Soudain, alors qu'il subissait encore inlassablement la douleur, il sentit une chaleur sur ses épaules. Une force qui le tirait vers le haut. Puis à travers ses cris une voix qui l'extirpait peu à peu de la souffrance. Ses yeux s'ouvrirent et il vit une silhouette au-dessus de lui. Haletant, paniquant, son premier réflexe était de se redresser, d'agripper son assaillant et de le mettre en pièces. Fort heureusement ses pupilles avaient fait leur mise au point et il reconnut Eleanor qui était penchée au-dessus de lui, visiblement paniquée.

Il resta allongé, les yeux fermés, cherchant à reprendre son souffle, laissant agir sa collègue sans répondre de suite à ses questions. Un long soupir de soulagement s'extirpa de ses narines quand elle posa un bout de tissu humide et frais sur son front. Il lui saisit le bras, comme il l'avait fait dans le noir devant la pagode mais avec moins de force. Son geste était plus tendre, cette fois il ne cherchait pas sous la panique quelqu'un à qui s'agripper, il voulait juste se raccrocher à une réalité qui l'avait quitté le temps d'un rêve.

"- Merci... Je... Lors de l'attaque... Pendant que l'américain s'occupait d'un des sorciers qui nous attaquait. L'autre... Il m'a lancé le sortilège... doloris... Ce dernier mot sortit de sa bouche dans un soupir quasi-silencieux, il était à peine audible. C'était horrible. Je sentais mes os se briser... Ma tête explosait... Cette douleur... J'ai jamais ressenti ça. Je me suis endormi, j'avais l'impression que ça recommençait. C'était horrible. Il rouvrit les yeux et fixa ceux d'Eleanor. Merci de m'avoir réveillé."

Il fallut quelques secondes à Aydan pour se réveiller et reprendre ses esprits, aidé par le tissu humide que sa collègue avait déposé sur son front. Sa respiration était plus calme et sa peau reprenait, petit à petit, une couleur normale.

Alors qu'une goutte de sueur perlait sur son front, Aydan saisit la main de la jeune femme comme s'il allait lui révéler quelque chose d'important ou de grave. C'est en tous cas comme ça qu'elle interpréta son geste. Que lui était-il arrivé de si grave ? Eleanor n'allait pas tarder à le savoir.

Lorsqu'il commença à expliquer ce qu'il s'était réellement passé avant qu'ils ne se rejoignent, Eleanor sentit son sang se glacer et la colère monter en elle. Elle n'avait jamais été victime du "Sortilège Doloris" mais elle pouvait sans difficulté imaginer ce que son collègue avait vécu. Attrapant son poignet comme pour le soutenir, elle lui répondit.

- " Mon dieu, Aydan ... Pourquoi tu ne m'en as pas parlé lorsque nous étions à table ? C'est fini maintenant, tu n'as plus à supporter cette douleur. Nous sommes sains et saufs ... pour le moment du moins. Il faudra simplement faire en sorte que ça ne se reproduise plus les prochains jours. Tu as besoin de repos. Lorsque nous serons rentrés au château, il faudra te procurer une potion de sommeil sans rêve car je peux t'assurer que ça te sera d'une grande aide ! Tu te sens mieux ? " Eleanor s'interrompit quelques instants avant de se rappeler qu'il l'avait remercier de l'avoir réveillé. " Ne me remercie pas, je ne dormais pas de toute façon. Et puis, tu sais, tes cris ... c'était affreux ".

Remarquant que le bout de tissu humidifié n'était plus suffisamment frais, la jeune femme l'humidifia de nouveau.

- " Si tu veux, je reste là en attendant que tu te rendormes. Je retournerai ensuite dans ma chambre. "

Il n'avait plus à supporter la douleur, pourtant il venait de la revivre. Il sentait encore certains de ses muscles tétanisés par ce qu'il avait revécu dans son rêve. Toutes les nuits futures seraient donc ainsi ? Remplies d'un traumatisme aussi intense et douloureux ? Eleanor ne serait pas toujours là pour l'extirper de ces mauvais rêves. Il lui était reconnaissant, de l'avoir réveillé, de prendre soin de lui, et encore plus de sa proposition de rester auprès de lui. Il était un peu gêné d'accepter mais il devait reconnaître que la présence de sa collègue l'apaisait, restait à voir si cela suffirait à faire fuir les sombres songes qui l'avaient envahis.

"- Ca te dérange pas ? Je sais pas si ça changera quelque chose... Mais ça me rassure que tu sois pas loin. Je sais pas pourquoi je t'en ai pas parlé. Je voulais pas y penser... Mais je crois que je vais pas avoir le choix d'y penser encore et encore durant les jours à venir. J'espère que Magdalena a de cette potion en réserve."

Aydan se redressa et ramena ses jambes vers lui, laissant ainsi de la place à Eleanor pour qu'elle puisse s'asseoir confortablement sur un bout du lit qui était suffisamment grand pour eux deux.

"- J'ai besoin de me changer les idées avant d'essayer de me rendormir je pense. Tu veux bien me parler de tes voyages, on a pas eu l'occasion de s'en dire plus depuis cette soirée à la tête de sanglier."

Il repensa alors à la fin de soirée, à sa mission chaotique visant à ramener Joanne sans encombre jusqu'à son lit. Un sourire timide apparaissait sur son visage en repensant à sa collègue faisant fuir les deux élèves qui leur étaient tombés dessus. Un peu d'ivresse ne lui ferait pas de mal ce soir mais il était hors de question de finir dans un tel état, aussi il oublia l'idée de commander à boire et écoute plutôt Eleanor.

Si ça la dérangeait ? Pas du tout. Qu'aurait-elle fait une fois de retour dans son lit ? Tourner en rond attendant que son collègue se réveille et souhaite quitter l'auberge pour rentrer au château ? Probablement. Alors, d'une voix douce, elle répondit à son collègue.

- " Bien sûr que non sinon je ne te l'aurais pas proposé ".

Visiblement, Aydan était toujours sous le choc de ce qu'il venait de vivre et c'était bien normal. Il avait peur que ça recommence. Malheureusement, la jeune femme ne serait pas tous les jours là pour l'aider et le réveiller en cas de cauchemars. Eleanor, ne sachant pas trop comment le rassurer et le calmer, se sentait impuissante face à la situation et le vivait très mal, elle qui aimait avoir le contrôle sur tout. C'est, alors, tout naturellement qu'elle accepta de lui parler de ses voyages jusqu'à ce qu'il s'endorme. Et puis, de toute façon, elle n'avait pas mieux à faire puisqu'elle n'aurait pas réussi à retrouver le sommeil tout de suite.

S'installant sur le lit là où son collègue lui avait laissé de la place, Eleanor prit la parole.

- " Cette fameuse soirée bien arrosée ! " Eleanor esquissa un sourire avant de reprendre. " Bien sûr, avec plaisir. Par où commencer ? Comme tu le sais, quand j'étais plus jeune, mon père m'avait totalement effacée de sa vie. Après ma scolarité à Poudlard, je n'avais aucune envie de rester coincée chez moi à Edimbourg et de suivre, jour après jour, une quelconque formation. En plus, je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Alors, sur un coup de tête, un simple sac à dos sur le dos, je suis partie dans le but d'étudier la magie internationale. J'ai toujours été passionnée par les différentes formes de magie et la façon dont les sorciers étrangers l'utilisent et la canalisent. J'ai commencé par l'Ouest du continent africain, dans un petit village sorcier. Je logeais chez les habitants et j'apprenais, jour après jours, les rouages de leur magie. Enfin, ce qu'il voulait bien m'en dire car, il faut l'avouer, ils sont très secrets. J'ai toujours été impressionnée par leur capacité à utiliser leur magie sans baguette. Un jour, ils ont même décidé de m'apprendre à utiliser ma magie sans ma baguette mais ça n' a pas été un franc succès, je dois l'avouer. Quand on utilise une baguette magique depuis des années, c'est difficile de s'en défaire. Selon eux, j'avais l'impression de l'abandonner. C'est eux qui m'ont appris ce que représentait la baguette pour un sorcier et c'est ce qu'ils m'ont appris que j'enseigne aujourd'hui aux élèves. Après presque deux ans, je suis partie afin de continuer mon périple. Je suis restée quelques mois à Paris mais avec mon français plus que douteux, j'ai rencontré quelques difficultés même si c'était vraiment enrichissant bien que leur magie ne soit pas si différente de la nôtre finalement. Ensuite, je suis partie en Asie ".

Pendant plusieurs minutes, Eleanor continua son récit et parla longuement de ce qu'elle avait vécu en Asie.

- " Ensuite, je suis retournée en Afrique mais, cette fois-ci, plus dans le Nord du continent. Je ne saurais te donner un pays car j'ai beaucoup voyagé. Je n'arrivais plus à rester en place. Malheureusement, mon voyage ne fut que de courte durée car j'ai reçu une lettre de mon père m'annonçant qu'il était gravement malade. Même si je n'avais plus aucune relation avec lui, j'ai décidé de rentrer à Edimbourg pour m'occuper de lui. J'ai toujours été comme ça ... à espérer que les choses changent avec lui. J'avais déjà perdu ma mère, je ne voulais pas perdre mon père. A cette époque, je me souviens, j'ai beaucoup discuté avec lui et j'ai décidé de lui pardonner. Inutile. " Eleanor laissa sortir un petit rictus avant de reprendre son histoire. " Ensuite, puisque j'étais de retour en Grande-Bretagne pour mon père, j'ai décidé de commencer des études. Durant mes 3 années de formation, je me suis toujours promise de recommencer à voyager mais quand j'ai reçu une proposition de travail à Poudlard, j'ai laissé tomber mon rêve mais je ne le regrette pas un instant. Mon dieu, je m'égare, on devait parler de mes voyages et pas de moi ! "

Installé sous ses draps, Aydan regardait Eleanor entamer son récit. Il écoutait avec attention la douce voix de sa collègue lui parlant de la fin de ses études et de son départ en Afrique. Il n'eut aucun mal à l'imaginer apprendre les rudiments incroyables que ces sorciers maîtrisent. Il visualisait parfaitement la façon dont ils avaient pu tenter de lui enseigner leur savoir faire puisqu'il avait lui-même connu cet enseignement difficile. Elle parla de la France puis de l'Asie, un coin du monde qu'il n'avait pas eu le temps de découvrir, il enviait Eleanor car c'était une destination prévue avant que la maladie n'atteigne sa mère et le pousse à rentrer au pays. L'écossaise reparla ensuite de l'Afrique, du nord du continent cette fois. Aydan se revoyait en Égypte, parcourant le fond du pays pour étudier d'anciennes sources de magie aux vertus particulière en matière de métamorphose. Il s'imaginait là-bas aux côtés d'Eleanor, partageant leur connaissance. Bercé par sa voix qui s'estompait peu à peu, Aydan plongeait dans un rêve en compagnie de sa collègue à traverser le monde à deux pour découvrir de nouveaux savoirs et de nouveaux paysages.

Sa tête tombant sur épaules, ses bras ballants le long de son corps qui s'était affaissé, l'irlandais semblait paisible avec un léger sourire aux lèvres, alors qu'Eleanor s'excusait pour rien de parler d'elle. Aydan s'était endormi sous le récit de la jeune femme, pas par ennui, mais parce qu'elle l'avait transporté dans des pensées apaisantes qui l'avait ramené à ses voyages, à ses souvenirs si plaisants.

A peine avait-elle terminé son monologue qu'Eleanor se rendit compte que son collègue s'était endormi en écoutant ses histoires. Depuis combien de temps ? Elle l'ignorait car elle n'y avait pas vraiment fait attention, perdue dans ses récits. Alors qu'elle aurait pu se vexer du comportement de son collègue, elle ne put s'empêcher de sourire et ne lui en voulut pas une seule seconde. Après ce qu'il avait vécu, le voir dormir était finalement une bonne chose et si elle lui avait permis de s'endormir plus apaisé alors, elle avait réussi sa mission.

Même s'il avait l'air plus apaisé, la jeune femme décida de rester quelques minutes auprès de son collègue afin de s'assurer qu'il allait bien et que ses cauchemars ne recommençaient pas. Après tout, s'il fallait le réveiller de nouveau, il était plus simple qu'elle reste dans sa chambre, prête à intervenir et le rassurer encore une fois. Mais, plus le temps s'écoulait, plus ses paupières lui semblèrent lourdes et il lui était difficile de garder les yeux ouverts. Non, il ne fallait pas qu'elle s'endorme. Pas ici, pas dans son lit. Malheureusement, c'était trop tard. Sans le voir venir, Eleanor s'était endormie dans la chambre de son collègue.

Le reste de la nuit fut calme puisqu'Aydan ne fit plus de cauchemars. Visiblement, les histoires de sa collègue l'avaient vraiment apaisé et fait voyagé.


Lorsque le soleil se leva, Eleanor fut réveillée par les rayons du soleil. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle réalisa qu'elle était dans la chambre de son collègue ! Gênée, elle se redressa aussitôt et sortit délicatement du lit, prête à retourner dans sa chambre et faire comme si elle y avait passé la nuit. Malheureusement pour elle, même si elle avait essayé de ne pas faire de bruit pour ne pas réveiller son collègue, voilà qu'il se réveillait et qu'il la surprenait en train de quitter la chambre. Prenant son courage à deux mains, elle s'adressa à son collègue.

- " Je suis désolée, on dirait que je me suis endormie ici ... Quand tu t'es endormi, je suis restée quelques minutes pour m'assurer que tes cauchemars ne recommençaient pas et ... bah, tu connais la suite ". Elle marqua une pause avant de reprendre. " Au moins, tu n'as plus fait de cauchemars, ...c'est une bonne chose ".

Ne sachant plus où se mettre, Eleanor attendait une réponse de son collègue et espérait qu'il ne lui en voulait pas de s'être endormie dans son lit. C'était la première fois qu'elle était aussi gênée, elle qui, d'habitude, était tellement plus sûre d'elle-même.

La nuit passa, sans cauchemars, calme et paisible sans pour autant être reposante. Il en fallait plus pour se remettre d'une telle journée. Difficile de dire ce qui l'avait réveillé, la lumière du jour ou bien les mouvements de sa collègue qui s'était endormi à ses côtés. La deuxième option était plus probable et la présence d'Eleanor, dans son lit, à son réveil, l'étonna un peu mais elle semblait plus gênée que lui et s'excusa rapidement.

"-C'est rien ne t'en fais pas. Ta présence n'est peut-être pas étrangère à leur absence. Merci encore, désolé de m'être endormi en plein milieu de ton récit. On prendra le temps d'en reparler un jour où je serai plus reposé si tu le veux bien."

Voyant par la fenêtre que le soleil n'était pas très haut dans le ciel, il en conclue que la journée n'était pas encore beaucoup entamée. Le temps d'un instant, à la vue de ce soleil levant, auprès de sa collègue qui lui avait apporté une nuit d'apaisement, il oublia pourquoi ils étaient si loin de Poudlard et ce qui se passait sur un autre continent. Mais la réalité chassa rapidement cet instant de calme et il se tourna vers Eleanor.

"- On devrait y aller, Isabel doit nous attendre. J'espère qu'elle a eu de bonnes nouvelles concernant les autres. On se retrouve dehors dans 5 minutes."

Il laissa Eleanor sortir avant de se changer, une fois fais, il sortit et attendit sa collègue devant l'auberge prêt à transplaner à Pré-Au-Lard. Quand elle arriva, il lui tendit la main et au moment elle l'a saisi, il ressentit une vague de chaleur agréable. Ce n'était pas comparable à la sensation de soulagement qu'il avait eu quand il a trouvé sa main dans la pénombre. C'était quelque chose de plus agréable. Mais une autre sensation, plus dérangeante celle-ci, le saisit aux tripes quand elle les transporta dans le village sorcier. Le transplanage à jeun n'était vraiment pas plaisant même bien accompagné et une boule au ventre se forma quand il vit le château. L'inquiétude le gagna sur la situation de ses collègues et sur autre chose aussi. Quand Eleanor commença à s'avancer, il sentit la main de sa collègue glisser dans la sienne, il resserra ses doigts pour la retenir.

"- Eleanor... Je voulais te demander... Je sais que je peux te faire confiance. Ce qu'il s'est passé cette nuit... Et là-bas... Ça peut rester entre nous ?"

La réponse de son collègue apaisa aussitôt la jeune femme qui ne voulait pas qu'il interprète mal ses intentions à son égard. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas puisque le professeur, visiblement moins gêné qu'elle, passa très rapidement à autre chose, la remerciant d'être venue le réveiller et s'excusant de s'être endormi pendant son récit.

- " Dans ce cas, je suis ravie d'avoir empêché ces vilains rêves de revenir ". Dit-elle en se passant la main dans les cheveux, visiblement toujours un peu gênée de s'être endormie dans le lit de son collègue. " Ne me remercie pas, je suis certaine que tu aurais fait la même chose à ma place ". Reprenant peu à peu sa confiance habituelle, Eleanor poursuivit. " Ah et j'aimerais beaucoup que l'on continue à discuter de nos voyages. Après tout, tu dois encore me parler de tes propres aventures ... j'espère que, moi, je ne m'endormirai pas lorsque tu m'en parleras ".

Eleanor regardait son collègue avec un air amusé. Bien sûr, elle ne lui en voulait pas le moins du monde de s'être endormi. Après tout, c'était pour faciliter son endormissement qu'elle lui avait conté ses propres aventures en Afrique et dans le reste du monde.

Qu'est-ce que ça faisait du bien de rire de nouveau... Après ce qu'ils avaient vécu, Eleanor ne savait pas quand elle pourrait rire de nouveau. Malheureusement, ce moment d'apaisement ne fut que de courte durée et la jeune femme fut ramenée à la triste réalité par son collègue qui rappela qu'il fallait s'en aller et rentrer au château. Il avait raison, ils étaient probablement attendus. Alors, sans dire un mot, Eleanor acquiesça et sortit de la chambre de son collègue pour rejoindre la sienne et réunir ses affaires. Ensuite, elle sortit de l'auberge et rejoint son collègue à l'extérieur. Comment avait-il fait pour être plus rapide qu'elle ? Elle l'ignorait et s'en amusait. Quand elle arriva près de lui, elle attrapa la main qu'il lui saisissait pour transplaner. C'était la deuxième fois qu'elle attrapait sa main. La chaleur qui se dégageait de la main de son collègue était réellement agréable pour la jeune femme qui, venant de sortir de l'auberge, luttait contre le froid matinal. Encore une fois, c'est d'un sentiment de sécurité et de confiance qu'elle fut submergée alors qu'elle serrait la main de son collègue avant de voyager. Même si elle redoutait ce voyage et n'avait absolument aucune envie de le faire, elle n'avait pas le choix si elle voulait rentrer au château en un rien de temps. Une fois arrivés, la jeune femme eut presque immédiatement envie de vomir mais le ventre vide, il n'y avait rien à régurgiter alors, l'estomac noué, elle fit pour se détacher de la main de son collègue pour avancer en direction du château. Toutefois, elle fut surprise lorsqu'elle sentit la main du professeure se resserrer dans la sienne. Inquiet, il s'adressa à elle et lui demanda de ne rien dire au sujet de ce qu'il s'était passé durant la nuit. Quand bien même Eleanor n'avait rien à cacher, elle comprenait que son collègue veuille garder ça secret et accepta de ne rien révéler aux autres.

- " De quoi tu parles ? Que s'est-il passé cette nuit ? Et là-bas ? " Dit-elle tout en faisant un clin d'oeil à son collègue avant de continuer. " Promis, je serai muette comme une tombe ".

Même si elle avait promis qu'elle ne dirait rien, Eleanor ne comptait pas oublier ce qu'il s'était passé et ce qu'il lui avait révélé.

Ensuite, lâchant la main de son collègue et perdant aussitôt le sentiment de sécurité qu'elle ressentait plus tôt, elle s'avança vers le château, la tête pleine de questions auxquelles elle n'allait pas tarder à avoir une réponse. Ses collègues étaient-ils rentrés ? Y avait-il des blessés ?

En voyant le clin d’œil d'Eleanor, Aydan apprécia la malice de sa collègue. Elle avait bien reçu le message, elle ne dirait rien. Il lui sourit en guise de remerciement mais le perdit presque aussitôt quand elle lui lâcha la main. Il y avait quelque chose d'agréable à lui tenir ainsi.

Il s'avancèrent vers le château, le pas hésitant. Plus il voyait les tours grandir à son approche, plus il s'inquiétait du destin de ses collègues, des réactions que leur départ avait pu causer. Il était encore tôt, même pas l'heure du petit-déjeuner, le château semblait sans vie. En entrant l'irlandais tourna instinctivement la tête vers la grande salle, là où Daï était allongée quand ils ont pris le portail. Il n'y avait plus rien, ni corps, ni trace de sang.

"- Personne n'attends. S'ils étaient encore là-bas, j'imagine qu'il y aurait quelqu'un ici près à les accueillir non?"

Il le dit comme un espoir que ses collègues soient revenus par le portail durant la nuit. Mais une autre pensée lui vint en tête. S'ils étaient morts, pourquoi quelqu'un attendrait leur retour ? Une idée lui vint alors.

"- Effie ?!"

Un craquement sonore retenti non loin d'eux. L'elfe de maison se tenait là attendant de savoir ce qu'on lui voulait.

"- Bonjour Effie, je voulais savoir, les autres sont-ils rentrés ? Miss Loewy, et les autres professeurs..."

Effie acquiesça d'abord et avant même qu'elle ne dise quoi que ce soit Aydan, soulagé par la nouvelle, enchaîna.

"- Ils vont bien ? Tout le monde va bien au château ?"

"- Oui tout le monde va bien, Madame Kristen Loewy et les autres professeurs sont rentrés il y a plusieurs heures et se reposent."

"- Formidable ! Merci Effie ! Eleanor..."

Elle avait entendu comme lui, elle aussi était rassurée et elle lui proposa d'aller dans la grande salle prendre le petit-déjeuner et attendre le réveil de leurs collègues. Savoir que tout le monde s'en était sorti avait allégé son esprit et son corps lui rappelait qu'il n'avait même pas profité du repas la veille au soir et que son estomac était vide. C'est donc avec plaisir qu'il suivit sa collègue et alla s'installer pour manger.

Alors qu'ils s'avançaient vers le château, l'inquiétude envahissait de plus en plus le corps de la jeune professeure. Plus les questions naissaient dans son esprit, plus elle accélérait le pas afin d'arriver le plus vite possible au château. Sans difficulté, son collègue la suivait et bientôt, il arrivèrent à l'intérieur du château. Instinctivement, Aydan tourna en direction de la Grande salle et, sans hésitation, Eleanor le suivit. Il n'y avait plus rien, personne ... pas de corps, pas de sang comme s'il ne s'était rien passé et qu'ils avaient fait un mauvais rêve. Bien sûr, l'ambiance pesante du château ne trompait personne, ...évidemment qu'il ne s'agissait pas d'un mauvais rêve dont ils venaient de se réveiller. Brisant le silence, Aydan s'adresse à sa collègue et parvient à la rassurer quelques avec ses mots. Il avait raison ... s'ils étaient encore là-bas, la Grande salle ne serait pas déserte. Cependant, une seconde plus tard, le regard de la jeune professeure se troubla ... s'ils étaient morts, il n'avait personne à attendre. Visiblement, son collègue, lui aussi, avait réalisé ce qu'il venait de dire. A ce moment-là, la jeune professeure était incapable de prononcer le moindre mot.

Comme perdue dans ses pensées, Eleanor ne réagit pas à l'arrivée d'Effie. Ce n'est que lorsqu'elle apprit que ses collègues étaient rentrés et se reposaient que, tout à coup, la jeune professeure revint les pieds sur terre. Quel soulagement, ... !

Pour saluer et remercier l'elfe de maison, Eleanor lui sourit. Alors qu'Aydan se retournait vers elle, Eleanor acquiesça et lui fit comprendre qu'elle avait entendu son échange avec Effie, ... elle en avait en tous cas retenu le plus important.

- " J'ai entendu, ne t'inquiète pas. Je suis soulagée, ...depuis quelques minutes, j'imaginais le pire. Je ne sais pas ce que tu comptes faire mais je crois qu'il est trop tard pour aller se recoucher. Je crois que je vais aller manger quelque chose, nous n'avons pas beaucoup profité de notre repas d'hier soir ... En plus, comme ça, je serai déjà là quand ils se réveilleront. Tu viens avec moi ou tu préfères peut-être aller te recoucher ? Comme tu veux ".

Evidemment, Eleanor n'avait pas envie de se retrouver seule, pas tout de suite. Avec tout ce qu'ils avaient vécu, la jeune femme était désormais habituée à la présence de son collègue qui avait été d'une aide précieuse pour elle alors c'était tout naturellement qu'elle lui avait proposé d'aller prendre le petit-déjeuner avec elle. Inconsciemment, elle espérait que les moments qu'elle avait vécu avec son collègue ne seraient pas les derniers. Repensant à leur conversation, elle se souvint qu'il lui avait proposé de continuer à parler de leurs voyages alors, balayant son inquiétude, la jeune femme attendit la réponse de son collègue. Quand il accepta son invitation, un grand sourire naquit sur son visage. Aussitôt, elle le remercia et se dirigea vers la table des professeurs dans la Grande salle pour s'y installer et y prendre son petit-déjeuner.