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11 nov. 2020, 14:44
 SOLO   RPG++  Les mémoires

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Bonjour/Bonsoir, ce RPG regroupera les mauvais comme les bons souvenirs d’Ashley. Il est susceptible que certains postes peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes et des plus sensible, aussi abstenez-vous de le lire si vous en faite parti.
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PRÉFACE

PARTIE 1 : INNOCENCE
La Chute
L'Ami
Cauchemar
...

PARTIE 2 : INCOMPRÉHENSION
...
...
...
...

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PRÉFACE


Bonjour. Je suis Ashley. Bienvenue dans ma tête.

Ici, les pensées tourbillonnent et se mélangent, dansent et meurent, passent et repartent. Mais chacune, je les écoutent murmurer, pleurer ou rire. Chacune à sa place, toutes rangées dans de petits tiroirs. Elles brillent fort, parfois hurlent dans ma tête. Mais je sais les rendre muettes.

Bonjour. Je suis rêveuse. Bienvenue dans ma tête.

Il y a les pensées noires, celles qui sont méchantes et qui rendent colère, celle qui tapent contre mon crâne, qui ricanent le soir et se moquent de moi.
Il y a les pensées bleues, qui ont peur et qui tremblent. Qui évitent le regard des Autres et les contacts. Qui me crient faiblement de me méfier, de partir en courant, de me taire.
Il y a les pensées rouges, celles qui réclament la Mort, qui veulent tuer et frapper, mordre et faire mal. Mal aux Autres. Mal à Moi.
Mais je préfère les pensées arc-en-ciel, celles qu’on appelle Souvenirs.

Bonjour. Je suis méchante. Bienvenue dans ma tête.

Souvenirs, qui me reviennent par morceaux, qui mentent, je le sais, mais c’était il y a bien trop longtemps, et je ne me rappelle plus.
Il y a Dipsy, le hamster de Mamie et Pépé. Je l’aimais bien. Il est mort de vieillesse quand j’étais petite. Enfin, je crois.
Avant, c’était bien. C’était mieux. Le Monde était beau, trop grand pour moi, un univers sans fin à découvrir. J’ai aimé passer ma main dans la fourrure douce de la Bête, sentir son petit cœur battre avec puissance malgré la faiblesse de la boule de poil.
J’ai aimé sans relâche les câlins de Maman, les sourires de Papa, tout cela me manque terriblement.
J’ai aimé voir les yeux des Grands qui brillaient quand je rigolais. C’était il y a bien longtemps.
J’ai aimé, peut-être n’était-ce pas vraiment ce que je pensais. Peut-être que les Pensées qui me prenaient n’étaient qu’illusion pour m’inciter à devenir comme Eux ?
Et ce rêve qui revenait, comme une boucle infinie, qui ne s’arrête jamais. Contrairement à l’Être, qui un jour me souriait, et d’un coup à disparu, me laissant seule face aux Autres.
Quand le Démon a prit mon corps, j’étais heureuse. Enfin, je crois.

Bonjour. J’ai oublié. Bienvenue dans ma tête.

Oublier. Les souvenirs qui partent en fumés et qui ne reviennent jamais.



Bonjour. Elle a oublié. Mais pas moi, moi je n’oublie rien.

Ses souvenirs, je vous les conterais. Je vous révélerais tout. Même les plus sombres.
Ne dit-on pas que ce sont nos expériences qui nous forgent ? Alors je vous montrerais, pourquoi elle est Elle, aujourd’hui. Et je vous expliquerais, car certaines choses pourraient la faire passer pour une personne délirante. Or, elle n’est pas délirante. Ou pas encore.

Bonjour. Je n’ai pas de nom, ni d’identité. J’existe, mais en même temps je ne suis qu’une légende.

Bonjour. Elle a oublié. Et moi je vous conterais, car il y a toujours une explication à chaque erreur.
Dernière modification par Ashley Swan le 15 nov. 2020, 15:33, modifié 3 fois.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.

11 nov. 2020, 15:57
 SOLO   RPG++  Les mémoires
TW : Maltraitance animal / Sang
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La Chute


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Été 2038
Ardara, Irlande
5 ans



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Je suis un Souvenir.


Un souvenir d’un jour, qu’une Petite a oublié, mais que des grands pleurent encore.
Un souvenir qui revient, encore et encore, en une boucle immonde, de ce moment de folie.
Mais je n’en veut pas à l’Enfant. Elle était bien trop jeune. Une fragile parmi les monstres qui hantent la terre.



Je suis né je-ne-sais-où, à n’importe quelle heure, apparu grâce à un petit miracle dans ce monde trop grand. Je n’étais pas comme ces Géants qui peuplent le monde, je n’étais qu’une poussière, une boule de poil qui ne comprenait pas la vie. La première année de cette réalité incomprise n’avait été qu’isolement et enfermement. Les regards attendris des Géants, collant leur nez contre la vitre, laissaient des traces noires sur mon minuscule cœur. Je ne voyais pas le bonheur. Ni la colère, sans doute. J’étais sans expression, ne connaissant pas la signification de ses mots. Sans sentiments, pourtant je ressentais trop. Tout cela faisait battre mon être d’une vague irréel, qui m’amenait à ne jamais dormir.
L’année passa donc, dans mon cocon d’incompréhension, et les Géants se succédaient, des visages que jamais je n’oublierais, même dans ce néant. Il était arrivé, ce Géant-là, et comme les autres, il m’avait détaillé de nombreuses minutes de ses yeux sombres. Ensuite, c’est tout noir. Je ne me souviens de rien, jusqu’à ce qu’il pose cette cage de fer sur un sol inconnu, et qu’il me sourît encore et encore.





Nouvelle vie.






Si belle, câline. Mais si froide, parfois. Les Géants qui me regardent tendrement, me chatouillent et les enfants qui jouent avec moi. Cela faisait donc un an, maintenant, que j’étais arrivé chez eux. Pour eux, cela passait comme un clignement d’œil, mais pour mon être, le temps passait à une vitesse vertigineuse. Je me sentais vieux, mais point fatigué du tout.
Je me souviens que le soleil brillait fort, mais qu’un vent frais adoucissait la chaleur de cette après-midi d’août. On pouvait entendre le doux chant des oiseaux, cachés entre les branches touffues des arbres. Les cigales n’en faisaient qu’à leur tête, par millier, elles peuplaient le jardin et chantaient, encore et encore, invisibles parmi la verdure. La musique de la nature me faisait frémir, encore l’une de ses nouvelles ondes que je n’arrivais pas à nommer. La Petite, je m’en souviens très bien, elle courait dans le jardin, laissant échapper des rires enfantins qui font vibrer le cœur des Grands. Une petite géante dans ce monde trop grand. Elle n’est pas comme eux, comme les autres, je le sens. Elle n’est pas normale. Mais elle ne s’en rend pas encore compte. Pas maintenant.
La voilà qui a fini de rire parmi les cigales. Et qui revient vers la maison en courant, cri quelque chose aux Grands que je n’arrive point à comprendre. Les plus vieux la regardent amuser, les autres n’y prêtant aucune attention. L’Enfant rentre dans la cuisine tend le bras vers un placard, sur la pointe des pieds. Elle attrape alors un verre, le rempli d’eau à levier, et le bu en quelques gorgées. Le reposant sur la table, son regard se tourne vers moi. Et je l’ai vu sourire, de toutes ses dents. L’Enfant a couru vers ma cage, avec une idée en tête, sans aucun doute. Je n’ai pas fui. À quoi bon ? Non. Elle m’a ouvert et m’a pris dans ses mains.



- Tu viens Dispy, on va jouer.



Sa voix était enfantine et aiguë, presque criarde, et me revenait violemment dans les oreilles. Je ne bouge pas, me laissant faire, malgré moi. Je ne pouvais résister à l’Enfant. Jouer. On allait jouer. Je ne savais même pas ce que cela signifiait. Alors on monte les escaliers, entre dans la chambre et elle me pose par terre. Je renifle ce nouvel environnement, ne prends pas garde à la porte qu’elle referme. Alors l’Enfant prend quelques jouets, commence à les bouger entre ses mains, assise près de moi. Je fais trois pas, elle m’attrape de nouveau, m’installe face à elle. Et puis son sourire disparaît. Elle balance les jouets à travers la pièce, qui rebondissent contre le mur. Et elle me regarde. Ses yeux me transpercent, me fixent avec une intensité presque meurtrière. Elle me regardait, ne me lâchait pas.
Et elle s’est levée. Son pied s’est posé délicatement sur mon dos, doucement. J’essaye de me dégager, de m’échapper, mais plus je bouge, plus son pied m’écrase. De plus en plus, plus fort encore, plus lourd. Je n’arrive presque plus à respirer, mes os manquent de craquer. Et soudain, le poids disparaît. Mon cœur bat vite, si vite. Son pied est parti. Je ne comprends rien, essaye de fuir.




Et Elle m’attrape.



Le sol se décolle sous mes pattes.




Et Elle me regarde.



Et je frissonne.




Et Elle me lâche.





Je sombre et je tombe. J’atterris violemment sur le sol. J’ai mal, terriblement mal. l’une de mes pattes a craqué. J’ai mal. Du sang tapisse la moquette. J’ai mal. Je boitille, me traîne loin d’elle, étale le sang sur le sol, faisant une traînée rouge derrière moi. Et la main revient, me soulève une nouvelle fois. Mais elle ne me lâche pas, elle me jette. De toutes ses forces, me tenant à deux mains. Je rebondis sur le sol. Boum. Du sang s’écoule de ma gueule. Je n’arrive plus à bouger le moindre membre. Le sang s’étale en une marre immonde d’un rouge visqueux et épais. Je souffre. Tout mon être hurle, alors que j’aperçois du coin de l’œil son visage s’approcher de moi. Elle pose son oreille sur moi, redevenue douce. Je l’implore de m’aider, ce n’est pas de sa faute. Mais l’Enfant ne me regarde même pas, elle écoute. Elle écoute sûrement mon cœur, qui bat, qui bat, qui bat. Il ne s’arrête pas. Elle écoute sûrement ma respiration, qui suffoque, qui suffoque, qui suffoque. Elle écoute mon être, mon être qui vit encore, mais qui souffre, qui souffre et qui souffre en silence.
Elle se redresse. C’est fini ? J’ai mal. Je ne sens plus mes pattes, n’arrive plus à les bouger. Je ne suis que douleur et désespoir.


Et un coup.


Elle me frappe, revenue à la charge. Une épée en bois dans la main, qu’elle soulève au-dessus de sa tête, et l’abat violemment sur moi. Bientôt, les coups se font plus rapide, plus fort. Bientôt, mon visage est enflé, mon museau déchiré, et de nombreuses plaies couvrent mon corps tout entier. J’ai mal. Mais je ne peux le dire. Je ne peux hurler. Je ne peux pleurer. J’ai mal, mais personne ne le sais.
Et de nouveau, elle s’arrête. Elle me laisse, comme mort, gisant dans la mare de mon propre sang. Je l’entends dévaler les marches, et les remonter aussi vite. Et la porte qui se ferme de nouveau. Mais cette fois, je sais que c’est fini. Pour moi. Ce n’est pas de sa faute.
La lame argentée brille. Je ne sais pas où elle l’a trouvé. Et elle ne sourit toujours pas. Concentrée dans son jeu, dont j’étais devenu l’acteur principal. Le couteau se faufile sur mes poils, je sens la pointe de la lame suivre ma colonne vertébrale. Et soudain, elle pique. La lame perce ma fine peau. Je hurlerais si je le pouvais. La douleur me coupe le souffle. De profonds sillons se créer, mes poils couvert de sang sont collant. Et alors, l’Enfant lève une dernière fois le couteau. C’est fini. Et la lame me transperce de part en part. Je ne suis qu’un corps gisant, dont le cœur s’est arrêté. Qu’un pantin mort, que la vie a délaissée comme un jouet usé.


Je suis mort. Sous la colère de l’Enfant. Ce n’est pas de sa faute, au final. Ce n’est pas sa faute, si elle ne souriait plus. Elle m’a détruit, comme les autres vont la détruire. À petit coup de lame, ils l’étoufferont de leurs mots sanglants. Mon sang sur ses mains. Son sang sur les leurs. Ce n’était que le début de la souffrance, la fin du bonheur. Mais un jour, Enfant, un jour, tu souriras.


Souvenir n° 357 : Effacé

Il ne faut pas blâmer l’Enfant. Même si elle a commis l’irréparable. De toute façon, la punir ne fera pas revenir l’être, mais à présent soyez sûr qu’elle a compris.

À 5 ans, l’Enfant n’a pas la notion de bien et de mal. Les parents sont pris pour exemple, et si ces derniers se montrent violents de n’importe quelle façon devant l’Enfant, celui-ci pensera que c’est tout à fait normal.
Ayant déjà subi des maltraitances physiques, la Petite n’a fait que reproduire ce qu’elle a déjà vu faire. Et si ça peut sembler inhumain pour certain, d’autre trouveront ça normal. L’Enfant imite donc ses parents, en s’attaquant à un être bien plus faible qu’elle ; l’animal. Ces crises de violence ont eu lieu principalement entre ses 5 ans et ses 7 ans, plus ou moins graves comme dans ce souvenir.
Il est à rajouter également qu’à 12 ans – et peut-être pour quelques années à venir – la Gamine ne comprend pas ce qu’on appelle Bien et ce qu’on appelle Mal. Comme un léger retard mental, elle ne comprend pas parfaitement les codes de notre société, et au fond d’elle, elle ne souhaite pas y rentrer.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.

12 nov. 2020, 10:19
 SOLO   RPG++  Les mémoires
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L’Ami


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Automne 2039
Cork, Irlande
6 ans


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J’étais l’un de ses amis dont on se souvient longtemps, même après que le destin nous eût séparé, éloigné, aillant torturé la relation enfantine que l’on avait tissé. Un jour, on m’aimait, et le lendemain, on m’oubliait, jeté au fond d’un gouffre de souvenirs mielleux. Je craignais l’arrivée de ce jour fatidique. Celui où l’Enfant ne me regardera plus, ne me verra plus. Disparu de cette terre, bloqué dans un coin de son cœur, à jamais. Je faisais tout pour retarder ce moment, guidant l’Enfant à ne rester qu’avec moi, lui murmurant que j’étais le seul, que les autres était des monstres. Et au final, j’avais réussi. Plus de quatre ans de belle amitié. Et Elle y croyait, à mes mensonges. Si fort que j’en avais changé l’Enfant. Notre amitié était unique. Elle était la seule à me voir. J’étais le seul qui ne la trouvais pas bizarre. Elle me disait tout. Je la connaissais par cœur, mieux qu’elle-même, sûrement. Je connaissais ses peurs et ses rêves, ses pensées et ses maux, sa souffrance et ses envies. On ne se quittait jamais, et cela était parfait ainsi. Je la protégeais des colères de ses parents, l’éloignais des dangers et malgré les méchancetés, je lui susurrait que ce n’était point grave, qu’elle avait dû faire quelque chose qu’il ne fallait pas et elle l’avait mérité. Je lui faisais pardonner. Tant de choses. Trop de choses.
Mais un jour, j’ai su. J’ai su que ce serait le dernier. J’ai su que j’avais rempli mon rôle. Un peu trop longtemps, même. Je lui avais apporté ce qu’elle souhaitait le plus au fond d’elle ; de l’amour et de la compagnie. Une belle compagnie. Quatre ans avec elle l’avait éloigné du monde, mais je n’en étais qu’en partie responsable. Et je le revois, encore et encore. Ce jour. En une boucle, prisonnier de mon souvenir. Ce jour.





L’Enfant se réveille. Ouvre ses petits yeux. J’aime bien ses yeux, je le lui dis souvent. Un éclat galactique, poussière d’astéroïde, dans un doux voile gris-bleu. Et sa bouche qui s’étire en un bâillement qui fait découvrir toutes ses petites dents. Elle me voit à côté d’elle. Et je lui souris. Je souris pour deux. Car la Petite, depuis longtemps, a oublié comment étirer ses fines lèvres. Je me souviens, pourtant, de son sourire. Il était magnifique. Il resplendissait et la faisait briller comme un soleil. Et un soir, il a disparu. J’en fût si triste, mais j’ai continué pour elle. Sourire pour deux.


- Welmer.


*Petite.*


Elle ne veut pas que je l’appelle par son prénom. Elle dit que les monstres pourraient l’entendre et la retrouver pour la manger. Elle a peur des monstres. Ils hantent ses nuits et ses cauchemars, lui tournent autours, l’attendent dans les ruelles sombres. Mais quand je suis là, elle n’a pas peur. Quand je suis là, elle vit.
Elle saute de son lit, avec cette fougue que j’apprécie tant chez elle. Je la suis comme je peux dans le couloir, marchant maladroitement sur mes nageoires. Je ne suis pas une belle créature. Qu’un énorme poisson noir aux yeux globuleux d’un bleu océan. Mais elle me trouve parfait. Elle dit que je suis le plus beau. De toute façon, personne à part elle ne peut me voir.
On arrive dans la cuisine. Papa n’est pas là, il est sûrement déjà parti au travail. Maman est dans la salle de bain. « Elle se fait belle », comme dit la Petite, «Elle est belle ma maman ». Elle est belle. La voilà d’ailleurs qui rentre dans la petite cuisine. N’adresse pas un regard à sa fille, ne dit point mot. Mais la Petite à l’habitude, Elle s’assoit sur une chaise et se sert du lait dans un bol. Elle la regarde, cette déesse, Elle la dévore avec amour.


- Bonjour Maman.


- Dépêche-toi, on va être en retard. Et je t’ai déjà dit, ne m’appelle pas Maman !


La douce voix frappe durement contre la Petite. Cette dernière baisse la tête, honteuse et s’excuse en bafouillant. Elle finit son bol, et court dans la salle de bain. Maman est dure, mais elle est gentille, dans le fond. La Petite en est certaine. Une âme parfaite, stricte, sans aucun doute. Une âme pure. Maman. La salle de bain est encore plus petite que la cuisine, mais pour l’Enfant, tout est immensément grand. La vitre est encore recouverte de buée, et dans la pièce règne une douce odeur de shampoing parfumé à la lavande.
La Petite se brosse les dents, passe un petit coup de brosse dans ses cheveux sombres et trottine jusqu’à sa chambre, où elle ferme la porte. Je ne rentre pas, attend derrière qu’elle finisse de s’habiller.


- Bon tu fou quoi là ? Bouge-toi, merde !


Maman crie. La Petite sort de la chambre en sautant, tenant son vieux cartable trop lourd pour ses bras maigres, et murmurant des « pardon » à l’intention de la belle qui ne l’écoute même plus. Elle saute dans ses chaussures, pendant que Maman se regarde une dernière fois dans le miroir de l’entrée. Si belle…
La porte claque. Il n’y a pas d’ascenseur dans ce minuscule immeuble, la Petite dévale les marches en silence, suivit d’Erin qui râle encore à propos de tout et de rien. C’est un jour. Un jour d’école. Comme les autres. Dans la voiture, le silence règne de nouveau.


* Petite. Je dois te dire.*


Mais elle met un doigt sur sa bouche, me regarde, et se tourne de nouveau vers la fenêtre. Il y a des moments où les mots ne doivent franchir les lèvres. Il y a des moments où le silence est roi, des moments de douceur qui doivent être respecté. Des moments de bonheur discret, des moment de fureur secrète. Des moments où rien n’est à dire. Les mots muets, les mots invisibles. Les mots menteurs. Les mot-ment[ent].
La voiture ralentie, l’école apparaît. La Petite lâche deux mots, la Grande ne la regarde pas. A-t-elle brisé le silence ? Elle fait un pas, me laisse sortir de la voiture et claque la porte. Elle avance encore, je l’appelle.


- Quoi ?


* Ashley…*


Je pars, je le sens. Je vais disparaître. La laisser seule. Plus seule que jamais. La laisser pleurer le soir, pleurer et avoir peur, constamment. Je ne la protégerais plus, Elle m’aura oublié. Oublier. Les souvenirs qui partent en fumé et ne reviennent jamais.


* Sois heureuse. Un jour, ça ira mieux, j’te le promet. Un jour… Tu souriras.*


- Qu’es s’tu raconte toi, aller viens, on va être en retard !


J’ai honte. Terriblement, alors que je la regarde courir vers les grilles qui déjà se referment. Je la laisse seule. On l’abandonne de nouveau, la première fois par son frère, la deuxième par moi. Welmer. Un être inexistant, pourtant je lui ai tout donné. Mais un jour, un jour, sûrement, je reviendrai. Un jour, je serais vivant, j’existerai. Je la prendrais dans mes bras, et elle sourira. Et elle sera heureuse. Tu seras heureuse, j’te le promets, Ash.
Aujourd'hui, elle apprendra que les poissons, ça ne peut pas vivre hors de l'eau. Que finalement, je n'étais qu'un mensonge, moi aussi. Elle essayera de m’appeler d'abord, ne voulant pas y croire. Les enfants se moqueraient d'elle encore une fois, quand elle parlera seule.
Et les adultes... Où sont les adultes ?


Souvenir n°1003 : Effacé

C’est effectivement la fin d’un rêve qui aura duré plus de quatre ans. La solitude de l’Enfant n’a fait que renforcer la présence de l’être imaginaire et c’est pour cela que Welmer est parti bien tard. Cette étrange amitié l’a encore plus éloigné des autres enfants, car elle avait appris malgré elle à jouer et discuter seule. C'est pourquoi encore aujourd'hui, les relations sociales sont très compliquées, et qu'elle n'a jamais eut de véritables amis.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.

15 nov. 2020, 15:32
 SOLO   RPG++  Les mémoires
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Cauchemar

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Hiver 2039
Dans sa tête, une nuit
6 ans



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Tu ne sais plus trop Où. Ni Quand d’ailleurs. Complètement paumé dans les tréfonds de ta pensée. Il fait noir, comme plongée dans un puits sans fond. Sauf que tu ne tombes pas. Tu ne montes pas non plus. Juste immobile, dans le noir, incapable d’entendre, de voir ou même bouger un doigt. Pourtant ça n’a pas l’air de t’inquiéter plus que cela, tu parais même sereine, confiante. Sans doute souris-tu, mais comment le savoir ? Il fait bien noir, tout de même. Mais voilà que la matière qui t’entoure se met à se mouvoir dans le noir. Tu le sens, ça bouge de partout. Serait-ce l’air, l’air devenu palpable ? En tout cas, la bête invisible bouge. Dans l’absent. Le non-lieu. Le rien.
Et pourtant, le noir devient petit à petit clair. Jusqu’à ce que tes pieds se posent sur la terre. Tu sais où tu es, cela sonne comme une évidence. Tu as toujours été là, même si tu ne te souviens plus Comment. Et Pourquoi. Tu ne bouges pas d’ailleurs, ton corps semble attendre quelque chose. Mais Quoi ?
La réponse arrive à petit pas gracieux. Elle porte une robe d’un bleu scintillant, et semble te sourire. Tu ne vois qu’elle, tout le reste est flou. Flou. Ce ne doit pas être intéressant, si c’est flou. Tu te concentres sur cette réponse, cette grande femme qui approche. *J’la connais.* Oui, elle te ressemble. Comme dans un miroir, mais sans doute te vieillis-il. *C’est Maman.* Tu la regardes, sans doute lui souris-tu également, comment savoir ? En tout qu’à Erin semble emplie d’une joie indescriptible *de me voir ?*, de le voir. *Le voir ? Qui ?* Lui. *Mais qui !* Retournes-toi idiote.
Et tu le vois. Lui. Tu ne le connais pas, et pourtant tu sais que tu l’as déjà vu. Sans doute dans la réalité. *La réalité ?* Tais-toi, et regarde. Maman ne semble ne plus te voir, ou alors ne t’a-t-elle pas remarqué depuis le début ? Elle n’a d’yeux que pour lui, l’inconnu. Le grand brun s’avance vers elle, passe à côté de toi, si près, mais tu n’arrives pas à définir les traits de son visage. Encore du flou. Cela ne doit pas être important.
Voilà qu’il prend Maman dans ses bras, qu’il l’embrasse dans le cou. Mais ce n’est pas Papa. Et Erin semble rire, mais tu ne l’entends pas. Voilà qu’elle tourne la tête, et que son regard croise le tient. Pour de bon, cette fois. C’est comme si tout son être changeait en une milliseconde. Maman semble s’énerver, devenir monstre. Maman fait peur, tout d’un coup, devient un orage éclatant. L’homme s’évapore – ou devient flou – et maintenant, tu ne vois plus que Maman. Elle te pointe d’un doigt accusateur, sans doute crie-t-elle, mais tu n’entends rien. Son visage se déforme sous une colère noire. *J’ai fait une bêtise ?* Pour sûr, mais va savoir quoi, Enfant. Ceci restera un mystère. Serait-ce un souvenir ? Un souvenir réel dans un souvenir irréel, ou un souvenir réel dans un souvenir irréel d’un rêve réel. Il y aurait de quoi embrouiller les esprits.
L’adrénaline te monte à la tête. Maman fait terriblement peur, et la voilà qui s’avance, toujours hurlant d’un silence. Tu veux fuir, fais d’ailleurs un pas en arrière, mais ton corps trébuche, et tu tombes en arrière. Tu attends l’impact de ton dos sur le sol, mais jamais il ne vient. Tu te rends compte alors que tu tombes plus bas encore, et que Maman s’éloigne, te regardant sombrer dans le noir.


∫∫ Ellipse ∫∫


Tu tombes toujours, depuis trop longtemps. Cela fait bien des mois. Ou alors est-ce le noir qui te joue des tours, et que la chute vient à peine de commencer. Le temps semble s’être arrêté. *J’aime pas l’temps.* Il est bien trop sournois, n’en fait qu’à sa tête, cet idiot, faudrait le mettre en cage. *Mais comment peut-on enfermer le temps ?* Tu t’éloignes, Gamine, comme dans le réel.
La chute semble ralentir, alors sans raison, sans explication, tu te retrouves de nouveau à la vertical. Te voilà de nouveau debout, dans un autre endroit. *Un autre endroit ? Où j’étais, avant ?* Tu ne te rappelles plus, mais tu t’en fiche. Cela doit être du flou, dans ton esprit. Et ce qui est flou n’est pas important.
Tu ne vois pas vraiment ce qui t’entoure, mais tu sais où tu as atterri. Tu le sens. Pourtant, la cuisine est beaucoup plus grande que dans tes souvenirs. Rien qu’à cette pensée, les murs s’éloignent encore plus, mais cela non plus n’a pas l’air de te gêner. D’ailleurs, tu ne vois plus que l’épaisse silhouette qui te tourne le dos, face à l’évier. Elle marmonne, mais tu ne comprends pas un traître mot de ce qu’elle raconte. Tu t’approches à petit pas, et lèves la tête vers celui qui est ton père.

L’Enfant – Papa ?

Le Père – J’ai faim j’ai faim j’ai faim j’ai faim j’ai faim

L’Enfant – Quoi ? Logan, je comprend pas.

Le Père – J’ai faim.

L’Enfant – Bah tu peux manger, si t’as faim.

Le Père – C’est vrai, je vais faire ça. Tu as faim ?

L’Enfant – Non.

Le Père – Tu as faim ?

L’Enfant – Je veux bien un gâteau, oui, s’il te plaît.

Le Père (il hurle) – J’vais t’bouffer !

D’une seconde à l’autre, ce n’est plus Papa. Le visage est dans le flou, encore, et pourtant une peur atroce te prend. Elle se déverse dans tout ton corps, comme si l’on t’avait versé un seau d’eau glacé. Tu n’arrives plus à bouger un muscle. Tu voudrais hurler, mais quand tu essayes d’ouvrir la bouche, ta mâchoire se serre plus fort.
Mais l’Ogre-qui-n’est-plus-Papa ne se jette pas sur toi. Il ne bouge plus du tout non plus. Il semble regarder derrière lui, le cou tourné dans un angle peu naturel. Et puis, comme si le temps reprenait à nouveau, il se remet à bouger, et se retourne. Tu fais de même, et découvre une femme en blouse blanche, debout derrière un bureau, qui tend la main vers ton père. Il la lui sert et s’assoit sur une chaise. Tu fais de même, avec cette impression étrange que le décor à de nouveau changé. La femme se tourne vers toi, te sourit.

La Femme (d’une douce voix) – Bonjour Ashley.


∫∫ Ellipse ∫∫



*Il fait encore noir. Ou peut-être de nouveau ? Ah non, tiens, revoilà la lumière.*
Tu marches. Tu marches mais tu ne sais pas où tu vas. En tout cas t’y va, et c’est l’essentiel. Tu ne te rappelles plus où tu te trouvais avant. Avant que tu ne marches pour aller je-ne-sais-où. Mais t’y étais et maintenant que c’est du passé, ce n’est plus important. Alors tu marches. C’est toujours aussi flou, mais tu sais que tu es dans la rue. Oui, tu le reconnais ce magasin, à droite, ce n'est pas loin de la maison. Et juste en face, un vieil homme assit par terre au pied d’un immeuble. Maman t’a expliqué un jour que c’était un mendiant. Qu’il n'avait pas travaillé à l’école, et à cause de ça, il avait ni argent ni ami. Tu traverses, sans regarder ni à droite ni à gauche. Maman va te gronder. Tu t’approches de l’homme, t’accroupis face à lui.

L’Homme – Bonjour, Petite.

L’Enfant – Bonjour. Tu es pauvre.

L’Homme – Oui, Petite.

L’Enfant – Vous n’avez pas travaillé. Personne ne vous aime.

L’Homme (il rit) – C’est faux, Petite.

L’Enfant – Pourtant c’est ce qu’on m’a dit. C’est ce que tout le monde dit. Si tu es assit là, par terre, c’est que tu ne comptes plus aux yeux de personne.

L’Homme – Tu as en parti raison, Petite. Fais-moi une faveur, ne crois pas tout ce que les Grands disent. Il n’y a que les concernés qui savent vraiment ce qu’il en est. Tu écoutes ?

L’Enfant – J’écoute.

L’Homme – Vois-tu, j’étais un homme formidable avant. J’étais l’adjoins du Directeur Financier. Si, si, je te promet, c’était un bon post. J’avais une femme, et deux enfants même. Deux petites filles, d’ailleurs elles te ressemblaient beaucoup.

L’Enfant – Tu parles d’elles comme si elles étaient mortes.

L’Homme (il l’ignore et continue) – Peut-être bien que la vie s’est dit « Tient, celui-ci est trop heureux. » Mais la vie n’aime pas les gens trop heureux, alors elle m’a prit mon boulot. Mais je continuais de sourire, je me disais « Un boulot ce n’est rien, j’en trouverais un autre. » Alors elle m’a prit ma femme. Non, non, elle n’est pas morte. Elle est juste partie, comme ça, avec nos deux filles.

L’Enfant – Sans un mot ?

L’Homme (il acquiesce) – Et puis j’ai perdu la maison. J’étais un homme formidable, je te le promet. C’était il y a deux ans. Deux ans que je n’ai pas revu mes filles.

L’Enfant – C’est triste.

L’Homme – Je ne pleure pas. Jamais. Je me dis qu’un jour, la vie se rendra compte de son erreur. Ouais, elle a dû se tromper de personne.

L’Enfant – Moi aussi, la vie ne m’aime pas ?

L’Homme – C’est une bonne question. Si tu veux, je lui demanderais. Je crois qu’on t’appelle.

L’Enfant – Quoi ?

L’Homme – C’est la femme, là-bas. Elle t’appelle.

L’Enfant – Ah, oui, je n’avais pas entendu. Au revoir.

L’Homme (il est triste) –
Revient me voir, Petite.




Souvenir n°2701 : Effacé

L'Enfant ne se rappelle pas de ces souvenirs, déjà car il est bien difficile de se remémorer un rêve et que beaucoup de temps a passé depuis qu'ils ont cessé de remuer ses nuits.
Pendant plusieurs mois, ils lui traversaient l'esprit tous les soirs, les uns à la suite des autres. Ces rêves étaient de véritables souvenirs de moments vécus, lors de sa sixième année sur terre. Parfois sont-ils accentués par son imagination, néanmoins il y a toujours une part de vérité.

Prenons le premier rêve ; la Petite semble cachée et aperçoit soudainement sa mère habillée comme dans ses beaux jours. Elle est bien heureuse de voir un autre homme que son mari, dont le visage reste flou pour l'Enfant, qui l'a oublié. Elle garde depuis lors une haine atroce contre cet homme sans visage, avec qui sa mère trompait son père. Et bien qu'elle ne garde presque aucun souvenir de tout cela, il lui reste tout de même quelques pigments de cette triste réalité. Ce qui explique cette haine pour son beau-père, Walter.

À vous d'interpréter les autres, même si parfois les dialogues se sont mélangés, qu'il y a trop de flou, ou bien tout simplement qu'il n'y a aucun vécu dans ces rêves.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.