Épisode 1 : Les cerisiers japonais
Episode 2 : La Fondation Coeur d’Or


[PNJ : Angel Fleurdelys, Flora Fleurdelys]

Nuit du mercredi 29 au jeudi 30 mars 2045
1h30 du matin

-Fife, Château de Dunfermline (Écosse)-

Angel Fleudelys écrasait nerveusement dans l’un des cendriers du grand salon une énième cigarette. Derrière la porte de la baie vitrée qui donnait sur l’entrée du domaine, il observait le moindre mouvement susceptible de révéler une présence. Dehors, le vent s’acharnait contre les branches des cerisiers japonais, véhiculant une lugubre litanie au creux de ses oreilles. L’homme frissonna. Il se dirigea vers l’imposante cheminée de pierrres, où crépitait encore le vestige d’une bûche à demie consommée. L’Écossais se saisit du tisonnier pour raviver les braises. Une flamme nouvelle illumina la pièce, rendant au lieu un peu de convivialité. Après avoir à nouveau rempli son verre d’un pur Ogden's Old Firewhisky, l’homme reprit position face au jardin de la propriété. Il hésitait sur ce qu’il devait faire. Le carillon de la pendule sonna 1h30.

« Si à minuit, je ne suis pas revenue avec le gosse, tu pars chez Mamina à Paris. Au cas où... Je ne veux pas qu’on vienne t’arrêter à cause de moi... »

Les paroles de son épouse résonnaient dans son esprit. Il avait confiance en Flora, bien plus qu’en lui-même. Pourtant, un doute subsistait au fond de son âme. Angel craignait que le plan prévu à la Fondation Coeur d’Or ne se soit pas déroulé comme Flora l’avait envisagé. Et si un piège lui avait été tendu, qu’elle avait rencontré plus fort qu’elle, jamais il ne se pardonnerait de l’avoir laissée partir seule. Non... Elle revenait toujours. Même lorsqu’elle partait en mission pour le Réveil, elle rentrait à la maison à un moment ou un autre. Il la récupérait souvent dans un état de fatigue et de lassitude éprouvantes à observer, mais elle finissait toujours par refaire son apparition à Fife. L’homme avala une gorgée de whisky et s’alluma une cigarette.

Quelques pas séparaient les deux sorcières de la gigantesque grille en fer forgé du domaine de Dunfermline. Le transplanage de Glaswow à Fife les avait épuisées. Flora supportait à bout de bras le corps de son amie qui titubait à moitié. La respiration de Gisele était lente et saccadée. Elle portait sur le front la trace du coup que l’homme lui avait assené avant qu’elle ne s’évanouisse. Il lui avait fallu quelques minutes avant de retrouver ses esprits pour prendre la fuite avec la mère de Gabryel. 
 
- Ca va aller Gisele, encore un peu de courage… Angel nous attend, nous serons bientôt au chaud… 
 
Sans lâcher la Directrice de la Fondation Cœur d’Or, la Légilimens regroupa ce qui lui restait de force pour arpenter le parc, contourner dans la nuit noire le Château pour aboutir à l’arrière de la propriété. Si la nuit était plutôt douce, de fortes bourrasques de vent marin s’écrasaient sur le visage des deux femmes. Elles atteignirent enfin la grande porte vitrée qui donnait sur le Petit Salon. Flora aperçut à l’intérieur la solide silhouette de son époux à la lueur de la cheminée. Son cœur s’apaisa instantanément. Elle frappa trois petits coups sur le carreau. Angel se retourna. Il ouvrit de grands yeux et accouru vers elle. Une fois à l’intérieur, Flora aida Gisele à s’assoir sur l’un des fauteuils face à l’âtre et lui recouvrit les épaules d’une couverture posée sur le canapé. Puis elle se tourna vers Angel. Un instant, elle sembla hésiter avant de se blottir contre son torse. La chaleur de son homme lui sembla presque surnaturelle. Elle se sentait une naufragée sur une embarcation de fortune au milieu d’un océan, et qu’un paquebot venait de sauver. Angel serra sa femme dans ses bras, et déposa un baiser sur ses cheveux humides. 
 
- Que s’est-il passé ? 
 
Flora relâcha son étreinte et se dirigea vers une autre porte qui donnait sur un un large couloir couvert de tableaux aux murs. 
 
- Occupe-toi de la blessure sur le front de Gisele s’il te plaît… Je vais lui préparer un thé en cuisine, je reviens. 
 
Angel ne posa aucune autre question à la mère de son fils et se pencha sur Gisele, pressant délicatement son épaule de la main.
 
- Voyons cette blessure… 
 
La sorcière semblait hagarde, le regard gris perdu dans les flammes du feu de cheminée. Elle ne manifesta aucune objection lorsque l’homme souleva avec beaucoup de douceur son menton du bout des doigts. Il se saisit de sa baguette qu’il posa sur la plaie frontale de Gisèle, et prononça un Episkey. La petite fissure sur sa peau se referma instantanément. Angel se saisit d’un mouchoir en tissu et nettoya les quelques traces de sang encore présentes. 
 
- Je ne vous ai pas fait mal, j’espère Gisele… 
 
À ces mots, la femme sortit soudainement de son mutisme, semblant prendre conscience du lieu où elle se trouvait. Fixant Angel comme si elle ne s’était jusqu’ici pas encore rendu compte de sa présence, elle éclata en sanglots. 
 
- Oh Angel ! J’ai eu si peur… Si Flora n’avait pas été là… Ils voulaient tuer Galaad… J’ai tenté comme j’ai pu de le protéger, vous comprenez… Je ne voulais rien lui dire. Oh mon Dieu, que vais-je devenir maintenant… ? 
 
Angel caressa les cheveux de la femme. 
 
- Tout va bien maintenant, Gisele… Vous êtes à Dunfermline et je ne laisserai plus personne vous faire du mal. 
 
Il ramena la couverture sur ses bras frêles, tandis qu'elle se calmait un peu au son de sa voix rassurante d'Angel. 

Vendredi 30 juin 2045
20h30

-Fife, Château de Dunfermline (Écosse)-

Prise de vertiges, Gisele avait pris congé d’Angel et Flora après un dîner léger. Le couple était installé sur les fauteuils du salon, face au feu crépitant de l’immense cheminée de marbre. Angel déposa la cendre d’une énième cigarette dans un cendrier posé sur la table basse.

- Gisele a encore du mal à se remettre de la fermeture de Coeur d’Or. Cela fait pourtant trois mois maintenant.

Flora but une gorgée de café.

- La Fondation était sa maison depuis des années. Elle n’avait d’autre famille que les enfants et moi. Elle a tout perdu.

Sous le regard de son mari, la Légilimens déposa sa tasse de café vide, puis formt un chignon avec ses longs cheveux roux.

- Jamais je ne m’en serais remis s’il t’était arrivé quelque chose. C’était une folie de vouloir te rendre à Glaswow ce soir-là…

Flora l’interrompit :

- Si je ne l’avais pas fait, Gisele et le petit Galaad seraient morts à l’heure actuelle.

- Comme le sais-tu ? Peut-être que…

- Tu n’y étais pas Angel. Moi oui. Et si c’était à refaire, je ne changerais rien.

- Pas même t’engager pour le Réveil ?

- Angel…

Flora se redressa dans son fauteuil, et couvrit ses épaules d’un plaid de laine.

- De toute façon, la question ne se pose plus. Je n’ai plus aucune nouvelle du Réveil depuis plusieurs semaines. Et de toute façon, ma place est ici, pour veiller sur Gisele.

Angel écrasa sa cigarette, pour en rallumer une instantanément. Il continuait à observer sa femme. Un long silence instaura une ambiance pesante, à laquelle l’Écossais mit fin :

- Penses-tu encore à Penwyn ?

Le regard de Flora s’était perdu dans les flammes du foyer rougeoyant. La sorcière ne l’avait jamais revu depuis qu’elle lui avait révélé l’existence de Gabryel. Elle avait appris de source sûre l’emprisonnement de son amour de jeunesse à la Citadelle, par Ursula Parkinson. Libéré en mai, il avait ensuite quitté ses fonctions de professeur à Poudlard. La femme sortit de sa léthargie, et se leva d’un seul coup. Immobile, elle fixa Angel d’un regard indéchiffrable :

- Angel, je ne te le dirai qu’une seule et dernière fois : Je ne veux plus que tu me parles d’Edward. Je ne sais pas ce qu’il devient, et je n’ai guère envie de le savoir. Aujourd’hui, je suis ici, avec toi. Il n’y a rien d’autre à ajouter.

La sorcière se dirigea vers la porte du salon.

- Je vais me coucher, je suis lasse. Tu videras ton cendrier avant de monter, je déteste l’odeur du tabac froid au réveil.

- Je t’aime…

Flora ne répondit pas et sortit de la pièce. Depuis son retour au Château, elle évitait le sujet Penwyn. Angel comprit que sa femme venait de lui donner un ultimatum. Il espérait maintenant retrouver sa vie d’avant, même s’il avait conscience que plus rien ne serait jamais plus pareil. Un jour viendrait où Gabryel apprendrait la vérité sur son vrai père. Il redoutait ce moment. L’homme alluma une nouvelle cigarette.