29 avril 2044 - 2h45 - Ciel couvert - Premier quartier de lune

Maman, je n'ai pas le souvenir d'avoir beaucoup dit de fois ce mot dans ma vie "maman", et pourtant voilà ce que tu es, ma mère. Les gens t'appellent Isabella Fawkes, la célèbre magizoologiste et botaniste spécialisée dans l’études des dragons et leur habitat, mais pour moi tu es maman. Avec papa, je ne me rappelle pas vous avoir vu ensemble, amoureux je veux dire, j'étais trop petit lorsque vous avez divorcé et peut-on comprendre la vie lorsque l'on a 2 ans ? Tu serais du genre à répondre que oui. Enfin, aventurière dans l'âme un sac dos toujours à portée de main, je me revois jalouser ces grosses créatures à qui tu dédies tes explorations lointaines.

Fort heureusement pour moi, et pour nous, l'enfant égoïste que j'étais retrouvait le sourire lors de nos rituels estivaux à camper, observer les étoiles et vadrouiller par delà le jardin. En ces étés, nous étions invincibles Aedan et moi, tu te rappelles ? Nous aurions pu soulever le monde à bout de bras tandis que toi tu riais de ta voix claire. Quelle maman spéciale tu es, tu le sais ça ? Une maman pas très douée avec les mots, et nulle en cuisine, au point d'y mettre le feu, ça oui. Plutôt de celles qui veut faire la course, nous apprendre à grimper aux arbres ou nous invite à sauter dans les flaques à coeur joie, et pourtant tu sais que c'est comme ça que je t'aime.

Car oui maman, je t'aime. Je ne te l'ai pas beaucoup dit et je le regrette, mais on ne peut pas vraiment dire que ce soit ton genre non plus, quoique je ne suis pas là pour les reproches, oh ça non. J'ai toujours admiré ta force, ta détermination, ton courage et ta passion, j'y ai aspiré pendant longtemps, avant de comprendre que ces gènes là, c'est Aedan qui les as eut. Mais, au lieu de quoi tu m'as fait aimer les choses simples et réaliser bien des plaisirs futiles de la vie comme on les appelle. Un peu comme la pluie qui dépose une odeur nouvelle sur le monde, la beauté du coucher de soleil, non pas pour ce qui s'achève mais pour ce qu'il s'annonce, les marches interminables dans des décors insoupçonnables mais surtout l'amour de la nuit. S'il a fallut que j'hérite d'un truc de ta part, il fallait que ce soit tes folles insomnies, mais j'aime me dire que chaque nuit, peut importe où je suis, nous contemplant ensemble la silencieuse obscurité jolie.

Je ne sais pas pourquoi je t'écris tout ça maman, mes pensées se mêlent et s'entrecroisent pour ne former qu'un brouillon indéchiffrable. Papa avait dit que coucher les mots sur le papier aide à y voir plus clair, et pourtant je vois bien plus fou qu'avant. Petit, toi tu me disais que les soirs où je réfléchissais trop je n'avais qu'à énoncer trois certitudes et parce que je me sens aussi perdu qu'un enfant me voilà à nouveau tel un gosse de 9 ans.

Je sais que je n'arrive pas à dormir, je sais que je ne te reverrai jamais et je sais que ce soir, la lune est partie avec toi.

Tu me manques maman.
Ton fils, Duncan.