Février 2044 : le balai

C'était un Week end froid et humide. Deryn devait aller chez son grand-père, Edern. Deryn l'adorait. Le vieux vivait sur les îles d'Aran, seul depuis le décès de sa femme alors que Deryn était encore toute jeune.

Malheureusement, il arrivait que Grand-père ait de la visite. C'était le cas aujourd'hui. Les vieilles "tantes" de Deryn devaient venir prendre le goûter. Deryn n'était pas vraiment sûre que ces personnes soient réellement ses tantes. En y réfléchissant, elle ne se connaissait aucun lien familiale avec elles mais elle savait en revanche, qu'il allait falloir rester assise une bonne partie de l'après-midi à répondre poliment à ses vieilles pies. Elles jacassaient à tout va, racontant les cancans du village et rependant un parfum de … de quoi d'ailleurs ?

Deryn avait préparé des biscuits pour aider son grand-père et faisait le service. Elle remplissait les tasses de thé ou de café, servait les petits gâteaux et, en souriant, répondait du mieux possible aux questions (comment va ta mère ? Et tes frères ? Et à l'école, tu as des bonnes notes?).

Après une heure de bonne tenue, son grand-père eut pitié de la petite brune.

"Va donc prendre un peu l'air Deryn."

"Oui grand-père. Bonne fin de journée !" salua t-elle poliment avant de s'enfuir de la maison.

Une fois dehors, l'enthousiasme retomba rapidement. La pluie, le vent… prendre l'air c'était bien, rester sec c'était mieux. Deryn pris donc le chemin du hangar à foin.

Fatiguée de rêvasser allongée sur les bottes de foin, Deryn cherchait une idée, un jeu, un truc pour s'occuper quand elle aperçut, là-haut, le vieux balai. Deryn ne savait pas très bien pourquoi il était là mais elle l'avait toujours vu, accroché tout en haut de la poutrelle, hors de portée. Un vieux truc avec des brindilles en guise de plumeau. Et bien en voilà une occupation, récupérer ce balai pour qu'il serve enfin à quelque chose.

Deryn empila tant bien que mal bottes de foin, chaises, échelles et tout autre objet qui lui tombait sous la main. Elle entreprit ensuite une ascension quelque peu périlleuse pour attraper son trophée du jour. Encore un effort, quelques centimètres…

"Merci Deryn ! Tu as été parfaite, les vieilles tantes étaient ravies et moi auss… Deryn qu'est ce que tu fais !"

Surprise par le cri de son grand-père, la fillette se pencha un peu trop. Elle saisit le balai et chuta avec tout le reste du bazar qu'elle avait empilé. Fermant les yeux, elle s'attendait à un grand choc mais elle tomba avec une étrange sensation d'amorti sur le sol de la crèche. Le foin avait dû amortir la chute à moins que ça ne soit…

"Deryn ! Ca va ?" Puis voyant le balai dans les mains de sa petite fille, le vieux pali. Tu, tu… Je ne t'ai pas autorisée à prendre ce balai ! Il est à... Il était..."

Edern tremblait en cherchant ses mots. Des larmes coulaient le long de ses joues, se mêlant à sa barbe blanche.

"Brenna… Pose ça tout de suite ! Et va … va dans ta chambre !"

Deryn n'en revenait pas. Qu'avait-elle fait pour mettre son grand-père dans un état pareil… Et pourquoi parlait-il soudain de grand-mère ? Le vieux commençait-il à perdre la tête ?

30 avril 2044 : Audran

Deryn se sentait de plus en plus seule à la ferme. Elle avait bêtement espéré qu'en se faisant "larguer" par sa copine, son frère retrouverait un peu son âme d'enfant. Mais non, Audran avait 16 ans et n'en aurait plus jamais 10. Il avait d'ailleurs remplacer la demoiselle par une nouvelle conquête peu de temps après. Une rousse avait succédé à la blonde.

Elle lui en voulait de la délaisser à tout bout de champ pour voir des copains, des copines ou s'occuper de la ferme. Moi je travaille ici disait-il, les parents comptent sur moi.

Deryn tournait en rond en regardant son frère roucouler à l'entrée du hangar près de son nouveau scooter. N'avait-il pas mieux à faire que ça ? Venir avec elle en balade par exemple ! En même temps, il suffirait de … L'hiver avait été long, la couche de fumier à l'intérieur du bâtiment était épaisse et le mauvais temps de ces derniers jours l'avait rendu molle, humide et poisseuse. Ce ne serait pas méchant, juste une petite blague pour faire découvrir à la nouvelle arrivante la vie de la ferme.

Le jeune homme était assis sur la barre en bois que Deryn utilisait pour faire sauter son poney. Argan adorait ça. La petite cavalière le lâchait quand le temps était trop mauvais pour partir en promenade et le poney sautait sans relâche par dessus la vieille par en bois rouge pour se défouler.

La veille au soir, son père avait placer la fameuse barre le long de la porte du bâtiment pour empêcher les bêtes d'entrer tant que le fumier n'était pas vidé et son frère l'utilisait maintenant comme perchoir.

Deryn fila aux écuries. Son poney lui avait été offert par sa tante (la sœur de sa mère) et son mari, un breton pur souche qui avait pris plaisir à apprendre quelques rudiments de breton à la gamine. En son honneur, Deryn avait donc "dresser" le poney en breton. La petite brune ouvrit la porte et d'une voix autoritaire lacha un "lamm'ta !" C'était le signal pour la séance de sauts.

Aussitôt, le poney, fou de joie après une semaine enfermé pour cause de pluie continue, se rua dans la cour à la recherche de LA barre rouge. Dès qu'il la repéra, il fonça.

Audran comprit un peu tard ce qui se tramait dans la tête de la bestiole. Dans le feu de l'action, il fit exactement ce qu'avait prévu sa sœur. Il eut le reflexe de reculer et de se pencher au maximum. Perdant ainsi son équilibre, il bascula pieds par dessus tête dans … la merde de moutons.

La jolie rousse qui lui tenait compagnie, poussa un cri épouvantée autant par le poney en furie que par le nouveau parfum du garçon. Elle s'excusa ensuite rapidement pendant qu'Audran s'extirpait du fumier et pouffant de rire disparu rapidement de la ferme.

"Deryn !!!!"hurla Audran dès que sa douce eut quitté son champ de vision.

15 mai 2044 : anniversaire d'Audran.

Deryn s'en voulait un peu. Non seulement elle culpabilisait d'avoir fait un sale tour à son frère mais en plus ça n'avait rien changé à leurs relations, Audran ne s'occupait pas plus d'elle qu'avant, bien au contraire. Il refusait de lui adresser la parole.

Le 15 mai 2044, il allait fêter ses 17 ans. Il avait invité plusieurs de ses amis et amies à fêter l'évènement à la maison. Il avait bien fait comprendre à Deryn qu'elle n'était pas la bienvenue pendant l'évènement qui se déroulerait dans le verger sous une toile de tente. La jolie rousse était semble t-il de retour et Audran paniquait de voir sa sœur réapparaître dans le paysage. Cependant, elle avait envie de se racheter pour son comportement stupide du mois précédent d'autant plus que si ça devait devenir un jour sa belle sœur il valait mieux qu'elle une image un peu plus positive de la petite dernière de la famille.

Deryn se rendit donc à la cuisine et confectionna pendant plusieurs heures des petits biscuits au chocolat, à la cannelle, à la vanille, à la noix de coco, tous les ingrédients de la cuisine passant sous sa main finirent dans les cookies improvisés. Elle décora ensuite une boîte en carton avec des rubans et y plaça tout le stock de biscuits et un petit mot soigneusement rédigé avant de prendre la direction du verger.

La voyant arriver, Audran sorti de la tente et se dirigea vers elle, l'air maussade.

"Je t'ai demandé de ne pas venir ici Deryn.

- Je sais, je voulais juste… Je voulais m'excuser pour l'autre jour. Je… Je crois que je suis… un peu jalouse de … tous ceux-là derrière qui nous regardent en se marrant. Je… voulais juste que tu passes un peu de temps avec moi comme avant. Mais je… ne voulais pas vraiment te poser de problème ou… la faire partir.

- Deryn…

- Oui, si un peu c'était le but, la faire partir, mais… Je ne recommencerai plus c'est promis. Je t'ai préparé des gâteaux pour me faire pardonner. Il y a ceux que tu préfères avec le chocolat fondant au milieu et puis d'autres surprises."

Elle donna le paquet à son frère. Celui-ci l'ouvrit d'un air suspicieux et... tomba nez à nez avec le petit mot d'excuse couvert de petits cœurs et la bonne odeur des biscuits multicolores.

- Bon anniversaire Audran. murmura la petite brune en tournant les talons.

- Attends ! Viens là ! Il la pris dans ses bras et la serra en la soulevant de terre. Sacré petite diablesse !"

Puis il ajouta en lui faisant un petit signe de tête signifiant qu'elle pouvait retourner vers la maison.

"Tu as de la chance d'avoir un don en pâtisserie !"

Deryn sourit et fila jusqu'à la maison. La bêtise était réparée.

23 juin 2044 : début d'une soirée mémorable

La fin de l'année scolaire approchait. Deryn comme à son habitude en fin de journée quittait l'école au plus vite pour rejoindre sa campagne, son cheval et sa liberté. Elle n'avait jamais eu beaucoup d'amis et jamais de vraie amie, de ces amitiés qui marquent une vie. Elle s'entendait correctement avec tout le monde mais ne se mêlait pas vraiment au jeux des autres et surtout ne suivait pas une bande en particulier. Elle était un peu l'électron libre de la classe.

Ce soir là, au coin de la cour, elle entendit la voix de certaines de ses camarades, ça pouffait, ça gloussait. La bande de Line, comme elles s'appelaient elle même, était réunie au grand complet autour de la meneuse, une jolie petite blonde au caractère trempé. De plus en plus, le comportement de ces filles interloquait la fillette. Elles ne jouaient plus et passaient leur temps à ricaner en observant les autres passer. Aujourd'hui, elles avaient même séché les cours, un scandale pour la jeune écolière. Soudain Line se plaça sur le chemin de Deryn.

"Deryn, c'est la fin de l'année bientôt. A la rentrée, nous irons au collège. Si tu ne veux pas passer pour une idiote, il va falloir que tu intègres une bande et que tu apprennes à t'habiller et à te coiffer un peu. Si tu veux on pourrait te montrer quelques trucs."

Deryn, qui se moquait pas mal de ce genre de choses, haussa les épaules et décida d'ignorer ces remarques qui ne lui disait rien de bon.

"C'est ça ! Fais comme si on n'était pas là, va rejoindre tes moutons et ton crétin de frère !"(La sœur ainée de Line était sortie quelque temps avec le frère de Deryn, ça s'était plutôt mal terminé (une histoire de glissade sur un crottin) et depuis Line prétendait avoir "des dossiers" sur Audran.)

Les quatre autres se mirent à bêler en tournant autour de Deryn. Celle-ci respira un bon coup et s'arrêta avant de se tourner vers Line.

"Premièrement, vous imitez très mal le cri du moutons et deuxièmement... mon frère n'est pas un crétin. Ce n'est pas de SA faute si TA sœur ne sait pas marcher dans un champ."

Elle allait reprendre sa route quand la petite blonde l'attrapa par le bras.

"Je t'interdit de parler de ma sœur su ce ton. Ton frère est un abruti qui ne sait pas qu'on invite pas les filles à aller dans les champs." Et sur ces mots, elle cracha au visage de la bergère.

"Ah ! La tronche !" se mirent à glousser les autres. Comment tu l'as calmée la petite brebis !"

Deryn fit alors un truc qu'elle n'avait jamais fait (à part avec son frère, mais ça ne compte pas vraiment entre frère et sœur, si ?). Elle saisit Line par les cheveux et tira de toute ses forces. Surprise, l'autre se tourna pour se défendre et c'est ce moment que choisit Deryn pour lui assener une série de coups de pied dans le tibia aux quels la blonde répondit par une claque mémorable.

C'est à ce moment là que leur professeur, M. Holloway, apparut et sépara les deux jeunes filles.

"Qu'est ce qui se passe ici ? Dans la classe immédiatement. Et vous jeunes filles, vous allez les accompagner dans la mesure où je ne vous ai pas vu lors de votre dernière heure de cours !"

23 juin 2044 : suite des aventures de Deryn et la bande de Line.

Les 6 adolescentes se tenaient dans le fond de la salle de classe. (Deryn un peu à l'écart tout de même.)

Mesdemoiselles ! tonna M. Holloway en entrant dans la pièce. Je ne veux même pas savoir ce qui s'est passé, qui a commencé ou quoi que ce soit de ce genre. Vous serez toutes en retenue samedi matin de 10h à 12h pour votre comportement inaxeptable aujourd'hui : bagarre, insultes, cours séchés, ... Ce n'est pas encore les vacanes que je sache !

"Mais monsieur, tenta une des jeunes filles.

- Non ! Je ne veux rien savoir. Vous serez toutes ensemble et peut être que là vous apprendrez à vivre ensemble ! Vous pouvez rentrer chez vous et je vous attend demain matin de meilleure humeur !"

M. Holloway s'assit à son bureau et montra la porte, signe pour les six jeunes filles qu'il était temps d'évacuer les lieux.



Deryn pestait tant que tant sur le chemin, des chapelets d'injures à l'encontre de ces chipies qui l'avaient provoquer et conduit à faire n'importe quoi. Il faut dire que ce Week-end, Deryn devait aller voir son grand-père et la retenue l'empêchait de prendre le bateau samedi matin et donc d'aller sur les îles pour le Week-end.

Arrivée à la ferme, elle prit directement le chemin de l'écurie, scella Argan et partit se calmer dans les landes alentours. Elle savait très bien qu'elle ne devait pas partir en vadrouille le soir mais CE soir, elle s'en fichait. De toute façon elle serait punie pour la retenu alors… Punie pour punie.
Pendant des heures, Deryn trotta et galopa dans la campagne avec son fidèle destrier. Elle lui confia ses malheurs et sa rage. Alors que le ciel commençait à s'assombrir, elle rentra enfin à la maison . Ses parents l'accueillir comme il se devait.

"Peut-on savoir ou tu étais ? demanda son père. J'imagine que tu sais que tu as école demain, que l'heure du dîner est passé, que l'heure du coucher est passé ? J'imagine que tu sais que tu n'as prévenu personne ? Peut-on savoir ce qui nous vaut ce comportement jeune fille ?

Deryn hésita… Elle avait peut-être un peu trop abusé… Annoncer en plus sa retenu…

- Rien de spécial, je n'ai pas vu le temps passé.

- Et ta retenu de ce soir, n'a rien à voir la dedans ? Et oui ! Comme nous te cherchions, nous avons téléphoné à l'école ! Mademoiselle se bat dans la cour de récréation maintenant ?

- Mais cette fille elle insul…

- Ca suffit ! Va dans ta chambre ! Tu n'auras pas le droit de retourner en balade d'ici la fin de la semaine prochaine. Argan restera au champ ! Et pas de visite chez grand-père ce Week end !"

Deryn baissa la tête. Elle s'y attendait, mais des larmes montaient malgré tout. Voyant son frère qui la regardait en coin, elle fila sans demander son reste et se roula en boule sur son lit.

19 décembre 2044.

Deryn avait fermé les yeux au moment de glisser sa fameuse plume de paon entre ses doigts. Après quelques instants de flottement, une odeur familière lui monta au nez puis des bruits : les moutons étaient là, tout près. Elle ouvrit doucement les paupières et vit avec émerveillement la grange autour d'elle, les brebis qui mâchonnaient leur foin, la réserve de grains dans le silo à gauche, le tas de petites bottes, bien rangées, juste à côté… Elle était rentrée !

La porte devant elle s'ouvrit et Audran apparut. Parlant au téléphone avec … surement une nouvelle demoiselle, il ne vit pas tout de suite Deryn dans la pénombre. Ce n'est qu'après avoir raccroché et ouvert en grand la porte principale qu'il sursauta.

"Deryn ! Mais comment es-tu arrivée ici ? Avec ta valise et… ? Non de non, tu m'as fiché une de ces frousses ! Mais… Rah…" Il serra sa petite sœur dans ses bras et ajouta tout bas "tu m'as manqué petite diablesse, mais ne le répète à personne hein.

- Toi aussi tu m'as manqué Audran." répondit la jeune fille.

Le frère et la sœur restèrent quelques instants silencieux, dans les bras l'un de l'autre avant de s'écarter et de partir vers la maison pour annoncer le grand retour de la petite sœur victorieuse au reste de la famille. Pas de doute, cette année, Noël serait une vrai fête, des grandes retrouvailles; Donovan et grand-père devaient arriver demain.

23 décembre 2044 :

Deryn lisait allongée sur son lit un de ces vieux romans moldus. La météo était catastrophique depuis son arrivée et la promenade à cheval avec Audran avait pour le moment dû être reportée. Tout à coup, la voix de sa mère résonna dans la cage d'escalier.

"Deryn ! Il y a du monde pour toi !"

Du monde ? Elle ne connaissait plus grand monde ici… Enfin si elle connaissait les gens mais de là à recevoir de la visite… Elle descendit au rez-de-chaussée et s'arrêta net, stupéfaite. Line ?

"Salut Deryn, j'ai… J'ai bien reçu ta carte et je voulais…" Elle jeta un œil vers la cuisine où l'activité semblait battre son plein. "On peut se poser quelque part ? Enfin… Si ça te dis de discuter un peu"

Deryn était épatée. Line avait surement un mauvais coup en tête à moins que … En même temps, Deryn elle-même devait l'admettre, elle avait bien changée depuis la fin du mois de juin dernier. Elle disait dans son courrier être prête à lui donner une chance alors…

"Viens, si tu veux on peut monter dans ma chambre." En espérant soudain ne pas avoir laisser traîner n'importe quoi (comme une baguette magique par exemple) elle remonta l'escalier suivie de Line.

Une fois dans la pièce, Deryn hésita… Que faisait-on quand une "copine" venait vous rendre visite ?

"On s'installe sur le lit ?" Joignant le geste à la parole, elle invita Line à s'assoir au bout du lit. Un silence gêné suivit. Line observait autour d'elle et Deryn observait Line.

"Elle est sympa ta chambre. Je n'étais jamais venue. Je… (elle parla ensuite très vite sans prendre sa respiration) Je suis désolée pour la fin de l'année dernière. C'était stupide de m'en prendre à toi comme ça. Je… Je ne sais pas trop quoi dire de plus.

- Alors ne dis rien. Peut être que c'est le plus simple. Comment ça se passe au collège ?

- C'est … horrible. Si tu savais. Les profs ont très exigeants et terriblement ennuyeux. Je ne comprend rien du tout en maths et le collège, il est nul vraiment. Les peintures sont vieilles et moches, les salles sont trop petites et les chaises...

Deryn écoutait d'une oreille distraite en pensant à son établissement à elle. Il lui manquait déjà…

- Et toi, c'est comment ? Deryn sursauta.

- Moi, oh c'est... vieux aussi. Mais... Deryn se concentrait pour dire sans trop dire. C'est plutôt joli. C'est très grand aussi, on se perd facilement dans les couloirs, les escaliers, les salles, le parc. Les profs très exigeants aussi mais c'est … intéressant de découvrir tout ça je trouve.

- J'ai été touchée par ton message. Tu sais je suis un peu… enfin tu ne m'a jamais trop aimée, je sais bien que ma façon d'être ne te plais pas forcément. Toi tu… ça ne te dérange pas d'être couverte de terre ou de sentir le mouton. Moi je… J'aime être jolie et surtout, j'aime qu'on me regarde mais en bien. Mais je … je me sens souvent seule. Aujourd'hui je ne peux pas rester, on part en vacances à Paris demain matin et il y a les sacs à préparer mais j'aimerais bien pouvoir t'écrire plus tard. C'est quoi l'adresse de ton école ? Enfin si tu es d'accord que je t'écrive.

- Euh… Panique intérieure. Que répondre à ça ? Tu peux confier tes lettres à des hiboux, ils connaissent la route ?!? Oui je serais ravie d'avoir de tes nouvelles et de t'en donner. Je… ne connais pas l'adresse de mon école. C'est un nom compliqué en écossais. Tu peux envoyer le courrier ici, mes parents me transmettront.

- Super ça marche ! Un grand sourire fendit son visage. J'y vais mais c'est promis, tu auras de mes nouvelles bientôt !

Elle fit la bise à une Deryn médusée et disparue comme elle était arrivée.

Passée l'ivresse du retour, Deryn s'ennuyait ferme. Bizarrement, l'ornithologie lui paraissait beaucoup moins passionnante sans Alienor ou Lilly pour l'accompagner. Allongée sur son lit, elle observait le plafond, écoutant par la fenêtre ouverte les bruits de la cour : la pluie tombait depuis ce matin. Pas un déluge sans fin non non. Des averses régulières qui mouillaient le sol pour le plus grand plaisir de son frère qui ne cessait de clamer que les pâtures avaient besoin d'eau.

Une voix la tira soudain de sa torpeur. Elle planqua à toute vitesse son manuel de métamorphose sous son oreiller en entendant des pas dans l'escalier et la voix de sa mère un instant plus tard à la porte.

- Deryn, tu as de la visite !

De la visite ? Qui pouvait bien lui rendre visite. Soudain elle vit Line apparaître. Line ! Encore elle ! Mais par Merlin que lui voulait-elle ? Son ancienne camarade de classe n'avait pas changé. Enfin si, elle était encore plus grande qu'avant (ou peut être plus longue serait le bon mot) et ses cheveux blonds étaient maintenant attachés en un chignon parfait et plus pendant autour de son visage.

- Salut Deryn ! Je suis venue t'inviter à passer la soirée à la maison. On fait une soirée pyjama avec les filles de l'école.

Avant même que Deryn n'ait pu encaisser le choc pour sortir une excuse bidon, sa mère s'exclama avec beaucoup trop d'entrain au goût de l'adolescente.

- Mais c'est super ça ! En voilà une bonne idée. Allez debout fainéante ! Tu ne vas pas faire attendre ton amie.

La brune se concentra pour faire apparaître un sourire sur son visage.

- Oui, super idée. Je... Je prépare mon sac et j'arrive.

Non mais quelle idée ! Comment allait-elle se sortir de ce pétrin ? Pas de panique Deryn. Réfléchis bien avant de parler, joue à la sauvage de mauvaise humeur et tout va bien se passer. Avec un peu de chance, elles ne voudront plus jamais te voir...

La soirée ne faisait que commencer et Deryn se mordillait la joue, cherchant bien trop souvent des réponses cohérentes aux questions qu'on lui posait. Oui, elle aimait bien les cours. Non, elle n'avait pas de portable ; son école était très protocolaire et vieillotte. La direction interdisait les téléphones portables à cause des risques encourus par les ondes. Oui, c'était absolument ridicule. Non il n'y avait pas de vacances en dehors de Noël et de l'été et encore certaines années, même à Noël les élèves devaient rester travailler. C'était une école très stricte. Non, son établissement n'avait pas de site internet. C'était ses grands parents paternels qui avait eu l'idée de la placer là-bas, un vrai calvaire !

Elles étaient cinq filles dans la maison que les parents de Line avait laissé vide pour la soirée. Toutes sauf une étaient autrefois à l'école avec Deryn mais la jeune fille aurait été bien incapable de leur mettre un nom sur le visage. Il faut dire qu'elles étaient tellement différentes d'un point de vue passion qu'elles n'avaient pas souvent joué ensemble par le passé. Elles avaient commencé la soirée par une séquence maquillage et coiffure. La sorcière n'avait pas pu cacher son embarras et son manque d'enthousiasme. Pour supporter les Hel's elle se maquillait sans hésitation mais là... Elle avait fini par accepter un rouge à lèvre, prétextant une peau allergique aux cosmétiques.

Les filles avaient ensuite commencé à regarder un film d'horreur en mangeant des bonbons. Moment de pause appréciable pour la fillette qui redoutait la suite du programme : action ou vérité et séance de spiritisme. La nuit risquait d'être très très longue. Alors que les autres sursautaient et poussaient des petits cris à l'arrivée de chaque fantôme à l'écran, Deryn se concentrait, cherchant un stratagème pour éviter la suite.

Bon c'était l'heure de la séance de spiritisme. Deryn avait tout sauf envie de voir une bande de moldues convoquer un esprit en touchant un verre. Et si par malheur un esprit se pointait, elles feraient comment ? Enfin, la plupart des fantômes ou esprits qu'elle avait eu l'occasion de rencontrer était plutôt sympathiques. Elle pensa un instant au moine gras, oui, il était même très sympathique mais si c'était un Peeves qui débarquait, elles allaient s'en débarrasser comment ? Parce que, casser le verre à la fin ça lui paraissait un peu léger comme sortilège de défense.

"Dites, vous voulez pas qu'on fasse autre chose. En vrai, je... j'aime vraiment pas ça." Argumentaire un peu faible Deryn, tu peux mieux faire. "En fait, on a fait une séance dans les dortoirs cet hiver et ça... c'était flippant. Le verre il bougeait tout seul et il disait des trucs vraiment chelou. Et puis il y a une des filles qui s'est mise à hurler. On arrivait plus à la calmer. Enfin bon... Moi j'ai pas très envie de refaire ça. Si ça ne vous embête pas, je réfère rester à l'écart.

Elle se mordillait la lèvre, espérant être convaincante.

- On va pas te laisser toute seule Deryn. Oh mais si pas de soucis, amusez-vous avec vos esprits moi je vais ... bouquiner à côté. Sinon on fera ça une autre fois. J'avoue que je ne suis pas non plus totalement rassurée. Et puis, il reste un sac de bonbons et... Elle prit un air que Deryn n'appréciait pas du tout... plein de secrets à découvrir. Line se leva d'un bon en se ruant dans l'escalier. La dernière en haut commence l'action ou vérité !

Oh ! Par Merlin ! Deryn se rua à sa suite pour éviter de se mettre immédiatement dans le pétrin.