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27 oct. 2020, 00:03
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Le voyage du retour te paraît un rêve. Tu entends les sons comme assourdis, l’esprit à des lieues de ton corps. Tu ne vois que tes pieds et les pavés qui défilent devant tes yeux égarés, et tu ne sens que la main de ta professeure, rassurant ancrage dans le présent, qui t’empêche de t’effondrer. Pas de larme, non ; il n’y en a plus, seulement du choc, le douloureux retour à la raison que tu attendais. Un mal à te faire disjoncter le cœur, un besoin d’oublier, de dormir pour ne plus rien ressentir.
Papa n’est plus, Papa va disparaître, Papa va crever. Papa ne sera plus là pour les vacances, Papa ne pourra plus t’accueillir de son sourire un peu coupable, un peu désolé, Papa ne te rendra plus la joie qui te fait défaut. Papa se contentera de n’être plus que poussière, à l’abri dans son coffre de bois, pendant que tu affronteras le Monde, pendant que tu perdras Maë. Papa ne te verra plus grandir, Papa va s’envoler voir Maman, et du haut de leur mort ils vous contempleront vous battre pour survivre. Papa va quitter la maison où tu l’as toujours vu, Papa vous abandonne.
La prise de conscience qui te terrasse, qui t’envoie comme une terrible onde électrique à travers tout le corps, embrase également ton esprit. Tu serres plus fort la main de ta professeure, à l’instant où le craquement retentit et où vous disparaissez de la ruelle, pour sentir dans ce contact une protection, la certitude que tu n’es pas seule, que ta véritable famille est là, bien là, qu’elle tient à toi. Tu serres plus fort la main d’Amy Holloway pour puiser dans le pouls que tu sens pulser la force de t’accrocher à la vie et de te jeter dans les combats avec la rage d’une enfant qui n’a plus rien à perdre.
Cet aller sans retour qu’effectue Papa est une manière de t’encourager, une dernière poussée dans le dos avant la solitude totale. C’est une façon de t’aider, finalement ; et s’il a eu besoin de te voir une dernière fois avant de disparaître, c’était pour t’offrir les forces qui l’habitaient encore, pour t’aider dans ton avancée sur la tortueuse route de la vie.

Lorsqu’Holloway se détache de toi, tu retiens un frémissement. Ton visage se relève, tes yeux accrochent ses traits, et tu esquisses un sourire tremblant. Ressentira-t-elle l’immense gratitude qui habite ton cœur en cet instant ? Imaginera-t-elle seulement la portée de ce qu’elle t’a offert, se rendra-t-elle compte de ce que ce moment représente pour toi ? Non, sans doute pas. Du bout des lèvres, tu souffles un nouveau
« Merci » qui se perd dans le souffle du vent.
Le retour vers le Château s’effectue en silence, alors que tu ressasses les dernières explications que l’adulte t’a exprimées, au moment de quitter Edimbourg. L’instrument, dissimulé dans sa poche, est comme un constant rappel de ce que tu dois à ta professeure, et tu te languis de le récupérer. Sans doute la nuit qui suivra ton retour sera agitée, peuplée de fantômes et de murmures de ton passé, et tu songes qu’avoir le violon près de toi, soigneusement dissimulé sous ton lit, t’aidera à les faire fuir. Comme un talisman, tu sais qu’il t’aidera à te sentir plus forte lorsque les ombres et la noirceur viendront s’emparer du monde.

Pénétrer dans le bureau de la directrice de Serdaigle te procure un sentiment étrange, mélange d’intérêt et d’angoisse. Assise sur le fauteuil, face à elle, tu l’observes annuler son sortilège, déposer l’instrument de Maman sur la table. Tu amènes la paume dessus, souris en sentant le contact familier de l’étui contre ta peau. Aux mots qu’elle prononce, tu acquiesces pensivement, sans réellement la regarder. Ton esprit est aux Notes, à l’odeur de résine et aux souvenirs. Il te faut quelques instants pour réaliser qu’elle a cessé de parler, deux ou trois autres pour trouver quoi dire, et enfin tu ouvres la bouche.


« Promis, j’ferai attention. Ils sauront pas. »


Tu inclines la tête, te relèves. Hésitante, tu saisis le violon, le prends contre toi, et commences à reculer vers la grande porte.

« Je… Merci, Miss. Pour tout. »


_____
Et ce sera la fin pour moi. Je vous laisse terminer comme vous le désirez !
Merci d’avoir accepté cela, ce fut un plaisir d’écrire avec vous ! Ma Protégée est également infiniment reconnaissante à Amy de lui avoir permis d’effectuer ce Dernier Voyage vers son père.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée