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29 déc. 2020, 17:01
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J'aimerais tant deviner comment danser auprès de toi
Mais je ne sais pas comment m'y prendre
Non je ne sais pas j'aimerais comprendre
Comment articuler tous mes gestes
Pour qu'ils se confondent avec tous les tiens
Conduire au mieux nos distances
Conduire au mieux nos silences
Lonepsi — Je ne sais pas danser
______

IIIIII — IV

17 Juillet 2045,
Edimbourg, Ecosse,
Entre la 2nde et la 3ème année.


Tu jettes un vague coup d’œil par la fenêtre de la chambre. Ton regard de glace détaille fugitivement la rue, en bas, y discerne quelques détails insignifiants qui se gravent dans ta mémoire l’espace d’un instant. La vision des maisons juste en face te fait frémir ; tu rabats bien vite ton visage vers tes mains un peu tremblantes.
A travers la porte et la cloison contre laquelle se trouve ton bureau résonnent quelques notes qui te perturbent. Le doux son de la flûte se faufile jusqu’à ton oreille pour résonner dans ton esprit et y faire remonter toutes sortes de souvenirs.
Enfermée dans cette pièce qui a abrité ton enfance, ta douleur et tes sourires, tu devines ce qui se déroule dans l’entièreté de la maison. Papa qui, dans son fauteuil près du feu, a le nez plongé dans l’un de ses innombrables livres. Ses lèvres articulant silencieusement les mots qui défilent dans sa tête, il est perdu dans ses pensées et rien ne peut le sortir de sa transe. Maë, debout dans la pièce lambrissée de bois, son objet de métal à la main, les yeux plongés dans le papier posé sur le pupitre, les sourcils vaguement froncés et la mélodie résonnant déjà dans son esprit. Les façons de vivre de ces deux êtres si différents mais terriblement liés t’attendrissent profondément. Tu clos les paupières, te laisses submerger des délicates notes que ta sœur entrelace, te perds dans les méandres de tes songes.

Les nuits sont longues, si longues en ce moment. Les cauchemars les rendent tumultueuses, les insomnies les fragmentent. « A fallen angel, in the dark », souffles-tu pour faire disparaître les terreurs qui remontent. « I won’t let you fall tonigh », implores-tu quand l’absence de Petite Ombre devient un poids si oppressant que tu ne parviens plus à respirer. L’angoisse de t’endormir pour retrouver tes démons te tord le ventre chaque soir, et tu ne comptes plus les fois où tes yeux se sont ouverts d’un coup, où ta peau s’est couverte de transpiration et où tu as senti les larmes dévaler tes joues. Les heures passées à ressasser chaque instant de l’année précédente ; le haut de la Tour d’Astronomie avec Ange, les mots de ton Amie qui t’ont aidée à survivre, les crachats d’Elyna et les coups de Bristyle te paraissent des années.

Tu serres les dents violemment, brisant l’Instant. L’heure n’est pas à penser à ta douleur mais aux mots que tu t’apprêtes à faire danser sur ta feuille. Les notes deviennent plus fortes, de même que le brusque sifflement du vent au-dehors, qui paraît hurler sa colère de te voir si en accord avec toi-même.
Tu enserres la plume dans tes doigts fins, enfonçant au passage, sans réellement le vouloir, tes ongles un peu trop longs dans tes paumes. L’encre qui goute de la pointe forme une tache sur le parchemin, une belle lueur sombre qui épouse le grain du papier. Tu ne fais rien pour la faire disparaître, ce témoin de ton hésitation, la laisse glisser lentement, en une strie ténébreuse qui se démarque sur la pâleur de la feuille.

Une inspiration, ta poitrine qui se soulève, ta peau qui sent un vague courant d’air danser près d’elle. Tu lâches quelques lettres, t’interromps ; soudainement vide de toute idée.
*C’est si dur d’écrire une lettre. C’est beaucoup plus facile de prononcer les mots qu’on veut offrir à voix haute.*

Enfant aux Yeux d’Océan,
Ta présence, tes mots, ton visage ; tout cela me manque, tu sais. Mes nuits sont longues, les étoiles ne suffisent plus à éloigner mes terreurs, mais ton souvenir y parvient, lui. L’idée de ta main posée sur la mienne me fait fermer les yeux et m’emporte dans un univers de silence et de douceur dont je ne m’étais pas approchée depuis bien longtemps.
J’espère que tu parviens à sourire, en ce moment. Que tes fantômes ne t’assaillent pas trop et que tes pensées noires se tiennent à distance.


*Et si c’était pas l’cas ?* Ta main s’immobilise brusquement, ton buste se tend, et tes yeux s’ouvrent un peu plus. *Si c’était pas l’cas, j’ferais quoi pour l’aider ?* Terrifiée de devoir faire face à une impuissance terrible, tu fermes les paupières le plus fort possible pour te donner du courage. *Si, ça va, j’en suis sûre. Ça peut pas en être autrement.*
Tu trempes une nouvelle fois la pointe de ta plume dans ton encrier, détends tes doigts tétanisés autour de l’objet que tu as trop serré.

L’autre soir, j’ai tout de même contemplé Cassiopée, et j’ai songé à toi et à nos instants. C’était doux, ça a apaisé mon esprit. Je me suis dit que peut-être, toi aussi, tu l’observais, que nous étions une fois de plus réunies grâce aux cieux. La Lune avait l’air de me fixer, du haut de son écrin de ténèbres, mais je l’ai ignorée.
La certitude que nous nous reverrons dès que possible me permet de tenir. Je vais mieux, je crois, mais je continue de souffrir parfois ; c’est grâce à toi que je me sens revivre chaque instant un peu plus.

A nous deux, aux Etoiles,
Grande Ombre.


Tu expires lentement. Tes mains roulent le papier d’elles-mêmes, entortillent un ruban autour de celui-ci pour le maintenir, puis tu te lèves. Un oiseau est perché là, par hasard ou envoyé par les étoiles, tu n’en sais rien. Rapidement, tu lui accroches ton papier, puis lui accroches l’adresse offerte par ton Amie.

______
Cet échange promet de belles choses, Plume de @Lydia Holmes. Encore une fois, bel anniversaire à toi.

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ent‘r‘êvée

02 janv. 2021, 12:53
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20 juillet 2045,
Bath, Demeure familiale des Holmes
Il est 20 heures


Elle détacha la lettre, avec des tremblements dans les mains. Ainsi Grande Ombre avait vu son mot. Elle lui avait écrit, elle pensait à elle. C'était magnifique.

Ses joues étaient déjà teintées de rose alors qu'elle avait seulement lu les premiers mots. Aux yeux d'Océan... Quelle belle formule. *Et toi, t'es la sirène d'mon océan.* Etroitement liées, jamais l'une ne peut vivre sans l'autre.

Quand Tobias lui avait dit qu'elle avait du courrier, elle s'était d'abord demandé qui aurait pu lui écrire. L'oiseau frappait contre la fenêtre, la nuit venait de tomber. Son père lui avait ouvert et avait regardé à qui cette lettre était destinée. C'était bien pour elle ; à son adresse. La certitude qu'Elle lui avait écrit s'était ensuite imposée dans son esprit. Elle avait eu des remords quelques fois d'avoir écrit son petit mot sur le panneau d'affichage. Etait-ce un Autre qui l'avait trouvé ? L'avait-elle vu ? Elle n'en savait rien. Cette attente de réponses la rongeait, la tourmentait. Sa moitié l'oublierait-elle pendant les vacances d'été ? Elle ne voulait pas, elle voulait la voir, l'avoir, lui écrire, lui crier des paroles à travers la Nuit. Elle voulait, chaque jour, avoir de ses nouvelles. Savoir comment elle se sentait, si sa sœur - l'Autre - ne lui empêchait pas trop de vivre.

Elle continua la lecture de la lettre. Merlin, Elle lui avait écrit. C'était incroyable et Lydia avait toujours du mal à assimiler cette nouvelle.

*Je lui manque. Je manque à quelqu'un. Je manque à Elle.*

- Mais toi aussi, tu m'manques, souffla-t-elle en caressant la lettre du bout des doigts.

Elle s'était réfugiée dans sa chambre pour être certaine que rien, aucun bruit, aucun regard de la part de ses parents, ne dérangerait sa lecture. Pour parfaire le tableau, elle s'était installée sous la fenêtre, sous les étoiles. Cassiopée la regardait, comme tant d'autres fois, et l'éclairait de ses lueurs bienveillantes.

La petite Holmes avait fini de lire la lettre. Son regard se porta sur son bureau. Elle avait différents stylos, différents papiers tous plus blancs les uns que les autres mais pour l'occasion, elle prit tout de suite une plume et une feuille de parchemin jauni. Plus poétique et romantique.
Elle trempa la pointe de sa plume dans une encre bleue. Bleue comme ses Pleurs d'Orion ; comme ses yeux. Et puis, ne l'avait-elle pas appelée "Enfant aux Yeux d'Océan" ? Le bleu régnait en maître. C'était la teinte du ciel, de la mer, de Serdaigle, des yeux de l'une et l'autre. C'était la couleur du bonheur, celle qui, quand on la regardait, nous faisait sentir mieux tout de suite. Elle aimait le bleu. Alors elle écrivait en bleu.

Toi


C'était la manière qu'elle avait trouvé pour commencer sa lettre. Un seul mot qui pouvait paraître agressif mais il n'en était rien. Elle avait mis tout l'amour qui subsistait dans son cœur pour poser sur le papier ces trois lettres.

Ta lettre... M'a beaucoup plu. Je l'ai beaucoup aimée et je suis certaine que je la relirai plusieurs fois. Je ferai en sorte de ne pas trop abîmer le papier.


Une promesse qu'elle n'était pas sûre de tenir. Elle se promit de la garder précieusement dans son bureau, dans un écrin spécial.

Je parviens à sourire, c'est beau l’Été non ? Je préfère l'Hiver, la glace, le gel et la valse des flocons dans l'air mais j'aime bien voir le soleil pointer à travers le ciel.
Et toi, tu vas bien ? Question si banale... Mais je sais comme il est difficile d'y répondre. Parce que c'est difficile d'aller bien. Et je crois que ça le sera toujours.


Pour l'instant elle allait bien. Cassiopée la regardait, ses parents s'aimaient en bas et elle écrivait à son aimée en haut.

Ah Cassiopée... Elle me regarde en cet instant précis. Ses étoiles me font un peu penser à celles que tu as dans les yeux. J'ai toujours été fascinées par ces points de lumière.

Je souhaite, moi aussi, te revoir le plus vite possible. En attendant, continuons de nous écrire, veux-tu ? Accordons nos silences pour en faire une jolie mélodie.

Tu me manques,
Petite Ombre


Elle hésitait avant d'écrire cette dernière phrase. Pourtant, il faut bien dire la vérité parfois ? Pour accorder ses silences, il faut se dévoiler petit à petit, ajuster son égo.

#5d9686
entre en 5ème année RP -
post-pause

05 févr. 2021, 23:06
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22 Juillet 2045, 7h44,
Édimbourg, Écosse.


A la lecture du message anonyme laissé parmi tous les autres sur le grand panneau, l’évidence s’était imposée à toi. Ces mots ne pouvaient que t’être adressés, et la signature t’avait confirmé ce dont tu étais sûre. Les tâches d’encre, comme si Elle n’avait pas su comment ordonner ses phrases, étaient comme un appel qui te tiraillait de l’intérieur, un immense besoin de répondre. Les mains tremblantes, tu as décroché le plus doucement possible le morceau de parchemin froissé, l’as serré contre ton cœur avec un sourire hésitant. Petite Ombre avait su comment te joindre ; tu lui en étais infiniment reconnaissante.
Quelques soirs, tu as hésité à sortir ta plume, sous le regard des étoiles. Le cœur noirci de cauchemars, tu as failli lui envoyer un appel à l’aide, une supplication aux lettres tremblotantes, puis tu as renoncé. Non, l’être infiniment fragile sur lequel tu t’es déjà bien trop reposée a déjà suffisamment souffert.

Alors tu as supporté les nuits brouillard, les soirées blizzard et les heures emplies de vide, le teint blafard et les joues sillonnées de larmes. L’espoir de revoir vite l’Enfant réussissant tout de même à faire battre ton cœur, tu as serré contre ton cœur le morceau de papier soigneusement plié, en murmurant la chanson qui vous a liées. Tu as tenu de trop longues éternités, et tu as parfois cédé à la tentation de jeter sur un papier déjà abîmé tes mots désespérés.
Elle ne les méritait certes pas, mais la seule idée que tu les lui offrais t’apportait déjà un peu de réconfort. Jamais tu n’as envoyé ces écrits ; ils sont restés soigneusement rangés dans l’étui de ton violon. Mais tu as rédigé des pages et des pages, avec la seule envie de te confier à ton Amie, avec pourtant la certitude que jamais elle ne lirait les lignes tracées de la pointe tremblotante de ta plume. Malgré la culpabilité d’être trop faible pour garder en toi tes peurs, tu te sentais infiniment mieux après avoir jeté sur le parchemin tout ce Trop. Après ces instants d’introspection intenses, tu repensais à vos soirées passées ensemble, à vos mains entrelacées, et tout paraissait soudainement plus lumineux. Même tes cauchemars étaient moins terribles qu’auparavant.

Mais quand est venu l’instant d’Écrire, de rédiger véritablement, tu fus perdue. Égarée. Que dire ? Que pouvais-tu te permettre de révéler pour ne pas la blesser ? Qu’allais-tu omettre d’évoquer ? Et pourquoi lui dissimuler tes états d’Âme ? Les questions se bousculaient dans ton cerveau plein d’émotions. Avec l’angoisse de lui faire du mal.

*Mensonge par omission*, avais-tu songé. Était-ce véritablement cela ? Aurais-tu osé cacher tes peurs à Celle qui Comprenait Tout ? Tu avais voulu te persuader que tu désirais seulement la préserver, puis avais regardé la réalité en face ; à quoi bon ignorer la vérité ? Ce qui avait motivé tes pensées, c’était la crainte. *Comme toujours*. La crainte d’être lue par quelqu’un d’autre que l’Enfant, la crainte d’être jugée. La crainte que l’on te sache faible *alors qu’c’est faux, pas vrai ?*.
Enfin en accord avec toi-même, tu as hoché la tête, haussé les épaules. Tes yeux froids se sont rabattus sur le papier.

Mais aujourd’hui, comme tous les jours, est une journée douce. Il fait beau mais encore frais, et la ville s’éveille à peine. Tu t’es levée tôt ; comme tous les jours. Ayant à peine pris le temps d’enfiler quelques vêtements, tu t’es assise près de la fenêtre de la cuisine. Silencieuse, les lèvres serrées mais le cœur frémissant d’un espoir muet, tu as attendu.
L’oiseau n’a pas mis longtemps à venir. Comme une intuition, ou un rêve, tu as su que le mot de Petite Ombre te parviendrait à cet instant. Et les tremblements de ton palpitant se sont diffusés à l’entièreté de ton être.

Tu bondis sur le loquet, laisses l’oiseau s’engouffrer dans la pièce. Tu dénoues, les mains subitement moites, le ruban, déroules le parchemin.
Tu donnes quelques graines à l’oiseau puis le laisses repartir, remontes en trombe dans ta chambre pour te saisir d’une plume. De la Plume ; celle destinée à Petite Ombre.

Tes pas, lorsque tu franchis le perron, se font hésitants. Où aller pour écrire à l’Être qui représente toute la raison de ton existence ? Aucun lieu n’est digne de sa présence douce et fugitive. Aucun espace n’est suffisamment silencieux pour faire honneur au baiser qui vous a unies.
Quelques paroles te reviennent en mémoire. Des mots accompagnant une mélodie de Maë, en français et d’une douceur sans pareille. Retenus malgré toi, tu les emprisonnes fermement dans ton cœur pour t’en souvenir.

Le parc est calme. Quelques oiseaux pépient, quelques Inconnus avancent à un rythme qui t’échappe. Tu ne veux ni leur parler ni même les voir, mais, au fond de toi, tu sais qu’ils font partie du tableau qui s’étale sous tes yeux. Eux aussi sont indispensables.
Sous les ténèbres qu’un grand arbre étale sur une étendue herbeuse, tu t’assois. Le dos appuyé au tronc, les genoux remontés vers ton torse, tu fronces les sourcils.
Cette fois-ci, les lettres viennent d’elles-mêmes.


« Belle Ombre »


Le souffle se diffuse dans l’air encore pur de cette journée d’été. Tu poses ta plume sur le parchemin.

Belle Ombre,

Savoir que tu as reçu ma lettre, que tu l’as lue et qu’elle t’a plu me fait sourire. Ne t’en fais pas pour le papier : de nombreuses autres suivront, tu n’as pas à te soucier de celle-ci.


La peur de ne pas arriver à communiquer tes émotions te saisit un instant. Mais, bien vite, tu laisses de côté tes sentiments pour te pencher sur ton écriture.

L’Été est d’une douceur absolue. Je voudrais le passer avec toi, pour m’émerveiller de chaque découverte, mais je vais devoir me contenter de tes mots.
Je

Une tache s’épanouit sous la pointe de ta plume. Tu fronces les sourcils, frustrée. Le papier propre était bien plus beau, mais il est trop tard pour recommencer.

crois que je vais bien. L’espoir est de plus en plus puissant, et je m’y accroche de toutes mes forces. Parfois, lorsque vient la nuit, je pleure et j’ai peur. Mes cauchemars sont douloureux. Mais je sais que, grâce à toi et aux souvenirs qui restent gravés dans mon cœur, je parviendrai à les vaincre.
Et toi ? Parviens-tu à te préserver de toutes ces douleurs qui t’assaillaient ?

Je t’aime.
Grande Ombre


« Même si je tombe, je n’ai pas peur ; si le tonnerre gronde, je n’ai plus peur.1 »


Les mots, en français, sont déformés par ton accent. Pourtant, tu les laisses filer, pour les offrir à ton Amie. Elle les mérite, n’est-ce pas ?

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1 Pomme — 2019

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ent‘r‘êvée

08 févr. 2021, 12:23
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23 juillet 2045
Royal Crescent, Bath
Il est environ 17h30


Elle aimait les fins d'après-midi. Ce moment ou le soleil reculait et qu'il faisait place au crépuscule. Une cloche de feu rose sonnait parmi les nuages et envahissait le ciel. C'était un spectacle quotidien, et il était bien plus beau en été.

Elle aimait les fins d'après-midi, quand une petite brise naissait et allégeait les chaleurs de la journée. Ces moments avaient une odeur particulière, un goût unique et ils lui évoquaient des couleurs. Azur pâle. Rose pastel. Ocre mordoré - si ce n'était pas un pléonasme. Quelle meilleure heure, quel meilleur moment pour lui écrire ? Quel meilleur instant que celui qui l'envahissait d'une atmosphère de paix éternelle pour faire la chose qui donnait un nouveau tempo à ses battements de coeur ?

L'air d'été flottait autour d'elle. Tandis que les monuments historiques la toisaient de leurs hautes façades, elle s'allongea dans l'herbe grasse. Quelques touristes moldus étaient là mais ne se souciaient pas d'elle, c'était tout juste s'ils la remarquaient. Elle avait eu peur de croiser des anciennes connaissances dont elle ne voulait pas se faire apostropher ; elle avait eu peur de ne pas savoir quoi écrire ; elle avait eu peur qu'il se passe un incident grave alors que ses parents n'étaient pas avec elle. Elle avait eu peur de mille choses, toutes plus ridicules les unes que les autres. Mais sentir le papier contre sa poitrine, toucher le grain de la feuille du bout des doigts et parcourir encore les lettres tracées à l'encre : c'étaient ses remèdes à la peur. Elle triompherait de ses craintes en lisant ce qu'Elle lui envoyait, en lui écrivant.

Lydia fronça les sourcils en remarquant une tâche d'encre à côté du « Je ». *Elle quoi ? Qu'est-ce qu'il ne va pas ? C'est de ma faute, c'est ça ? C'est toujours à cause de moi. Mais je voulais pas lui faire mal, c'est promis et...* « crois que je vais bien » était la phrase qui suivait. Son angoisse reflua aussi soudainement qu'elle était venue. Même si Grande Ombre avait fait une tâche d'encre, elle allait plutôt bien. Elle croyait aller bien. La jeune Holmes le connaissait ce sentiment de croire à un bonheur. On est heureux, on est heureuse mais on sait que cela ne va pas forcément durer. Il y a un pressentiment chez les êtres instables, un sentiment profond toujours en éveil. Il sait quand cela n'ira pas, que le ‘je vais bien’ sera rarement éternel.

Cette pensée lui donna l’inspiration pour commencer sa lettre.

Chère…

Elle posa son stylo, c’était plus pratique de fonctionner à la moldu quand on écrivait en étant allongée sur l’herbe, et réfléchit. Comment allait-elle l’appeler ? Grande Ombre ? Elle ne trouvait pas ce nom assez intime. Non, ce qu’elle voulait, c’était connaître son prénom, son vrai nom. Afin que leur affection mutuelle soit concrète, affichée. Elle voulait dire aux Autres qui se moqueraient « Vous voyez, je l’aime, on s’aime, et c’est vrai. » *J’espère que ça l’sera toujours.*

Je ne sais pas par quoi remplacer ces points de suspension. Je crois qu’on peut se le dire maintenant, qu’en penses-tu ?

Alors voilà.


Elle inspira et ses doigts fébriles firent trembler le stylo.

Je m’appelle Lydia. Ces cinq lettres sont censées me définir.

C’était fait. Sa moitié connaissait ses deux identités maintenant ; et elle était la seule. Normalement, les gens n’avaient en tête que Lydia Holmes, enfant aux cheveux noirs et aux yeux océans, rêveuse et froide. Elle, elle se savait fille et Petite Ombre, curieux mais beau mélange.

Moi, ça va. Enfin je crois que je vais bien, comme toi. Tu réussiras à vaincre tes cauchemars, tes pleurs et tristesses. Je suis avec toi.
Je le serai toujours.


Elle évita de répondre trop explicitement à la question sur ses douleurs. Ce n’était pas le moment. L’air été doux, c’était la fin d’après-midi. Les histoires ténébreuses n’avaient pas leur place ici.

Il fait beau chez moi. J’aimerais bien être avec toi, en ce moment même. Cette fin d’après-midi serait ainsi parfaite.
Si tu reçois cette lettre avant demain, sache que demain soir, Orion sera particulièrement visible ! Je l’observerai, tu me diras si tu le fais aussi.


Elle mit la lettre dans l’enveloppe dès que son dernier mot fut écrit. Lydia était à deux doigts de regretter d’avoir dit son prénom ; elle se sentait idiote. Les Ombres doivent-elles toujours se dévoiler sous la lumière ?

#5d9686
entre en 5ème année RP -
post-pause

17 févr. 2021, 14:17
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Assurément sûr d’avoir toujours un doute ;
J’assume pas très bien mes idées dissoutes.
J’ai des problèmes, qui me déroutent, et le bon sens –
J’en ai plus rien à foutre.
BARON.E — Jeunesse Dorée
______

28 Juillet 2045, 2h13
Edimbourg, Ecosse


Ton regard perdu dans le vide est presque éteint. Plus aucune lueur ne le traverse, et la peur fait trembler tes cils trempés de larmes. Tu as le visage tourné vers la cheminée où nulle flamme ne danse depuis bien longtemps. Aucune pensée ne traverse ton esprit amorphe, aucune idée ne te donne envie de te lever, de bouger.
Le bon sens t’aurait soufflé d’aller te coucher, car la nuit a depuis des heures déjà déployé ses longs filaments de ténèbres sur la ville. La raison aurait pu faire disparaître ta peur de quelques songes, mais même elle s’est envolée vers le néant. Il n’y a plus rien dans ton être qui est devenu une coquille vide d’identité et d’espoir.

Longtemps que tu ne t’étais pas sentie comme cela. Longtemps que ce rien ne t’avait pas habitée de cette manière. Longtemps que tu n’avais pas été désertée par tous tes souvenirs, par toutes tes idées – qu’elles soient moroses ou non.
Tu ne sais même pas vraiment pour quoi tu pleures. Tu te rappelles vaguement avoir été réveillée par un cauchemar, une terrible réminiscence qui t’a jetée hors des bras de Morphée en poussant un cri de terreur. Tu as passé plus d’une heure roulée en boule sur ton matelas, les dents serrées et le cœur battant trop fort, tes bras plaqués contre ton torse comme pour te réchauffer. Et puis, tu as du admettre que le sommeil ne te reprendrait pas de sitôt.

Silencieuse, tu as descendu les marches qui ont émis ces sons de craquement qui autrefois te rassuraient. Là, à chaque bruit, tu as frémi, effrayée par tout. Même les lumières du dehors, qui transperçaient le verre des vitres, te terrifiaient.
Tu t’es forcée à avaler un peu d’eau, pour faire passer le gout de la bile. Tu as dégluti tant bien que mal, et puis tu t’es laissée tomber sur une chaise.
Depuis, tu te tiens là, recroquevillée sur toi-même.
Ta position ne réchauffe même plus ton corps frémissant, chaque souffle d’air t’arrache un tremblement. Tu ne penses même pas à t’ébrouer, tu ne cherches pas quelque chose pour être mieux. Tu attends seulement, tu attends quelque chose dont tu ne connais même pas le nom.

Sa lettre est arrivée depuis quelques jours déjà, mais tu n’as pas trouvé l’envie de lui répondre. Peut-être pas l’inspiration, peut-être pas le courage. Pas la force, en tous cas. Lydia. C’est un joli nom, n’est-ce pas ? Un joli prénom qu’elle a accepté de t’offrir, un risque qu’elle a pris pour renforcer ce lien qui vous lie.
Mais tu n’as plus aucune foi en ce lien. Plus aucun des fous espoirs que tu plaçais dedans n’a survécu à ta nuit de terreurs. Est-ce que tu mérites ton Amie ? As-tu le droit de la faire attendre ainsi, au risque de lui briser le cœur ?
Au fond, tu t’en fous.

Un long soupir, venu du plus profond de tes poumons, vient briser l’intense silence qui habite la maison. Un craquement te fait sursauter ; tu te redresses brutalement sur ta chaise. Au sol, la feuille sur laquelle les mots de la Gamine ont été tracés est froissée. Pâle sur le sol sombre, elle se rappelle à toi chaque fois que tu baisses le regard.

Ta sœur apparaît au coin de l’escalier, les traits encore flous dans la pénombre. Ses yeux sont plissés pour te voir, et elle fronce les sourcils en remarquant ton expression.
Tu as tout sauf envie de lui parler, à cet instant. Mais tu n’as pas non plus envie de lui dire de partir, pas envie de bouger, pas envie de faire quoi que ce soit.
Elle t’adresse un timide sourire, auquel tu ne réponds pas. Elle s’approche lentement, tire une chaise et s’assoit près de toi. Ton regard reste égaré dans le vide, et le seul mouvement que tu effectues est inconscient ; le tremblement de tes mains. Maë baisse ses yeux vert d’eau vers celles-ci, puis relèves la tête vers ton visage.


« Ça va ? »


Pour seule parole, elle ose te poser une question dont la réponse est évidente.
Elle incline le torse, ramasse le papier sans que tu aies la moindre réaction. La pensée qu’elle lise les mots de ton Amie met du temps à se frayer un chemin dans ton esprit vide de tout, et lorsque tu réalises enfin, tu as un mouvement d’arrêt. Tu n’as pas la force de l’empêcher de parcourir les lignes.

Elle lève finalement les yeux vers toi.


« C’est une de tes… amies ? »


Tu hoches vaguement la tête, hausses les épaules. *Ouais, c’est… c’est rien.*
Puis, incapable de te taire, tu finis par entrouvrir les lèvres. Tes mots mettent du temps à s’ordonner dans ta bouche ; ta sœur attend en silence.

« Maë, je… j’crois que j’suis amoureuse. »


Elle ne dit rien, ne prononce rien, n’a pas la moindre réaction. Elle ne bronche même pas. Tu serres la mâchoire. Et puis, petit à petit, son visage s’éclaire.

« J’espère qu’il est beau, hein ? Comment il s’appelle ? »


Tu secoues la tête. *Elle a même pas fait l’lien avec la lettre… merde.* L’espoir fou qu’elle comprendrait sans que tu lui expliques s’amenuise petit à petit. Tu la fixes dans les yeux.

« C’est pas un garçon. Et… »


Tu indiques d’un geste un peu tremblant le parchemin, laisses tes lèvres s’étirer vaguement. Un sourire hésitant, de celle qui ne sait comment expliquer, qui ne sait comment interpréter le mutisme de l’Autre qui lui fait face.
Enfin, tu te lèves, tournes le dos à ta sœur. Quelques pas te rapprochent de l’escalier ; tu montes les marches le plus vite possible, pour échapper à son regard interloqué. Le temps des questions viendra plus tard – mais pas ce soir. Surtout pas ce soir.

Parvenue dans ta chambre, tu te laisses choir sur ton matelas. Les émotions qui s’étaient échappées de ton esprit reviennent violemment, la peur en tête.
Inspiration.
Tu saisis une plume, une feuille, n’hésites même pas avant de tremper la pointe dans l’encre. Les mots s’échappent de ton cœur d’eux-mêmes.


Douce Lydia,
Je suis heureuse que tu me fasses assez confiance pour m’offrir ton nom. Le mien, c’est Kyana. Mais je l’aime pas trop.


Tu ne te souviens plus exactement de ce que ton amie à la plume si mélodieuse avait écrit dans la suite de sa lettre. Orion, peut-être. *Bah, c’pas grave.* Maë a gardé avec elle ses mots, que tu lui as abandonnés. La frustration contracte les muscles de ton visage.

J’ai prévenu ma sœur. Je lui ai dit que


Une nouvelle tache, comme la dernière fois, s’épanouit sur le papier.

je t’aimais. Que j’étais amoureuse de toi. Et je n’ai pas eu le courage de rester avec elle pour connaître son avis. Je t’avoue que j’ai peur de lui faire face, maintenant. Vas-tu… prévenir ta famille, toi aussi
Tu crois que c'est prudent ? Je veux dire, que nous deux, on soit amoureuse comme ça. J'ai peur qu'on nous fasse du mal, tu sais.
Je n’ai pas eu la force de regarder Orion l’autre soir, j’en suis sincèrement désolée. J’espère que tu as pu admirer quelques étoiles filantes, et que tu as fait de jolis vœux.

Bien à toi,
Grande Ombre

• ‘til it seemed
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ent‘r‘êvée

23 févr. 2021, 19:58
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Elle avait cru que cela passerait. Que son cœur ne louperait plus un battement à chaque fois qu’elle voyait le hibou portant le message bien-aimé vers elle. Et pourtant, non, ça ne passait pas. Les côtes qui étaient prêtes à exploser. Les paupières qui battaient frénétiquement, recouvrant sans arrêt ses iris bleus. La voix qui se faisait sèche, les murmures balancés à l’adresse de ses parents pour expliquer que, là tout de suite, elle devait s’en aller. *J’ai rendez-vous avec l’Amour.* Amour avec une majuscule, comme le définissait les Grecs. Eros, ce jeune homme si beau. Colombe lui avait raconté au mois de juin l’histoire de l’Amour amoureux. Et de Psyché, cette fille si jolie, qui ne connaissait pas son amant de jour. Ses sœurs, trop curieuses pour comprendre la poésie de cette rencontre, l’avaient poussé à éclairer à l’aide d’une bougie le beau jeune homme. Celui-ci s’était aperçu de la trahison de son aimée et en avait été blessé ; alors il avait fui.

Après qu’elle lui ait écrit l’aveu – son prénom – la brunette s’était posé beaucoup de questions. Elle se sentait Psyché. Sa lettre était la bougie, sa question sur le réel prénom de son Ombre ; la goutte de cire qui effrayerait l’Amour.

Elle avait eu peur. Peur de ce qu’elle avait fait. Elle pouvait détruire un amour uniquement par la force de ses mains, Livingstone le savait. Elle avait eu peur. Elle aurait toujours peur, Lydia en avait pris conscience la nuit dernière. L’affection que les fillettes se portaient était trop forte pour qu’il n’y ait pas cette crainte indescriptible entre elles-deux. Elle avait peur de se réveiller un jour, de découvrir son cœur en miettes qui giserait sur le sol à ses côtés. Elle avait peur de se réveiller un jour, de ce rêve amoureux.

Alors quand elle avait reçu la lettre, elle avait tremblé. Son père lui avait demandé ce qui n’allait pas.

« Je sais pas, papa. »

Là, dans le bureau de son père, assise dans le canapé bien connu, elle hésitait à tout lui raconter. Il n’y avait plus qu’une marche à franchir pour quitter le repère des secrets.

« C’est une histoire avec un garçon, dit-il avec un air complice.

- Je… Non pas vraiment.

- Une fille ?»

Elle se crispa brusquement.

« Je crois. Enfin j’en suis sûre. On s’écrit. Et… C’est beau. »

Elle déglutit. C’était fait. Avec ses doigts délicats, elle avait ôté le voile qui recouvrait leur histoire depuis le début. Et son père le savait maintenant.

« Mais si tu es bien… Alors c’est bien. »

Il commença à chanter une chanson française que Lydia ne connaissait pas. Sûrement une qui était tirée de ce vieux trente-trois tours moldu, qu’il utilisait souvent. Un signe étrange était écrit dessus, un égal barré.

Lydia sortit la lettre de sa poche. Kyana. Elle l’articula silencieusement. *Kyana.* Cela lui allait parfaitement, même si elle disait ne pas aimer son nom.

Elle commença à écrire la lettre. Quelle ironie que Kyana lui parle de sa famille au moment où elle faisait son annonce à son père. Elles étaient reliées ces deux petites filles. Par un lien très fort, alimenté par l’énergie de la lune, la nuit et les étoiles.

K.,

J’espère que cette initiale te convient. C’est un beau prénom que tu as, pourtant. Enfin à vrai dire, quoi que tu me dises je trouverais ça beau – c’est niais je sais et j’en suis désolée.
Je viens d’en dire quelques mots à mon père. Il me dit que ‘si j’y suis bien, alors c’est bien’. Je ne sais qu’en penser.
Oh et bien nous regarderons Orion une autre fois, ensemble.
J’ai vu quelques étoiles filantes mais à vrai dire, je ne sais pas trop si j’aime leurs trainées lumineuses. Elles brisent un peu le ciel nocturne.

Ma plume divague au gré de mes pensées. Briser… Je crois que je connais ce mot. Je pense que toi aussi.
A bientôt.
L.


« Tiens Papa, tu peux l’attacher à la patte de Cyrano ? »

Elle regarda son père avec des yeux innocents. Pourtant, son être bouillonnait. Se rendait-il compte de la confiance qu’elle lui accordait ?

Post ô combien personnel...

#5d9686
entre en 5ème année RP -
post-pause

14 mars 2021, 14:47
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3 Août 2045,
Edimbourg, Ecosse.


Tu vrilles ton regard dans celui de Maë.
La colère fait trembler l’intégralité de ton être, depuis le bout de tes orteils jusqu’au-dessus de ta tête. Tu as les dents serrées, la mâchoire tellement contractée qu’elle te fait mal, et tes ongles mal coupés s’enfoncent dans tes paumes. Tes yeux d’ordinaire clairs se sont assombris, soudainement couverts d’un voile humide – sans doute quelques larmes que tu taches tant bien que mal de refouler. Tu ne cilles pas, essayant de faire passer par ce contact visuel toute la haine qui t’habite.

Tes courts cheveux aux lueurs de flammes sont toujours aussi peu soignés, emmêlés à certains endroits, presque rangés à d’autres. Sur tes cils, quelques gouttes perlent, mais rien ne coule sur tes joues. Habillée d’un tee-shirt qui descend jusqu’à mi-cuisses, et d’un short en jean qui disparaît dessus, tu parais prête à détruire tout autour de toi. Une aura de rage bouillonnante t’auréole ; les quelques personnes qui marchaient sur ce côté-ci de la rue ont préféré dévier plutôt que se risquer à croiser ton regard.
Deux gamins, en face, vous contemplent d’un air fasciné. Deux êtres flamboyants qui se font face ; une, cheveux longs et démêlés, ses yeux clairs dont la couleur est difficilement discernable dans la lumière de la mi-journée, allégorie du jour et du Soleil – l’autre, d’à peine un centimètre plus petite, la chevelure coupée court depuis bien des années déjà et les muscles du dos terriblement contractés, figure même de la Lune et de ses lueurs mystérieuses.

Malgré cette colère qui sourde de chacun de tes pores comme un vil poison, on ne lit rien sur ton visage qui a pris quelques couleurs depuis la fin de l’année. Tes joues parsemées de taches de rousseur sont plus roses que grisâtres à présent, et ton expression ne montre rien du trouble qui agite ton âme. C’est d’ailleurs peut-être ça qui est si effrayant dans ton attitude – cette immobilité de tes traits qui rend tes pensées parfaitement insondables.


« Dis quelqu’chose, Kyana. J’comprends pas ce qui se passe. »


Un instant, une nouvelle flamme irradie dans ta pupille, puis tu clos les paupières. Tu inspires, profondément, faisant abstraction de tout ce qui se dresse autour de toi, depuis les maisons collées les unes aux autres jusqu’aux quelques passants, en passant par ta sœur dont l’incompréhension ravive les flammes de ta haine.
Tu oublies les mots que tu voudrais lui cracher à la gueule pour visualiser tes émotions. Soudainement jaillies de la cage dans laquelle tu les enfermais au fond de ton cœur, elles éclatent au grand jour et s’épanouissent dans tout ton corps frêle. Tu les laisse t’envahir, prendre possession de chaque centimètre carré de peau, d’os ; elles forment une carapace qui entoure cet étrange sentiment que tu ne saurais qualifier – honte ?

Tu fais un pas en avant, laissant un sourire sinistre éclairer ton visage. Tes paupières se rouvrent d’elles-mêmes, et tu fixes le pavage, par terre, avant de relever les yeux vers ta sœur.


« Il s’passe que tout ça, putain ! Il s’passe que j’ai une vie privée et qu’t’en as rien à foutre. Il s’passe que j’ai plus confiance en toi. »


Tu accompagnes tes premiers mots d’un geste vaste, qui pointe autant votre maison que les autres autour, ainsi que la rue et le ciel. Tu reprends ton souffle, brusquement hésitante, mais l’expression de terreur qui s’affiche brièvement sur le visage de ta sœur te réveille.
Quelques paroles voudraient jaillir de ta gorge, mais tu les refoules à nouveau. Plus tard. Plus tard.

Tu jettes un œil plein d’amertume à la mère qui tient son enfant par la main et qui s’est arrêtée un instant pour vous observer.


« Il s’passe que je voulais juste vivre ma vie et qu’toi tu te crois tout permis. J’te déteste, bordel ! T’as.. t’as tout gâché. »


Elle écarquille les yeux, et un éclair de compréhension illumine ses traits. Faisant bien vite place à l’angoisse, il enlève à sa face quelques couleurs. Elle amène sa main droite à la poche de son sweat gris sombre, qu’elle frôle avant de laisser retomber son bras.

« Qu’est-ce qui t’a pris de fouiller mes affaires ? De lire tout ce qu’elle m’a écrit ? Alors qu’t’étais putain de pas concernée ? »


Ses lèvres s’entrouvrent brièvement, et elle lève le bras pour t’interrompre. Tu reprends ton souffle, rendue muette par son geste. Haletante, tu l’observes réfléchir. Elle fixe le sol, assez incertaine ; tu sais qu’elle craint un coup.
Elle se souvient de ce que tu as osé lui raconter après être rentrée de l’Ecole, ces cicatrices blanchâtres sur tes phalanges, souvenirs du mur frappé en février dernier – les quelques mots que tu lui as touchés à propos de Bristyle. Elle a peur que ta colère, ton impulsivité, se retournent contre elle. Un instant, tu voudrais te moquer d’elle et de ses peurs stupides, l’autre, tu songes qu’elle a raison de se méfier.


« Tu m’dis rien, tu refuses de me parler depuis l’autre soir. Tu m’évites et… et tu passes ton temps dans ta chambre ou ta plume à la main. »


Elle rassemble ses mains, tord brièvement ses doigts. Un raclement de gorge, et elle continue de répandre ses mensonges et ses excuses.

« J’voulais savoir parce que ton bonheur il.. ben il m’importe, quoi… Et t’voir amoureuse, c’est beau, tu… »


Le brusque plissement de tes yeux la fait s’interrompre. Une expression de haine froide, que seule une Autre de la pire espèce pourrait t’inspirer, se reflète dans ton regard. Tu tournes les talons, franchis le perron et montes à toute vitesse dans ta chambre. Tu t’adosses contre la porte après l’avoir violemment claquée, inspires profondément. Les battements de ton cœur résonnent sourdement dans tes oreilles, le monde devient subitement flou pendant quelques secondes. Il tangue un peu, puis tout se stabilise. L’adrénaline qui rendait ton sang brûlant retombe, et tu te sens vidée.

Tu avances d’un pas hésitant vers le bureau, saisis une feuille un peu froissée. Tu t’assois à même le sol, attrapes un stylo banal.
Incapable de poser des mots sur ton exaspération ; incapable d’expliquer à Petite Ombre ton envie d’étriper ta sœur, tu ravales un sanglot. Tu racles ta gorge, inspires en un long tremblement.


L.,
Ma sœur a
J’imagine que tu te souviens de tes précédentes lettres. Je

D’un geste violent, tu déchires la feuille en deux parties, que tu réduits en miettes quelques secondes après. Tu enfouis ton visage dans tes mains, serres à nouveau la mâchoire. Aucun mot, aucun son, ne s’échappe de ta bouche ; tes lèvres restent closes, incapables du moindre mouvement.
Finalement, tu poses la mine sur un morceau un peu plus grand que les autres, et quelques mots viennent seuls.


Comment arrêter le feu de cette colère sans sens qui brûle en moi ? Comment stopper ces pensées et ces envies de blesser qui me saisissent ? Comment reprendre mon souffle dans un endroit où ne paraît à sa place, où rien ne semble juste ?


Tu réalises que ton Amie attend ta réponse depuis trop longtemps déjà, et que son dernier mot est resté dans les mains de Maë, où tu l’as surpris il y a une trentaine de minutes. Tu te souviens de quelques-unes de ses paroles mais pas de ses mots exacts.

L.,

Ma sœur a tout lu. Je t’avais dit, je crois, à quel point elle était indigne de confiance l’an dernier — elle l’a prouvé une nouvelle fois. Elle a décidé de prendre chacun de tes mots, que je gardais soigneusement, et elle les a tous regardés.
Je ne sais pas quoi faire, tu sais. Elle.. j’ai peur qu’elle ait tout gâché.

Je suis heureuse que ta famille veuille ton bonheur comme ça. Mon père n’est pas au courant, mais à vrai dire je ne sais même pas si j’ai envie de lui en parler.
Les lueurs des étoiles… elles forment une lumière dans le ciel d’encre, elles sont rassurantes quelques fois, je trouve.

K.

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ent‘r‘êvée

20 mars 2021, 01:53
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5 août 2045, 12h
Suite à ce rp


Elle était arrivée chez sa grand-mère comme quelques années auparavant. Cette fois, ce n'était pas Lui qui était le problème. Oh non, là au moins, toute la famille Holmes était soudée dans cette épreuve. Toute la famille Holmes voulait résister à ces éclats de ténèbres qui vous pénétraient, qui vous coupaient la peau et inoculaient des tristesses, du sang et des larmes.

Elle était arrivée chez sa grand-mère comme quelques années auparavant. Sauf qu'aujourd'hui, elle fuguait de chez elle. Lydia s'en allait. Partait comme une voleuse, après avoir fait retentir ses cris de colère dans sa maison.

Tout allait beaucoup trop vite depuis hier soir. En même pas vingt quatre heures, l'amour qu'elle avait pour son paternel s'était effrité, s'était rapidement réduit en lambeaux. Allait-elle réussir à panser ces blessures comme la dernière fois ? 4 mois qu'on passe à pleurer, un voyage en Asie où on admire les fleurs blanches des frangipanniers et puis hop, on revient comme avant. Sans vraiment ignorer ce qu'il s'est passé, sans vraiment en parler non plus.

Sa vie, ses décisions et ses sentiments lui échappaient. Elle sentait que tout lui filait entre les doigts, que rien de ce qu'elle pouvait faire ne rattraperait ce qu'il s'était passé. Tout foutait le camp, tout se barrait.

Il lui restait deux personnes sur lesquelles elle pouvait s'appuyer. Sur lesquelles elle s'était toujours appuyées, celles qui avaient recueilli ses larmes dans un écrin nacré, celles qui lui avaient offert une épaule pour tout raconter, pour tout réparer.

D'abord Marguerite, une personne en chair et en os, avec une maturité plus élevée. Elle avait eu peur : allait-elle la comprendre ? Ou serait-elle d'accord avec son fils ? *Elle le préfère à moi ?* Car c'était la vraie question.
Heureusement, Meg avait évité l'écueil et l'avait rassurée. Elle avait commencé à ôter le voile obscur qui rendait opaque la vision des choses.

Un hibou avait ensuite toqué à la vitre. Lydia l'avait tout de suite reconnu et s'était tellement dépêchée pour récupérer la missive attachée à sa patte que sa grand-mère n'avait pas eu le temps de dire quoi que ce soit.

La soeur de Kyana avait lu toute leur correspondance. La jeune fille en ressentit une intense haine à l'égard de cette inconnue. Il ne fallait pas que sa seule source de bonheur dans un moment compliqué soit elle aussi malheureuse. Tout ça en plus à cause d'une... Cracmol, même pas capable de lancer le sortilège de lévitation, même pas digne de posséder une baguette.
Lydia reprit sa plume. Elle la posa sur le papier puis hésita. La lettre allait être longue si elle commençait à tout raconter, à tout dire sans honte. Oh et puis...
K.,

Je comprends ta colère. C'est nul de la part de ta sœur d'avoir fait ça. Mais elle n'a rien gâché, elle ne gâchera rien de ce qu'il y a entre nous, je te le promets.

Je croyais que ma famille voulait mon bonheur, oui. Mais hier, j'ai découvert que non, pas forcément. Sous l'excuse de "notre sécurité qui doit être établie", mon père se montre plus lâche qu'il ne l'a jamais été.
Il ne m'écoute pas.
Il ne me comprend pas.
Je lui en veux, ne sais pas comment je lui pardonnerai.

Qu'en penses-tu ? Il m'a traitée d'enfant. Il n'a pas voulu m'expliquer la politique sorcière actuelle alors que Merlin sait comme nous sommes impactés par les évènements, à Poudlard.

Je me suis réfugiée chez ma grand-mère. Je tente d'aller bien, c'est compliqué pour l'instant.

Navrée pour cette lettre, j'aurais aimé te raconter d'autres choses.

L.
Elle reposa sa plume, reprit sa respiration. Son souffle avait été coupé durant l'écriture de la lettre ; elle ne s'en était à peine rendue compte.

Plus qu'à renvoyer le hibou avec la lettre attachée. La jeune fille noua le courrier et donna une petite caresse au volatile.

Elle le regarda longuement voler dans les airs, jusqu'à ce qu'il devienne un point invisible dans l'azur.

Le même hibou reviendrait bientôt et lui apporterait de l'espoir. C'était le seul joli moment qu'elle pouvait espérer vivre pendant le reste de l'été.

#5d9686
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post-pause

27 mars 2021, 22:42
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Down by the river I was drawn by your grace
Into tempest of oblivion and to the lovers-place
I was stocked in a puddle full of tears and unwise
Dark doings now I know that we've paid unlike
Milky Chance — Down by the River
______
5 Août 2045, 16h46
Édimbourg, Écosse


Le dos collé au bois de la porte, bougeant très peu, tu sens sans vraiment y faire attention les grosses larmes qui coulent sur tes joues. La haine flambe encore haut et fort mais tu te sens vidée.
Plus de mots pour alimenter les flammes, seulement cette eau salée qui dégouline pour les éteindre. Plus d’envie de combattre toutes ces choses qui te révoltaient, seulement un besoin de te laisser emporter par Morphée. Plus de désir d’affirmer haut et fort tes convictions, plus rien qui te force à te lever pour aller affronter Maë.
Les dents serrées pour réprimer ces sanglots que tu as du mal à définir, ce débordement d’émotions que tu ne sais plus contrôler, tu serres contre ton cœur les deux morceaux du début de lettre, comme des talismans pour repousser tes pleurs. Les pensées anesthésiées, le regard dans le vague, seulement consciente du plancher dur et froid sous toi, tu ne sens même plus le temps passer.

Combien d’heures, de minutes, de jours, que tu es là ? Que tu sors seulement pour manger, lorsque ton estomac te l’ordonne, et qu’aussitôt ton plat avalé tu retournes t’enfermer et t’adosser à la porte ? Parfois, tu entends le craquement du palier derrière, les pas de Maë qui s’arrêtent devant l’entrée de ta chambre. Et puis elle reprend son chemin, toujours, sans rien prononcer.
Parfois tu t’endors contre la cloison, parfois tu marches de ton pas de fantôme et t’étends sur ton lit en attendant le sommeil. Et tu sais que Papa attend le moment béni où tu retrouveras la raison pour t’enlacer et te murmurer des mots rassurants ; mais pour l’heure tu n’as pas envie de paroles douces et d’aide. Tu veux seulement trouver de quoi alimenter ta colère.
Et souvent tu es réveillée en sursaut par les cauchemars qui te harcèlent toujours plus, avec le regard d’océan de ton Amie fixé, accusateur, sur toi.

Sans doute quelques mots de la part de ta sœur auraient pu t’apaiser, mais effrayée par tes yeux emplis d’aversion elle garde toujours le silence et s’éloigne. Sans doute une idée, une proposition pour se racheter, auraient mieux fonctionné que cet évitement et cette tension constante. Lorsque tu la croises dans la maison, les rares fois où tu acceptes de sortir, elle détourne le regard et baisse le menton.
Et l’absence de réponse de Petite Ombre, ces deux jours qui t’ont semblé interminables, n’ont pas arrangé les choses. La peur s’est ajoutée à la tempête d’émotions qui tournoyait au fond de toi, elle a ajouté son bleu-gris à l’arc-en-ciel malsain qui t’habitait et tu n’as plus su quoi faire.

Il faut quelques minutes pour que tu sortes de ta léthargie et que ton esprit réalise la présence de l’oiseau à la fenêtre. Une dizaine de secondes supplémentaires avant de parvenir à te rappeler ce qu’il signifie, et pour te précipiter lui ouvrir ; quelques autres pour réussir à maîtriser le tremblement fébrile de tes mains. Enfin, tu dénoues le papier de la patte du hibou, et sans même prendre le temps de t’asseoir, tu parcours de tes yeux ternis les quelques lignes.
Avidement.
Avec une pointe d’espoir qui s’enfonce comme un pieu dans ton cœur alors que tu avances.
Et puis le désespoir et l’impuissance, qui te terrassent juste après. Tu lèves les mains, portes la feuille contre ton visage. De nouvelles larmes viennent tremper le papier parcheminé, avant que tu ne replies violemment les doigts pour le froisser.

Formant une boule des mots de ton Aimée, tu balances le bras et envoies l’objet s’écraser contre le mur dans un bruit mat. Tu voudrais hurler ta colère, mais aucun son ne sort ; tu te contentes de sentir ta respiration se bloquer peu à peu sans que tu ne puisses rien y faire, et des tremblements parcourir tout ton corps.
Ton visage cerné se tend une nouvelle fois, tes traits se déforment et tu rentres la tête dans tes épaules pour faire face aux sanglots.


Ô éternelle Douleur, si imprévisible ;
Qu’ai-je donc fait pour te mériter ?


Le bruit de tes pleurs finit par enfler, par grossir jusqu’à prendre toute la place.

« Putain ! »


Dans un grincement, la porte s’ouvre et tu te retournes d’un coup. L’air particulièrement hésitante, Maë rentre dans ta chambre et ferme les paupières en voyant ton visage et tes yeux cernés. Elle s’approche lentement, et arrivée à quelques centimètres de toi elle s’arrête. Tu ne bronches pas, la détailles sans un mot.
Son visage est figé, mais son regard cille. Elle craint tes réactions désormais, elle te sait imprévisible. Elle pince les lèvres, paraît vouloir venir plus près mais renonce au dernier moment. Le temps s’étire en fils invisibles autour de vous.

Finalement, elle semble prendre une décision et accepter les risques qu’elle implique ; elle s’avance un peu plus et t’enlace doucement. Incapable de résister, tu te laisses aller contre elle, poses ton menton sur son épaule en fermant tes yeux froids. Un petit murmure s’élève dans la pièce, tout juste audible.


« Ça va aller, j’suis là. J’suis là. »


Une nouvelle larme tombe sur son tee-shirt noir, un peu délavé. Ta sœur ne réagit pas, se contente de caresser ton dos, tout doucement. Le rythme répétitif, sans à-coups, t’aide à reprendre tes esprits, et au bout de quelques minutes tu relèves le visage. De grandes traces humides luisent sur tes joues, mais si tu parais encore très fragile tes yeux sont désormais parfaitement secs.
Elle te sourit, de ce sourire qui te rappelle celui de Maman le soir, lorsqu’elle venait t’embrasser avant que tu t’endormes. Malgré toutes ces émotions qui s’entremêlent en toi, tu ne peux t’empêcher d’étirer les lèvres à ton tour.


« Y’a quelque chose que je peux faire pour t’aider ? »


Terrifiée à l’idée qu’elle Brise en parlant, tu t’es tendue. Mais ses mots te rassurent immédiatement. Lentement, tu secoues la tête. *Faut juste que j’écrive, maintenant. Mais merci* ; expriment tes yeux. Nul besoin de mots, ta sœur comprend. Elle hoche la tête, se lève et s’approche de la porte d’un pas tranquille. Le cœur apaisé, l’esprit un peu plus clair, tu t’approches du bureau lorsqu'elle referme le battant derrière elle et t’y installes sans hésitation.
Belle L.,

Tu n’es pas une enfant ; plus. Et tu mérites que ton père te fasse confiance.
Malheureusement, il est et il sera toujours de ces adultes qui pensent que parce que nous sommes jeunes, nous ne comprenons rien au monde. Ils se sentent un peu plus puissant comme ça, j’imagine.
Il ne faut pas que tu le laisses te faire du mal comme ça. Je comprends que ça soit dur, et je ne sais quoi faire pour t’aider à apaiser ta peine. En tous cas, sache que je t’aime et que je suis de tout cœur avec toi, bientôt il sera forcé de comprendre que tu as raison.
Penses-tu que nous pourrons nous voir cet été ?

K.

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ent‘r‘êvée

17 avr. 2021, 20:24
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6 août 2045,
Maison de la grand-mère de Lydia, 9h50


Lydia se plaça face à son miroir. Elle s’était regardée ô combien de fois dedans. Elle s’était vu grandir. Elle s’était vu sourire. Elle s’était vu pleurer, elle avait vu ses larmes couler et ses lèvres trembler. La fillette posa sa main sur la glace. Froide. Abîmée également, quelques petits points marrons ayant pris place au fil du temps.

Elle prit doucement la parole, après s’être assuré qu’elle était seule. Marguerite était sortie mais Lydia n’avait pas eu envie de l’accompagner. Elle avait l’impression que dès que l’air du dehors l’effleurerait, il l’égratignerait, la blesserait. Comme si le mélange d’oxygène et d’azote était en vérité du verre pilé, qui glisserait le long de sa peau, et laisserait de petites traces rougeâtres sur cette chair blanche.

« C’est débile de parler toute seule. Y’a que toi, toi mon reflet qui m’écoute, je dois être folle. Pourtant je peux pas écrire ce que je veux dire ; je n’y arrive pas.
Elle me manque, Merlin. Je veux la revoir, les lettres sont p’t-être jolies mais j’ai besoin de l’étreindre, de la serrer dans mes bras, sûrement même de l’embrasser. C’est la seule qui peut réussir à m’aider, à sortir de l’endroit bizarre où j’ai l’impression d’être enfermée. Elle me manque, j’veux revoir son sourire, ses yeux étoilés et…
»

Elle se tut brusquement. Ses oreilles venaient de percevoir un bruit, un fracas. Que se passait-il ? Elle ne pensait plus du tout à son monologue du reflet – presque un titre de roman – et était toute absorbée dans sa réflexion sur ce que ce bruit pouvait être. Sa grand-mère était-elle rentrée ? Blessée alors ? *Oh non, j’pourrais pas le supporter.*

Elle descendit d’un pas léger et rapide, elle n’osait plus marcher en faisait trembler le bois de l’escalier, cela lui rappelait le soir où tout s’était brisé. Beaucoup d’éléments lui rappelaient ce soir-là.

Ses doigts blancs détachèrent avec douceur la lettre que l’oiseau transportait. Il s’était blessé, fracassé contre la vitre. Avait-il cru que les frontières n’existaient pas ? Qu’il était libre ? Lydia le regarda avec un sourire triste. Pauvre petit hibou. Les murs se dressaient toujours entre nous et l’horizon. On ne pouvait pas marcher droit devant soi sans s’arrêter, il fallait affronter, combattre, lutter encore et encore. Lydia détestait ce genre de discours moralisateur, des citations de moldus prétentieuses et si peu inspirantes. Maintenant pourtant, elle avait été obligée de ravaler son égo. Et, depuis le soir où les étoiles s’étaient éteintes, depuis le soir où la lune lui avait ri au nez, depuis le soir où son corps l’avait trahie, depuis le soir où un amour familial s’était brisé comme un verre soumis aux ultrasons, depuis qu’elle avait dû apprendre l’humilité, elle en ressentait une forte nausée. Un poids sur le cœur. Une chape de plomb qui essayait de résister à l’amour que transmettaient les lettres, un morceau de charbon noiraud et éteint que les parchemins essayaient pourtant de réveiller.

Comme en écho à son monologue du reflet, Kyana lui demanda si elles pouvaient se voir.
Tout son cœur hurlait oui.
Tout son corps criait qu’il était d’accord, qu’il le voulait.
Tout l’amour qu’elle avait pu éprouver, malgré sa jeunesse et sa naïveté, se réveilla soudain et l’envahit d’un immense trouble.
Alors, sa main, posée sur le stylo, écrivit :

Chère K., ma chère K.,

Oui. Je veux te voir, je le souhaite et l’espère vraiment. Tu me manques et… Je pense que cela sera beau si nous nous rencontrons. Pourrais-tu venir chez ma grand-mère ? Elle acceptera.


Elle voyait déjà le visage de cette amie, appréciée un peu plus qu’en amitié, présenté à Marguerite. Elle voyait déjà l’étreinte que lui accorderait la vieille femme – et le serrement en symbiose qui arriverait ensuite entre les deux gamines. Elle entendait déjà sa voix retentir, se mêlant aux champs des rouges-gorges d’ici, elle imaginait déjà les yeux posés sur les ingrédients de potions farfelus que possédaient sa grand-mère.

Lydia offrit son visage aux rayons du soleil et, pour une fois, elle se sentit plus légère. Presque prête à s’envoler ; son rêve durant sa première année.

« Viens, j’t’attends. » chuchota-t-elle.

Les rayons du soleil s’étaient matérialisés dans sa voix. Comment signifier, autrement, un immense bonheur ?

#5d9686
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