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19 juin 2020, 12:08
Un dernier souffle avant le premier  solo ++ 
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29 décembre 2042, 17h
Maison familiale des Holmes à Bath


La neige tombait dehors. L'Hiver grondait derrière cette fenêtre.
Les flocons tournoyaient dans le vide avant de se poser délicatement sur le sol. *'Sont beaux*
Ils allaient se faire piétiner, se faire souiller par la marche des passants mais qu'importe ils résistaient et restaient dignes dans leur chute.

Dans les yeux bleus d'une petite fille, ces fruits-de-la-Neige se reflétaient. Il n'y avait qu'une seule barrière entre le dehors et elle : une fenêtre.

Elle posa sa main sur la vitre ; histoire de ressentir l'hiver.

La vitre était froide. Des frissons arrivaient dans sa paume et remontaient tout le long de son avant-bras. Elle se sentait vivante oui ; le froid l'apaisait. Lydia ne bougeait plus et ferma les yeux un instant.
Le vent allait l'emporter.
Le vent allait l'emmener, pour voyager peut-être. Elle en avait envie en tout cas, ce serait un beau périple.
La neige ferait le voyage avec eux-deux, elle se déposera délicatement sur les cheveux ébène de la fillette pour faire un diadème ou un voile. L'enfant sera voilée de flocons.

« Lydia. Tu peux venir dans la cuisine? »

*Qu'est-c'que...* La communion avec l'Hiver fut brisée, instantanément. Elle se rendit soudain compte de l'obscurité et du froid qui régnait dans sa chambre ; la nuit allait bientôt tomber.
La voix était celle de Tobias, la petite Holmes l'avait reconnue facilement. *Papa ?*

Intriguée, elle s'avança dans le couloir de sa maison. Son père travaillait à cette heure-là, il était généralement dans son bureau en train de faire une thèse sur le système de récompense chez les Hippogriffes ou on-ne-sait quel sujet. La fillette allait le voir parfois quand il travaillait. Elle se mettait en boule sur le canapé vieux et élimé se trouvant face à la cheminé et regardait sans piper mot le cabinet de curiosité qu'était le bureau de Tobias.

C'étaient des moments doux ces heures passées dans ce bureau. Elle se sentait protégée, jamais la moindre chose ne pourrait lui arriver si elle était dans cette pièce.

Dans la cuisine Lydia se sentait déjà moins à l'aise. Mais quoi qu'il en était elle avançait.

Plus que quelques pas et elle y était.

Deux choses la frappèrent quand elle entra dans l'endroit. Sa mère avait les yeux rouges et son père ne la regardait pas. Il avait détourné la tête sitôt que la brunette était entrée.
*Qu'est-c'qu'ils ont?*
Les parents ne dirent rien pendant deux ou trois minutes, qui paraissaient une éternité.

Ce silence était menaçant, ce silence était angoissant. Il voulait dire quelque chose trop dur à prononcer, il était criard et dissonant.

« Papa ? Maman ? » murmura-t-elle.

*Pourquoi ils m'ont appelée ? Pourquoi ils sont comme ça ?*

L'homme prit une inspiration. Sa femme paraissait trop faible pour dire le moindre mot. Colombe était pâle, Lydia avait remarqué que depuis ce matin sa mère semblait prête à verser des larmes à n'importe quel moment de la journée. *Je... J'aime pas, j'veux pas qu'ils pleurent.*

Elle se demanda soudain si c'était à cause d'elle, d'une bêtise qu'elle avait faite, d'un caprice ou d'une colère qu'elle avait exagérée. Cette pensée était pire que tout.

« Nous voulions te parler. »

Puis des paroles teintées de ténèbres et parfumées de désespoir suivirent.

« Hier nous t'avons laissé chez Meg. Seulement, c'était pour une autre raison que ce que nous t'avions annoncé. *Ils m'cachent quoi?* Colombe en était à ses quatre mois de grossesse, nous voulions te faire la surprise. Or, dans la nuit ta mère a eu de fortes douleurs. Nous sommes allés à l'hôpital dès que possible pour voir si tout allait bien. *Non. Non j'veux pas savoir la suite.* Seulement le bébé qui semblait être un garçon est... On appelle ça une fausse couche. »

A ces mots, deux larmes coulèrent sur chacune des joues de Colombe. Pas chez Lydia. Ses yeux n'auraient pas pu pleurer, la tempête qui se déroulait dans tout son être ne laissait pas assez d'eau pour les sanglots.

Toutes ces prières pour avoir quelqu'un d'autre dans la famille, tout ce temps passé à penser à Lui. Et voilà qu'il n'allait jamais exister.

Il avait poussé son dernier souffle avant d'avoir eu le temps de respirer pour la première fois.

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post-pause

31 juil. 2020, 12:41
Un dernier souffle avant le premier  solo ++ 
Claquement de porte. Les parents ébahis, ne savant pas comment réagir ne la retinrent pas. Ils se sentaient désespérément coupables, surtout Colombe. La jeune femme était plus pâle que jamais comme si tout le sang avait soudainement décidé de quitter son corps. Elle pleurait mais ne s’en rendit pas compte, c’était à peine si elle arrivait à sentir le torrent dégoulinant sur ses joues.

« Lydia, ma petite… »

Sa voix n’était plus qu’un murmure. Un murmure qui pourtant voudrait hurler, retentir si fort qu’il ferait trembler les vitres. Mais la jeune femme n’y arrivait pas et de ses lèvres ne s’échappait que ce chuchotement.
Tobias posa sa main – elle était glacée – sur l’épaule de sa femme. Colombe frissonna. Ils se regardèrent un instant, la douleur qu’ils ressentaient se matérialisait presque tellement elle était importante.
Lente marche funèbre que créa soudain la mélodie de leurs battements de cœur.

*


Elle se retrouvait dans l'Hiver, au milieu de la neige, parmi le froid.
Elle se retrouvait livrée à elle-même ; au Rien. Elle se retrouvait à voir le fantôme de celui-qu'elle-voulait-voir-naître, partout.

*Je...*
Lydia ne savait plus la moindre chose. Sa bouche paraissait scellée, impossible de parler.
Pourquoi lui avait-on fait ça ?
Pourquoi sa mère n'avait pas su le garder ?
Pourquoi il n'avait pas voulu exister ?
*Pourquoi ça fait si mal ?*
Pourquoi avait-elle l'impression de ne plus pouvoir respirer ?
Pourquoi la fillette marchait, paumée, sans savoir ou aller ?
Pourquoi elle n’était pas en train de sangloter dans les bras de ses parents ? C’est ce que feraient tous les Autres. Une après-midi de tristesse et après on se retrouvait devant un bon chocolat chaud ; comme si rien n’était arrivé.
*Pourquoi j'ai fui comme ça ?*

Tandis qu'elle commençait à courir, le bruit des pleurs se mua petit à petit en un râle sinistre. La fillette n'avait jamais couru aussi vite, elle avait l'impression que sa vie en dépendait.
Elle semblait voler sur le sol, elle était en perpétuel mouvement et n'eut jamais les deux pieds posé sur le macadam. *M'envoler.*

Les rares passants regardèrent étonnés, cette enfant qui fendait les airs. Lydia essayait de s'envoler, sauta le plus haut possible pour y arriver quand inévitablement, elle retomba. Son cœur était trop lourd à cet instant, trop gorgé de peines et de cris qui n'arrivaient pas à sortir. Il l'attirait vers le sol, la condamnant à ne jamais pouvoir rejoindre les anges. Pour tromper l'illusion encore quelques temps, elle fonça à tout allure vers une destination inconnue.

Après une course effrénée, elle s'arrêta enfin. Les lèvres bleues, les mains inexistantes à cause du froid lui firent réaliser qu'elle était encore vivante. Elle avait eu l'impression de ne plus être elle. Ce n'était pas la petite Holmes qui courait ; c'était une inconnue. Cette fillette aussi brisée *minable* ne pouvait pas être elle.

Elle se trouvait devant la maison de sa grand mère à présent. Enfouit sa tête dans ses bras un instant. Quand elle se releva, son regard était plus dur que jamais et aucune trace de douleur ou tristesse n'y subsistait.

Presque dans un état parallèle, elle frappa à la porte. Son poing fit un bruit mat et sourd en tapant le bois. Marguerite lui ouvrit, la vieille dame semblait soucieuse. Elle savait pour Lui.

« Lydia! Je ne t'atten... »

Marguerite arrêta sa phrase en voyant le visage de sa petite fille.

« Entre. »

Sa voix était troublée. Comme un automate, Lydia obéit. Ses pieds n'avaient plus la vigueur qu'ils avaient durant sa course, elle peinait à présent à marcher. Meg s'assit sur un fauteuil à bascule, celui où elle passait le plus clair de son temps. Elle ouvrit ses bras pour accueillir la fillette.

« J'ai mal. »

Tout ce qu'elle parvint à dire avant de s'enfoncer dans les bras de sa grand mère, espérant y trouver un refuge.

Marguerite se balança sur son fauteuil. Elle sanglotait tout doucement ; ce qu'avait dit l'enfant l'a bouleversé. Elle tapota doucement le corps de la petite Holmes.

« Dors ma petite. Tout refleurira. »

Lydia était partie dans un univers de rêves, tentant de trouver l'oubli parmi les bras de Morphée et de sa grand-mère.

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#5d9686
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20 mars 2021, 00:04
Un dernier souffle avant le premier  solo ++ 
Elle se réveilla péniblement de son sommeil. D'abord elle se demanda si elle avait rêvé ; ou plutôt disons cauchemardé. Il faisait nuit dehors. Oui, après tout elle pouvait très bien se réveiller d'un rêve sombre, bizarre, qui ne se réaliserait sûrement jamais - et tant mieux !

Le regard que posa sur elle Marguerite lui fit abandonner tout espoir de retour à sa vie normale, à sa vie d'avant, à sa vie sans l'incident. Sans la catastrophe qui avait tout détruit sur son passage. Elle se demandait déjà comment elle l'expliquerait à Ethel Fox, sa meilleure amie. Celle-ci comprendrait-elle le chagrin qui l'accablait ? Peut-être que oui. Mais il était probable également que ce soit le cas inverse. La fillette avait quatre frères et se sentait souvent oubliée parmi eux. Comprendrait-elle le rêve que Lydia tenait du bout des doigts, et qu'au dernier moment elle avait laissé échapper ?

Sa grand-mère l'entoura d'une couverture. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle frissonnait, depuis tout à l'heure elle était insensible à tous les signaux que son corps essayait pourtant de lui envoyer.
Il faisait nuit dehors. Elle ne parvenait pas à voir les constellations, c'était une nuit bleue foncée et sans étoiles. Le genre de ciel nocturne qui invite les loups-garous à rester humains et les vampires à s'enfermer tranquillement dans leur cercueil.


L'enfant détourna ses yeux azur pour regarder sa grand-mère. Celle-ci caressa ses cheveux noirs, avec un air de compassion, d'empathie. Lydia aurait été outrée de la pitié que témoignait ce regard chez une autre personne mais chez Meg c'était différent. Chez Meg, cela réconfortait, cela donnait envie de repartir de zéro juste pour donner l'occasion à ce regard de se réveiller et s'éclairer. Merlin sait que, si elle en avait été capable, elle se serait remise debout et aurait affronté la vie qui lui était réservée avec des gants de boxe. Mais pour l'instant... Elle restait dans le lit, à fixer sa grand-mère de ses yeux bleus. Tandis qu'une main douce et attentionnée touchait ses mèches de cheveux ébènes.

« Ce n'est pas de ta faute. »

Lydia tenta d'abord d'afficher une moue étonnée, pour montrer à son interlocutrice qu'elle ne voyait pas du tout de quoi il était question. Mais très vite, elle s'aperçut que feindre l'ignorance était impossible et beaucoup trop au-dessus de ses capacités.

« Tu crois ?

- Mais oui mon ange. C'est le hasard, la destinée comme on dit en français, qui se sont bien joués de vous. En mal.

- Mais tu penses que si... »

La fillette laissa sa phrase en suspend. Comment exprimer un sentiment indéfinissable, teinté d'une honte si profonde qu'elle en devenait douloureuse ?

« Continue. Tu es une petite fille forte, tu peux le faire, j'en suis certaine et je crois en toi. »

Lydia prit une inspiration. Coeur au bord du vide, juste avant de se lancer et de sauter en s'agrippant au parachute.

« Si j'avais voulu ce petit-frère encore plus fort, p't'être qu'il serait arrivé ? Que ma bonne étoile, comme disent certaines filles de mon école, m'aurait entendue et aurait décidé de m'exaucer ?

- Lydia... Non, ce n'est pas ça, ça n'a rien à voir. Les prières ne marchent pas toujours - crois mois j'en sais quelque chose. »

La vieille femme la prit dans ses bras en se retenant de pleurer. Il ne fallait pas qu'elle se montre faible, c'était la chose qui desservirait le plus à sa petite-fille.

La brunette s'écarta de l'étreinte et lâcha un petit « D'accord. » du bout des lèvres, sans avoir vraiment l'air d'y croire.

« Je ne pensais pas t'en parler maintenant mais... J'ai commencé à organiser un voyage en Asie pour nous quatre. On y réfléchira là bas, maintenant il faut que tu dormes encore. Tu as subi quelque chose de difficile mais ne t'inquiète pas, cela ira mieux. Crois-moi mon petit ange. »

Lydia la regarda une dernière fois et s'enroula dans sa couette. L'Asie. Lui. Le voyage. Ses parents. Tout se mélangeait mais elle voyait, au milieu de ce fouillis indescriptible, une petite lueur d'espoir.

#5d9686
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20 mars 2021, 00:38
Un dernier souffle avant le premier  solo ++ 
20 août, 14 heures
Jardin de la maison




Ils avaient attendu quelques semaines. Quelques mois. Puis quelques jours encore, après le retour de l'Asie. Toute la famille avait rapporté beaucoup de souvenirs de ce voyage.

Marguerite : une broche, des livres sur les potions japonaises et puis bien sûr, de beaux souvenirs. C'était elle qui avait eu cette idée, au départ elle était anodine puis elle s'était justifiée avec l'immense perte qu'avait vécue la famille Holmes. Perte de quelque chose qui, au fond, n'existait même pas... L'ironie de la chose la rendait encore plus triste.

Colombe avait écrit pendant le périple. Elle retrouvait soudainement la gaieté qui lui était essentielle pour rédiger ses contes. Les critiques disaient que ses livres "mêmes pour les parents, font toujours passer un joli moment. Fantaisie, éducation et originalité sont savamment mélangées dans les livres de Colombe Wheele.". La première qualité, il lui avait fallu partir tout au bout de la Terre, à l'extrémité de l'Angleterre, pour pouvoir la trouver. Avec le parfum des fleurs de frangipanniers, la douceur des temples thaïlandais, le thé chinois et l'atmosphère de recueil spirituel dans les religions pratiquées là bas, elle s'était reconstruite petit à petit. Elle avait mis un pansement sur son ventre, celui qui avait abrité un être qui était mort sans avoir le temps de vivre.

Tobias était celui qui avait récupéré le plus de biens matériels. Des plantes, un oeuf d'un mystérieux animal qu'on lui avait vendu dans une animalerie chinoise (il avait promis que ce n'était pas illégal...), des grimoires et des notes sur la faune et la flore de cette partie du monde.
L'homme avait été lui aussi charmé par les odeurs des fleurs de frangipanniers et avait trouvé le moyen d'enchanter les vêtements de la famille pour leur appliquer indélébilement cette fragrance sucrée. Une jolie idée, simple et futile, mais qui avait mis du baume au coeur à tout le monde.

Enfin Lydia. Elle ramenait un coffre secret dont seul elle possédait la clé. Le caveau des souvenirs, minutieusement verrouillé.
Elle s'était retrouvé pendant ce voyage. Et maintenant, la fillette se disait que tout s'arrangeait un jour. Quand on est dans un tunnel sombre, il faut marcher et avancer encore et encore. Le jour, l'extérieur des soucis se trouve forcément quelque part, à la fin du long chemin.

La famille Holmes s'était reconstruite. Petit à petit. Bout par bout. Pansant lambeaux par lambeaux.

Ils avaient, d'un commun accord, décidé d'organiser des funérailles symboliques. Une poupée de chiffon avait été mise sous la terre, histoire de montrer qu'il y avait bien une présence qui aurait dû apparaître et que ce n'était pas qu'une pensée abstraite.

Colombe avait creusé la terre. On lui avait demandé si elle avait besoin d'aide mais il semblait que non, elle refusait catégoriquement et s'acharna à le faire avec une pelle. La jeune femme portait des robes blanches qui devinrent noires de terre et sa peau pâle prit une couleur hâlée à cause de son exposition au soleil.

Tobias avait gravé la pierre. Il n'avait pas beaucoup de talent pour la sculpture mais c'était sa manière pour lui d'apporter un coup de main, quelque chose de significatif.

Maintenant, ils étaient réunis autour d'une petite motte qui cachait une lourde histoire.

Lydia s'avança et prit la parole.

« Cher toi. J'aurais bien aimé t'avoir comme petit frère, parce que apparemment tu était un garçon. J'pense que t'aurais été heureux avec nous. Mes parents sont géniaux et ma grand-mère, c'est la meilleure.
Mais tu as choisi de rejoindre les anges, avant de nous connaître. T'sais, on m'appelle souvent "petit ange" alors je suis sûre qu'on reste quand même liés toi et moi.

Sois heureux, j'essayerai aussi de l'être pour toi.
»

Elle s'avança et sortit de sa poche une fleur blanche. Une fleur blanche, avec cinq pétales et des nuances jaunes à l'intérieur. Des volutes étranges que formaient ses pétales ! Mais jolis, et délicieusement odorants.

La fillette disposa la fleur en dessous de la pierre.

C'était fini à présent.

FIN

#5d9686
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