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03 nov. 2020, 00:09
I | Effroyables Adieux
PRÉAMBULE
Ce sujet est un recueil de RP faisant partie de l'arc secondaire Effroyables Adieux de Matthew Hughes. En juillet 2027, Matthew et sa femme Lisa, semblant être en froid comme ils ne l'ont jamais été auparavant durant leur mariage, se tiennent debout devant le cercueil. L'assistance est bien incapable de comprendre les raisons de cette dispute, sauf quelques rares d'entre eux. Cette histoire remontera le temps pour comprendre au mieux les événements qui ont conduit jusqu'à cette réunion dans le cimetière et au froid qui s'est installé entre les deux époux.

/!\ Avertissement : Certaines paroles ou descriptions vont être assez crues et blessantes. Je tâcherai au mieux d'en diminuer leurs nombres, mais l'histoire en a fondamentalement besoin pour qu'elle ait l'impact escompté sur l'auteur. Si vous pensez que cela peut vous affecter d'une quelconque manière, je vous invite à ne pas lire ce qui suivra. Ma volière reste bien entendu ouverte pour toute discussion sur cette série de RP !

SOMMAIRE
  1. Un enterrement, trois morts – [Juillet 2027]
  2. Ne sois pas toi – [2009-2022]
  3. S'assumer – [2023-2025]
  4. ??? – [2026]
  5. ??? – [Juillet 2027]
Fini
En cours
À venir



PERSONNAGES PRINCIPAUX
LISA HUGHES
Image
ÉPOUSE
JUGE AU MAGENMAGOT
SARAH HUGHES
Image
FILLE AÎNÉE
HISTORIENNE
MICHAEL HUGHES

FILS CADET
AUROR
DANIEL HUGHES

FILS CADET
MÉDICOMAGE
AIDAN DOWNING

????
AUROR

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

09 nov. 2020, 22:35
I | Effroyables Adieux
1 | Un enterrement, trois morts.
Juillet 2027

1er point de vue

Accompagné de la personne qui partage ma vie depuis plusieurs années déjà, je suis bien incapable de lever la tête, ne serait-ce que de quelques millimètres, pour regarder cette stèle blanche qui n'est pourtant qu'à quelques mètres de moi. Les yeux nimbés de larmes, je me raccroche du mieux que je peux à l'unique personne capable de me soutenir en ce moment, lui serrant la main sans ménagement jusqu'à m'en faire mal aux doigts. J'espère que cette personne ne m'en voudra pas, mais je n'ai personne d'autre à qui me raccrocher en un pareil moment. Après un long instant, j'ai suffisamment de courage pour fixer du regard cette maudite tombe, celle qui abrite mon âme sœur, ou du moins, l'une de mes deux âmes sœurs. Mes pieds ne peuvent néanmoins pas s'empêcher de chanceler et ont du mal à me maintenir debout.

Cela faisait trente-et-un an que je partageai sa vie et que lui partageai la mienne. Il était tout pour moi, ou du moins l'a été pendant un très long moment, et j'espère aussi avoir été tout pour lui pendant un très long moment. Bien que répartis dans des maisons différentes à Poudlard, l'établissement n'a pas su briser le lien unique, le lien inné qui nous liait. Ce droit de naissance unique que peu ont la fortune d'avoir, bien qu'il s'était légèrement estompé avec les années, avait été brisé il y a moins d'une semaine. Jamais je n'aurais cru que son absence puisse être autant cruelle, moi qui avait rendu ma vie bien plus stable depuis quelques années et commençait tout juste à m'affirmer sans lui, à être unique et non plus une pluralité.

Aucun signe précurseur n'aurait pu m'avertir de sa maladie, de cette froideur irrépressible qui le poussait lentement vers son glas. Le monde qui l'entourait était si cruel, n'était pas prêt à accepter une personne aussi belle que lui. Ce monde avait également été cruel pour moi, mais l'amour de ma vie avait su me tirer vers le haut, avait réussi à me défaire des liens qui me retenaient afin que je puisse m'épanouir et ne pas sombrer dans les abîmes qui l'avaient emporté, lui. Je me refuse de le laisser partir, et pourtant, je suis incapable de me tenir là sans vaciller. Une partie importante de moi, de mon identité vient de mourir avec lui.

Si il m'est impossible de regarder sa tombe sans accélérer le flot de mes larmes, j'arrive toutefois à jeter par moment des regards furieux aux deux personnes que je tiens responsable de cette situation. Les deux mêmes personnes qui m'ont donné la vie, qui se tiennent à quelques pas de moi et affichent un regard tout aussi triste que le mien. Séparés l'un de l'autre d'un bon mètre, mon père et ma mère demeurent raides. Sa mort est une monstrueuse conséquence de leur éducation, de la manière dont ils nous ont traité toute notre enfance et une partie de notre vie adulte.

Aidé par la personne que j'aime, je réussis enfin à traverser les quelques mètres qui me séparent de lui. La main gauche toute tremblante, je dépose une rose écarlate, aussi écarlate que lui lorsque je l'ai trouvé à la demeure familiale. Ma rose est désormais déposée sur ce qui sera sa dernière maison. Aujourd'hui, j'enterre mon frère avec qui je partageai bien plus qu'une date de naissance.

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

11 nov. 2020, 23:35
I | Effroyables Adieux
2ème point de vue


Toute la force de caractère qui est habituellement mienne m'a abandonné en cette journée terrible. Aussi droite et tendue que mon corps me le permet, c'est la seule manière que j'ai trouvé pour ne pas m'effondrer devant toutes ces personnes, ces personnes dont la grande majorité fait partie de la famille, des amis proches ou même des collègues de travail.

Si les projecteurs sont braqués sur cette bouleversante tombe blanche, je sens tout de même de lourds regards dans ma direction. Des regards tristes, remplis de condoléances et de regrets. Ils sont bien trop nombreux, je n'arrive pas à les supporter. Mes narines m'irritent terriblement ; je dois frotter le bout de mon nez de mon index droit pour l'apaiser. Je le sais, il ne s'agit que d'une vaine tentative pour retenir les larmes qui s'annoncent aux coins de mes yeux. Je ne peux m'empêcher de me demander si tous ces regards seraient autant attristés si ils avaient su la vérité, savaient quel genre de personne le défunt était ?

Aujourd'hui est sans doute l'un des jours les plus cruels qui m'ait été offert durant ma vie. J'ai souvent entendu dire qu'il est effroyable de survivre à son enfant, de devoir l'enterrer alors que nous sommes toujours bien vivant, mais vivre cet instant est bien pire que tout ce que j'aurais pu imaginer. Même si nous avions nos petits désaccords – quel parent peut bien affirmer comprendre et accepter tous les choix faits par ses enfants ? –, il n'en restait pas moins mon fils. Un être que j'ai eu le privilège de porter en mon sein pendant plus de sept mois et demi avec son frère-jumeau, un être que j'ai vu conjointement grandir, évoluer et devenir un homme.

Si ces dernières années le lien qui nous unissait s'était doucement amoindri, il restait mon fils. Nous avions eu certes de nombreux différends, certains politiques d'autres beaucoup plus personnels, mais rien d'irrémédiable et de définitif de ce que je sache. Je ne comprends pas ce qu'il est passé ; tout est arrivé si vite. Il n'y a eu aucun signe précurseur de sa maladie, ou peut-être aucun que je n'osais vraiment me l'avouer.

Lorsque mon tour vient, j'avance lentement vers cette tombe, armée de la rose épineuse que l'on m'a confiée. Il s'agit du dernier cadeau que je lui ferais, le dernier cadeau d'une mère à son fils. Je ne peux m'empêcher de jeter un regard noir à l'homme présent dans cette assemblée et dont le symbole est une rose. La mort de mon fils n'est pas liée à lui – après tout, je ne peux pas lui en vouloir pour tous les malheurs qui m'arrivent – mais la rancœur que j'ai contre lui depuis tant d'années demeure intact. Je finis par regagner la place qui était mienne, en demeurant droite comme un piquet.

Matt se tient à un bon mètre de moi ; il semble si distant. Pourquoi mon mari ne tente-il pas de me réconforter en ce jour si terrible, pourquoi laisse-t-il un climat si froid s'installer entre nous ? Je ne peux m'empêcher de lui jeter des regards en coin, à la recherche d'un moindre signe de soutien venant de sa part, mais rien. Il regarde fixement cette tombe comme si rien n'existait autour de lui. Jamais je ne l'ai vu dans un pareil état. Ni à la mort de son grand-père, ni à celle de sa grand-mère. Jamais je n'ai vu mon mari pleurer.

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

16 nov. 2020, 22:03
I | Effroyables Adieux
3ème point de vue


Si mon monde me semblait stable depuis des années, – après tout, j'avais un emploi stable qui me plaisait, une femme aimante et des enfants qui avaient réussi dans leurs carrières respectives –, ce n'était qu'une effroyable illusion. En l'espace de quelques jours à peine, mon univers s'était écroulé et tous mes repères s'étaient déconstruits. Ce n'était pas la présence de la Mort qui m'avait déboussolé –, car après tout c'était une vieille amie que je côtoyais depuis bien des années –, mais le fait de perdre irrémédiablement un être qui m'était cher, un être que je n'aurais jamais cru voir partir de mon vivant.

La Vie a ce don amer de se présenter comme belle et heureuse pendant un long moment, comme pour nous faire oublier l'existence de toutes traces de malheurs dans ce monde, avant de nous faire replonger la tête la première dans d'atroces tourments. Ma vie me paraissait bien belle ces dernières années. Ma femme et moi avions eu le privilège d'être grand-parents pour la troisième fois consécutive ; tous mes enfants avaient d'impressionnantes carrières et mon fils venait de se marier l'année dernière. Le bonheur assuré, il n'y avait aucun nuage à l'horizon. Rien, non rien, n'aurait pu me préparer à ce qui s'était déroulé il y a tout juste une semaine au sein même de ma demeure.

Cette vieille amie au lieu de m'emporter entièrement, avait choisi de prendre une partie de moi sous les traits de mon fils. Sa disparition avait été si soudaine et imprévisible – je n'avais pas vu le coup venir, lui qui semblait si heureux dans la vie et sans le moindre problème – que j'en demeurais hagard. Depuis la découverte de son corps jusqu'à maintenant, je n'avais été qu'une coquille vide. On me parlait, on essayait de me soutenir et de me réchauffer le cœur, mais j'étais comme l'un de ses programmes informatiques moldus : continuellement occupé sur une route parallèle, sans possibilité pour le commun des hommes de me ramener. En une pareille situation, j'aurais dû assumer mon rôle de père et être un soutien de poids pour le reste de la famille qui devait être plongée dans un émoi similaire au mien, mais j'étais bien incapable de me sortir de ma léthargie.

Assez régulièrement la semaine passée, j'étais pris de crises d'angoisses. À la simple remémoration des souvenirs avec mon fils, ma respiration s'accélérait et devenait saccadée, ma poitrine se soulevait et redescendait à un rythme effréné et tout mon corps se mettait à trembler. Par plusieurs occasions, j'avais l'impression de moi aussi partir et de le rejoindre.

Là dans ce cimetière, entouré de mes plus proches parents, j'ai tenté de garder au mieux la face. Mais à peine le cercueil fut-il refermé pour l'éternité sur le corps de mon enfant, – celui que j'ai vu grandir, celui à qui j'ai tant enseigné et celui qui m'a lui aussi tant appris –, que je ne contrôle plus mes émotions et que des larmes commencent à perler sur les coins de mes yeux. Un étrange mélange d'émotions s'emparait de moi. Je reconnaissais facilement la tristesse, celle causée par le vide incommensurable que laissait la disparition de mon fils, mais aussi une colère douloureuse. Pour elle aussi, je n'avais pas besoin d'en chercher la source ; elle se trouvait à moins d'un mètre de moi, et je la tenais responsable pour ce qu'il venait de se passer. Jamais en quarante-six ans de connaissances je n'ai été autant en colère et je n'ai autant haï cette femme, cette femme qui pourtant demeure encore mon épouse.

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22 nov. 2020, 22:40
I | Effroyables Adieux
2 | Ne sois pas toi.

MICHAEL HUGHES

FILS CADET
13 ANS

Octobre 2009


Et voilà qu'un énième entraînement de Quidditch vient de s'achever. Je n'aime pas ça, et pourtant, je n'ai pas le choix. Mes parents m'imposent de faire ce sport pour lequel je n'ai pas la moindre passion. Deviens poursuiveur dans l'équipe de Poufsouffle Michael, tu as toujours été habile de tes mains, que me disait ma mère l'été dernier. Ce serait bien que tu sortes un petit peu le nez de tes bouquins mon fils, que me disait mon père à la rentrée scolaire. Et moi, bon enfant que je suis, je n'ai pas osé leur dire que cela ne me plaît pas. Ou du moins, suis-je au courant que cela ne me plaît guère ? Je semble pourtant m'amuser à voler dans les airs, entouré de mes camarades de classe. Il est vrai qu'à certains moments je ne veux pas aller m'entraîner, que je me force à y aller ou que j'exagère quelques symptômes pour qu'une maladie me dédouane de sport, mais n'est-ce pas le cas de tout le monde ? Nous avons des hauts et des bas, et nous nous ressaisissons. En tout cas, à ce moment-là, je suis bien incapable de comprendre que je n'aime pas, ni incapable de comprendre bien d'autres choses sur ma vie et sur moi-même.

À vrai dire, on ne m'a jamais demandé ce que je voulais faire. Non, jamais. Tu iras à Poudlard, parce que toute la famille y est passée avant toi. Tu seras un bon élève, car il est important d'avoir des bonnes notes pour ton avenir. Tu joueras au Quidditch, car c'est ce que les garçons de ton âge font après les cours. Et si, j'avais voulu faire autre chose ? Je me rappelle d'ailleurs, lors de l'été dernier, lorsque je suis rentré à la maison pour les vacances, m'être attardé un après-midi à la cuisine pour faire des gâteaux. Tout se passait bien, je discutais et riais avec ma mère jusqu'à ce que je dise :

« Quand je serais diplômé de Poudlard, je voudrais être cuisinier ! »

Je me rappelle aussi le regard dans un premier temps intrigué de ma mère, dans un second temps moqueur. Impossible de m'expliquer sur cette soudaine envie, envie que je n'avais jamais eu avant et qui n'était probablement pas sérieuse, juste une idée sur le moment, qu'elle me rétorquait rapidement :

« Arrête de dire des bêtises Michael. Tu n'étudies pas à Poudlard pour faire un métier aussi peu intéressant que cuisinier. C'est ceux qui ne travaillent pas à l'école qui finissent par faire ça. »

Sa voix était sèche et n'amenait pas à la discussion. Mais avec l'esprit d'enfant que j'ai, je suis bien incapable d'y trouver à redire. Elle a raison. C'est ma mère après tout, tout ce qui dit est forcément vrai, non ? Et voilà que par une série d'accumulations, je finis par faire tout un tas de choses qui ne me plaisent guère. Non pas pour faire plaisir à mes parents, mais parce que je suis convaincu que c'est ce qui est bon pour moi, que je le veux vraiment.

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

24 nov. 2020, 13:29
I | Effroyables Adieux
Exténué par l'entraînement que nous avait proposé le capitaine de Quidditch, je rentrais avec mes camarades dans les vestiaires des garçons. Cet entraînement nous avait épuisé, mais il s'agissait d'une bonne fatigue ; l'une de ses étranges fatigues où bien que le corps soit incapable de se mouvoir comme à l'accoutumée, l'esprit lui flotte à la surface d'un océan de tranquillité. Contrairement à ce que les Moldus pourraient imaginer, le Quidditch est un sport demandant énormément d'efforts, de par la rapidité à laquelle le jeu se joue et de par les mouvements précis que nous devons faire. C'est donc tout transpirant, les cheveux dégoulinants de sueur et la peau suintante que je m'assois sur le bout de banc où j'avais laissé mes affaires avant l'entraînement.

L'ambiance est au beau fixe. Je ris avec mes camarades, je leur donne des coups amicaux dans les épaules pour les féliciter de cet entraînement plutôt bien réussi, et j'en reçois également quelques uns. Cela fait deux mois que nous nous entraînons régulièrement ensemble, et une bonne cohésion d'équipe s'est peu à peu installée entre nous.

Au bout de quelques minutes, l'excitation liée à la fin d'entraînement retombe vite pour moi – alors que mes coéquipiers continuent d'être animés d'une ferveur identique. Mon esprit est ailleurs, il erre vers les devoirs qui m'attendent en rentrant de l'entrainement et sur lesquels j'ai pris énormément de retard. J'espère vraiment que ma meilleure amie m'a attendu avant de les faire, je n'aurais pas la motivation de faire ces devoirs tout seul. Sous la douche, au lieu de continuer de discuter avec mes camarades, je stresse à la pensée de la punition que je pourrais avoir si mon père apprenait que je ne rendais pas mes devoirs en temps et en heure. Pourquoi un rien semble-t-il me préoccuper alors que mes camarades eux, semblent ne pas soucier de grand chose et profiter tout simplement du moment présent ? Pourquoi faut-il que je ressente certaines choses futiles de manière si intense ? Ils sont là à rire, à s'amuser innocemment dans le plus simple des appareils. Je les regarde en les enviant, des papillons dans le ventre, en me demandant pourquoi je ne peux pas être normal, être comme eux.

« Hey, Hughes, ça va ? Tu es encore dans la lune ! Tu es encore en train de rêver à ta princesse Walsh ? me tire de mes rêveries O'Brien, le gardien de l'équipe en me donnant un coup de l'épaule. »

Je sors de mes pensées et le juge de la tête au pied. Je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils, il vient tout de même de rentrer dans ma zone de confort, sous les douches. Sa réflexion ne semble pas me percuter. Après tout, Ena Walsh est ma meilleure amie, une fille que j'ai rencontré lors de ma première année au château et avec qui le courant était tout de suite bien passé. Jamais je n'avais imaginé en faire un jour ma petite amie, cette idée me semble saugrenue, ridicule, je n'en ressens pas l'envie et je ne pense jamais en ressentir l'envie.

« Pff ! La ferme O'Brien, c'est juste une amie. »

Inutile de me justifier sur ce sujet. Ce n'est pas parce que je suis un garçon que je dois forcément vouloir que les filles avec qui je discute sortent avec moi, si ? Il est étrange à dire, mais à treize ans, je n'ai pas encore ressenti le besoin intrinsèque de sortir avec une fille, de vouloir qu'elle soit mienne et que moi je sois sien. Bien-sûr, j'étais sorti avec Laura Phelps pendant deux brèves semaines l'année dernière, mais c'était suite à la pression que nos amis en commun avaient exercé sur nous. Je ne peux m'empêcher de me demander si je suis normal, si je ne suis pas malade.

Je redresse la tête, un peu gêné par la situation ; mes joues doivent être bien rosies. Respirant un bon coup, je coupe le robinet pour arrêter la chute d'eau, et je m'apprête à retourner vers mes affaires. La même voix m'interpelle de nouveau :

« Ah, mais en fait, si il aime pas Walsh... c'est peut-être parce qu'il nous trouve plus attirant les gars ! »

Après la douche chaude, la douche froide. Je m'arrête, sans pour autant me retourner ; je suis tétanisé de la tête aux pieds. Bien incapable de répondre quoi que ce soit, je me ressaisis fébrilement, continue d'avancer vers mon banc et fait un geste obscène en direction de mon camarade resté sous les douches. Je préfère ne pas lui prêter crédit, même si ses mots m'ont blessé dans mon orgueil. Moi, aimer des hommes ? Pff, c'est n'importe quoi, il délire vraiment. Il est évident que je serais le premier au courant si tel était le cas.

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

24 nov. 2020, 21:19
I | Effroyables Adieux
DANIEL HUGHES

FILS CADET
16 ANS

Juillet 2012


Les vacances d'été étaient enfin arrivées. Michael et moi venions de finir notre sixième année d'études à Poudlard et il ne nous restait désormais plus qu'une seule année à passer dans le collège de sorcellerie britannique. Pour les vacances, Papa et Maman ont décidé de nous emmener à Paris. Nous étions tout petits lui et moi lorsque nous avions quitté la France à la chute de Voldemort. Nous n'avons aucun souvenir d'avoir foulé les pavés de cette capitale, ce sera l'occasion de pouvoir découvrir cette ville où tant d'histoires nous ont été narré.

Je dois l'avouer, pouvoir dormir de nouveau dans la même chambre que Michael m'avait manqué. En étant dans deux maisons différentes à Poudlard, nous n'avons que très peu l'occasion de nous croiser au cours de la semaine. Là, nous pouvons enfin discuter, retrouver la complicité qui était nôtre avant que le Choixpeau magique n'y mette son grain de sable. Dans les rues de Paris, nous découvrons accompagnés de nos deux parents non seulement la ville magique mais aussi la ville moldue. Nous rions beaucoup, nous moquons du manque de courtoisie que peuvent avoir de nombreux locaux. Tout est prétexte pour rire, s'amuser : nous profitons de nos vacances, du temps que nous passons comme jamais nous ne l'avions fait en six ans.

Paris est une drôle de ville. Tout le monde semble pressé, personne ne s'arrête pour contempler ne serait-ce que quelques secondes l'architecture des immeubles ou la splendeur des ponts. La beauté des lieux semble ne plus avoir le moindre effet sur ceux qui l'auraient bien trop longtemps admiré. Les parisiens, quant à eux, sont très cosmopolites. Tout public est représenté : la vieille dame qui nourrit les pigeons avec quelques morceaux de pain, le trentenaire à vélo claxonnant la femme et ses deux enfants en bas âge marchant par inadvertance sur la piste cyclable ou même encore le...

« Hey, pssst, Matthew, piaille ma mère en ne prêtant guère attention d'être discrète. Regarde là-bas, regarde comment ils osent s'afficher en public. »

Je redresse la tête, par curiosité, et Michael semble faire de même. Nous sommes surpris par le spectacle qui se présente devant nos yeux. Ces gens-là, comme disait ma mère, il s'agissait de deux hommes qui marchaient dans la rue. Leurs visages arboraient une expression heureuse, une expression de joie comme il est si rare d'en voir de nos jours. Ces deux hommes se tenaient la main. Le décalage entre la scène que je découvre et les paroles de ma mère me consternent. Je ne comprends pas pourquoi deux personnes qui s'aiment ne peuvent pas se tenir la main en public. Je ne comprends pas non plus en quoi cette démonstration d'affection peut déranger mes parents, qui ne connaissent ces deux individus ni d'Ève ni d'Adam.

Et pourtant, ni Michael ni moi ne trouvons quoi que ce soit à redire. Habitués à ce genre de remarques depuis notre plus tendre enfance, nous sommes bien incapables de comprendre que cette réflexion est inacceptable et de nous dresser. Le monde dans lequel nous avions grandi était borné, inflexible et peu tolérant envers les personnes qui ne désiraient qu'une seule chose : être heureuses en sachant ô combien la vie serait ignoble avec elles et chercherait par tous les moyens à leur mettre des bâtons dans les roues. Nous continuons notre chemin, sans oser rien dire, sans oser nous révolter. Ce n'est que bien des années plus tard que je comprendrais le réel impact que ces scènes du quotidien, des scènes à l'apparence si anodines, avaient pu avoir sur mon frère et moi.

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

24 nov. 2020, 23:26
I | Effroyables Adieux
DANIEL HUGHES

FILS CADET
17 ANS

Juillet 2013


David Cameron est le premier ministre moldu depuis trois ans désormais. Trois ans, c'est ce qu'il lui aura fallu pour faire adopter par le parlement britannique l'une de ses promesses de campagne les plus controversées : le mariage civil pour les couples de même sexe. Ce qui semblait normal pour moi – moi qui ait passé ces six dernières années entouré d'enfants venant de tous les coins de Grande-Bretagne, de toutes les ethnicités imaginables, bref, des personnes diverses et variées –, semblait tout juste le devenir pour le monde des adultes que je venais d'intégrer il y a peu.

Je ne m'étais guère intéressé à la politique moldue ces dernières années, encore moins ces derniers mois. J'avais appris en même temps que le reste de ma famille, au cours d'un dîner dominical que je passais avec mes deux parents, ma sœur, son mari et leur enfant, ainsi que mon frère jumeau, l'information au travers d'un vieil écran de télévision moldu que mon père avait trafiqué pour recevoir les informations moldues.

Cette information était loin de me déranger. J'étais au contraire ravi d'apprendre que cette absurdité qui empêchait deux personnes qui s'aimaient soit révoquée. En jeune de mon temps, j'avais toujours trouvé absurde, ridicule, pitoyable que des êtres humains, qui étaient loin d'être concernés par la situation, puissent se permettre de mettre en avant leur prétendue sensibilité pour empêcher d'autres humains de vivre leurs vies comme ils l'entendaient, d'être tout simplement heureux. Comment pouvait-on se permettre d'influer à ce point sur la vie de gens dont nous ignorions les prénoms, était une question qui me laissait bien perplexe.

En train de manger la tarte à la mélasse que ma mère avait préparé, j'écoute silencieusement la télévision en jetant par à-coups des regards à mon frère assis en face de moi. C'est mon père qui vient briser le silence et qui se met à s'exclamer :

« C'est n'importe quoi cette histoire ! Qu'est-ce que les Moldus ont encore été nous inventer ? Je trouve ça bizarre, c'est une mode qui va disparaître d'ici quelques mois, vous verrez. Il se ressert une bouchée de tarte avant de reprendre tout à fait sérieusement : Un mariage, c'est entre un homme et une femme après tout ! »

Étonnés par ce que nous venions d'entendre, Michael et moi lâchons la cuillère que nous tenions et nous jetons un regard l'un à l'autre perplexe. C'était la première fois que nous entendions notre père émettre un jugement aussi reculé dans le temps, déphasé par rapport à la réalité du monde. Nous nous attendions presque à ce qu'il explose de rire et nous annonce qu'il s'agissait d'une blague, mais rien ne vient. Au contraire, un long silence s'installa entre les convives, ma mère opinant de la tête sans ajouter le moindre mot et ma sœur aînée donnant à manger au bébé.

« Mais papa, tu te rends compte de ce que tu dis ? m'exclamé-je d'un air révolté. Si ces personnes s'aiment, rien ne les empêche de se déclarer leur amour publiquement. Qu'est-ce que ça peut te fou... te faire qu'ils se marient ? »

J'aurais dû lui dire à cette époque qu'il ne s'agissait que d'une simple appellation que l'on donnait à l'écriture de noms sur un registre civil, et qui pourtant conférait tant de bonheurs aux deux êtres qui s'étaient dit oui. Mais, avec mon esprit tout juste sorti de l'adolescence, j'étais bien incapable de m'asseoir plus difficilement sur mes positions. Michael, lui, ne dit rien, mais je vois à la lueur qui brille dans ses yeux qu'il n'en pense pas moins. Il ne m'a jamais été difficile, d'un simple regard, de comprendre ce que mon frère jumeau ressentait.

« Non mais Daniel, tu comprends, je n'ai rien contre le fait qu'ils se marient, commença à se justifier mon père d'une manière pédante, mais tu vois, si on leur donne cette opportunité, ils pourront adopter des enfants après, et ça, ce n'est pas normal. Les enfants ne peuvent pas grandir normalement dans ces conditions. »

Je tombe des nues en entendant cette dernière remarque. Depuis ma plus tendre enfance, j'avais toujours placé mes deux parents sur un piédestal. Ils avaient su m'éduquer correctement, m'apporter suffisamment de soutien pour que je m'épanouisse sereinement, ou du moins c'est ce que je croyais à l'époque. À leurs côtés, je pensais pouvoir braver des mers bien difficiles. Je pensais qu'ils étaient différents de ces gens, de ceux qui se permettaient de donner leurs avis sur tout et n'importe quoi, mais je m'étais trompé.

Jamais je ne m'étais dit que je pourrais aimer un homme – j'avais toujours eu de l'attirance pour le sexe opposé, même si attirance demeure un bien grand mot. Néanmoins, je commençais tout juste à comprendre que si un jour j'en ressentais l'envie, je devrais faire le choix entre être malheureux ou rendre malheureux mes parents. Qu'il faudrait que je fasse semblant et que je ne sois pas moi-même ou que je perde tout ce qui m'était le plus cher dans la vie. Heureusement pour moi, je n'aurais pas à faire ce choix – en tout cas, c'est ce que je pensais à l'époque – mais qu'en était-il de ceux qui étaient déchirés par ce dilemme ?

♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫

30 nov. 2020, 23:23
I | Effroyables Adieux
MICHAEL HUGHES

FILS CADET
25 ANS


Avril 2022


Cela fait des années que j'ai quitté le domicile familial. À vrai dire, dès que j'ai quitté les bancs du célèbre collège de sorcellerie, j'ai profité du fait que la Grande École des Arts du Duel soit en Écosse pour pouvoir me prendre un petit pied-à-terre dans le coin, cependant à la charge de mes parents. Il est vrai que je n'étais pas très souvent à Winchester lorsque j'étudiais à Poudlard, mais c'est dès l'entrée en études supérieures que je me suis senti beaucoup plus indépendant.

Classé parmi les premiers de ma promotion – et les relations de mon père aidant grandement –, j'intégrais dès ma diplomation les équipes des aurors du Ministère de la Magie. Je n'ai jamais voulu être pistonné, mais le métier que je convoitais ne m'en laissait guère le choix. Être Auror et servir une cause qui allait au-delà de ma simple existence m'apportait un sentiment paisible, celui qui me disait que ma présence passagère sur cette terre n'était pas vaine.

Cette histoire se déroule moins de deux ans après mon intégration au sein du Ministère de la Magie. Ma vie professionnelle se passait bien, mes supérieurs étaient plutôt fiers de mes résultats, et je m'entendais très bien avec la plupart de mes collègues. Comme mes parents avaient souvent coutume de le faire pendant les vacances scolaires – Pâques était dans quelques jours à peine et mon père avait pu délaisser ses élèves le temps de deux semaine –, ils avaient choisi de voyager dans le pays et de s'attarder plusieurs jours à Londres pour me rendre visite. Lorsque je rentrais d'une longue journée de travail, la table était mise et le repas était servi. J'étais choyé comme un roi dans mon propre appartement, le rêve, non ?

Nous discutions des heures et des heures les soirs, la plupart de temps autour d'une bonne bouteille de vin rouge que j'avais pu acheter par le passé chez un caviste à l'angle de la rue. En tant qu'adulte, je pouvais découvrir de nouvelles facettes de mes parents – et même si cela pouvait être étrange, voir qu'ils étaient bien de simples humains comme vous et moi. Les soirs venus, mon père dormait sur un matelas gonflable dans le salon – j'aurais bien aimé lui laisser mon lit, mais il se réveillait bien trop souvent la nuit pour ne pas me déranger si j'avais dormi dans le salon ; quant à ma mère, elle dormait avec moi dans le lit double.

Il nous arrivait de discuter avant de nous endormir, de tout et de n'importe quoi. Si on me demandait aujourd'hui le contenu de ses discussions, je serais bien penaud. Seule une phrase reste et restera à jamais marquée dans ma mémoire. Je suis bien incapable de dire ce qui a mené à cet énoncé, mais les sentiments que j'ai éprouvé à l'époque demeurent encore frais dans ma mémoire.

[DISCLAIMER : Je ne pouvais pas modifier la teneur d'un mot; il n'est pas correct, mais le modifier change la portée de la phrase]
« Je préfèrerais encore que mon enfant finisse vieux garçon que pédé. »

Ma mère ne parlait pas de moi, j'en suis sûr. Il s'agissait d'une phrase anodine pour elle, nous parlions sans doute d'autres personnes, mais en entendant ça, je me prenais une claque mémorable. Sans le vouloir – ou du moins, je l'espère –, elle venait d'avouer qu'elle ne s'intéressait guère au bonheur de ses enfants, que les qu'en diront les autres étaient bien plus important pour elle que le bonheur de sa propre progéniture.

À l'époque, mes attirances restaient un sujet assez flou pour moi. Plutôt versatile à ce sujet, je m'étais intéressé et avait eu des relations amoureuses avec qui me plaisait. J'étais encore au stade de l'exploration, l'agréable passage où la curiosité me poussait à découvrir et à apprécier tout ce que la vie avait à m'offrir. En un instant, en une phrase, ma mère venait d'enterrer tous mes rêves de connaître le bonheur un jour. Je n'avais plus le choix – ou du moins, c'est ce que je pensais – si je ne voulais pas que ma vie soit chamboulée.

Comment faire autrement que baisser la tête pour que personne ne sache qui j'étais vraiment ? À vingt-cinq ans, je me sentais comme un étranger auprès de ma famille. J'évitais à la maison comme au boulot des questions qui revenaient sans cesse « Tu as une petite amie ? », « Oh, maintenant que tu travailles, il faut penser à trouver une femme et avoir des enfants, non ? ». Enfermé par mon manque de courage et mes propres peurs dans ce placard, je n'arrivais pas à respirer, à vivre ma vie comme je voulais. On me demandait de ne pas être moi-même... d'être quelqu'un d'autre... d'être quelqu'un que la société était prête à accepter. Cela m'arrangeait bien, car je n'étais pas prêt à être moi-même, voilà tout.

Ce chapitre est un recueil de phrases entendues au hasard de la vie. Elles n'ont d'anodines que leurs apparences, car elles peuvent blesser au plus profond d'elles-mêmes certaines personnes. Que vous soyez concernés ou non par une différence, sachez que le poids de vos mots est capital, et qu'une simple boutade peut se révéler bien plus impactante que ce qu'on pourrait penser.
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♫ Where did I go wrong, I lost a friend ♫