Une fois, Julia m'a dit que c'était la nuit qui l'empêchait de dormir. Je n'avais pas compris. Je ne lui ai pas dit mais. C'était son Elle-Même qui ne voulait pas qu'elle dorme. Je me suis rendu compte qu'elle avait raison.
Mon Moi-même lutte pour que je dorme. Mais la nuit le repousse. J'ai du mal à voir ce qui a changé en quelques mois. Je ne les ai pas vus fois décembre mais. Rien. N'a changé.
Mis à part qu'ils sont tous plus proches qu'avant. Julia calme toutes les angoisses de Horty. Presque toutes. Elle reste Horty. Julia soigne la douleur de Papa mais pas entièrement. Il n'exprime pas ce qu'il ressent. Pas à moi, en tout cas. Il n'arrive pas à oublier Maman. Elle l'a blessé. Et il ne sait pas comment cicatriser.
Je n'ai aucune nouvelle de Maman. Et de ce côté non plus rien n'a changé. Je lui en veut. Je m'en veut. Souvent, je pense à ce qu'elle fait à ce moment. Je m'imagine qu'elle a essayé de recommencer sa vie. Sans nous. Mais à chaque fois, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle reviendra vers nous.
Papa veut commencer une procédure de divorce mais refuse de voir Maman. Julia essaye de le convaincre de le faire parce qu'elle sait que c'est le mieux pour lui. Mais Horty comprend ce qu'il se passe et il ne faut pas en parler devant elle. Ça risque de lui faire trop de mal. De réveiller le démon qui dort en elle.
Mais moi. Peu importe si on en parle devant moi. Ils ne le disent pas vraiment. Mais je sias qu'ils pensent que je suis assez mature pour endurer ça. De toute façon, Papa doit trop supporter sa propre tristesse pour s'occuper de moi. Je ne peux pas lui en vouloir.
Arthur est resté chez lui mais ça me ferait du bien de le revoir. Lui, comprendrait. Et depuis que je suis rentrée, Julia est bien plus distante avec moi qu'à Noël. Je ne la connais pas assez bien pour avancer ça, mais elle n'est pas dans son état normal.
Cette nuit encore, elle ne dort pas. J'ai l'impression qu'elle ne dort jamais. Mais je ne dois pas lui en parler. Comme l'autre jour, en décembre. Cette crise d'angoisse qui m'a fait si peur. Mais je ne dois pas lui en parler. Ni de ça et ni de toutes les choses qui peuvent me faire peur sur elle.
Mais même distante, elle est toujours aussi attentionnée avec moi. Elle semble bien plus excitée que moi que ce soit mon anniversaire. Demain. Enfin, aujourd'hui, si j'en crois l'horloge de la cuisine.
13 ans. Tant de choses se sont passées en 13 ans. Mais rien n'est aussi important que ces deux dernières années. À Poudlard. Comme à la maison.
Le Temps passe bien trop vite. Et mes sentiments ne savent plus quoi faire. Et la nuit ne me laisse pas dormir.

« Joyeux anniversaire, Welmina. »

Julia. Sa voix est douce. Je crois qu'elle sait lorsque je ne dors pas. Pourtant elle ne s'approche jamais trop du canapé sur lequel je dors. Je ne sais pas si c'est pour moi ou pour elle, mais c'est gentil. Même si j'avoue que ça ne me déplairait pas qu'elle vienne parfois. Elle est toujours gentille avec moi et nous héberge depuis décembre. Je l'aime beaucoup.
Elle me sourit. Je lui souris en retour. Elle n'était pas distante, juste un peu ailleurs. Ça arrive. Julia est notre bienfaitrice. Notre amie.

« Rendors-toi, tu auras besoin de force pour le reste de la journée. »

J'aimerais lui conseiller la même chose, mais contrairement à elle, j'arriverais à me rendormir. La journée s'annonce mouvementé. Sourire au lèvre, je referme les yeux. Ce sera génial.

C'est fou.
À quel point ils ont changés ma vie.
Avant, je n'avais pas d'objectif.
Je n'en ai toujours pas.
Mais ils m'ont fait oublié ça.
J'ai compris que maintenant je m'en moque.
Mon indépendance m'est précieuse.
Et je n'ai jamais eu besoin de tout ça.
Mais je me suis attachée à eux.
Dans un certain sens mon objectif c'est eux.Je me retrouve tant dans la plus petite.
Horty.
En retrait, hystérique, un peu différente.
Et ça me plaît, finalement.
On s'entend bien, je pense.
Je n'ai pas oublié la nuit où elle était là.
Pendant ma crise d'angoisse.
J'm'en voulait d'avoir montrer mes faiblesses.
Mais elle a fait comme si elle avait oublié.
On sait que ce n'est pas le cas.
J'me suis fait tatouer un croissant de lune.
Sur le bras.
Pour représenter la nuit.
Je la déteste, certes.
C'est juste pour qu'elle voit que je m'en fiche.
Comme Welmina, tout à l'heure.
Elle s'est endormie comme un bébé.
Juste quelques secondes après mon passage.
Un simple joyeux anniversaire.
Est-ce ça qui l'a fait dormir ?
Parfois je sens que sa mère lui manque.
Je suis loin de pouvoir la remplacer.
Je suis juste une bonne amie.
C'est mon seul rôle.
Et je dois les rendre heureux.

« Salut ! Joyeux anniversaire, Wel'. »

J'ai proposé à Arthur de rentrer de Londres.
Pour l'anniversaire de Welmina.
Il tient deux paquets sous son bras.
Cette journée sera parfaite.
Alors pourquoi le visage de la Fille ne sourit pas ?

La matinée s'écoule bien trop rapidement. Le retour d'Arthur m'a fait tellement de bien au cœur que j'en oublie le temps qui passe bien vite. J'ai treize ans. Le repas de midi est passé depuis un bout de temps. Assez banal, je l'avoue mais lorsqu'on est réunis. Et qu'on est heureux. Peu importe le reste. Je me suis sentie exactement comme pendant les vacances de décembre. L'entente. Les fous rires. Les longues discussions. Tout est revenu. Tout ce qui manquait. C'était Arthur.
Et il est à peine revenu. Que j'ai déjà peur qu'il reparte. Papa, Horty et lui sont partis faire quelque courses, et le fait qu'on soit déjà séparés me fait quelque chose. Même s'ils vont revenir dans un rien de temps. Arthur a dit qu'il n'était là que pour trois jours. Mais sa valise. Semble plus lourde. Il veut aussi rester plus longtemps.
Tout le monde le voit. Julia la première. Elle jette un coup d'œil par dessus mon épaule, faisant mine de lire le livre que je feuillette. Celui qu'Arthur m'a offert. Une longue saga Moldue que je n'aurais jamais le temps de terminer. À cause des cours. De mes pensées. De tout. Cette pensée m'amène à Meg. Les personnes qui lisent ont tendance à avoir une sorte de je ne sais quoi qui les rend spécial. Elle l'a, cette Fille est si adorable, pleine de vie. Je ne sais pas si je l'ai déjà eu mais si c'est le cas. Je le perd. À force de ne plus trop lire.
Sur cette mélancolique pensée, je me tourne vers Julia. Et mes yeux plongent immédiatement dans ceux d'une toute petite boule de poil rose pâle qu'elle tient dans le creux de ses mains.
On se regarde un instant. On prend le temps de se trouver. Se chercher. Se demander. De se comprendre. Elle est adorable.
Je lis dans le sourire de Julia tout ce que je devrais lui demander. Mes yeux virevoltent entre le Boursouflet et elle.

« Elle s'appelle Jolivia. »

Elle parle tout bas. Comme si un mot de trop pouvait briser quelque chose. Faire disparaître l'adorable Boursouflette. Ou mon sourire.

« Jared a tout de suite voulu l'adopter lorsqu'il l'a vu. Pour toi. Il n'est pas du genre à prendre des décisions sur un coup de tête, pourtant. »

Elle me tend la boule de poil qui vient escalader mon épaule. Me chatouillant le cou. Elle semble si fragile, j'ose à peine la toucher. Émue, je souris à Julia. Sans rien ajouter, elle s'éloigne tout en montrant qu'elle n'est pas loin. Elle veut sûrement nous laisser seules. Je ne veux pas réfléchir. Je crois que Jolivia m'a enlevé ma capacité à le faire. Peu importe. C'est sûrement tout ce dont j'ai besoin.
Pendant un instant, un rien. Nous nous apprenons. Sans réfléchir.
Je lui parle. Elle roule. Je la caresse. Elle pousse des cris ravis. Je l'attrape avec une main. Elle grimpe sur mon épaule. On se regarde.
Doucement, elle m'adopte.

On est restées un bon bout de temps ensemble seules. C'est comme si elle était tout ce dont j'avais besoin. En une après-midi, on a vécu comme s'il s'était passé des semaines. Je n'ai pas vu le temps passer. Elle est bien différente de ce que peux m'apporter un humain. Mais elle possède une énergie revigorante. Un fabuleux Elle-même.
Lorsqu'ils sont rentrés, tout le monde s'est précipité vers Jolivia, évidemment. Eux aussi, ils l'ont adoré. Papa semblait si bienveillant, comme toujours, comme s'il avait compris ce que Jolivia pouvait m'apporter. Horty était fascinée par la petite boule de poil. Même Timmy s'est montré curieux envers elle.
Quant à Arthur, il semble soucieux. Mais quand j'y repense, il l'est depuis qu'il est arrivé chez Julia. Je m'en veux un peu de ne pas m'en être rendue compte avant...

« Ça va ? »

Il me regarde et sourit tristement. Il y a quelque chose qu'il ne me dit pas. C'est si rare qu'Arthur montre sa tristesse que lorsqu'il l'a fait, je ne suis pas comment réagir. Forcer n'est pas une bonne idée. Mais je n'ai pas le droit de ne rien faire.
Me demandant de le suivre, il me conduit dans la chambre d'ami. S'il souhaite s'isoler ce qu'il a à me dire n'est d'évidence pas très bon.
Il fouille un un instant dans un tiroir et en sort une boîte accompagnée d'une enveloppe.

« Je ne sais pas trop si je fais bien de te le donner mais je pense que c'est les meilleure chose à faire. »

Je fronce les sourcils, interloquée. Et je me tais, attendant la suite.

« C'est de Maman. Elle en avait envoyé une pour l'anniversaire d'Horry, aussi. Je ne les ai pas lues mais je pense qu'il vaut mieux te la donner. Je n'ai pas donné la sienne à Horty, je... »

Il fait une légère pause, le temps que je comprenne ce qu'il se passe.

« J'avais peur qu'elle réagisse mal... Mais je ne pouvais pas te le cacher à toi... Papa ne le sait pas et je pense que c'est mieux comme ça. »

Un cadeau. Une lettre de Maman. De Maman. Elle n'a pas le droit. Si elle veut revenir, elle doit vraiment revenir. C'est nous tous ou personne. Pas chacun de nous, un par un. Elle connait cet esprit de famille, pourtant.
Si elle pense que c'est le meilleur, elle se trompe.

« Elle a... pas l'droit. »

Je tape dans la main où il tient le cadeau. Étonné, Arthur le laisse tomber. Jolivia sur mon épaule glisse sur le lit. Elle semble effrayée.
Peu importe. J'en ai assez de devoir tout canaliser. Parce que je suis grande et forte. Parce que je dois faire attention à Horty. J'en ai assez. Moi aussi j'suis qu'une gamine capricieuse. Comme j'aurais du le faire, là-bas, à l'instant où j'ai voulu me taire. Dans le toilettes abandonnées. Si El n'avait pas était là, j'aurais pu exploser. Il faut que je le fasse.

« Fais ce que tu veux, Welmina. »

Et il s'en va. Posant juste la lettre et le cadeau sur le lit. Je me rends compte que je n'ai jamais su. S'il avait pardonné Maman. Ou s'il lui en veut. Alors qu'il sait absolument tout ce que je ressent.
C'est moi l'égoïste. Pas Maman. Pas Horty. Uniquement moi. Parce que je pensais que c'était les autres.
C'est moi qui suis mauvaise. J'ouvre la lettre de Maman, les larmes aux yeux. Je pleure, trahissant cette promesse silencieuse. Peu importe.

Welmina,
Je pense qu'implorer ton pardon ne servira à rien. Écrire n'est probablement pas la meilleure des façons de le faire. Alors écoute juste le son de la boîte à musique, s'il-te-plaît. Elle m'a calmée quand j'en avais besoin. Mais tu en as plus besoin que moi.
Je t'aime, je vous aime tous.
Maman

Alors je tourne la manivelle de la boîte, après avoir enlevé l'emballage. En larmes. C'est beau. Je ne sais plus où je suis. Je sais juste que. Je ne dois en vouloir à personne.

Elle pleurait quand je l'ai trouvé.
Et elle ne pleure pas souvent.
Je ne suis pas très douée pour avoir les mots.
Mais elle avait besoin d'aide.
Et je pouvais l'aider.


« Vous semblez bien vous entendre. »

Je baisse les yeux sur Jolivia.
Elle fait de même.
Je ne regrette pas.
Mais après tout, c'est Jared qui a choisi.
C'est grâce à lui.

Je veux juste qu'elle pense à autre chose.
Un instant.
Si je peux lui offrir ça.
J'aurais réussi mon paris.
Et je serais peut être un peu utile.

« Tes cheveux sont tout abîmés, est-ce que tu veux que je les coupe ? »


Le temps d'aller chercher le matériel.
Je la laisse, seule.
J'ai crus comprendre qu'elle voulait avoir les cheveux longs.
Avant, mais c'est différent aujourd'hui.
Elle a grandis, ce n'est plus la même qu'en décembre.


Arthur a toujours eu l'air parfait.
Un grand frère en or.
Un fils génial.
Un ami au noble cœur.
L'absence de sa mère n'a fait que renforcer ça.


Quelque chose est mort entre nous.
Il est toujours mon meilleur ami.
Et on est toujours proches.
Il ne parle juste plus de Nathalie.
Et ça me fait mal.


Une brosse et un ciseau à la main, je reviens.
Welmina me regarde, ne sachant pas trop quoi faire.
Elle murmure quelque chose.
Quelque chose qui ressemble à merci.
Pour tout.

Je devrais faire quelque chose.
Même si je n'ai pas le droit.
Ils m'en voudraient.
Et je ne le veux pas.
Je suis juste Julia, cette bonne amie un peu bizarre.