Un voyage dans la Somme… pour faire la somme de mes idées et partir d’un nouveau pied, ou d’un nouveau « bus », plutôt. pour entrer dans lequel j’avais l’élégance d’un oppossum. Ma valise calée fermement dans les soutes, j’avançai prudemment à proximité du « moteur à mazout » du Magicobus moldu qui dégageait une odeur nauséabonde - j'entrai avec circonspection dans ce bus tout droit sorti du monde moldu.

A une question d’un sorcier devant moi sur la nature de l’engin, le conducteur n’avait répondu ni Magicobus ni voiture volante, il avait répondu « petit car ». Mais alors très petit « car ». Et grand « pourquoi » devant ce véhicule original. C’est fou, comme en un an le monde moldu me paraissait loin, compliqué, paradoxal, réflexions molles-dures, pleine de contradictions.

En attendant, je me décidai pour une petite place contre la fenêtre - je verrais mieux le paysage, il paraissait que ça allait être très joli. Dans le doute, je pourrais mieux vérifier depuis mon poste d’observation. En moins de deux, mon coussin accroché à mon siège, mon petit sac à dos à mes pieds et mon sourire à mes lèvres, j’écoutai l’engin pétarader comme un dragon qui tousse, allergique à sa propre fumée.

Mais les idées filaient dans ma tête en même temps que le coussin en glissait. Je fulminai intérieurement : *rah ! Ce strapch ! euh… ce srapch ! ce scrach ! oui ce crash de mes capacités face à la b... bandelette adhésive !*. Moi, Jacobus l’hirsute, premier du nom, je n’étais pas prêt de me familiariser avec les scratchs.






Infini, assis sur ce siège moyennement confortable indissociable des bus, était partagé entre plusieurs réflexions, le regard fixé sur les pointillés blancs du bitume qui défilaient devant lui. C'était sa première aventure hors de l'Angleterre, et sans parents. Ça lui faisait un peu drôle d'être tout seul avec aucune tête familière et il était un peu nerveux justement à l'idée d'être seul. Qu'il avait peur de se perdre ou de rester sur le bas-côté, oublié ! Il ne pouvait pas s'arrêter de taper du pied - de la pointe de ses pieds - sur le sol où gisait son sac. Finn devait trouver une chose à faire pour s'occuper les mains, lire, faire des gestes, quelque chose. Il se mit à essayer d'arracher les poils de ses bras. *'sont tout petit, tout blond, tout fin, c'galère* Il abandonna vite son épilation, dès lors qu'il eut arraché un fameux poil, ce qui lui chatouilla le nez ; terminaisons nerveuses très sensibles.

Le voisin de siège de bus d'Infini commençait à s'agiter. Il tourna son corps vers lui. Un véritable petit frigo comparé à l'allure relativement frêle de l'écolier. Plus âgé que lui, assurément, il semblait mener un féroce combat contre... son coussin.

- Arrête, tu vas arracher ton gilet, le scratch est pris dans les mailles !

Infini se pencha vers le garçon et coinça la bande adhésive du coussin entre ses doigts puis tira délicatement. Quelques fibres étaient restées collées sur le scratch, mais la casse avait été limitée.

J'espère que tout te va

J’étais concentré sur ce satané strapch, si bien que je n’avais pas vu arriver mon sauveur, celui qui m’aida à enfin décoller mon gilet de l’horrible détail moldu. *Brrrr !* Levant la tête vers lui, je lui souris… « Merci ! Je suis fâché avec les spratch ! ». *Patratatch ! Et si je m’étais trompé avec le nom ?*

Au moins, plus question de faire des maladresses avec ma baguette… solidement fixée dans une poche à l'intérieur de mon sac, je ne risquais plus de faire apparaître des jets lumineux de toutes les couleurs avec les effets les plus divers en face… sauf celui voulu. Comme cette potion qui avait eu tout l’air d'une coulée d’empestine. Jacob la gaffe, pfff, ça ne sonnait pourtant pas bien.

C’était comme si ma baguette au coeur de phénix était morte - sans avoir encore ressuscité. Aussi, lorsque je tendis fermement ma main vers mon voisin, juste après un « Enchanté » dit sur le ton prescrit par Mère j’enchaînai : « Jacob, maladresses en tous genres. ». Père n’aurait pas voulu l’entendre accollé au nom des Tramontane ; Mère aurait attendu que mon air soit piteux en reconnaissant mon adresse de véracrasse. Mais je ne m’étais encore rien cassé, alors je continuais à sourire tout en parlant, l’image du chaudron explosé se superposant au bus, devenu tout rond dans mes pensées comme une petite toupie. Seulement déçu de ne pas avoir de chapeau à retirer pour saluer comme les Grands - ou le chapelier d'Alice au pays des merveilles.

Je reposai mes yeux dans le regard de mon voisin : « Et toi ? Dis… », déçu une deuxième fois de ne pas avoir de chapeau de sorcier à disposition pour le poser sur la tête de mon camarade comme au début de l’école… « tu es aussi à Poudlard ? Moi, j'suis "le petit rayon de soleil de Gryffondor" ! C’est un camarade qui me l’a dit… tu me dis si je parle trop ! Tu veux que je sorte des chocogrenouilles ? »

Spratch ? Infini plissa ses yeux verts vers son interlocuteur. *Spratch. Je suis fâché avec les spratch.* Un petit bout rosé de langue sortit se coincer entre les lèvres du jeune vacancier, instant de réflexion intense pour tenter de comprendre le langue extraterrestre de son voisin. Il devait bien avoir un sens à cette phrase, un contexte qui le définit ! Une lueur passa dans le regard d'Infini et s'y installa tandis qu'il riait doucement, agitant par soubresauts ses épaules.

- Ça s'appelle un scratch, dit-il allègrement, tout sourire. Moi, c'est Finn. 'Fin, Infini. Euh... Toujours plusieurs théorèmes à son arc ? Il avait tenté de se présenter comme le garçon, mais le rendu était bizarre. En plus, il avait oublié de dire "enchanté", qu'il comprenait d'ailleurs plus comme "en champ thé". Il n'avait jamais vraiment apprécié les signes de courtoisie soutenus, un "salut", "ciao gars", lui convenait comme un gant. Pas de fioritures, direction la simplicité.

Mais ça devait faire partie de la personnalité de Jacob, qui paraissait amusant, enthousiaste et énergique. Cela tranchait un peu du tempérament plus réservé de Finn, qui se figurait déjà dans son esprit une sorte d'arc-en-ciel psychédélique tournoyant à la place de Jacob, figure qui déteindrait peu à peu sur la peinture en noir, blanc et bleu qu'était Infini.
Tout en se demandant si se fixer mutuellement n'avait pas quelque chose de gênant il répondit :

- Poudlard ! J'en ai entendu parlé. Mon papa y est allé, mais il a dit que peut-être que j'irai, ou peut-être pas, ça dépendra de mes aptitudes à la... magie. T'es magique, toi aussi ? Infini scruta Jacob, inquisiteur. Rien d'apparence ne le différenciait des autres, pas d'aura surpuissante, pas d'odeur particulière. Son père ne lui avait pas dit qu'il allait rencontrer des sorciers, sinon, il se serait essayé au lancer de sort, pour ne pas paraître inculte. Rayon de soleil de Gryffondor, ça doit être un sacré rôle ! Éclairer tout le monde, tout le temps... Moi, si je vais à Poudlard, je serai à Serdaigle comme mon papa ! En réalité, la différence entre les maisons, il ne la connaissait pas, mais être relié par Serdaigle avec son père le rendrait fier, sans doute.

A la dernière question du Gryffodor, Infini inclina vivement sa tête de bas en haut et gonfla ses joues.
- Groaaac !

Je suis "magique" ?
C'était automatique dans mon esprit : un père sorcier, une mère sorcière et l'enfant était magique, non ? Les enfants qui n'étaient pas magiques de mon école moldue n'avait pas de parents magiques. Tout était logique. Mon voisin était magique aussi, non, lui, s'il entrait à Poudlard ?

Je haussai un sourcil en repensant à mes parents magiques. Mère avait repris le travail l'an dernier : elle travaillait à la mèrie de Cambridge. Ou mairie, peut-être. Elle parlait souvent de dix courts et d'évènements neufs à la maison. Un travail avec les chiffres, je pensais.
Père avait un habit tout bleu en revenant du travail. Le comble pour un Serpentard. Mais personne n'en riait à la maison, il était très sévère. Même que son métier se terminait par "serre" et que ça allait bien avec Ser-daigle et rimait avec sévère. Il était "serre de peau lisse". Quelque chose comme ça.

Je regardais le visage de mon camarade avec attention : pas de traces de lunettes en vue. Et pourtant il allait aller à Serdaigle. Je fis une petite moue impressionnée. Il savait dire "scratch", c'était un signe définitif d'intelligence.

"J'étais magique"
Une petite ride apparut au centre de mon front dans une tentative intense de comprendre, tout interloqué. A Poudlard, il y avait des arbres magiques qui sauvaient l'école de l'attaque, comme celui de Katy Smith et des deux préfets-en-chef Nora Starks et James Silvershade. Mais moi, j'avais eu beau grimper aux arbres du parc, je m'étais griffé, égratigné, avais manqué de me fouler la cheville mais n'avais jamais rien rien foulé de magique. Ils étaient tout pareils que ceux de Cambridge. Est-ce que je devais rencontrer un arbre magique pour être plus magique ?

"J'étais magique" : le mot tournoyait dans mes souvenirs passant de l'automne à l'hiver. J'avais appris à tenir des baguettes autour du riz, ce que je réalisais avec l'adresse d'un dragon écrasant une colonie d'oeufs. Baguettes pour le riz et baguette magique étaient dragon vert et vert dragon : impossibles à maîtriser. De même, je laissais échapper les lampions rouges et jaunes de janvier avec au moins autant d'aisance que je ratais mes "Lumos". Tout était si étrange à Poudlard par rapport à Cambridge et pour moi c'était souvent du chinois. Je serrais un peu les lèvres : *magique, magique, magique...*

Ma concentration était trop "disparate". C'était le mot des professeurs pour dire que mes idées se carapatent, je crois. Mais même avec ma concentration de limace cornue, j'étais magique. Sa question me fit plisser le nez.

Pour moi le monde se divisait en deux : ceux qui connaissaient les dessins animés et ceux qui ne les connaissaient pas. Et magiques ou pas, beaucoup d'enfants de Poudlard étaient étranges, parce qu'ils ne les connaissaient pas. Alors oui, j'étais un garçon un petit peu seul cette année parce que "Capitaine Flam", "Laureline/Valerian" et "télévision" étaient aussi indéchiffrables pour mes camarades que des "idéogrammes". Ils ne me comprenaient pas. Mais moi je comprenais tout ce qu'ils disaient. Tout. Même les mots magiques. Pas "merci" et "bonjour". Non, "Lumos" et "Alohomora".

Et ainsi j'en étais sûr, j'étais magique. Mes trois frères étaient magiques avant moi - même que Tobias faisait un travail "d'importance" à Londres. J'eus donc un temps d'arrêt à considérer toutes les coutures de ce terme. Je finis par tendre le paquet de chocogrenouilles à mon voisin, le sourcil toujours haussé, les yeux un peu écarquillés.

Je l'affirmai : "Oui, je suis magique. Je suis un sorcier." Un jour peut-être, je serai sur une carte chocogrenouille, qui sait ? Heureusement, son imitation déclencha après quelques secondes de temps de réaction un petit rire chez moi qui résonna tout autour.

Je repris : "Tu es déjà allé dans la Somme avant ? Depuis Cambridge, c'est très très très... loin !" J'écartai les bras pour signifier la grande, grande distance depuis chez moi.

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[je me réfère aux éléments du contexte de l'année 2042-2043 : l'aventure "La Dernière Garde" pour l'arbre magique et la venue de la délégation de Zhuangyán à Poudlard en particulier ]

Jacob levait ses sourcils, plissait son front, écarquillait ses yeux avec une vivacité inconnue d'Infini.
- Wow, t'en fais des têtes ! J'ai cru que tu faisais un arrêt cardiaque.
Son père était impassible la plupart du temps, mis à part les quelques moues légères de crispation ou les légers sourires en coin quand il parlait avec Percy. Percy lui était un système numérique de deux positions : sourire-yeux rieurs ou ligne droite. Il se demandait quel système il était, lui. Analogique sûrement, le panel d'émotions était plus large que ceux de ses parents mais pas autant que celui de son camarade de bus. Il s'essayait à sourire en grand. Il étendit ses lèvres sur le côté jusqu'à cette impression de déchirement et ses joues montèrent d'elles-mêmes au niveau de ses yeux qui, eux, se plissaient. Il voyait flou dans cette position.
Peut-être que Jacob allait le trouver bizarre de grimacer comme ça, mais Infini le trouvait assez rêveur, il n'avait pas forcément remarqué le sourire. Il réfléchissait fort, ça se voyait dans ses expressions. Le jeune garçon en profita pour se pencher un peu vers l'avant et observer le paysage défiler. Son regard passait d'un point à un autre très rapidement et le défilement rapide lui donner le tournis. C'est qu'il n'avait pas l'habitude de rouler en bus ou en voiture. A Londres, il se déplaçait essentiellement à pieds, en skate ou en vélo pour l'école ou la natation et le métro pour les distances plus longues.

Jacob eut l'air de sortir à moitié de sa torpeur et tendit à Finn le paquet de chocogrenouilles. Il ne riait pas quand il avait parler de "chocogrenouilles", c'était vraiment des grenouilles en chocolat. Après tout il était bien en territoire de mangeurs de cuisses de grenouilles. Il ouvrit le paquet précautionneusement de peur de voir surgir un petit animal et fourra la friandise tout de suite dans sa bouche, sans mâcher. C'est bon, rien ne sautait, il pouvait déguster le chocolat.
- Merchi. Il épousseta l'emballage et en sortit une carte. "Gwenog Jones, Capitaine et batteur de la première équipe féminine de Quidditch, les Holyhead Harpies". C'est une carte à collectionner ? Et c'est quoi le Quijdicht ?

Il finit de manger le chocolat. Jacob était magique, et pas lui. Ou peut-être que si. Il ne savait pas si c'était mieux d'être magique ou non. D'un point de vue pratique, ranger la vaisselle en deux secondes comme le faisait son père était bien utile, mais vu comment il rangeait sa baguette dans un coffre fort, les responsabilités ne devaient pas être très cools.
Vraiment, Jacob avait le don d'être expressif et communicatif. Quand il écarta les bras, Infini voyait dans sa tête l'énorme distance qui le séparait de son père et de Percy.
- C'est vrai que c'est très loin ! Par contre j'sais pas où c'est Cambridge, j'ai jamais vraiment quitté Londres à part pour mes compét'. J'sais non plus ce que c'est la Somme... c'est pas une addition, hein ?

Mes yeux s'illuminèrent quand j'entendis le mot magique : "quidditch". Infini était fan de quidditch ? Mais j'avais un voisin-de-feu ! Je croquai ma chocogrenouille tout en souriant, les joues gonflées comme celle d'une grenouille par le chocolat qui remplissait ma bouche, tentant d'imiter mon voisin qui l'avait mis dans sa bouche en un coup.

Tandis que les éclats de chocolat craquaient sous mes dents et fondaient dans ma bouche, mes mains partirent à la recherche de mon sachet de Berties Crochues au fond de mon sac. Je ne partais jamais sans les provisions-les-plus-chouettes-du-monde-magique. Lorsque j'eus avalé ma chocogrenouille, j'essuyai mes mains sur un de mes deux mouchoirs de soie de poche (initiales J.T, une vieille manie de ma famille, peut-être pour "Joie et Tonus" ?), tirai la tablette du siège de devant pour qu'elle soit à plat comme l'avait fait un voisin pas trop loin à mon arrivée et disposai mes Berties Crochues doucement dessus.

"Regarde. La tablette, c'est comme un terrain de quidditch. En-dessous, c'est l'herbe, autour, c'est les applaudissements ! Les trois Berties-là," *je pointai les trois berties à gauche* "ce sont les anneaux d'une équipe. Les trois Berties-là," *je pointai les berties à droite* "ce sont les anneaux défendus par l'autre équipe. La stratégie, c'est de mettre la balle rouge, la plus intéressante" *elle a le goût délicieux de la cerise* "dans les anneaux !"

Mon sourire éclairait mon visage tandis que j'étais emporté par mon ton enthousiaste : "Et la balle noire, là, est aussi piquante que la réglisse : on la lance sur les adversaires pour les déconcentrer !" *Et un grand oh retentit dans le stade !*

Je continuai, la fossette creusée largement dans ma joue : "La grise, c'est le viffet ! Une petite balle avec des ailes" *je battis des bras comme un papillon* toute légère qui rapporte des points ! Mais la meilleure des meilleures, *je montrai mon poing, l'air un p'tit peu déçu de ne pas avoir trouvé de Bertie crochue jaune appropriée à la balle dorée* c'est le vif d'or, elle rapporte beaucoup de points et met fin au match !"

Les vagues de ma voix continuaient de rebondir, intarissables : "Simon, mon frère, était poursuiveur ! Ca veut dire qu'il s'occupe de la balle rouge, celle qu'on envoie dans les anneaux. Chacun s'occupe d'une balle ! Il y en a qui s'occupent de la grise avec les ailes, il y en a qui s'occupent de la noire pour frapper, il y en a qui s'occupent des anneaux !"

J'écartai les bras : "Tout le monde est sur un balai... vioum, vioum... tu verrais comme c'est beau ! Parfois ils font même des figures dessus... vioumbadoum ! " mimai-je en faisant des vagues avec ma main. "Et nous, on est là pour crier et chanter fort pour les encourager !" J'applaudis pour montrer l'ambiance, ignorant totalement que notre paire de voisins de droite nous observait désormais.

"Les cartes chocog'",*à 12 ans, c'était bien plus classe de parler ainsi, dire "chocogrenouilles" ça fait "vieux"* "tu peux les collectionner : certaines en bronze, certaines en argent, certaines en or. Il y a plein de personnages très très mystérieux dessus. Regarde :" *je montrai la carte que j'avais obtenu, posée entre mes genoux* "Fal-co Aesalon, premier Anima-gus connu. Enigmatique, non ?"

"Oh... mais tu aimes les énigmes ? Il y en a une qui dit : tu sais pourquoi certains ne font pas de bruit dans un stade de quidditch..." J'attendis quelques secondes et enjoué, j'ajoutais : "allez, la réponse c'est le nom d'une des balles !"

Soudain, la réalité me refrappa comme un cognard en retard... *la Somme*, la Somme, ah oui ! Je répondis : "La Somme ? Adam m'a dit que c'était l'étranger. Pour le reste, je ne sais pas ! On verra ?" Je mis ma main devant ma bouche, me rendant compte du flot intarissable de paroles qui m'échappaient, espérant n'avoir pas noyé mon voisin sous mes kilos d'énergie.

1-1 pour le retard, l'égalité est proclamée, cher Infini !

Infini reporta son attention sur Jacob. Le paysage du dehors allait beaucoup trop vite pour lui et il avait l'impression de sentir la chocogrenouille récemment avalée se réveiller et sauter dans son estomac. Jacob bougeait aussi mais un peu moins vite. Il était carrément marrant, avec ses grands gestes et ses expressions faciales, le petit était comme au théâtre. Ses yeux s'écarquillaient à mesure que son voisin parlait. Jacob descendit sa tablette et sortit de nouvelles friandises qui ressemblaient à des sortes de très petites patates colorées et légèrement translucides et il les agença sur le terrain imaginaire. Infini retint quelques secondes sa respiration en fixant les sucreries - des Berties - qui vibraient sur la tablette à cause des suspensions pas très performantes du bus alors que Jacob n'avait pas nettoyé la tablette. Si lui avait fait ça devant son père, il aurait été disputé. Il était un peu maniaque sur le bord son père et désinfectait tout tous le temps, presque s'il n'allait pas laver lui-même sa vaisselle au restaurant. Et poser de la nourriture sur une surface souillée devait faire partie des actes rebelles les plus forts qu'il ait vu dans sa petite vie. Ses yeux brillèrent un peu plus et il écouta plus attentivement l'explication.

Au fur et à mesure de la mise en situation grandeur nature de Jacob, Infini plissait les yeux et répétait avec ses mains les mouvements de Jacob, en mimétisme. Il imita même le viffet et ses petites ailes et brandit son poing pour le vif. Son sourire s'agrandit. Là, il était au stade avec les tribunes tonitruantes et les joueurs de Quidditch sur des balais même s'il voyait assez mal comment on pouvait tenir sur un balai, en plus avec une seule main pour attraper les balles ou les renvoyer.« Viooooum ! C'est trop cool ! » dit-il en applaudissant. « Mais il fait comment pour voler, Simon ? Un balai ça vole pas ! Vvvv craaaash ! » Son bras s'écrasa sur sa jambe sans ménagement alors qu'il réfléchissait fort pour comprendre comment on pouvait s'élever dans les airs puisque lui n'avait jamais réussi à rester sans toucher le sol plus de quelques secondes.

Décidément, les sorciers portaient des noms étranges. Falco, Gwenog et là n'étaient que deux cartes sur une immense collection. Ça avait l'air compliqué, finalement, la magie. Surtout si tout était comme l'énigme de Jacob. Finn avait beau retourner les noms des balles - vif, viffet et impossible de se souvenir des autres - il ne trouvait pas. Il prit une des Berties noires et l'enfourna dans sa bouche en songeant à la question de son camarade. Il la fit rouler entre sa langue et son palais et son visage se décomposa. Il tira sa langue un peu noircie vers Jacob, les sourcils froncés : « Ah, beurk ! C'est pas bon du tout, j'vais vomir ! » Il croqua une bonne fois pour toute dans la substance gélatineuse et déglutit difficilement. Il aurait bien pris une secondes Bertie pour changer le goût mais il avait peur maintenant de tomber sur pire. Le goût de la noire lui était inconnue mais vraiment dégueu. « Et je sais pas, c'est trop dur pour moi ton énigme. Je préfère quand y a des chiffres, comme... un, un, deux, trois, cinq, huit, vas-y trouve la suite ! » C'était l'une des suites les plus connues, celle avec la reproduction des lapins. Il l'a trouvait très rigolote. Et moins difficile que celle de Jacob, si c'était un jeu de mots, il ne trouverait jamais.

La Somme, la France, l'étranger. Il n'avait jamais compris pourquoi on appelait ce qui n'était pas son pays l'étranger. Parce que dans étranger, il y a étrange, et de ce qu'il apercevait de la France à travers la fenêtre n'avait rien d'étrange. En même temps ça allait toujours vite et les couleurs se mélangeaient entre elles. Une ligne verte, une ligne grise, une ligne bleue et des taches de temps en temps. Il serait grand temps qu'ils arrêtent de rouler, Finn sentait ses jambes crisper et devait bouger avant d'exploser. Remuant sur son siège et tirant sur la ceinture qui appuyait un peu trop sur sa vessie, il tourna sa tête vers Jacob. « Dis, tu sais parler français ? On est en France donc ça serait pratique. Moi je m'appeler Finn et c'est tout ce que je sais dire. » On aurait reconnu son accent anglais à des kilomètres. Il haussa des épaules et reprit : « Mais Percy il parle trooop bien français et plein d'autres langues ! Franchement même quand c'est pas le même alphabet que l'anglais il y arrive. Bon, après c'est sûr qu'il a beaucoup voyagé pour ses concerts, alors tout de suite ça aide, hein. En fait, je sais pas ce qu'il sait pas bien faire, à part les pâtes. Il les brûle toujours ! » Restait à savoir lequel des deux garçons allait noyer l'autre sous le flot de ses paroles en premier.

retard intergalactique, désolé

Jacob tapotait un peu le sol du pied comme un minuteur coincé sur la phase d’attente… trois, deux, un, départ empêché. Il n’aimait pas rester assis, ça le grattait, il monta un peu ses jambes, les secouant pour les mettre en pseudo-tailleur sur son siège, poussant sans ménagement l’accoudoir en arrière dans l’espace entre les deux sièges. Ce petit compartiment où on casait des enfants, quel piège. Tourné ainsi en tailleur vers son voisin, dos à la vitre, c’était déjà un peu moins difficile à tenir. Rester plusieurs heures comprimé dans ce petit espace, quelle idée digne d’un Nimbus cassé. Rah là là, ces Moldus ils aurait dû l’inventer, le portoloin, nom d’un petit sorcier.

En vérité, cet embêtement ne s’empara du brun qu’un instant, tout occupé qu’il était à dire à son voisin : « Viaouuuuum ! Oui ! Si si chez les Sorciers, un balai, ça vooole. Les cours de vol -sur balai-, c’est les mei-lleurs de tout Poudlard, tu dis "Debout" et là… vioum ! Tu survoles tout. » Jacob étendit ses bras pour imiter l’ampleur du stade de Poudlard, cognant le coude gauche contre le dos de son siège et le coude droit contre celui de devant dans le mouvement.

Il regardait avec plaisir son nouveau camarade chercher pour l’énigme. *Voilà un garçon intéressant.* *Tu sais pourquoi certains ne font pas de bruit dans un stade de quidditch ?* Il finit par lui donner réponse, un petit air mystérieux imprimé sur le coin de son visage amusé : *Parce que le vif d’or.* (Le vif dort)

Les yeux brillants comme des viffets, il sourit à son voisin avant de froncer d'un coup les sourcils en écoutant le plus jeune *un, un, deux, trois, cinq, huit, vas-y trouve la suite*. *Cueillir des cerises ?* Mais ce n’était pas les bonnes paroles au départ. C’était sans doute une autre chanson. Mais il plissa un peu plus le front : il ne connaissait pas de fruit qui rimait en -ite et répondait au critère. Aussi, il haussa les épaules avec une petite moue faussement désolée et véritablement enjouée.

Parler le français ? « Un petit peu » (italiques = dit en français) « Oh, c’est qui, Percy ? » Jacob chercha du regard dans le bus : « Tu crois qu’il m’apprendrait ? » En moins de temps qu’il n’en faut pour dire quidditch, le brun alpagua les voisins qui regardaient les deux bavards : « Hey, vous connaissez Percy, vous ? » Apparemment, il était moins connu que l’attrapeur des Rayons de Soleil de Walmamba, son équipe préférée, ce Percy qui brûlait toujoiurs les pâtes et attisait l’attention de son voisin.

Et rebondissant ainsi de parole en plaisanterie, Jacob oublia pendant un si long trajet l'inconfort du bus. Le paysage de souvenirs qui se déployait dans la conversation était prodigieux tout comme celui de l'avenir qui s'ouvrait à eux. Et en sortant plus tard du bus, il jeta un oeil curieux sur la France. Un pas en avant, un pas en arrière, il cherchait ses repères, dans le pays de(s) Molière(s). Clignant un peu des yeux pour apprécier l'impression soleil couchant sur le séjour commençant.

Rapidement, très rapidement, un calendrier virtuel se dessina dans l'esprit d'Infini. Les chiffres à l'encre rouge des jours finirent dans le néant tandis que les doigts du petit s'activaient en vitesse pour compter le nombre de moments - beaucoup trop - qui le séparait de sa possible rentrée à Poudlard. Poudlard. Il fit rouler le nom de sa future école lentement de sa bouche pour en mesurer les aspérités. Le début était doux mais vif, la fin restait bloquée un peu plus longtemps alors que sa langue frappait son palais. Un ensemble hétérogène, se disait-il, mais si l'on enlevait toutes les consonnes, il ne restait plus ou-a. Wouah. Hmm, c'était forcément bien ! Le sourire qu'il avait depuis le commencement de sa conversation avec Jacob se conservait, comme les énergies

Et puis, Poudlard, si on s'échappait du nom à proprement dit, c'était aussi ce sport dont parlait vivement Jacob, le Quidditch. Là aussi, le son semblait être une des définitions-mêmes des mots mi-savants mi-sorciers qui sortaient des flots de paroles du voisin de bus. Quid- c'est le bras qui s'arme vers l'arrière, et tel que l'imaginait Finn, bras armé d'une raquette de badminton dont la vitesse de propulsion arrière fendant l'air avec ce bruit, quid, et puis le itch qui symbolisait évidemment l'impact. Outch, la balle ! Peut-être même le bruit que faisaient les joueurs de Quidditch quand ils rataient la balle... Mais, si le joueur ratait la balle, enfin le viffet ou peu importe, retombait-elle sur le sol ? La magie, après tout, était si étonnante qu'il était possible que les sorciers apportent autant d'importance à la gravité qui Finn à ses devoirs d'histoire. « Ca a l'air carrément génial ! J'ai trop hâââââte d'y être, Jacob ! » Et joignant les gestes à la parole, il se dandina sur place en lançant ses bras de tous les côtés, comme désarticulés. « Dis, tu m'apprendras à faire du balai magique ? Parce que ça a l'air complexe, tout ça, dis donc... mais chuis sûr que ça doit être méga-super ! Surtout si tu dis juste "debout" et hop, t'es en l'air. » Quand le grand dévoila enfin la réponse à sa devinette, le petit fronça les sourcils en grimaçant légèrement. « Elle est... bizarre ta blague. Je crois que j'ai pas tout entièrement compris ! » Et il ricana en frappant doucement dans ses mains. « La réponse à la mienne, c'était treize... Suite de Fibonacci », annonça-t-il avec un air très mystérieux. Enfin, le mystère n'était pas très épais. 1 + 1 = 2 ; ... ; 5 + 8 = 13, tout simplement !

Le brun fronça à nouveau les sourcils avec un air très amusé qui éclairait ses yeux. Mais, Percy n'était pas un enfant ! Il était définitivement extrêmement drôle, le garçon. Finn espérait qu'ils deviendraient amis. « Percy ? Il est pas làààà... C'est le copain de mon papa. Tu sais, copain comme ça... » Il rapprocha ses deux index et les fit se toucher doucement en souriant. « Il t'apprendra toutes les langues que tu veux, et même de la musique ! Il est musicien, en fait. Pas cuisinier, heureusement. Si tu viens chez moi, surtout, viens pas le jour des pâtes de Percy. C'est pire que les Berties noires ! »

Le bus finit par s'arrêter. Le petit attrapa son sac sautilla jusqu'à la sortie et sauta les marches, touuutes les marches, pour atterrir sur le sol. Du sable. Première fois qu'il en voyait du vrai ! Un peu comme le sable du bocal de Schubert le poisson rouge, mais en mieux et en plus fin et en plus blanc. Et puis, surtout Finn remarqua immédiatement le parfum qui arrivait jusqu'à lui, transporté par la brise marine. Il avait pensé durant tout le trajet du voyage que la mer - la mer ! - était une sorte de piscine géante et qu'elle aurait la même odeur caractéristique de chlore que la piscine mais il devient bien avouer qu'il n'avait pas du tout pensé au fait que la mer n'était pas chlorée mais salée. Et le vent frais, autant en température qu'en odeur, était une aubaine pour lui. L'atmosphère maritime le calme instantanément et il respirait aussi profondément qu'il le pouvait pour profiter de l'instant. « Ca va être une grande, grande, grande aventure ! » dit-il à Jacob avec son entrain habituel.