Inscription
Connexion

11 oct. 2020, 15:47
Ah, Paris !  Solo 
Octobre 2044

Cette année-là, se fut mon premier voyage à Paris. Enfin, le premier dont je pu me souvenir, mes parents m’ayant emmené en voyage alors que je n’avais encore qu’un an mais cela ne comptait pas vraiment…

Après des démarches administratives à n’en plus finir, nous obtînmes enfin la permission de voyager. Père souhaitait rendre visite à d’anciens collègues installés dans la capitale française et chose étonnante, nous étions du voyage ma sœur Nora et moi (Rowan était lui resté à Poudlard).

A la fois apeuré et excité par cette escapade, ma première découverte se produisit pourtant à Londres. En raison du contexte politique, nous fûmes contraints d’utiliser les moyens de transports moldus pour nous rendre en France, cela était plus simple et plus rapide que par les moyens conventionnels. A 15h33 exactement alors que nous nous pressions sur les quais au milieu de la foule, le train entra en gare. Je senti le sol trembler en même temps que mon cœur et je serra davantage la main de Mère alors que l’immense créature de métal dévorait avidement les quelques derniers mètres de rail avant de s’immobiliser dans un soupir. Se fut ensuite la cohue et, poussé en avant, nous montâmes à bord, nous installant rapidement, jetant nos valises au-dessus de nos sièges tandis que dans un grondement menaçant le dragon se remit en marche.

Image

Le voyage se passa sans encombre et, captivé par les paysages pittoresques de la campagne, je ne vis pas le temps passé. Plusieurs heures plus tard, Père me réveilla. Nous étions arrivés. L’obscurité nous accueillis à notre descente du train et c’est en taxi, au milieu de la circulation bruyante du lieu que je découvris la capitale. Succession d’immeubles blafard devant lesquels se pressait une foule anonyme. Le doux ronronnement du véhicule eut raison de moi et c’est confortablement blotti dans des draps de satin que je me réveillai le lendemain matin.

La matinée était alors bien entamée et je m’habillai rapidement, rejoignant mes parents avec hâte. Père devisait au téléphone tandis que Nora jouait avec Mère. Leurs rires se répercutaient harmonieusement contre les murs de la suite ; aucune musique n’était alors plus douce à mes oreilles.

Après un déjeuner frugal mais néanmoins délicieux au restaurant du Bristol où nous logions, Père avait été convié à un de ses longs rendez-vous d’affaires tandis que Mère nous emmenâmes découvrir le parc zoologique. Ma sœur observa un long moment les acrobaties des lémures sous le regard attendrit de Mère tandis que j’admirai le ballet aquatique d’un groupe de lamantins. L’après-midi passa ainsi d’enclos en enclos, de découverte en découverte, d’étonnement en rire. En somme, un après-midi idyllique.

Nous rejoignîmes Père vers 18h30 à l’hôtel où nous nous préparâmes pour la soirée. Nous étions conviés par quelques-uns de ses anciens collègues expatriés en France à l’avant-première de Carmen, le célèbre opéra de Bizet. Mère était resplendissante dans un ensemble vert menthe qui mettait en valeur le hâle naturel de sa peau, Nora dansait en faisant tourner les jupons d’une robe rose et blanche tandis que Père ajustait le nœud papillon de son éternel costume noir. Moi, j’avais opté pour un ensemble bleu-roi à large carreaux auquel j’avais assorti un nœud prune. Quand tous furent près, nous embarquâmes à bord d’une confortable berline en direction de l’Opéra Garnier.

La nuit était alors tombée sur Paris et je fus ébloui par la myriade de lumières colorées qui ornaient les rues. La Dame de Fer s’était parée de bijoux étincelants dont l’éclat éclipsait celui des étoiles. Nous descendîmes les Champs Elysées et je fus surpris par la largeur de cette avenue : un Pansedefer adulte n’aurait eu aucun mal à s’y mouvoir.

Le parvis de l’Opéra avait été lui aussi paré de ses plus beaux atours et deux grands chapiteaux avaient été dressés pour l’occasion avec sous chacun d’eux des buffets débordants de petits fours et de boissons pétillantes de toutes sortes. Ce fut ainsi que débuta le défilé des personnalités plus ou moins influentes. Ne supportant que difficilement les courbettes et les ronds de jambes, je profitai d’un moment d’inattention de Mère pour me glisser à l’intérieur du bâtiment. Là, j’eu presque le souffle coupé. Des milliers de lampions soulignaient avec majesté la décoration dorée du lieu tandis que plusieurs statues à la peau d’albâtres me fixaient de leur regard vide. Curieux des merveilles qui s’offraient à moi, je m’aventurai plus avant encore dans ce riche théâtre. A détour d’un couloir, je fus attiré par un reflet inhabituel. Me laissant guider par lui, je me retrouvai au milieu d’une modeste pièce ronde aux murs non plus dorés comme tout le reste du palais mais argentés. La lumière était plus froide qu’ailleurs et, alors que je levais les yeux en sa direction, je tombai sur la fresque qui ornait le plafond : une nuit étoilée. Aucun doute, je me trouvais dans le salon de la Lune comme l’annonçaient les chauves-souris et les chouettes sculptées dans les boiseries. Père m’avait déjà parlé de cet endroit féérique. Il avait eu la chance de s’y rendre au cours de ses études et était tombé sous le charme du lieu.

Le bruit des bavardages interrompit mes pensées et je me hâtai en direction de la salle de représentation. Elle était déjà aux trois quarts pleine alors que je cherchai mes parents des yeux. Nora fut plus rapide que moi et un sifflement caractéristique m’indiqua où ils se trouvaient. Gonflé d’excitation, je m’installai, attendant impatiemment que commence Carmen. Lorsqu’enfin tous furent assis, les lumières faiblirent et sur les premières notes de l’orchestre le rideau se leva dévoilant Séville. Le son mélodieux envahit l’espace et je me trouvai soudain transporté ailleurs sous le soleil chaud de l’Espagne dans une autre époque. Plongé dans le spectacle, j’en fut néanmoins tiré alors que la cantatrice entonnait la Habanera par le chahut de mes voisins. Partout autour de moi je vis que, loin d’être aussi investi dans la pièce que je l’étais, les autres spectateurs conversaient entre eux, plaisantaient, critiquaient. Je sentis une pointe d’agacement et de colère naitre au fond de mon cœur. Comment pouvait-on manquer à ce point d’attention alors que Carmen se jouait devant vous ? La rage au ventre, je m’enfonçai davantage dans le moelleux du fauteuil tentant de me focaliser ce qu’il se passait sur scène mais sans succès. Tournant la tête vers mes parents, je vis qu’eux aussi devisaient alors que Nora s’était assoupie. Les joues en feu et les poings serrés, je me levai alors d’un bond que personne ne remarqua et, vaincu par tant d’indifférence, me replia hors de l’hémicycle.

Je marchai un moment en quête de quiétude mais, alors que je ne parvenais pas à faire taire la colère qui grondait en moi, je pris la décision de sortir prendre l’air. Devant le théâtre, la place était déserte et seul le ronronnement des moteurs troublait le silence reposant de la nuit. Devant moi s’offrait une vue paisible sur le Jardin des Tuileries. Attiré par le bruit lointain du clapotis de l’eau, je m’y aventurai. L’odeur de la végétation humide était agréable et je ne tardai pas à trouver une grande fontaine sur le bord de laquelle je m’assis un instant. Perdu dans mes pensées, j’entendis à peine Notre-Dame sonner les onze heures.

Calmé, je me levai pour rejoindre le théâtre quand, après une dizaine de minute de marche, je m’aperçus que j’étais égaré. J’avais pourtant l’impression d’avoir suivit le même chemin qu’à l’aller… Je sentis ma gorge se serré mais n’y préta pas attention et héla une passante. A mon grand dam, celle-ci ne parlait pas anglais et ce fut également le cas des trois autres personnes suivantes. Démuni, je commençai à marcher, me laissant guider par mon instant, laissant derrière moi l’imposant obélisque. Egaré et dans un pays dont je ne parlais pas la langue, j’étais de plus en plus désemparé. Des histoires de kidnappeurs d’enfants et de meurtriers nocturnes me revinrent en mémoire et tout me sembla soudain suspect. Je pressai le pas. Je ne sais pas combien de temps j’erra ainsi, les larmes aux yeux. Au bout d’un moment qui me sembla une éternité, une chose étonnante se produisit. Alors que mon attention était ailleurs, une femme me saisit par le bras. Surpris je laissai échapper un cri qui la fit rire.

« Ben alors petit, on se promène dans les rues tout seul à ton âge… ? »

Je n’avais bien entendu pas saisit un traitre moi de ce qu’elle m’avait dit mais son expression carnassière éveilla en moi comme un signal d’alerte. Je lui demandai de me lâcher, me tortillant autant que je le pu mais impossible de me dégager. La femme avait accentué davantage sa prise sur moi jusqu’à rendre mon poignet douloureux et me regardait d’un air mauvais, son sourire édenté avait disparu.

« Vu la tronche de ton costard, tu dois être le fils d’un de ses tourismes pleins aux as. Je suis sûre que je peux me faire un joli paquet de tune avec un morveux comme toi. »

Me débâtant toujours, je l’entendis pester et la vis lever l’autre de ses mains au-dessus de ma tête. Anticipant le coup, je fermai les yeux et attendis. C’est alors qu’une autre voix se fit entendre.

« Lâche le, mégère, ou t'auras affaire à moi. »

Je sentis aussitôt la pression sur mon bras se relâcher et, en ouvrant les yeux, le vis la vieille femme battre en retraite alors qu’un homme au sourire jovial avec une cicatrice biscornue sur le nez me fixait. Reconnaissant, je m’adressai alors à lui. Il me sourit et me répondit dans un anglais relatif.

« Y-a pas de quoi ! Tu d’vrais pas trainer tout seul dehors à des heures pareilles. Tu as quoi dans la tête ? Du foin ? »

Ravi d’être enfin tombé sur quelqu’un capable de me comprendre, je lui expliquai rapidement ce qui m’étais arrivé.

« Ah j’vois. Et ben ta du cavaler un peu ! Garnier c’est pas dans l’coin. Allez suis-moi j’vais te montrer. »

Clopinant derrière lui, je me laissai guider. Je tentai de le questionner par deux reprises afin d’animer un peu les dix minutes de marche que nous parcourûmes mais il ne me répondit que par des grognements et des soupirs. Je reconnu bientôt la Palais Garnier et ma peur s’envola.

« Ben v’la. T’es arrivé. Mais tu d’vrais faire gaffe mon gars. C’est jamais une bonne idée d’se promener tout seul au milieu d’une ville comme Paris surtout depuis tout ce bazar en Angleterre … et surtout pour les sorciers… »

Sur cette étrange phrase, il m’adressa un clin d’œil.

« Bon ben c’est pas tout mais faut qu’je file. »

Et il disparut presque aussitôt sans que je n’ai le temps de lui demander comment il avait su que j’étais sorcier.

Un peu pantois, je mis un instant avant de me glisser à nouveau à l’intérieur de l’opéra. Les spectateurs étaient encore plus bruyants que tout à l’heure et je parvins à me glisser dans mon siège sans éveiller l’attention de mes parents, toujours absorbés dans leur conversation avec les occupants de la rangée de devant. Seule ma sœur me fixait d’un regard suspicieux. Je lui adressai un franc sourire, soulagé de la retrouver enfin et je me replongeai dans le spectacle avec plaisir et soulagement alors que Carmen entonne son dernier chant.

Image

Merlin Selket, Première Année, Serpentard