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15 nov. 2020, 22:26
L'abandon  OS 
8 Juillet 2039
Résidence de la famille Adams, Bakewell


L'enfant était couchée dans l'herbe, sa chevelure déjà longue étalée autour d'elle alors qu'elle caressait Henri d'une main distraite. Ses yeux étaient fermés, paisibles. C'était une belle journée d'été. Une douce brise caressait son visage, lui offrant une fraicheur agréable après la chaleur du soleil qui lui frappait le corps. Henri ronronnait, se frottant à sa main avec insistance. C'était presque à croire qu'il lui criait de se concentrer pour que ses caresses soient plus plaisantes. Eileen passait une bonne journée, là, dans le jardin de sa maison. Elle se redressa doucement et jeta un coup d'oeil à Henri qui la regardait de ses gros yeux verts, comme elle. Il n'y avait aucun doute, si Eileen devait se réincarner en un animal, c'était bien ce gros chat roux. Toujours à la recherche d'attention, bavard et déterminé - Eileen ne pouvait aller se coucher sans lui avoir donné sa session de caresses et il le lui faisait bien comprendre. Elle lui caressa brièvement le haut de la tête, lui souriant.

"- Petit coquin, gloussa-t-elle."

La petite fille était complètement attendrie et passionné par le félin. Elle prit alors un long brin d'herbe et commença à chatouiller son visage, jouant avec le chat pour voir s'il allait réussir à l'attraper. Il se prit au jeu et les deux se comprenaient bien. Son petit rire enfantin résonnaient dans le jardin avec puissance. La vie était belle. Si seulement elle avait pu le rester...

"- Eileen !, cria une voix féminine."

C'était Lana. Elle était sortie sur la terrasse, ses jambes étaient tremblantes, sa voix, chevrotante. Eileen ne releva pas. Tout ce qu'elle comprit, c'est qu'il était temps de rentrer et ça, oh ça, non ! Il n'en était pas question. Ni une, ni deux, la blonde se leva avec précipitation et commença à courir vers l'orée de la forêt qui bordait la propriété, prête à jouer à attrape-moi si tu peux. Henri ne la suivit pas, bien trop à l'aise dans l'herbe chauffée par les rayons du soleil. Elle se cacha derrière un arbre, attendant que sa mère parte à sa recherche.

"- Eileen, chérie, viens ici !"

La voix de Lana était chancelante, on aurait dit qu'elle avait... pleuré ? Ce n'était pas le souci d'Eileen, elle ne pouvait pas faire la différence à cette distance. Elle gloussa, s'agenouillant pour se faire toute petite derrière le tronc de l'arbre. Des pas hésitants et tressaillants se firent entendre derrière elle. La petite retint sa respiration. Il ne fallait pas être attrapée ! Les pas se rapprochaient. Eileen se releva est courut plus loin mais la voix de sa mère se fit plus autoritaire, bien que toujours faible :

"- Eileen, ce n'est pas le moment de jouer, viens ici maintenant !"

La blonde haussa un sourcil et se retourna vers sa mère, qui la regardait avec des yeux remplis de tristesse. Elle se dirigea vers la petite fille et s'abaissa à son niveau avant de la prendre dans ses bras, la serrant fort contre sa poitrine, étouffant un sanglot.

"- Chérie, il faut que tu rentres."

D'habitude, Eileen aurait désobéi. Elle aurait couru et se serait caché, comme elle avait imaginé son plan initial. Mais quelque chose dans la voix de Lana l'en empêcha. De l'urgence, de la tristesse. Les paroles de sa mère avait tiré une sirène d'alarme chez Eileen et elle comprit que ce n'était pas le moment de discuter. Lana lui prit la main et toutes deux marchèrent vers la maison, où son père les attendait, l'air grave. Eileen était dans l'incompréhension la plus totale. Qu'y avait-il de si triste dans une petite partie de cache-cache ? La petite famille rentra à l'intérieur et les deux parents assirent leur fille à la table de la salle à manger. Lana caressa la main de l'enfant de son pouce et son père prit la parole.

"- Mon coeur, quelque chose est arrivé. Quelque chose de grave, commença-t-il."

Eileen fronça les sourcils, ne comprenant pas.

"- Alice Dumont, ta voisine, tu vois bien qui c'est, n'est-ce pas ?"

Elle hocha la tête.

"- Alice... Alice à dû partir."

Partir ? Alice ? Non, c'était impossible, elles devaient encore construire une maison dans le fond du jardin pour prendre le thé ! Mais elle allait revenir, non ?

"- Ce n'est pas grave si elle a dû aller en vacances sans moi, répondit Eileen en haussant les épaules, on l'invitera la prochaine fois !"

William tressaillit.

"- Je... Alice est partie pour toujours. Elle ne reviendra pas."

Alors ça, c'était vraiment pas sympa. Sans dire au revoir ? Alice lui disait toujours au revoir. Lana essuya une larme qui perlait au coin de ses yeux. Eileen croisa les bras, les sourcils froncés et un air bougon sur le visage.

"- C'est pas vrai. C'est pas bien de mentir, Papa, fit l'enfant, sceptique.

- Si, chérie, Alice est partie vers un monde meilleur, dit Lana, les yeux remplis de tristesse."

Mais que voulaient-ils dire, bon sang ? Y avait-il moyen d'être encore plus vague que cela ? La blonde était totalement perdue. William chuchota quelque chose à l'oreille de Lana et Eileen put entendre quelques bribes qui disaient "il faut [...] l'accident [...] morte."

"- Morte ? Comme l'orchidée dans la cuisine que maman a oublié d'arroser ?, demanda-t-elle, curieuse."

Lana écarquilla les yeux. Puis elle fondit en larmes. Elle se leva et alla prendre sa fille dans les bras. Ce genre de contact était si rare entre eux qu'Eileen en fronça les sourcils à nouveau. Mais l'urgence dans cette étreinte la fit la lui rendre.

"- Je suis désolée, Eileen, il y a eu un accident. Alice ne reviendra pas mon coeur, elle est partie pour toujours. Ne lui en veut pas, sanglota sa mère. Elle n'y peut rien. Il y a eu un accident. Elle est partie, répéta-t-elle sans s'arrêter. Ne lui en veut pas, ne lui en veut pas..."

Elle semblait inconsolable et au fond d'Eileen, quelque chose se brisa. Elle ne savait pas quoi exactement. Mais des larmes firent leur apparition au coin de ses yeux, à elle aussi. Quand elle pensa à Alice, elle avait l'impression que quelque chose clochait. Partie ? Morte ? Est-ce que ce mot avait réellement un sens pour l'enfant ? Son père se joignit à l'étreinte. Un creux se formait dans son coeur, une partie d'Alice ne semblait plus la suivre et elle ne savait pas pourquoi. Allait-elle comprendre un jour ? Oui, éventuellement, elle allait comprendre. Mais là, tout de suite, elle avait l'impression qu'elle avait été abandonnée. Abandonnée par sa meilleure amie, sa confidente, son alliée. Et elle était en colère. Était-ce elle qui l'avait faite fuir ? Bien sûr que non. Mais elle ne le savait pas. La colère fut remplacée par la culpabilité. Elle pleura. Des larmes de douleur dont elle ne saisissait pas encore l'ampleur.

Le creux n'allait que s'approfondir. Et en grandissant, Eileen allait seulement l'ignorer. Ignorer qu'elle avait été abandonnée. Faire comme si. Porter un masque. Jamais elle ne se confiera. Ni à ses parents, ni à personne. À l'enterrement de la fille Dumont, Eileen ne pleura pas. Elle n'avait toujours pas compris. Vers ses neuf ans, elle réalisa réellement l'entièreté de la situation. Mais elle l'enfouit dans une partie de sa tête qu'elle se jura de ne jamais aller fouiller à nouveau. À quoi bon ? Alice était partie. Vers un monde meilleur. Ou du moins, c'est ce qu'on l'avait forcée à croire.

FIN

Eileen J. Adams - Deuxième Année RP - Joueuse de Quidditch - Serpentard - color=#008080
Eh Ligne pour les intimes