, et il y avait aussi celui de Poudlard en saison froide. Celui-ci était moins doux, plus agressif, je ne l’aimais pas.




J’ouvris les yeux dans le noir qui remplissait la petite pièce. Était-ce un rêve ? Ou alors un cauchemar ? Peut-être aucun des deux ? Je ne ressentais aucune émotion particulière, juste la tristesse habituelle qui accompagnait mes journées. Je mis un pied au sol. Je soupirai : contrairement à mon rêve, ma peau ne scintillait pas étrangement. Je tournai à nouveau la tête vers le lit de maman : il était vide *Encore*. Je me levai et me dirigeai vers lui. Du bout des doigts, j’effleurai le matelas encore tiède. *L’est partie y’a pas longtemps*, me dis-je.



Mes bras se balançaient encore, sans relâche, comme pour chasser les mauvaises pensées, les mauvais rêves et les mouches. Autour de moi, des yeux m’observaient ; je les sentais même les paupières fermées. Ils étaient plus nombreux encore que les étoiles, mais pas un seul ne pourrait interrompre ma danse. J’étais invincible, un mur géant s’élevant à chaque mouvement de pieds plus haut dans le ciel. Soudain, les briques qui me constituaient tombèrent unes à unes. Je rapetissais à vue d’œil, dans un élan de colère, je m’accrochai de mes bras à la Lune, mais celle-ci tomba avec moi. J’ouvris les yeux, sentant la sueur déjà perler sur mon front.



Des vêtements colorés parcouraient les rayons des magasins. Je les regardais, fronçant les sourcils aux t-shirts plus courts que les sous-vêtements.

Ivy, approche, pour voir, entendis-je.

Je dirigeai mon regard vers la provenance de la voix. Maman tenait un short en jeans d’une main et de l’autre une petite jupe rose. Je haussai les sourcils, ne pouvant pas m’imaginer à quoi je ressemblerais, portant de vêtements aussi courts. Mais maman avait déjà approché de moi les vêtements.

Heu, j’suis pas sûre..., dis-je.

Quand elle est rentrée, maman m’avait annoncé que nous allions renouveler mes vêtements moldus devenus trop petits. Je reculai, et fis mine de parcourir les rayons. Je n’en pouvais plus : toutes les couleurs autour de moi et les bruits que faisaient les personnes présentes me donnaient mal à la tête. La nuit et mes rêves étranges me manquaient ; le calme qui régnait lorsque la Lune siégeait me calmait et me permettait de réfléchir. Je posai la main sur un tissu coloré où les mots « love who you want » étaient écrits. Je soupirai et reposai le cintre aux côtés des autres. Je n’aimais ni les t-shirts courts, ni les shorts et les jupes : ils dévoilaient trop mon corps à mon goût et je préférais m’éviter certains regards.

#457898 · 4ème année RP

13 juil. 2021, 08:38
 Solo++  Loin d'Eux
13 juillet 2046,
17h25

Le procès était terminé. J’avais passé toute la journée au tribunal. J’avais été déchirée de voir Stephen choisir papa pour la garde. Je n’avais pas voulu choisir quand ce fut à moi de dire mes préférences. Je me souvenais du regard dégoûté que papa m’avait jeté en me voyant pleurer. Ce fut comme un coup dans ma poitrine : j’avais mal. J’avais passé le reste de la journée enfoncée dans mon siège à me boucher les oreilles, ne voulant ni entendre la décision du juge, ni les cris de maman.

J’étais sortie du tribunal les yeux rouges et mon t-shirt rempli de mes larmes. Maman me prit par la main, le visage fatigué, mais fier et me dit :

Viens, ma chérie. C’est fini. Tout est fini.

Je n’osai la regarder dans les yeux, de peur que je ne me remette à pleurer. Je fixai mes pieds qui étaient douloureux à force de rester enfermés dans mes chaussures qui devenaient trop petites. J’enfouis mes mains au fond de mes poches de mon jean – qui, heureusement, était encore à ma taille.

Ivy, regarde-moi. Je levai mes yeux sur son visage. En croisant son regard inquiet, je déglutis, ravalant mes larmes. Ça va ? Tu vas bien ? Tu as besoin de quelque chose ?

Non, ça n’allait pas. Mais je ne voulais pas inquiéter plus maman, ou lui imposer un poids supplémentaire. J’affrontai son regard perçant plusieurs secondes avant de sourire faiblement et de murmurer un petit :

Ou… Ouais, tout va… Bien.

Elle me fixa encore quelques instants avant de sourire à son tour et de regarder la ruelle sombre où se trouvait notre petit appartement. Je crus déceler un soulagement dans son regard. Maman dit d’une voix douce :

Tant mieux ! J’ai cru que… Enfin, bon, c’est pas grave, si tu vas bien ! Avec l’argent qu’on a gagné du divorce, on pourra bientôt déménager. C’est pas une bonne nouvelle, ça ?

Je sentis mon teint blêmir légèrement. Changer à nouveau de logis ? J’en avais marre. Je lui dis que j’avais besoin de rester seule quelques instants. Elle écarquilla les yeux, puis me fit son sourire taquin en me disant :

Alors ? On veut plus rester avec sa maman ? Je vois, on devient une adolescente, hein ? Très bien, mais rentre avant le coucher du soleil et parle à personne, tu m’as bien entendue ?

Après lui avoir assuré que j’avais bien compris et que je ne désobéirais pas, elle me laissa seule. Je soupirai et décidai de me trouver un coin tranquille, où je pourrais me lamenter sur mon sort seule. Cette envie de rester seule n’était pas nouvelle pour moi : depuis mon plus jeune âge, je préférais la solitude à la compagnie lorsque je n’allais pas bien. Vagabondant dans les petites rues, je trouvai une impasse où seuls un chat et des sacs-poubelles étaient présents. Je m’adossai à un mur crasseux et me pris la tête entre mes mains et laissai couler, pour une énième fois de la journée, les larmes sur mes joues. Je laissai échapper un sanglot bruyant avant de me plaquer mes mains sur mon visage. Cette libération silencieuse était pour moi un symbole de force : je n’étais pas d’accord avec ceux qui disaient que les larmes étaient pour les « faibles » et ne jamais pleurer était « macho ». Pour moi, pleurer, c’était avoir le courage de montrer au monde notre souffrance, sans faire de longs discours ou de le crier sous tous les toits. Je fermai les yeux et respirai profondément. Au bout de cinq minutes, j’avais retrouvé mon calme. Les yeux toujours fermés, je sentis quelque chose me frôler la jambe. Je sursautai et ouvris les yeux. Le chat de gouttières frottait sa tête contre ma jambe. Me comprenait-il ? Je n’en savais rien. Je me mis à lui caresser la tête. Ses ronronnements profonds me firent chaud au cœur. Un sourire triste s’afficha sur mes lèvres. J’avais trouvé une personne – ou plutôt un animal – qui me donnait ce dont j’avais besoin sans se poser de questions.

Ce fût à regret que je lui dis au revoir, voyant la lumière du soleil décliner et sentant mon ventre crier famine. Je me levai et m’avançai vers la rougeur du soleil qui semblait m’étreindre de sa chaleur. Je souris, inspirai longuement, cherchant au plus profond de moi-même la force de rentrer à l’appartement. Plus décidée que jamais, j’essuyai mes larmes d’un revers de manche, reniflant et fis un pas en avant. Je levai la tête et dis :

J’suis capable.

Ma tristesse n’étant plus qu’un mauvais souvenir, je décidai de ne pas plus inquiéter maman. Fatiguée, mais emplie de toute ma détermination, je me mis en route.

#457898 · 4ème année RP

15 juil. 2021, 23:50
 Solo++  Loin d'Eux
15 juillet 2046,
23h35
Il devait être aux alentours de minuit. Faisant semblant de dormir, j’attendais que les ronflements de maman deviennent plus réguliers pour me tirer sans bruit de mon lit. Je jetai un rapide coup d’œil par la fenêtre : la nuit était claire et sans nuages. Je me souris à moi-même avant de m’arrêter net. Maman avait bougé et grognait. J’arrêtai de respirer, puis me dirigeai avec mille précautions pour ne pas faire de bruits vers la porte. Au pied de celle-ci, je vis mes chaussures me faire face. J’hésitai. Ces derniers temps, marcher avec ces chaussures était une torture. Je décidai de marcher pieds-nus, car je comptais courir, ce que mes chaussures ne permettaient pas de faire sans m’arracher des grognements de douleur. Tant pis si je m’entaillais les pieds, marcher sans chaussures me permettrait aussi de ne pas faire de bruits à chacun de mes pas. J’ouvris la porte et me faufilai dehors.

Consciente que ce que je faisais finirait par me retomber dessus à un moment ou à un autre, je me dirigeai d’un pas rapide vers l’impasse où j’avais rencontré ce chat de gouttières que j’avais baptisé Profond il y avait peu de temps. J’avais fait plusieurs escapades nocturnes avant celle-ci pour me réfugier auprès de Profond qui semblait être le seul être vivant sur Terre à me comprendre et à savoir ce dont j’avais besoin. Je me mis à courir, impatiente de raconter mes malheurs au chat gris foncé – profond, même – et à l’oreille droite légèrement déchirée. Arrivée près de l’impasse, je m’accroupis, à bout de souffle, et murmurai :

Profond ? Eh ! Profond !

La silhouette du petit chat apparut de derrière un sac-poubelle. Je sortis de ma poche un sachet plastique contenant un bout de jambon. Je tendis ce dernier à Profond qui me gratifia de ronronnements et me lécha la main. Dans ma tristesse, il n'y avait qu'avec lui que je me sentais bien. Il m’écoutait et ne jugeait rien. Il se frottait à ma main et ça me soulageait d'avoir un confident qui ne pouvait pas libérer mes secrets. Je commençai :

Pff. Je ne comprendrai jamais les adultes. Maman m'interdit d'appeler mon père « papa ». Elle insiste pour que je l'appelle par son prénom. Je n'y arrive juste pas. C'est impossible. J'ai passé onze ans de ma vie à l'appeler « papa ». De toute façon, on ne parle plus de lui. Déjà que nos conversations sont vides, parler de lui met maman dans un état pas possible. Je ne les supporte juste plus. Comment elle peut croire que je vais bien alors que tous les matins, je me lève les yeux rouges à cause de mes larmes ? J'en peux plus. J'suis à bout, j'vais cra...

Je m'arrêtai net. Une voix reconnaissable entre mille avait surgi dans mon dos. J’écarquillai les yeux avant de froncer les sourcils.

Ivy...

Je me retournai brusquement et vis le visage rempli de larmes de maman. Profond fêla en direction de la nouvelle venue. Je le calmai d'une caresse, puis adressai un regard furieux à ma mère.

T'écoutes les discussions privées, maint'nant ? lui crachai-je avec une once de dégoût dans la voix : je détestais toutes formes d’intrusions dans ma vie privée. C'était comme fixer quelqu'un dans son sommeil : c'était désagréable, dérangeant, mais surtout horrible.

Oh, Ivy ! J'ai été une mère indigne ! Si aveugle ! Comment j'ai pu fermer les yeux devant ta tristesse ?

Elle s’approcha de moi et écarta les bras comme une invitation à l'étreindre. Croyait-elle que j'allais lui pardonner, passer l'éponge, oublier son erreur ? Erreur était un bien grand mot : ça voudrait dire qu'elle ne l'aurait pas fait exprès, or, maman savait pertinemment ce qu'elle faisait lorsqu'elle m'a suivie. Je reculai brusquement, n’ayant pas envie de recevoir son amour aveugle et dis :

J'veux pas. Fous-moi la paix. Tu comprends pas c'que j'ressens.

Je me levai et essayai de la contourner, mais elle m’attrapa. Sous le tissu de mes vêtements battait bruyamment mon cœur enragé. J'étais si fâchée que je voulais cogner de mes poings les murs de l'impasse nous entourant. Je voulais hurler, libérer toute la force qui s'accumulait en moi. J'aurais voulu lacérer le visage de maman de mes ongles, me débattre sauvagement jusqu'à ne plus avoir de forces. Je me mis à crier, mais mes vociférations furent étouffées par la main de maman. Elle me dit tranquillement :

Tu tiens à réveiller tout le quartier ? Calme-toi. Tu comptais t'enfuir où, pieds-nus ?

J'arrêtai d'essayer de me débattre quand je compris que toute fuite était impossible. Je grognai, ne voulant pas montrer ma honte face à cette défaite inavouable. Je me promis d'avoir une revanche, avant de me rendre compte que cela n'avait aucun sens. *Toute façon, à Poudlard, maman pourra pas entendre c'que j'dirai à Profond*, me dis-je. Maman me libéra de ses bras, voyant que je m'étais calmée et se pencha vers le chat de gouttière.

Comme il est mignon !

Les bras croisés sur ma poitrine, je lui donnai le nom du chat, un peu fâchée qu'elle ait découvert mon secret – si « découvert » était le bon mot… J'étais décidée à ne pas abandonner ce chat qui m'avait tant aidée : je voulais qu'il devienne mon compagnon, qu'il soit à tout jamais là pour moi.

Et si on rentrait ? On s'ra mieux au chaud, tu crois pas ?

Je suivis ma mère à contrecœur, abandonnant mon impasse à larmes et mon confident au pelage profond avec amertume.

#457898 · 4ème année RP

16 juil. 2021, 09:12
 Solo++  Loin d'Eux
16 juillet 2046,
00h10

J'étais assise sur le lit, une couverture sur les épaules et les pieds dans de l'eau chaude. Maman entra dans la petite pièce, un thé chaud à la main. Elle me tendit la tasse et me dit :

Tiens. Faut pas qu'tu tombes malade en été ! Dis-moi, pourquoi t'as pas mis tes chaussures ?

Je pris la tasse brûlante et soufflai la vapeur qui s'en échappait, croyant peut-être refroidir le liquide à haute température. Je lui dis, les yeux fixés sur ma tasse :

'Sont trop p'tites.

Maman poussa un juron tout bas et sortit à nouveau de la pièce. J'approchai la tasse de mes lèvres et bus une gorgée de l'infusion. Le liquide me brûla la langue et la gorge, mais je n'en avais que faire. Mon esprit était vide : plus aucun détail ne pouvait retenir mon attention. Quand maman entra à nouveau dans la petite chambre, je sursautai, renversant le contenu de ma tasse sur mes jambes et sur le lit. Maman se précipita, une serviette à la main pour réduire les dégâts. Je fixais son visage affairé dans sa tâche quand je lui demandai :

T'as fait comment pour me r'trouver ?

La surprise se dessina sur son visage. Nous nous fixâmes quelques instants avant qu'elle ne rompe le silence.

Tu m'as réveillée. Je t'ai suivie et... Désolée ! Je savais pas... Je voulais pas !

Je grognai et serrai un peu plus fort la tasse entre mes doigts. Elle m'avait suivie. Je trouvais qu'elle me collait un peu trop. *Oublie pas qu't'es sortie la nuit seule*, pensai-je. Je marmonnai d'une voix rauque, la gorge encore douloureuse après que j'ai bu le thé brûlant :

J'suis désolée moi aussi d'être sortie comme ça la nuit... J'sais pas c'qui m'a pris...

Je ne mentionnai pas le fait que j'étais déjà sortie auparavant la nuit. *L'moment de subir la conséquences de tes actes est arrivée, Ivy*. Maman me regardait, l'air inquiet. Quand je croisai son regard, elle tendit la main et la mit sur mon bras en me disant :

T'es pas seule, Ivy. Tu le seras jamais. J'suis là si tu veux parler ou quoi. Te renfermes pas sur toi.

Je détachai mon regard du sien et me mordis la langue. J’avais comme une sorte de besoin de me confier à quelqu’un, mais je ne voulais pas tellement parler à maman. Elle faisait partie de ce monde adulte trop aveugle pour voir les problèmes les plus insignifiants soient-ils. J’ouvris la bouche, l’esprit en contradiction et je bafouillai :

Je… J’veux r’tourner à Borth…

Exprimer mon vœu à haute voix me rendit encore plus triste. Je libérai les larmes qui restaient au plus profond de moi-même. Peut-être les laisser couler me calmait ? Ou bien était-ce un signe extérieur que je n’allais pas bien ? Je n’en savais rien. J’ouvris les bras et me collai contre ma mère maladroitement, mouillant ainsi ses vêtements. Elle me caressa les cheveux en me murmurant des paroles réconfortantes que je n’entendais pas, mes sanglots couvrant ce qu’elle essayait de me dire.

Maman me serrait toujours contre elle quand mes sanglots commençaient à se calmer. Elle me dit à voix basse :

Tu sais, moi aussi… Moi aussi Borth me manque. Ton frère aussi me manque, mais je me dis que c’est lui qui a choisi de rester avec Aaron et qu’il doit y être heureux.

Elle avait prononcé ces mots comme pour s’en assurer elle-même, ce qui ne me calma pas. J’essayai de me moucher dans ma manche, ce qui ne fit qu’empirer l’état de mon t-shirt. Maman continuait :

Tu… Tu pourrais lui écrire, si tu veux…

J’ouvris les yeux et la regardai dans les yeux. Elle ne me comprenait toujours pas. Je dis d’une petite voix :

J’veux retourner à Borth.

Maman détourna son regard et se mordit la langue. Je compris qu’elle ne tenait pas à ce que je retourne à notre ancienne maison. Je serrai les poings et repliai mes jambes contre moi. La chaleur qu’elles apportaient à ma poitrine m’empêchait de trembler. Un long silence suivit ma phrase. Je ne savais pas quoi faire à part attendre, mais en même temps, je mettais maman mal à l’aise, ce que je ne voulais pas. Elle finit par dire les yeux fermés :

Ivy… Tu sais pourquoi ton père et moi avons divorcé, non ? Je la dévisageai : pour la première fois depuis des mois elle n’avait pas appelé papa par son nom. Je suis pas sûre qu’il t’accueille à bras ouverts à Borth… Je sais que c’est difficile pour toi… On pourra faire une promenade du côté de la côte, près de Borth, si tu veux. Dans une ou deux semaines, tu auras enfin tes vacances bien méritées.

Elle s’autorisa un petit sourire encourageant. Je souris à mon tour, heureuse à l’idée de retrouver la côte que je fréquentais depuis ma naissance. Sourire fût difficile après avoir pleuré durant une semaine entière. Les coins de mes lèvres relevés en un vague sourire, je laissai couler une larmes chaude qui passa sur ma joue, fila sur mon menton où elle hésita quelques secondes puis s’écrasa sur mon bras. Je regardai la petite goutte, levai le regard vers le visage de maman et murmurai :

M… Merci… J’ai eu un peu mal, cette semaine… J’ai… J’ai besoin de nager…

Je ne savais pas pourquoi je lui disais ça. J’étais fatiguée, ma tête était confuse et mes pensées filaient à la vitesse de l’éclair, m’empêchant de me concentrer pleinement. Maman me regarda avec un petit sourire de maman poule que je connaissais bien.

J’te promets que tu vas nager.

Sur ses paroles, je fermai les yeux et m’écroulai sur le matelas, épuisée par la nuit que j’avais passée les yeux ouverts et le cœur rempli de diverses émotions.
Fin du Rp

#457898 · 4ème année RP