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22 juil. 2021, 15:40
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 

VACANCES D'ÉTÉ 2046
Ce n'est pas un enfer si tu aimes comment ça brûle


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COUP DE CISEAUX | 01.07.46

Chac. Chac. Chac-chac-chac.

Les cliquetis des ciseaux résonnaient comme une drôle de musique dans ma tête : « Chac. Chac-chac-chac. Chac-chac. Chac-chac-chac ». Je tapotais mes genoux de mes doigts, répétant inconsciemment ce rythme continu. Parfois, il y avait une pause ; alors mes mains s’immobilisaient, s’agrippant à mon short, puis reprenaient leur danse inépuisable. Maintenant, c’était l’inverse : les lames s’en donnaient à cœur joie, s’entrechoquant toutes les secondes. « Chac-chac-chac-chac-chac-chac-chac. » Sept fois. J’avais compté.

Mes paupières étaient soudées. Aucun frétillement de cils ne venait déranger la paisible obscurité gravée dans ma vue. Je les avais fermées il y avait une bonne demi-heure, quand les ciseaux avaient commencé leur chorégraphie. Je croyais pouvoir bientôt revoir la lumière de la salle-de-bain.

Mes pensées divaguaient au clic-clic de l’instrument de métal. Je fredonnais, sans m’en rendre compte, une chanson en silence, m’empêchant de dodeliner la tête, par peur de gêner les lames. Cette mélodie intérieure accompagnait les rouages de mon cerveau. Ils tournaient, mais doucement, très doucement. J’aurais pu m’endormir au rythme des claquements, mais l’euphorie concernant ma future apparence m’en empêchait. J’avais tellement hâte de me redécouvrir !

L’envie de changement m’assaillait depuis déjà longtemps. Y pensais-je déjà durant les dernières vacances ? Non, je l’aurais demandé à Papa dans ce cas, et je n’avais aucun souvenir de lui avoir parlé. *Parlé de ça* Non, parler en général. Mon père et moi parlions peu. Une certaine distance semblait s’être installée entre nous depuis ma rentrée à Poudlard. Était-ce… Non. La question ne se posait même pas. Je savais très bien que c’était moi – et moi seule – qui avait posé chaque pierre composant l’immense mur entre nous. En souffrait-il ? Je le voyais bien rester en retrait, et ce depuis plus d’un an. Les dernières vacances d’été avaient été difficiles pour tous, mais je ne voulais pas imaginer la douleur et le sacrifice que cela imposait pour lui de se tenir dans le couloir en voyant sa fille se débattre avec des démons invisibles, tandis que Maman s’occupait de me calmer. *J’m’en veux*

Il était silencieux. Toujours un œil bienveillant sur moi. Respectant mes silences ou les secrets que je n’avouais qu’à Maman. Sans rouspéter quand je me défaisais d’une étreinte volée, sans fléchir quand j’offrais des réponses vagues à ses questions et changeais de sujet. Comment avais-je fait pour ne pas me rendre compte de la chance qu’était d’avoir un père comme lui ? Il semblait prêt à accourir dès que j’avais besoin de moi. Je n’avais qu’à prononcer son surnom pour qu’il relève la tête, le regard brillant, l’air de revivre. Pourquoi le privais-je de l’oxygène dont il avait besoin ? *J’m’en veux*

Mes paupières frétillèrent, avant de se refermer. *Trop de lumière* Je clignais doucement des yeux pour m’habituer à la luminosité de la pièce et plongeai les yeux dans ceux de mon reflet. Bleus. Ils semblaient presque gris de loin. Comme la plupart des choses, je les tenais de Maman. Pourquoi tout était si injustement réparti ? Mes pupilles se fixèrent sur l’image prime de Papa. Les ciseaux argentés dans les mains, il coupait, coupait, coupait. « Chac-chac-chac-chac », pause. Tirait mes mèches avec un peigne, restait concentré quelques instants, « chac-chac-chac », coup d’œil au miroir.

Eh ! Ferme les yeux, j’ai pas encore fini !

Gnagnagnaaa !

Très mature comme réflexion, m’indiqua-t-il avant de tirer la langue. Allez, tes yeux !

Un sourire en coin, je lui rendis sa grimace et retrouvai le noir total.

En attendant, je repassai le film de ces derniers jours en boucle. Ma maison était un tel havre de paix ! Je l’avais retrouvée il y avait déjà une semaine, après une matinée de voyage. Ma chambre m’avait manqué. Elle était tellement… *Non* Les dortoirs de Poufsouffle étaient, plutôt, tellement accueillants. J’aimais tellement me réfugier dans mon terrier le soir venu pour dormir. Mais c’était bien différent de ma chambre. Ma chambre, je la décorais au gré de mes envies et ces changements s’effectuaient chaque année depuis aussi loin que je m’en souvienne ! C’était un cocon que je modifiais dès que je voulais. À Poudlard, je pouvais certes en modifier la décoration, mais jamais je n’avais pu changer la disposition entière.

La première chose que j’avais donc fait en rentrant, contrairement aux vacances d’été de 2045, c’était me jeter sur mon lit et fermer les yeux. Je n’avais pas tenu à refaire toute la décoration, tout changer puis rechanger de place. Non, j’avais simplement voulu profiter d’être enfin chez moi. Après cette année scolaire… *chargée*. Chargée ? Mhm. C’était une façon de le dire.

Les autres jours avaient été calmes. Se prélasser sous un soleil brillant ou rester sur l’herbe verte du jardin avec un roman, accompagner Maman à la boutique ou regarder Papa partir travailler.

En parlant du loup : sa voix grave me sortit de mes pensées soudainement.

Tu peux regarder !

Je pris une grande bouffée d’air avant de lui obéir. Mes paupières se détachèrent doucement l’une de l’autre pour se river sur le miroir. Mes pupilles parcoururent petit à petit mon visage, de haut en bas, de gauche à droite ; je m’évaluai sur la glace devant moi, le reflet de Papa me souriant nerveusement. Mes cheveux étaient encore trempés, ce qui leur donnait une couleur plus sombre et les aplatissait sur mon crâne mais l’effet restait le même. Les mèches les plus longues avaient été raccourcies d’une dizaine de centimètres et gouttaient, laissant ruisseler de l’eau au niveau de mes coudes. Mes cheveux n’avaient pas été aussi courts depuis l’été passé – quand ils avaient repoussé à toute allure – et j’avais oublié la sensation de légèreté sur ma tête.

Je rendis son sourire à mon père.

J’a-do-re ! C’est magnifique Papa, c’est trop trop trop bien !

Son visage s’illumina et il approcha les sèche-cheveux de ma nouvelle coupe, de la même façon qu’il y avait huit ans. Je gardais encore un souvenir frais – c’est le cas de le dire – de ce Noël là, où je m’étais débrouillée pour coller un chewing-gum dans les cheveux. *In-cro-ya-ble. J’suis un phénomène* Papa s’était improvisé coiffeur, et l’était resté depuis. Son doigté s’était développé et, tuto’ après tuto’, il était devenu mon artiste capillaire attitré. Je l’observai dans le miroir, un peigne en main, me coiffer et mon sourire s’intensifia.

Après quelques minutes, il rangea à leurs places les différents instruments et passa sa main sur ma nuque.

Voilà qui est fait !

Les pensées de quelques minutes auparavant toujours dans ma tête, je me pendis à son cou et le remerciai d’une embrassade, me sentant débarrassée de deux poids : un inutile sur mon crâne et l’autre, pesant, dans le cœur.

Quand il sortit de la salle-de-bain, je me plaçai devant la glace pour m’observer plus en détail. J’entortillai une mes mèches autour de mon doigt, mes yeux dans ceux de mon reflet. Ils avaient une lueur brillante, ce côté rieur qui apparaissait quand ma timidité s’en allait. Un bouton était apparu à côté de mon nez comme si de rien était. *Oh, et puis zut, je m’en contrefous. ‘Y va pas gâcher… ma journée*

Je secouai la tête, lâchai mes cheveux et sautai du tabouret sur lequel je m’étais placée pour sortir de la pièce.

*Merci Papa*

Très chère camarade de rp, sache que je suis vraiment désolée du retard pris pour lancer... Ah mais j'suis bête, j'écris seule.

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22 juil. 2021, 20:10
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 

T’sais… Tu m’as beaucoup manqué cette année. C’tait dur d’être loin de toi, de pas pouvoir te parler… Ta façon de m’écouter me manquait. De me comprendre. Il y a que toi pour être toujours à mon écoute, supporter tous problèmes, tout ce que je vis, de tendre l’oreille pour tout emmagasiner sans rien dire, sans me juger, sans le répéter à personne. En qui je peux avoir confiance, plus qu’à toi ? J’aurais tellement aimé que tu puisses venir à Poudlard. « École pour les sorciers nananana », oui mais, s’en fout ! J’ai besoin de toi, avec moi, là-bas. J’en ai croisé aucun comme toi. Tous sérieux, rigides, occupés par des élèves – et je te parle même pas des élèves. J’me suis faite des amis, hein, faut pas croire. Je t’avais déjà raconté aux dernières vacances. J’adore mes amies ! Mais j’peux pas leur parler comme à toi. Pas tout à fait. Mais pas toutes ! J’suis assez proche de Lydia, par exemple. Avec Lena, on s’est un peu éloignées après décembre et tout ça, mais on discute encore. Et j’adore Charlotte ! Mais toi, t’es un peu différent. Tu comprends hein ? T’es unique, toi. T’es là depuis toujours. Depuis aussi loin que je m’en souvienne. Depuis le Bing Bang ? je lâchai un petit rire, essayant de détendre l’atmosphère. Elle devient pesante, marmonnai-je pour moi-même.

» Je disais quoi ? Ah, oui. J’ai b’soin d’toi, là-bas. Pour… réussir à supporter tout ce qu’il se passe. J’peux pas tout raconter à Maman… je jetai un coup d’œil vers la porte de la maison, inquiète qu’elle n’entende ma conversation. Y’a certains trucs… je baissai encore la voix. Certains trucs que j’peux pas dire, tu vois ? Il s’est passé énormément de choses cette année. De choses… Pas super cool. Des choses « rien qu’à moi », mais aussi dans le château et dans le monde, tu vois ? J’sais pas si t’es super au courant de tout ça. J’pense pas, fis-je en regardant longuement mon ami. J’t’avais raconté, à Noël et à Pâques… Y’a eu… d’abord… l’Urne… T’sais, ris-je, j’ai l’impression que prononcer son nom ici peut apporter les malheurs jusqu’ici. Mais, avec toi, j’crains rien. J’en parle pas avec Maman, c’est… je souris tristement. Tu sais comment ça va entre nous en ce moment. Pas fort, fort…

» Toujours à cause de Papa, ouais. Enfin, en partie. Mais tu t’en doutais, non ? ‘Fin, c’est pas vraiment Papa, c’est… Non, soupirai-je. Faut y aller en ordre. C’est dur d’tout raconter mais… genre… Ouais, j’sais qu’j’suis pas obligée… Mais je pense que ça va m’aider à remettre certaines pensées en… ordre. T’es prêt à tout écouter ? J’veux pas t’déranger avec ces… Nan, ce sont pas non plus des bêtises. Mais tu vois c’que je veux dire, hein ? Tu me connais bien, pouffai-je. Bon. Allons-y.

» L’année passée… Ça, j’ai jamais réussi à t’en parler. J’l’ai évoqué, mais te raconter, non. Ça va pas changer aujourd’hui… C’est… C’est qu’c’est dur, encore. C’tait… Le 28 mai de l’année passée. L’annif de Granny, soit dit en passant. J’pense que c’est là, qu’on commencé tous les… Nan, je me souviens, il y avait eu le bal d’Halloween avant ! Mais j’y étais pas. Et du coup, y’a eu la femme aux flèches, qu’l’est morte dans la Grande Salle. Voilà. Tu sais tout. Et puis, cette année… Tout a commencé avec l’Urne, j’crois. J’étais pas là. J’ai eu d’la chance. Après, apparemment à Noël, y’avait un gars qui avait été… J’sais pas, j’ai pas bien compris. Bref. L’Urne. Elle allait sélectionner quatre élèves à Poudlard pour un tournoi. J’en… J’en tremble encore, ris-je nerveusement. J’essaye de pas penser à ça négativement. Genre, mon rire, c’est un rire forcé, tu sais ? Pour ne pas choisir les larmes à la place.

» À ce moment là, juste avant de Noël, j’avais eu la… En octobre, à Halloween, j’ai croisé Alison, la pote à Lena, ça c’est mal passé. Et en décembre… Action-réaction, tu vois hein ? Je t’avais vaguement raconté… Bon, maintenant… ‘Fin, je m’écarte du sujet, revenons à nos niffleurs.

» Après, en… C’t’ait quand déjà ? En février ? Non, en février y’avait eu… Haha, ça j’t’ai pas raconté, c’était n’iiiimporte quoi ! Des muffins roses empoisonnés pour la Saint-Valentin – BREF je continue. Désolééée, je dévie du sujet.

» Donc, je crois que c’était en mars. Le… La fumée, là. Je t’avais pas dit, en mars ? Non ? Je sais plus. En gros, ce jour-là, la fumée avec les images horrible est apparue… Tu sais, j’ai l’impression qu’à chaque fois qu’il se passe un truc mauvais, en général, genre dans le château, et que ça plombe toute l’ambiance et tout, toutes les mauvaises choses dans ma vie me reviennent à la figure. Tu comprends c’que je veux dire ? Genre que ça m’a fait penser à tel truc, qui m’a fait penser à tel autre… Papa appellerait ça une boucle infernale. D’ailleurs, Papa était un d’ces trucs…

» Je t’en ai pas déjà parlé y’a deux minutes ? Je sais plus ce que je te dis à toi et ce que je dis dans ma tête… C’est presque la même chose en fin de compte... Enfin… Bref…

J’appuyai mes lèvres l’une contre l’autre et ma tête dodelina jusque se poser sur mon ami. Un petit silence plana ; tandis que je divaguais dans mes pensées, il écoutait l’absence de paroles en respectant le fait que j’aie besoin de réfléchir avant de continuer mon monologue. Je soupirai longuement.

J’sais pas quoi te dire là… J’en ai marre de toujours ressasser ça. C’est chiant à la longue, non ? J’ai marre d’y penser touuuut le temps. J’en ai marre. À Poudlard encore, ça allait, ça me déprimait un peu, un touuut pitit peu, mais je pensais à autre chose, t’vois, puis j’oubliais, ou presque. Mais à Limavady… Je suis tout le temps avec eux. L’autre jour… L’autre jour, tu sais quoi ? demandai-je en me redressant, les jambes croisées. J’discutais de Poupou avec Maman. Normal quoi ! Et là… Papa est entré. On a sursauté, je savais pas quoi faire, quoi dire, puis Maman a commencé un monologue, « c’est une très bonne initiative Eryne, nanani nanana », en inventant un truc pour jouer le jeu devant lui. Moi j’ai totalement bloqué, je me suis tournée vers Papa et je l’ai fixé, j’ai déconnecté quoi. À un moment, M’man m’a posé une question, j’ai même pas entendu, j’étais paaas bien du tout. Et puis… mon regard se tourna vers la maison : personne ne me surveillait mais je baissai quand même la voix. Et puis il a souri, il est parti, sans rien dire…

» J’dois faire quoi, à ton avis ? J’me sens mal, de pas lui dire. J’aimerais… J’ai déjà demandé plusieurs fois à M’man si on pouvait lui dire. Quand j’étais gamine, avant Poupou, à chaque vacances, par lettre cette année… Elle a refusé, toujours refusé… J’ose plus lui demander à force, tu vois ? Toi tu crois qu’je devrais lui demander ?

Je ramenai mes jambes contre moi et les entourai de mes bras.

Tu crois que c’est mieux ? T’es sûr ? Moi j’sais pas, je… J’ai peur que… je soupirai et me détachai de ma position fœtale. Que quoi en fait ? J’sais pas. Toi tu sais ? Tu sais souvent c’est quoi mes problèmes, toi. C’pour ça que j’ai besoin de toi. T’en dis quoi toi ? J’en discute avec M’man ? Hum ?

Je fermai les yeux, effrayée par l’idée de me rendre à l’évidence. Il avait raison. Il fallait que je lui parle. J’étais plus grande, peut-être que si je parlais autrement, formulais autrement…

Ouais, j’vois, y’aurait plus de chances quoi ? T’as raison. Comme toujours. Mer… Ah, et ouais, j’te tiendrais au courant ! Je reviendrai te dire comment ça s’est passé. En détail. Tu seras aux premières loges ! Promis ! Je stresse un peu mais… Ouais, j’sais. Aucune raison d’stresser ! Haha, merci d’m’avoir écoutée. J’espère ne pas t’avoir saoulé, hein ?

Je me levai et frottai ma jupe.

Beurk, l’herbe a laissé des traces dessus… J’vais aller la mettre à laver. En tout cas, c’tait trop chouette de te parler, te dire tout... ça. T’as raison, maintenant que je suis à la maison, je m’occupe des affaires de la maison, à Poudlard, des affaires de Poudlard. Chaque chose en son temps ! Bref… J’reviens vite de voir, promis. Tu me manques trop sinon ! Faut profiter du temps qu’on a ensemble avant que je retourne au château.

» Allez, bisouuuus. À bientôt !

Je posai ma main sur le tronc de l’arbre comme salut et m’éloignai de mon ami le Lilas, un sourire nerveux aux lèvres. Je savais ce qu’il me restait à faire…

Eryne, ou la fille confuse qui parle aux arbres :ninja:

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25 juil. 2021, 18:57
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 

Rosy’s petals n’avait pas changé depuis la dernière fois que j’étais venue. La même façade en briques dans un coin reliant deux rues, la même porte transparente. Les mêmes grandes vitres à chacune des façades, depuis lesquelles on pouvait apercevoir des étagères et étagères de plantes. Le trottoir devant le magasin était suffisamment large pour que Maman puisse y disposer des pots et grands bouquets à l’entrée, et même un petit arbre d’une trentaine de centimètres, d’une espèce inconnue.

En poussant la porte aux bords de bois blanc, un bruit de clochettes tintait ; doux son caressant les tympans. Et il suffisait d’avancer d’encore un pas pour que toutes sortes d’odeurs assaillent votre odorat… Reconnaissable entre mille : le parfum régnant chez un fleuriste. Le mélange des plus douces senteurs que l’on pouvait sentir. Je pris une grande inspiration, savourant les jasmin, fleur d’oranger, lavande, narcisse… Home, sweet home. S’en suivait ensuite un espace qui aurait pu être grand, dans un univers parallèle. Ici, l’espace disponible était constitué d’un couloir sous lequel crissait le parquet, menant jusqu’un comptoir en bois. Cette voie était délimitée par des pots plus ou moins grands. Celleux qui ne s’étaient jamais rendu à la boutique pouvaient penser que la pièce n’était pas organisée – ha ! Ils n’avaient même pas vu l’arrière-boutique – mais ce bazar faisait le charme de l’endroit.

Ce désordre, on apprenait à s’y repérer, s’y retrouver, le traverser pour en ressortir avec le sou-hait du client. Tout ce fouillis était même, en réalité, simple à comprendre. Cinq espaces com-posés de différentes sortes de marchandises étaient séparés par des lignes (imaginaires) et, sur les rebords de fenêtre, se trouvaient quelques pots joliment présentés, pour les adeptes du lèche-vitrine. Sur la fenêtre 1, on vouait un culte aux énormes bouquets multicolores et riches en sen-teurs. La fenêtre 2 servait à exposer les fleurs de saisons ou pour les fêtes et, la troisième, comportait des cactus de différentes formes et tailles. D’ailleurs, les cactus étaient les plantes favorites de Papa. Peut-être pouvais-je lui en rapporter une, pour la poser dans son bureau ?

Finalement, en arrivant au comptoir, on distinguait une chaise de jardin posée sur le côté, pour des client.e.s *vieilleux* – ou « impatient.e.s », comme les appelait Maman. En contournant le bloc de bois, un ordinateur, un planning et des étiquettes à accrocher sur les pots traînaient dans – cette fois-ci – le désordre le plus complet. Derrière ce bureau, un mur – pratique pour afficher l’horaire, un calendrier décoré de plantes, un poster sur le langage des fleurs et des pousses séchées – et un rideau – arrière-boutique – fermaient la pièce.

Assieds-toi, m’indiqua ma mère en montrant la chaise des impatient.e.s, me sortant de ma rêverie.

J’peux pas aller de l’autre côté ? demandai-je, me référant à ce qui se trouvait derrière le tissu rouge.

Après. Je veux pas que tu mettes le bordel, soupira-t-elle.

*Comme si tu l’avais pas mis toute seule* Je m’avachis sur le siège, une boule à la gorge. J’avais prévu de parler à Maman *aujourd’hui*. Depuis ma discussion avec Lilas, je n’avais cessé de repousser le moment car, oui, j’en avais eu l’occasion plusieurs fois ! Mais je n’y étais jamais parvenue. Rosy’s petals était en vrai cocon de confiance, un endroit que je partageais avec Maman. Lorsque j’étais plus jeune, après l’école, je me rendais faire mes devoirs ici. Enfin, plus précisément, je m’installai sur le côté du comptoir, par terre, et je griffonnais sur mes feuilles de cours, ce qui attirait les regards de la majorité des client.e.s. Et, quand personne ne demandait l’attention des employé.e.s, Rosy et Fred s’asseyaient à côté de moi pour m’aider. Quand aucun des deux étaient là, c’était l’attention de Maman qui était entièrement rivée sur moi, « sa toute petite botaniste en devenir ». *Je riais. Quand elle me disait ça. Je riais*

Sans compter que c’était le seul endroit entièrement dépourvu de Papa. À la maison, même quand il sortait faire les courses, sa présence régnait dans toutes les pièces. Dans le jardin. Près du Lilas. Des ruines de la balançoire. De la porte. La maison, était à nous trois, et je ne pouvais plus envisager de parler de ça à Maman à cet endroit. Donc, retour à la case départ : la boutique.

Les vacances étaient un moment assez tranquille dans les magasins – du moins était-ce ce que je croyais. Je n’eus pas un instant pour essayer de lui parler. *Surtout que tu prends dix minutes à ouvrir la bouche, quinze à blablater pour ne rien dire, cinq à amener le sujet et… oh, un client, un instant Eryne* Et quand je réessayais, après le départ de ladite personne *faut évidemment que Fred ou Chloé arrive*. Et quand, pour l’énième fois, j’ouvrais la bouche, un « Attends Eryne, je finis ça et on rentre manger » me coupait net dans mon élan.

Néanmoins, aujourd’hui était le jour. Il le fallait ! Je ne pouvais plus supporter la pression du regard de Papa sinon. Aujourd’hui, il fallait que je parle.

M’man ? silence. Maman ? Maaamaaaan ? *Faut croire que le téléphone rend sourd. « Réessayez plus tard »*

Elle se réveillait au son du clarillon, et la boucle infernale reprenait… Tais-toi Eryne tais-toi Eryne tais-toi Eryne tais-toi Eryne, jamais je n’aurais l’occasion de lui parler. Et la vieille dame avec son chien qui faisait tomber le pot, et Eryne va nettoyer les restes, et les employé.e.s qui se ramènent, et la pause midi qui arrive, et je suis occupée Eryne laisse-moi et et et *STOP*

Je n’avais pas réussi à le lui dire les derniers jours.

M’man, j’aimerais te… *Oh* je rougis. *On a osé* J’aimerais te… t’parler, murmurai-je.

Ça peut pas attendre ? *HA ! Trop beau pour être vrai* elle baissa ses yeux vers moi et je vis ses sourcils se froncer en me voyant dans cet état, avant de changer totalement d'expression. Je t’écoute.

Une inspiration me suffit pour tout déballer. « C’est sérieux, M’man » J’avais envie de m’enfoncer dans ses bras, pour pleurer. « Tu m’écoutes pas… » Mais je me souvenais de ses lettres. À chaque fois les mêmes réponses… Allait-elle me laisser finir ? « Steuplé M’man » Ce regard, encore ce regard. Je savais ce qui allait se passer. « Mais m’engueule pas… »

Et ça y était. Elle m’engueulait. « Mais non, je t’engueule pas ! » Me faisait la leçon. « Je t’explique » Encore. « Tu me demandes toujours la même chose » *Encore* « Donc je te réponds la même chose ! Allez Eryne » Faisant les gros yeux, je fermai mes lèvres en une grimace mécontente. Et blabla, et blablabla, et qu’elle continuait, et qu’elle ne se taisait pas, et que j’étais irresponsable, rien qu’une gamine irresponsable qui s’imaginait vivre dans un monde où tout le monde était coupain-coupain, et BLABLABLA *qu’elle se taise qu’elle se taise qu’elle se taise*.

Je savais qu’elle m’en avait déjà parlé ! Je n’étais pas débile ! Mais si j’insistais, c’était qu’il y avait une raison ! Pourquoi ne voulait-elle pas m’écouter ? *Pourquoi elle me comprend pas bordel !* Et elle continuait à parler, parler, parler, parler dans le vide, répéter sans m’écouter, prendre cette voix calme et froide pour souligner sa colère, pour répéter que je fasse pas ma gamine pourrie gâtée et *TA GUEULE* !

Je fermai les yeux, pour ne pas qu’elle voit qu’ils étaient remplis de larmes. Je ne voulais pas de sa pitié. Je ne voulais pas qu’elle me dise « allez c’est pas grave », qu’elle me prenne dans ses bras pour me dire que l’on allait parler d’autre chose. Je voulais juste parler à Papa ! Parler à Papa ! Je soufflai longuement pour m’éviter d’éclater en pleurs. Je ne voulais pas lui montrer. Je voulais qu’elle comprenne. Mais sans des gouttes d’eau au bout de mes yeux. Qu’elle comprenne bordel !

Mais celle qui continuait ses reproches prit mon soupir par de l’exaspération. *Et v’là qu’elle crie plus fort, encore plus fort, encore plus fort…* « Je crie pas ! » J’ouvris les yeux, pour les planter loin derrière elle. Cette pile de livres par exemple. Le dos était vert émeraude. *C’est une belle couleur* Des mots dorés étaient gravés dessus. Nos amies les plantes. Une petite étoile indiquait le numéro du tome. 1 à 3. C’était joli, le doré, aussi. Certaines fleurs avaient cette couleur. Les boutons d’or par exemple ! C’était joli, les boutons d’or. Selon l’écriteau au-dessus, ça voulait dire « joie ». Tout ce que je sentais maintenant, hahaha.

Ce fut la clochette qui me sortit de mes pensées. *Pffff, un.e autre* Maman se tut *elle parlait encore ?* et fronça les sourcils.

On en parle après.

Sa main décoiffa mes cheveux et je sautai sur mes pieds pour contourner le comptoir. J’ignorai le nouvel arrivant et la gérante de la boutique pour me précipiter sur l’ouvrage au sommet de la pile. Le bouquin émeraude et doré, le bouquin qui parlait de nos amies les fleurs et des boutons d’or de la joie. Le bouquin qui me faisait oublier les *conneries* de ma mère. Si j’étais à Poudlard, je me serais réfugiée dans le parc, près du Lac. Ou à la biblio’. Peut-être même dans l’une des serres. Ou surtout dans les dortoirs. Oui, dans les dortoirs. Je n’étais pas au château… mais j’avais mes propres dortoirs.

Eryne ? m’interpella-t-elle encore quand je fis tinter le grelot.

J’rentre à la maison !

Il n’y avait rien de plus satisfaisant que de claquer une porte.

* @Alison Morrow, le dictionnaire de traduction se trouve dans le hibou du 1 nov. 2020, 16h46 :grin:
Dernière modification par Eryne O'Kieran le 13 août 2021, 15:06, modifié 1 fois.

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25 juil. 2021, 19:24
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 
RIEN QUE NOUS | 19.07.46

Tu peux inventer toute sorte d'histoire en regardant les détails autour de toi ! Les meilleurs romans sont écrits de cette façon ! Tu me crois pas ? Alors... Et cette femme, là ? Elle regarde son téléphone, porte un grand chal rose en plein été...

Il baissa la voix avant que l'on salue l'intéressée en même temps, main dans la main. Une fois l’inconnue passée, il me regarda du coin de l’œil, en riant. Je lui rendis son sourire.

Eh bien, rien qu'en voyant ça, tu peux t'inventer... touuuute une histoire ! Regarde aussi ses talons, murmura-t-il en se retournant. Le droit a l'air cassé. À moins que ce soit son pied qui est cassé ? Mais pourquoi ?

Je pouffai.

Après de longues réflexions et quelques actes désintéressés, j’étais heureuse de savoir que ça faisait presque deux semaines *le 6 juillet* que nous étions enfin un père et une fille digne de ces noms.

Ce jour-là, j’avais été réveillée par un bruit de porcelaine cassée. Encore à moitié endormie, j’avais bondi de mon lit, songeant immédiatement à la dernière fois que j’avais entendu ce genre de son : le chat des voisins s’était arrangé pour entrer et faire tomber un des vases préférés de Maman.

Les volets de ma chambre encore fermés, je tâtonnais la poignée de la porte pour sortir. Le couloir était illuminé par les fenêtres du salon, où, à ma grande surprise, je vis Papa s’occuper de balayer le sol.

P’pa ?

Eryne ! sourit-il. Je t’ai réveillée ? Toutes mes excuses… Je viens de casser le pot de Joséphine. L’hortensia de Maman, indiqua-t-il devant mon air ahuri. J’en connais une qui sera de mauvaise humeur le reste de la journée…

Il ramassa les décombres de la plante et ouvrit la porte, avant de se tourner vers moi. Je clignai plusieurs fois des yeux, m’accommodant au soleil passant par la porte, et le fixai. Il était déjà tout habillé, d’un short et un T-shirt qui lui donnaient un air décontracté. Trop décontracté. Mon paternel semblait presque figé, les restes du pot dans un sac et l’autre main tenant la poignée, sans se décider à rentrer ou sortir.

Hum. J’allais courir ; tu veux…

Tu cours ? je clignai des yeux plusieurs fois de suite. Je savais que Papa sortait courir les week-ends quand j’étais petite, mais quatre ans étaient passés et…

Oui, tous les jours… Tu veux venir ?

Je fermai les yeux, le choc des années lumières nous séparant devenant trop grand. Tout cet éloignement avait provoqué que je ne connaissais plus mon propre père. Non seulement il ne me connaissait plus mais il était aussi un inconnu pour moi. Je lui écrivais que très peu, et des lettres remplies de phrases inutiles, sans même lui raconter mes journées, un *putain* de statut de sorcière nous séparant neuf mois de l’année. Sa gêne apparente me confiait que les mêmes doutes traversaient ses pensées et une nouvelle onde de culpabilité serra ma gorge.

Je hochai la tête et son visage devint aussi brillant que le soleil dehors.

*Encore. « Tout le pouvoir réside dans ta voix, Ryryne »*

Dix minutes plus tard, nous étions sur le perron de la maison. Il avait retiré ses lunettes tandis que j’avais enfilé des baskets, contrairement à mes habituelles bottines. Il m’expliqua brièvement le trajet à emprunter et hop ! c’était parti. Je trottinais sur le trottoir derrière lui ou sur la route quand le faible passage de voitures le permettait, contrôlant mon souffle comme il venait de me l’expliquer. Mais ses recommandations ne servirent pas longtemps et, quelques minutes plus tard, je m’arrêtai essoufflée.

Nan ! C’est impossible P’paaa…

Celui-ci se tenait à côté de moi, courant sur place et ne se lassant pas d’encouragements, conseils et ébouriffant mes cheveux. En voyant son regard pétillant, je pris mon courage à demain et reparti avec le plus d’endurance que j’en étais capable, dans l’espoir de le faire sourire. *Check*

Depuis ce jour, on sortait courir tous les matins pendant une demi-heure, avant de rentrer en sueur et se chamailler pour être le premier dans la douche.

Et ce n’était pas tout ! Après l’épisode de notre première course matinale, j’avais tenu à me rapprocher de lui et à rattraper ces mois *presque deux ans* perdus. Je passais lui faire une surprise dans son bureau, parfois surgissant par une fenêtre entre-ouverte, ou on jouait *ensemble* au ping-pong sur la table de la cuisine, improvisant les raquettes avec des poêles et la petite balle en plastique avec une balle de tennis. J’avais même tenu à cuisiner avec lui certains jours ! Il me racontait ses drôles de mésaventures avec ses élèves indisciplinés ou m’accompagnait à un piano à quatre mains. J’étais heureuse d’échanger de nouveau des sourires complices avec lui, qu’il me prenne dans ses bras comme quand j’étais petite et qu’il me dise à quel point j’avais grandi. J’étais enfin…

La voix de Papa coupa mes pensées. Je reportai mon attention sur son flot de paroles ; le temps de mon absence pleine de souvenirs, il avait donné une enfance difficile à la Femme Chal Rose, avant de la transformer en mère de deux enfants, veuve, qui effectue de petits boulots pour des trafiquants. Tout ça avant qu'elle me renverse le patriarcat de la mafia en devenant baronne de la drogue. J'éclatai de rire avant de me replonger dans son imagination débordante.

Quand j'étais petit, je voulais devenir écrivain. Ou scénariste. Ou n'importe quel métier me permettant d'écrire des histoires ! C'était ce que je préférais, me confia-t-il.

<3

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13 août 2021, 23:05
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 
H2O | 30.07.46

PLOUF.

Mes pieds avaient quitté le sol pour se retrouver, à peine une seconde plus tard, entourés de bulles et de remous. L’eau était bonne. J’étais comme enveloppée d’un cocon, une seconde peau fluide me collant aux membres, s’étendant dans tout le bassin. C’était agréable de pousser le courant que j’avais formé de mes bras, battre des jambes pour me rapprocher du carrelage bleu. J’adorais la sensation de maîtriser les éléments comment une super-héroïne : créer des bulles en expulsant l’air par les narines, surgir d’un coup en prenant l’élan sur le sol – deux mètres de profondeur, la remontée était longue –, éclabousser les alentours quand mon corps faisait sa place dans l’eau.

Une bouffée d’air ravitailla mes poumons par mon grand sourire. L’eau était fraîche, l’eau re-froidissait ma peau en dissuadant la chaleur des rayons de l’astre-de-là-haut de me brûler les bras et le visage. Mes jambes battaient l’eau en formant de répétitifs cercles symétriques afin de tenir – en théorie –, le buste à la surface. En pratique, seules mes épaules étaient au contact de l’oxygène. *Le minimum pour pas se noyer*

Le centre de la piscine était dénué d’aoûtien.ne.s, seul.e.s un.e ou deux nageureuses parcou-raient l’espace d’un bout à l’autre. Quelques paires d’adolescentes en bikini étaient assises sur la pierre chaude, mouillant seulement leurs pieds. Quel était le sens de venir jusqu’ici si elles pouvaient faire la même chose chez elles ? D’autres enfants faisaient des courses avant de se jeter comme de grands malades à l’eau. Une chance qu’il n’y ait pas encore eu d’accident…

Être seule ne me dérangeait pas tant que ça. Je pourrais ainsi exercer un peu mes muscles déjà travaillés par les courses matinales et reprendre un peu la forme que j’avais perdue à Poudlard. Et puis peut-être battre mon record de culbutes de l’année passée ? Cinq vers l’avant, ce n’était pas rien ; il allait me falloir beaucoup de pratique. Trois en arrière : il était clair qu’il fallait aussi entraîner ma capacité à l’apnée. *Ouaiiiis*

Mes cheveux trempés gouttaient le long de ma nuque et les pointes étaient plongées à la surface de la mer de chlore. Toujours en battant les abysses de mes membres inférieurs, je réajustai mes lunettes et fis un mouvement brusque de mes pieds. L’élan pris, je courbai mon dos, la bouche ouverte en un O parfait. Ma tête s’enfonça la première, suivie de mon corps en *j’espère* un pont sublime. Presque de la natation synchro’ – le rêve de mes huit ans.

Quelques cabrioles, fantaisies et longs olympiques plus tard, mes mouvements me menèrent vers les escaliers de sortie. Une brasse calme contrôlait mes bras et je me retournai, me laissant flotter. C’était agréable, de mettre ce moment sur pause, être juste posée dans l’eau, le cui-cui des gens et le rire des oiseaux résonnant comme un écho dans l’eau. *Euh non, c’est l’inverse* Je n’avais pas envie de déjà sortir. Je passais un bon moment, seule dans mon océan de tranquil-lité, loin de mes soucis et épuisant mon corps avec satisfaction. Dépenser mon énergie en une activité physique me faisait tellement de bien : je me sentais bien mieux après évacuer ma rage ou ma tristesse, et puis (parfois) m’anéantir était drôle. Si si. Il fallait vraiment que je trouve un moyen de me démener de cette façon à Poudlard. Peut-être une petite nage diurne dans le Lac Noir ? *Nan, quand même pas* Et puis je ne savais même pas si le Calamar Géant mangeait vraiment des élèves. *Ni s’il existe vraiment* Et si c’était seulement une légende pour dissua-der les élèves de traverser l’étendue à la nage ?

Je me permis quelques dernières pirouettes amusantes avant de me hisser en dehors de la pis-cine. J’appréhendais beaucoup le chemin entre les bords de l’eau et le coin où s’étaient installés mes parents, un bon livre à lire ou un jeu de carte ennuyant à finir. La trentaine de mètres de pelouse nous séparant était semée d’embûches et de piège à parcourir. Pour commencer, les dénivelés, les abeilles sur lesquelles on marchait sans faire exprès – et encore, si vous étiez malchanceux.se, c’était une guêpe –, et les serviettes de plage des gens, *avec les gens eux-mêmes, par-dessus le marché, pffff*.

Et puis, ensuite… Ma hantise, qui me poursuivait dès les premiers pas, qui me faisais avancer comme si j’avais le 28 mai à mes trousses. Toutes ces paires d’yeux. Qui se rivaient sur moi à mon passage. Tout ces gens de mon âge, parfois plus âgés, dont le regard partait de la racine de mes cheveux et se baissaient jusque mes pieds. Ces petits sourires en coin. De moquerie ? D’empathie ? « Qu’elle est pas bien foutue la gamine. » Ce picotement dans la nuque, ce signe qu’iels me surveillaient encore après mon passage.

Et puis, comment iels étaient…

Je voulais être comme elleux. Comme elles.

Je ne l’étais pas.

Je n’étais pas ce genre de mannequin, les cheveux toujours lisses, comme s’ils venaient d’être lavés avec le même shampoing que dans les pubs. Le visage parfait, la peau lisse, sans une trace, pas une cicatrice d’une chute d’il y a quelques années, même pas quelques boutons ou marques qui voulaient dire « je grandis ». Une poitrine de Grande, un bikini décolleté, un bas de maillot qui ne couvrait rien. Des jambes longues, pas un kilo en trop, pas dix centimètres en moins. Les gens comme ça, ce n’était pas censé exister.

Leurs regards, encore moins.

Ni leurs rires, leurs sourires, leurs mots, le petit rictus qu’iels m’affichaient quand je passais. Leurs attitudes de Grand.e.s, les insultes qu’iels se lançaient, les ballons remplis d’eau qui atter-rissaient sur les autres.

Je ne voulais pas être comme elleux.

*Je sais pas*

Parce que je ne voulais pas être différente, pas sortir du moule, pas me sentir exclue, pas attirer les regards, pas sentir le picotement dans la nuque, pas être une sorcière et n’être au courant de plus rien, *ni de l’actu, les habits, la musique, les expressions, la mode*

Je me sentais différente, et je n’aimais pas ça.

Je me sentais moins, je me sentais trop ou pas assez, je me sentais comme-ça ou comme-ci ; je me sentais autant, davantage et encore ; beaucoup, presque, pas. Je me sentais peu, je me sen-tais très, je me sentais aussi, ainsi, plus *dans les deux sens* ou tant.

Je me sentais.

Pas comme elleux.

Alors je marchais bien droite, le maillot deux-pièces qu’avait tenu à m’acheter Maman me dé-voilant beaucoup trop à mon souhait. Poser une jambe par terre, poser l’autre, avancer. Rentrer le ventre, gonfler la poitrine. Ou plutôt, croiser les bras devant, la cacher des visions, la faire disparaître. Ou encore, étendre les bras, les plaquer contre mon corps, mes aisselles bien collées et tous les muscles tendus. Continuer à marcher. Bien lever la tête, mais sans sourire. Sans avoir l’air contrariée non plus. Plutôt une moue de confiance… de confiance en moi. *Ce que j’ai pas du tout* D’estime. Comme si je savais que j’étais à leur niveau, que j’étais comme elleux, que j’avais une bande de *potes* qui m’adoraient, avec qui je trainais dans les parcs le soir ou avec qui j’allais à la piscine pour raconter ma vie.

J’atteignis la serviette de mes parents et je faillis m’écrouler de soulagement. Mais je ne pou-vais pas, je ne pouvais pas, je ne pouvais pas. Il fallait que je garde la face. Que je m’assois avec délicatesse. *« Père, Mère… »* Le ventre bien rentré, bien plat, ne pas faire de bourrelets. Les cheveux sur mon épaule gauche, le regard bien vers l’horizon. Sourire énigmatique, sourire confiant. *Tout va bien*

Ça va ? je sursautai, en panique à l’idée que Maman aie compris ce qu’il se passait entre mes deux oreilles. L’eau était bonne ?

*Aaah*

Oui oui, c’était super.

Tu as bien pu nager ?

Ouais.

Elle comprit que j’étais fermée à tout demande de conversation quand je me levai, perdue dans mes pensées. Parfois, je me demandais si ce n’était pas moi qui exagérais, qui imaginais les yeux posés sur mes courbes naissantes. Et puis je me disais que non, que ces petits rires arri-vaient vraiment jusque mes tympans, que ma vue apercevait bien les prunelles des autres se dévier un peu vers moi. Et ça me dégoutait. Des autres, de moi-même. Et je saisis la serviette pour y enrouler l’objet de tous les regards.

Nager était plus drôle.

Heureusement que j’avais des plans pour intéressants pour la fin d’après-midi.

Que rajouter... Si ce n'est que : gardez vos yeux chez vous :roll:

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19 août 2021, 17:55
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 
TW : animaux morts / viande

RÉPÉTITION | 31.07.46

Et iels parlaient, parlaient, moi je fixais le fond de mon assiette, poussant sans envie la viande du bout du couteau. Alors qu’iels discutent de politique, économie, ou je sais plus quoi, je m’ennuyais profondément, d’une mauvaise humeur que je n’arrivais pas à ôter. L’ennui était tel que des pensées que je n’avais jamais eu auparavant s’emparaient de mon cerveau. J’imaginais le petit lapin qui n’avait rien demandé, et surtout pas se retrouver dans mon assiette. Puis mes pensées divergeaient, je finis par visualiser tous ces animaux dans les macros-fermes, tous ces animaux épuisés, à moitié morts. Et tout ça, pour quoi, pourquoi, pour qui ? Ces pauvres bêtes dans le couloir de la f*a*in*m*, selon les dires des adultes autour, pauvres bêtes à qui on enlève tout, la peau aux tripes, le lait aux graisses, les œufs aux petits.

Pour se retrouver entre une fourchette et un couteau. Dans une assiette. Et être avalés. Vulgaires morceaux de viande ou de poissons.

Et moi. Qui les gobais, les mâchais, les digérais depuis toutes ces années sans y penser. Ça me dégoûtait.

Je déposai mes couverts, les poussai vers le centre de la table – mais la discussion, trop intéressante pour elleux, ne s’arrêta pas. Ce n’était pas non plus un problème. Je me levai, écartai ma chaise sans un mot de plus.

Eryne !

C’était presque une interrogation.

Plus faim.

Ma voix était morne, sans envie, sans rien. Qu’est-ce qui m’arrivait *encore* ?

J’reviendrai pour débarrasser.

Je les sentais bouger, se lever, m’ordonner de… pas maintenant.

J’ai besoin d’être seule. J’reviens… J’reviendrai pour débarrasser et ranger, promis !

L’argument avait dû être décisif du côté de Papa, mais Maman ne voulait pas abandonner la partie. Je pouvais maintenant courir jusque dans ma chambre, m’enfermer, les laisser régler le problème entre elleux et entendre ma mère s’exaspérer. Mais je ne voulais pas, j’étais comme fatiguée de tout et de rien, je ne voulais pas les entendre crier et s’énerver, *j’ai besoin de calme et de silence*.

S’il te plaît, M’man.

Moi qui m’attendais à la voir soupirer et s’énerver, je fus surprise quand elle se leva et s’approcha pour m’attirer vers elle. Que… Quoi ? Pourquoi ? Je voulais juste quitter la table et retourner dans la chambre ! Je ne voulais ni de son étreinte ni des questions qu’elle me posait à l’oreille. Je me séparai d’elle et m’éloignai de quelques pas.

S’teuplé.

Je détournai les yeux pour éviter son regard. Serait-il blessé ? *J’voulais pas être méchante, M’man. J’veux juste… Je sais pas* J’étais bizarre. J’avais envie de rien. Je tournai les talons pour me confiner entre mes quatre murs préférés. *J’suis bien, ici* En face de moi et sur le mur de droite, de grosses gouttes de pluie s’écrasaient contre les carreaux d’un bruit sourd. Un bruit sourd tellement relaxant… Je refermai la porte derrière moi pour m’approcher de la fenêtre. Le contact de la vitre contre ma paume était froid mais agréable.

Je me hissai sur mon bureau pour actionner la poignée et ouvris les battants. Une vague d’air chaud balaya mon visage, accompagnée de l’eau, mais ça ne me fit pas reculer. J’avais l’habitude. Je repliai mes genoux vers moi avant d’étendre les jambes du côté du jardin, assise sur le rebord de la fenêtre.

*…*

J’aimais les orages d’été. Le bruit incessant de l’eau sur le sol en béton ou dans le jardin, tapant le toit ou les parois de la maison… J’aimais bien. J’appuyai la tête sur la surface rugueuse du mur à gauche et fermai les yeux. Sentir les petites perles transpercer le tissu de mon habit ne me dérangeait pas, d’ailleurs, ça changeait de la chaleur extrême des derniers jours. Le ciel était comme un être humain, finalement. Il pouvait être joyeux, ensoleillé. Il pouvait illuminer la terre en contrebas de ses rayons. Il pouvait parfois se recouvrir de nuages, fatigué, puis partait se coucher, laissant place à un astre blanc. Mais il finissait toujours par exploser. Toujours. Comme si la tension des disputes avec sa mère, des mensonges à son père, de la solitude, l’absence de ses amies, l’ennui, la fatigue ; comme si tout s’additionnait pour être exprimé avec des traits de lumière, des rugissements, des larmes, puis le calme.

Les éclairs, le tonnerre, la pluie, puis les flaques d’eau à la surface tranquille.

Quand allais-je exploser ?

*Hahaha*

J’avais une âme de poète finalement. Il fallait que je note ça. C’était joli comme pensées, j’en étais presque fière ! Je me retournai pour aller chercher dans une valise un petit cahier noir. C’était celui que j’avais sélectionné avant de partir à Poudlard comme confident – même si je n’avais jamais été très motivée à le remplir. Je le feuilletai. Même pas un quart des pages avaient été marquées à l’encre. J’y avais écrit, angoissée à la rentrée, vidée par l’éloignement de mes parents, triste après une dispute avec Lena. Et j’y avais dessiné, au crayon noir, une énorme boule, un énorme n’importe quoi noir. Mon doigt parcouru la feuille jusque la date, griffonnée en bas à droite. 29 mai. *2045*. C’était mon premier cauchemar.

J’avançai jusque bureau et sélectionnai un stylo-plume après avoir ouvert un nouvel espace blanc. *Poème sur l’orage d’été – ou pensées cheloues*

C’était plus facile de tout noter dans ma tête que dans cet objet. Et moins long, aussi. Trois lignes plus tard, j’en avais déjà marre. En plus, quelques gouttes de pluie s’étaient infiltré jusque mes mots, ce qui rendait mon écriture presque illisible. Pfff. Je lâchai mon stylo et relevai la tête vers la fenêtre grand ouverte. Mon reflet semblait vouloir me tuer des ses prunelles – sans être pourtant énervée. Mais qu’est-ce qu’il m’arrivait, là ?

Je levai la main pour effacer les traces des gouttelettes sur l’épaisseur transparente. C’était fou ce que j’avais changé pendant cette année. Les cheveux plus courts et moins en désordre rendaient bien ; ils me grandissaient presque. Je ne les avais pas eu aussi courts depuis belle lurette. Maman et Papa avaient été surpris en me voyant voir arriver, à King Cross. « Mais qu’est-ce que tu as changé ! » Tous les vielleux de la famille disaient ça. Mais avec elleux… C’était différent. L’admiration dans leurs regards m’avait fait sentir que j’avais vraiment changé. Et pour marquer le coup final… J’écartai mes cheveux en les plaçant derrière mon oreille. Une boucle noire perçait le lobe. Le contour était un peu rouge, mais selon la dame de la clinique à Londonnery, c’était normal. Ça ne faisait qu’un jour, après tout.

Mes parents m’avaient offert deux petites planètes en argent, à enfoncer dans mes oreilles après trois mois. Pourquoi attendre autant ? J’étais trop impatiente pour ne pas changer de bijoux jusqu’en octobre. Le 30 octobre, précisément. Juste avant Halloween ! Drôle de coïncidence. J’avais hâte ! Tout était parti d’une blague avec Lena. Blague qui avait dégénéré jusque vrai projet… On devait toutes les deux se percer les oreilles pendant les vacances. Je lui avais écrit le soir précédent pour lui annoncer la bonne nouvelle : j’avais hâte de lui montrer le grand changement ! Et à Lydia aussi. Qu’allait-elle en penser ? J’espérais qu’elle aimerait.

Eryne !

Papa me sortit de mes pensées, toujours depuis la cuisine.

On range !

J’avais presque oublié ma promesse. Je soupirai.

Je n’avais pas hâte d’aller jusque la salle à manger. Alors que Maman partirait sans me dire un mot, *vexée*, je savais que, lui, allait me surveiller de ce petit regard, réprobateur mais pas tout à fait, plutôt… préoccupé. Il ne me dirait pas grand-chose ce soir, mais demain matin, dès qu’on sortirait et qu’on commencerait notre course, je sentirai son inquiétude. Et lors de notre petit *loooong* arrêt au rond-point rose, comme j’aimais l’appeler, il me demanderait si ça allait. « Oui » – car c’était une question rhétorique. « Et hier soir, il s’est passé quoi hier soir ? »

Ce serait long d’expliquer que je ne savais pas. Que je me sentais fatiguée sans être fatiguée ; que j’avais la flemme de réfléchir, de parler, de bouger, de manger, que j’étais… vide d’énergie. Mais sans être fatiguée. Bref, c’était pas clair.

« J’étais fatiguée. » Je ne savais pas si cette phrase allait le convaincre. Certainement pas, mais il hocherait la tête, le feu passerait au vert, et nous voilà repartis dans la deuxième partie de la course. Mais *p’têtre même que*, au prochain arrêt, j’oserai élever la voix, sans à peine lui jeter un regard pour lui apprendre que « j’aimerais d’v’nir végétarienne ».

Mais pour l’instant, je devais ranger la cuisine.

J’arrive !

Apathie. Ça s'appelle de l'apathie, Ery :grin: Pas marrant hein ?

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02 sept. 2021, 14:21
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 

Les constants bip-bip de la caisse résonnaient dans mes oreilles comme une agréable musique. La musique du changement, la musique de Grand.e.s… Mais pas l’affreuse musique à en déchirer les tympans qui sortait des hauts-parleurs du magasin. Il y avait vraiment des gens pour écouter ça ? *Mais où va le monde*

Le vendeur énonça le prix à Maman, qui sortit une carte de son porte-feuilles. *Porte-cartes ?* Mais oui, pourquoi appelait-on encore ces pochettes porte-feuille ou porte-monnaie ? La plupart des adultes que je connaissais n’emportaient pas avec elleux des billets – et encore moins des pièces de monnaie –, mais seulement ces petites cartes électroniques avec lesquelles on pouvait tout faire.

En poussant la porte de la boutique, elle me lança un sourire discret.

Alors ? Contente ?

Ohlala ! Trop !

Je sautai à pieds joints de la marche en dessous de la devanture et accrochai mon bras à son coude. Les moments passés ensemble étaient presque rares ; et ceux sans s’adresser un regard de travers ou se fâcher n’avaient presque plus lieu. J’évitais les face à face avec elle et toutes les conversations qui ramenaient mes pensées vers les secrets, *toujours les secrets*. Alors, pouvoir profiter d’un moment comme ça, léger, sans *y* songer, en s’amusant… Je ne voulais pas louper l’occasion.

J’adore les chemises ! Surtout la bleue. Je trouve que le col est trop beau. Et j’aime bien qu’elles soient toutes graaandes !

Je savais que c’était l’inconvénient prioritaire – selon ma mère – de mes nouveaux goûts vestimentaires. « Cette chemise est trop longue ; les manches font deux fois ta taille ; voyons Eryne, ce T-shirt fait du M ! » Elle trouvait que rien n’allait, je le voyais dans son regard… mais dès que je lui avais bien fait comprendre que c’était ce que j’aimais, je n’entendis plus aucun remarque – ce fut d’ailleurs elle qui me proposa la chemise blanche à carreaux, qui pouvait tout aussi facilement être utilisée avec l’uniforme. *Parfaite*

Mon goût pour ces hauts trop grands c’était développé grâce à Granny, et le cadeau qu’elle avait apporté en venant à la maison. D’abord avec surprise, devinant du tissu sous l’emballage en papier kraft – *c’est pas son genre d’offrir des habits* –, mais après impressionnée. J’avais tout de suite enfilé le grand T-shirt noir, qui scandait sur un fond enflammé : « We are the granddaughters of the witches you could not burn ».

À double-sens, fit ma grand-mère avec un clin d’œil.

• • •

P’pa ?

Il releva les yeux de son livre en baissant ses lunettes et je lui offris un sourire nerveux. Depuis le temps que cette idée de me trottait dans la tête et voilà un bon quart d’heure que je fixais le vide, sans me décider à ouvrir la bouche…

Oui ?

C’était le moment.

T’crois… ‘Fin… J’aimerais bien adopter un animal quoi.

*Silence* Mon regard s’éloigna rapidement pour faire un tour du terrain entourant la piscine plein-air. Je ne m’étais pas baignée, aujourd’hui, je n’avais pas la tête à ça. Une certaine angoisse me serrait le ventre depuis ce matin, depuis la discussion avec Granny. Je lui avais chuchoté mes doutes et mes peurs par rapport à Maman, et elle m’avait réconfortée… Et puis, la relecture de mon journal – *pourquoi, mais pourquoi* – m’avait amenée à me souvenir du 20 et du 28, de la rentrée et de vieux problèmes avec mes amies.

Et mon moral s’était écroulé.

Euh…

C’était fou à quel point un petit mot, une petite pensée, une discussion, une évocation discrète pouvait faire basculer mes idées pour le reste de la journée. Pouvait m’ôter un de mes petits plaisirs – stressants loisirs. Et tout ça, pour quoi finalement ? Pour rien, au cas où vous vous posiez la question.

Eh ben…

Je ne savais pas si Granny en avait parlé à sa fille. Peut-être pas. Sûrement pas. Je lui avais demandé de ne pas le faire. Et, de toute façon, elle en avait pas eu l’occasion. Pendant le repas, j’étais là, pendant la sieste, elle dormait, le trajet jusqu’à la piscine, j’étais là, et maintenant, elles faisaient toutes les deux des longueurs. Et si… Et si elles étaient en train d’en discuter, là, tout de suite ?

Enfin je veux dire, oui, pourquoi pas ! Il faut voir… Tu veux l’amener à l’internat ? Je veux dire… Si…

C’est autorisé. Genre on peut avoir des animaux ! Lena elle a un chat. *Charlotte, un hibou* Et Lydia, une grenouille !

En parlant de Lydia : j’avais reçu une offre très sympathique de sa part. Il fallait que je soumette sa proposition aux parents… Mais chaque chose en son temps.

Une grenouille ? Eh ben… Tu veux une grenouille, toi ? je secouai la tête de droite à gauche, laissant échapper un petit rire en voyant son air perplexe. Une grenouille… Bon, alors… Je pense que ça devrait être possible… Enfin, il faut en parler avec ta mère et…

*Ta mère*

• • •

Blanc. Tout était blanc. Un blanc cassé – ou blanc crème, je ne me souvenais plus du nom –, un blanc pur et uni, un blanc par trop éclatant mais quand même sympathique. C’était ce genre de blanc agréable aux yeux, ce blanc que l’on pouvait voir sur une étendue d’onze mètres carrés sans se fatiguer. Un blanc de temps en temps interrompu par une petite tâche ; mais on n’y faisait à peine attention, tant l’attention portée sur cette œuvre était grande.

Blanc, tout était blanc.

Blanc, le plafond de ma chambre était blanc.

Blanc, je m’ennuyais à observer le blanc au-dessus de mon lit.

Blanc, je n’avais plus que cette couleur à la bouche.

Blanc, que l’ennui était grand.

Blanc, qu’est-ce que j’étais douée avec les poèmes quand je m’ennuyais.

Blanc, il fallait vraiment que je trouve quelque chose à faire.

Blanc – *arrête de répéter ce fichu mot !*.

Je me redressai, croisant les jambes sur mon matelas. Depuis combien de temps étais-je là, couchée sur le lit, à ne rien faire ? Je baissai les yeux vers mon poignet droit, et restai interloquée quelques secondes.

Punaise, j’l’ai prêté à Maman…

*Elle peut pas s’acheter elle-même une foutue montre ?* Comment j’allais faire pour regarder l’heure, maintenant ? En réalité, la réponse était très claire – mais n’empêche, la montre, c’était plus facile. D’un air maussade, je posai mes pieds nus sur le parquet froid, contrastant avec les hautes températures estivales.

Sur le bureau, était posé délicatement – *a été jeté rapidement en rentrant*mon téléphone. Espèce d’écran noir portable. Je ne savais pas pourquoi mes parents avaient tenu à m’en acheter un, je ne pourrais l’utiliser que six semaines par an maximum ! Était-ce une vaine tentative de ma mère de me faire passer pour… une ado normale ? *Berk*

Je ne l’utilisais quasiment pas. Enfin, dire que je n’y touchais jamais serait mentir… Je pouvais faire quelques photos avec. La qualité n’était pas mauvaise, bien sûr, mais je continuais à préférer ma vieille caméra polaroid. Le format était différent et… voilà. Sinon, iels avaient aussi réussi à trouver le numéro d’une de mes anciennes amies, avant Poudlard. La fille s’était enthousiasmée quand je lui avais envoyé un message, sceptique… Puis, je m’étais retrouvée avec une dizaine de contacts et un groupe « Filles de primaire ». *Très original*

C’était une bonne horloge portable, aussi.

*15h32*

Je m’ennuyais.

Ça faisait plus d’une heure que je m’ennuyais.

Et je m’ennuyais toujours.

De l’autre côté de la vitre, on voyait un ciel s’étendant au-dessus des toits des maisons et des rues peu goudronnées de mon village.

Bleu. C’était un joli bleu. Un bleu clair, un bleu lumineux, un bleu parsemé de rayons qui pouvaient blesser les yeux trop clairs. Bleu, c’était un bleu changeant selon les humeurs : un bleu tantôt blanc, tantôt gris, tantôt noir, un bleu qui abritait plein d’éclats de couleurs et des beaux arcs-en-ciel de temps en temps. Bleu, c’était un bleu plus limpide que de l’eau, plus clair que mes yeux.

Bleu, le ciel était bleu.

Bleu, je m’ennuyais à observer le ciel bleu.

Bleu…

• • •

Mes mains couraient sur les touches, jouaient avec les sons, flirtaient avec les couleurs. On disait que tout n’était ni blanc ni noir, mais c’était faux. Le piano ne possédait que ces deux couleurs ; une étendue de nuance, certes, mais seulement deux couleurs. Deux couleurs, et quatre-vingt-huit touches – cinquante-deux blanches et trente-six noires –, deux-cent trente cordes, trois pédales, des centaines et des centaines d’accords et des milliers, millions, une infinité de morceaux.

Depuis toute petite, j’avais une passion pour la musique, et Papa soutenait que j’avais une oreille musicale très développée. Mais j’avais aussi une admiration sans limite pour les chiffres, les éternels calculs, les mathématiques et… Mélanger ces deux arts ? Les partitions se transformaient en équations, et les notes en chiffres, sous mes yeux ébahis.

Mais quand mes doigts faisaient tinter la première note, quand mes pieds se préparaient sur les pédales, quand les premières vibrations se faisaient entendre… Je me laissais emporter et j’oubliais tout, que ce soit le clavier ou les nombres, mes peines ou mes soucis, ma joie ou ma bonne humeur. Je jouais, tout simplement, comme je ne pouvais jouer nulle part en dehors de chez moi, comme je ne pouvais pas jouer sur mon piano en carton, comme je ne pouvais pas jouer quand je sentais des regards fixés sur moi ou des voix m’ordonnant ce que je devais faire.

Je jouais, et c’était tout ce qui comptait.

• • •

Maman ? J’aimerais te parler de quelque chose.

Le moment était bien choisi, Papa faisait sa sieste sur le canapé à côté de nous, elle était assise sur un fauteuil en bouquinant je-ne-savais-quel-livre et Granny était sortie faire des courses en ville.

Nan, rien d’grave, fis-je devant ses sourcils froncés. Juste… ‘Fin tu vois, là je rentre en troisième année non ?

Elle hocha la tête et je m’assis en face d’elle, mon sourire grandissant.

Et j’ai des responsabilités, comme tu voulais, genre je fais bien les tâches ménagères à la maison, je t’aide quand tu en as besoin à la boutique, je fais les courses… Et puis aux examens de cette année, j’ai eu des bonnes notes ! Genre…

Eryne ? Tu…

Attends ‘tends ‘tends, laisse moi finir M’man ! J’ai eu des O et des E aux examens de fin d’année ! Genre même en v… *oups : Papa* Même dans les matières où j’ai le plus de difficultés, t’imagines ! Et un seul A ! J’ai travaillé super bien toute l’année en plus, c’est dit dans les appréciations. Rooh, attends, je vais te dire où je veux en venir ! répondis-je à sa moue. Du coup, tu vois, ça fait super longtemps que je veux avoir un animal… Attends, j’ai pas fini ! Et t’avais dit, pas avant la rentrée en troisième. Et je rentre en troisième ! Avec une super bonne moyenne en plus ! Et tu dis très souvent que je suis très responsable. Je suis sûre qu’je pourrais m’occuper d’un p’tit animal…

Je lui dirigeai un air lumineux, très sûre de moi pour la suite.

Je pourrais payer moi-même l’adoption et tout ça ! Tu devras t’occuper de rien ! Et je vais me documenter tout ce que je peux. Genre je peux lire des articles sur mon téléphone, ou des livres aussi ! Et puis, à Pou… ‘fin bref, tu sais dans les cours de… sciences… et dans le parc… y’a des animaux et tout. Et des gens qui s’occupent des animaux. J’suis sûre que, si j’ai besoin, j’peux demander ! J’ai pensé à tout M’man. T’voudrais bien ?

Elle ouvrit la bouche, comme pour me répondre. *Eeeh, attends, j’ai pas fini !*

En fait… Ouii, attends, j’ai encore un truc à dire ! J’ai pensé, et j’crois que j’aimerais bien avoir… Enfin, j’ai pensé à un chat ou un rat. Plutôt un rat. Les chats c’est mignon aussi, mais…

*Un rat c’est un rat, et c’est teeeellement mignon !*

J’avançai à genoux vers elle, traînant le tapis avec moi, et je pris des yeux de chien battu.

M’maaaan… steuplééé…

on fire

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02 sept. 2021, 15:49
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 
TW : crise d'angoisse


La colère emplissait mes membres, contrôlait mes pensées, se ressentait dans mes yeux, comme une force surhumaine m’emplissant du bout des orteils jusqu’au cartilage des oreilles. La colère était comme la magie, une force, instoppable, parcourant les veines, donnant un pouvoir impensable, transformant un simple corps d’être humain en machine de guerre, en boule de feu pleine de rage.

Je vous hais !

La haine était maîtresse de tout ce que je disais, tout ce que je pensais – quoique –, et je n’étais même plus capable de distinguer ce que je voulais leur dire de la boule noire occupant mon cerveau, l’explosion qui attendait depuis si longtemps et qui allait faire mal, de ce que la fatigue, la foudre et le désespoir m’obligeaient à penser.

Calme-toi Eryne !

Lâche-moi ! Lâche-moi, tais-toi, taisez-vous tous, je, j’veux plus, j’en peux plus, lâche-moi, lâche-moi !

Arrête ta crise et assieds-toi Eryne !

Me touche pas me touche pas me touche pas, j’veux pas de toi, je te hais ! Je te hais ! Je, je, non, je veux pas ! J’en ai ras-le-bol…

Eryne !

…, marre de toi, j’en peux plus, tu mens tout le temps, j’en ai marre de toi, je te hais, je te hais, je te hais…

Eryne ça suffit !

Me parlez pas, je vous hais, je vous hais, JE VOUS HAIS et et et…

*Je te hais maman, je te hais, je te hais, je veux que tu me laisses tranquille...*

Je veux que tu me laisses tranquille, et et et…

*Arrête de mentir, arrête de raconter des conneries, arrête de t’inventer des histoires, je te hais, je te hais, je te hais, je veux juste dire la vérité, je te hais, je te hais, pourquoi Papa pourrait pas savoir que-*

Je suis une sorcière !

*...*

Un.

Deux.

Trois.

Je pris conscience de mes mots. Ce que je venais de dire. De crier. D’avouer

Et je regrettai aussitôt.

En une fraction de seconde, mon visage défiguré de haine se déforma. Ma bouche s’ouvrit en une plainte muette, et mes yeux sautèrent entre les membres de ma famille. Le temps semblait s’être stoppé, leurs corps transformés en pierre. Granny avait replié un de ses bras sur sa poitrine et mordait ses lèvres. *Inquiétude* La bouche de Maman était ouverte, comme si elle cherchait à dire quelque chose, couvrir le fruit de ma colère. *Mensonge* Et puis, ce que j’appréhendai autant de voir. De lire sur son expression facile. De deviner dans ses yeux. Tout ce que je venais de causer. *Papa* Une figure interdite, muée en surprise totale. Les yeux plissés. Presque indéchiffrable. *QUOI ? Tu penses quoi ?*

Une bouffée d’air parcourut mon corps, réanimant sur le champ le court du temps. J’ouvris et je fermai les lèvres, comme pour parler, pour crier, pour murmurer, pour… S’en était trop. *Qu’est-ce que j’ai fait ?* Ma mère tendit un bras, avant de le replier et couvrir son visage. *Je l’ai détruite* Le silence s’éternisa, et je reculai d’un pas, tandis que des tremblements s’emparaient de mes membres. *Je nous ai brisé.e.s*

C’était ma faute. Tout ma faute. Je… *Qu’est-ce que j’ai fait…* Mes yeux s’emplirent de larmes et je reculai d’encore un peu. Tout se brouillait devant moi, je voyais flou, je pensais flou, je ne comprenais rien, qu’est-ce que, pourquoi, pourquoi, qu’est-ce que j’avais fait, *non*… Un sanglot s’échappa et je… Qu’est-ce que j’avais fait ? Pourquoi étais-je encore là, à regarder les secondes après mon impensable révélation s’écouler, elleux se mettre en mouvement au ralenti, leurs possibles mots ne m’atteignant même plus, comme si un immense mur s’était dressé, comme si quelqu’un m’avait tiré par les cheveux et enfoncé la tête dans l’eau, fermant les paupières très fort pour empêcher les larmes de s’extraire de mes pupilles, pour empêcher l’extérieur de m’atteindre, pour m’étouffer dans un environnement irrespirable, impossible de supporter, qui était trop, trop, un espace qui m’étouffait, des mains m’attrapant de partout pour me traîner vers le fond d’un océan sans fond, une pièce anxiogène avec deux paires d’yeux qui me fixaient et une fermée, souffrant, souffrant, souffrant…

*Non…*

N-n-non… 

Sanglot.

Et je partis en courant.

Quelqu’un prononça mon nom, comme un ordre, reviens Eryne, reviens, reviens Eryne – oublie, oublie Eryne, cours, cours le plus loin que tu peux, échappe-toi, disparais, oublie, oublie Eryne, oublie – reviens, reviens… Mes yeux brouillés de larmes, je ne voyais plus rien, j’avançais en repoussant l’air de mes paumes, et mes oreilles étaient bouchées de mon cri, de mon hurlement, de mon épée de Damoclès, qui se répétait, se répétait, se répétait en boucle… Je suis une sorcière ! Parce que c’était ma perte, parce que je nous avais détruit.e.s, parce qu’à cause de moi rien ne serait plus jamais pareil, parce que j’avais tout foutu en l’air. J’avais brisé le cocon de sécurité qu’avait édifié Maman autour de nous, j’avais pensé que tous ses efforts étaient vains et que j’étais digne de tout tuer d’un revers de main, de six mots plus durs à entendre les uns que les autres, plus rapides à prononcer… *Pourquoi !*

Je poussai la porte de ma chambre et la laissai claquer derrière moi, m’affaissant sur le matelas, me roulant en boule.

*Je…*

Je tâtonnai le lit à la recherche de mon coussin, d’un objet matériel, d’une bouée à laquelle me raccrocher, d’un confident sur lequel étaler mes larmes, du tissu dans lequel étouffer mon visage, et mes pleurs, et ma tristesse, et ma colère, et tout ce que j’avais fait, tout ce que j’avais déclenché, tout ce que j’avais créé, tout ce qui allait disparaître à cause de moi.

*Non…*

Il fallait que j’oublie ce qu’il s’était passé, que je noie mes pensées autre part, que tout ça disparaisse, que tout ça disparaisse, que tout ça disparaisse, je…

*Fuir*

Je voulais partir, je voulais courir, je voulais courir, je voulais courir, courir, courir, courir pour me défouler, courir pour oublier, courir pour laisser, laisser mes larmes s’envoler, laisser mes mots derrière moi, courir pour sentir mes cheveux au vent, mon visage se découvrir à l’air ambiant, courir pour…

*Courir*

Je me levai, sans même avoir conscience de ce que je faisais, de ce que j’attrapais, à peine consciente d’enfiler les baskets jetées le matin même sous mon lit, à peine consciente de frotter mes paupières jusque m’en faire mal, d’ouvrir la fenêtre de ma chambre, sauter sur le bureau et me laisser glisser de l’autre côté. Mes pieds foulant l’herbe, mes yeux clignant à la lumière du soleil couchant, un cri muet interrompant mes pensées, je commençai à courir pour traverser le jardin, depuis l’ouverture de ma chambre jusque la grille de l’entrée, oubliant même que je passais devant les énormes portes-fenêtres du salon, me précipitant jusque la petite porte pour actionner la poignet. Je la forçai, tirant vers le haut, vers le bas, poussant en avant, en arrière…

Bordel ! J’veux sortir ! J’veux… ! je sanglotai. *Courir*

Et puis mon prénom, mon prénom fut prononcé derrière moi, mais je voulais pas, je voulais pas, je voulais être seule, je voulais que tout le monde parte, *partez !*, je voulais partir courir, me défouler, je voulais laisser mes mots derrière moi, je…

Eryne !

Je veux courir, je veux courir, laisse-moi, laisse-moi, laisse-moi, j’veux être seule, laisse-moi sortir, j’veux sortir, je veux courir, je veux…

Eryne, calme-toi…

Courir, laisse-moi courir, laisse-moi courir, s’il te plaît, laisse-moi courir, laisse-moi courir…

Je repris mon souffle, essuyant mon visage.

*Courir…*

Je levai les yeux vers la vieille femme se tenant près de moi. Ses lèvres esquissèrent quelques mots, alors que *j’m’en fous, courir courir courir, laisse-moi, j’veux courir, courir…*. Mais son regard était plein de confiance, confiance en moi, plein de compréhension, et sa main sur mon dos me fit frissonner mais la porte se déverrouilla sous son autre poigne, et elle me glissa quelques mots auxquels je répondis par un hochement de tête, avant de m’élancer.

*Cours*

Je courais.

*Fuis*

J’arrêtais de penser.

*Cours*

J’ouvris grand la bouche pour que l’air emplisse mes poumons.

*Cours*

Refroidisse ma gorge.

*Cours*

Gèle mes pensées.

*Cours*

Je toussotai vaguement et reportai tout mon attention sur mes pieds, s’appuyant sur le sol à tour de rôle, me faisant avancer, m’éloigner, me faisant enfin respirer, *respirer*, me concentrer uniquement sur l’allée et venue de l’air froid dans mon organisme, me défoulant, oubliant, les oubliant, m’oubliant.

*Je cours*

Après plus de deux-cent mètres parcourus et des poumons en feu, je finis par cligner des yeux et revenir à la réalité. Le trottoir que je foulais était exactement le même sur lequel je courais tous les matins avec Papa, tous les matins depuis plus d’un mois, tous les matins et aujourd’hui y compris, ce même matin… *Non !* Je ne pouvais pas penser ! Plus penser ! *Pourquoi est-ce que t’y as pensé, pourquoi* Le chemin devant moi devenait de nouveau flou, mon cerveau déteignant encore sur mes yeux.

Bordel !

J’avais crié. Hurlé. Au beau milieu de la rue, devant toutes ces maisons. Arrêtée au beau milieu de la route, je couvris mon visage de mes mains. Je devais changer. Aller quelque part d’autre. Ne plus rester ici, devant tout ce, tous ces, ces, ces souvenirs, cet endroit imprégné de Papa à chaque millimètre carré, non, je devais m’éloigner, pour courir, pour *plus penser*.

Je bifurquai à droite et ne tardai pas à reconnaître l’endroit vers lequel je me dirigeais. *Comme par hasard* Comme si mon inconscient voulait me ramener à un endroit précis. À une époque, à des souvenirs, à une ancienne moi, à l’Eryne d’avant. *Elle est dev’nue quoi, elle ? Elle est où ? J’veux être avec elle. Rire avec elle* Être elle. Comme si mon inconscient voulait que mes baskets frôlent le sable de l’aire de jeux, l’aire de jeux à laquelle je me rendais avec mes parents, toujours, tous les jours, quand j’étais plus petite, puis de moins en moins souvent, mais toujours avec constance, toujours, même avant d’aller à Poudlard. Le sable où je m’étais imaginée un avenir d’ouvrière. Le toboggan sur lequel je glissais, me brûlais le dos en été. Les balançoires sur lesquelles j’avais l’impression de m’envoler, quand Papa imitait la voix d’un pilote d’avion, m’annonçant que l’Erylines allait commencer son décollage en direction le Pays de l’Imaginaire, les balançoires sur lesquelles je m’envolais de joie. Avec lui.

Le petit parc pour enfant était occupé, comme un espace intergénérationnel, avec moins de monde que dans mes souvenirs. Les derniers petits bambins commençaient à partir tandis que la journée disparaissait à l’horizon, et les premiers groupes de jeunes plus âgés faisaient leur apparition sur les côtés.

*Je…*

Je m’avançai jusque la porte grillagée de l’espace et la poussai, traversée de sanglots. *Non…* Quelques pas plus tard, je m’écroulai sur le banc le plus proche, tremblotant. *Pourquoi… ici…* Je pris une rapide inspiration, pour avoir les forces de remonter mes genoux jusque mon visage, les pieds sur le bois lisse du banc, et me laisser glisser, laisser ma tête se poser sur la surface sombre, laisser une larme solitaire traverser ma joue, comme une cicatrice brûlante, un rappel urgent de ce qui venait de se passer, mes yeux se baignant dans ma tristesse. *Colère* Je me haïssais. Je me haïssais d’avoir dit ça. D’être aussi bête que ça. *Pourquoi ! Pourquoi !* Je me mordis la lèvre du bas rageusement. *Eryne, j…* Mais pourquoi ! Pourquoi avais-je laisser ces mots-là être prononcés ! Pourquoi…

Je couvris ma face avec mes mains, cachant mes sanglots du reste du monde.

Parce que je suis une sorcière !

Et qui ? Qui avait décidé que j’étais une sorcière ? Pourquoi tout devait être si compliqué ? Si douloureux ? Si dur à supporter !

*Sorcière*

Je voulais tout mettre sur pause. Arrêter le temps. Reprendre mes esprits. Obliger mes bras à arrêter de trembler, mon menton de ne plus se secouer. Que les secondes arrêtent de s’écouler, mes sanglots d’exister, ma douleur d’être là. *Contrôle-toi ! Contrôle-toi, Eryne ! Tu perds tes moyens, tu…* Mon souffle se faisait court, et j’avais du mal à faire entrer de l’air dans mon corps. Tout allait mal, je n’arrivais plus à réfléchir, plus à respirer, plus à parler, plus à bouger, plus à rien, à rien, rien rien rien ; tout ce que je savais faire c’était pleurer, couchée sur un banc au milieu d’une aire de jeu, en position fœtale, tremblant, comme si j’allais exploser, comme si mon cerveau était en surchauffe, la température de mon front atteignant les 50º. Pourquoi moi, pourquoi tout ça… *Ressaisis-toi, t’es pas bien, respire, comme quand tu cours, respire, respire, respire… Je sais que tu sais le faire* Oui. Je savais respirer. *Respire, Eryne, respire. Tout va bien. T’es pas seule. Ça va aller, Eryne, respire, respire* J’avais appris à contrôler la ventilation de mes poumons en courant avec… *Eryne, Eryne, respire, oublie ça, arrête d’y penser. Maintenant, tu dois juste te calmer. Calme-toi… Calme-toi… Ça va aller, ça va aller…* Mais rien allait, rien allait, pourquoi… comment… non, rien allait ! *Mais tu dois te calmer, respirer, tu sais le faire, t’es forte, t’es très forte, t’es très forte Ery… Je suis là, t’es pas seule, tu seras jamais seule, respire, respire Ryryne, tout va bien…*

Respire Eryne, respire…

*Pleure pas…*

Parce que ça allait aller… Oui… Tout devait aller bien… Ça allait se résoudre…

*Respire*

Je respirais. Je ne tremblais plus, j’étais roulée en boule sur ce banc, pleurant, pleurant, pleurant… Comme dans un film, il ne manquait plus que la musique triste… *Sauf que, dans les films, iels pleurent plus élégamment que ça* Je laissai échapper un petit rire. *Tu vois, ça va aller, tout va bien…*

Je me redressai avec difficulté, mon visage encore mouillé – mais, cette fois, il ne serait plus ravitaillé en eau. Je posai ma main sur le banc pour m’aider et elle s’appuya sur une inégalité, gravée dans le bois. Terminant de sécher mes paupières pour être capable de distinguer le message, je parvins à déchiffrer quelques mots. Apparemment, « E » plus une autre lettre inconnue était égale à un cœur. Je soupirai et m’appuyai sur le dos du banc, un dernier sanglot s’échappant de mes lèvres. *Tout va bien…* Tout allait mieux. Pas bien… mais mieux. Dans mes pensées. *Il te reste plus qu’à affronter…* La réalité. Et les conséquences de mes actes. Je soufflai longuement pour me remettre debout et former une couette avec mes cheveux – mais je n’avais pas d’élastique. Je laissai retomber la chevelure et fixai mon regard devant moi.

*Souffle*

Je repris mon souffle.

*Ça va aller*

Ok.

*Regarde autour de toi*

L’aire de jeu s’était obscurcie avec le ciel. Les derniers parents et enfants étaient partis *manger en famille*, et deux groupes *d’ados* s’étaient répartis le terrain. *C’tait ça, la musique de fond* Finalement, j’étais vraiment dans un film. Avec deux univers différents, celui du jour, où des cris de gamins emplissaient l’espace, et la nuit, les éclats de rire et odeur de fumée dans la petite cour.

*Le monde ne s’est pas arrêté de tourner*

Un peu plus calme, je tournai le dos à ces *gens* trop *âgés et chelous* pour sortir de cet endroit. *Trop de souvenirs* Je poussai la porte par laquelle j’étais entrée. « Fermé de 22h jusque 6h » Deux filles passèrent à côté de moi sans me jeter un regard et entrèrent dans le parc. Je contournai la pancarte. *Cours. Doucement. Respire, calme. Tu es calme*

Plus rien n’importait, toute ma concentration était rivée sur le son de mes pas sur le béton, me rapprochant, presque inconsciemment, de la maison, chaque fois moins loin, chaque fois plus près de ce qu’il venait de se passer. Je ne voulais pas, pourtant... *Oublie*

Quand je courais, c’était comme quand je nageais, comme quand je faisais n’importe exercice physique. J’oubliais. Tout. Je n’étais plus là, je n’étais plus consciente, je ne pensais même plus. Je me défoulais. C’était une nouvelle inspiration, un nouveau souffle, un nouvel essai, une nouvelle tentative, une nouvelle chance, une occasion, une liberté, un repos…

*Oh non* Je ralentis et levai les yeux. Les lampadaires illuminaient une route en béton, et deux trottoirs parallèles, dont les dalles étaient bancales pour certaines, inexistantes pour d’autres. Des buissons sur les côtés, de petites fleurs poussant entre deux pierres… J’étais arrivée dans ma rue. *Non non non non non* Pourtant, il fallait que je rentre chez moi. Je tremblotai déjà de froid – quelle idée de sortir courir en combinaison d’été et baskets – et avais sommeil, colère, douleur ; je voulais rentrer mais parler à personne, personne, personne, personne, pas maman, pas Granny, pas… *lui* Il allait nous haïr. Plus jamais vouloir nous parler. Et encore, pourquoi nous en voudrait-il : pour *le* lui avoir caché ou pour… *l*’être ? Allait-il faire ses bagages pendant la nuit, disparaître du jour au lendemain, prendre ses pieds à son cou, fuir, fuir, fuir, loin de nous, loin de…

*Repleure pas. Arrête de pleurer !* Pourtant la larme courait toute seule, traçait son chemin sur mon visage, pour perler sur mon menton et s’écraser sur le sol gris. *J’veux pas qu’il parte… Papa… Je suis désolée, c’est ma faute, ma faute, ma faute, c’est ma faute…*

Un.

Deux.

Trois.

Et je m’élançai. Courir. Courir. Courir. Je n’avais plus que ce mot à la bouche. Dans mes pensées. Courir. Courir. Courir ! Fuir. Partir, souffrir. Courir ! Je ne voulais pas qu’iels me voient rentrer. Je voulais juste me laisser tomber sur mon matelas, ne pas les voir, ne pas… J’avais déjà fait ça d’autres fois, plus petite, pour m’amuser. Ce n’était plus une nouveauté – et je me débrouillai assez bien pour cette épreuve. Une fois devant la grille du jardin *j’veux pas les voir, pas la voir, pas le voir, pas les voir pas les voir pas les voir*, je mis mes talents de saut en hauteur à disposition, et passai au-dessus de la barrière en bois.

*Cours cours cours* Jusque ma fenêtre, à gauche de la façade. À peine cinq mètres. Au beau milieu de mon sprint, je m’arrêtai, et jetai un œil sur le côté. Lilas était là, Lilas protégeait, Lilas surveillait, me voyait, m’écoutait. Je déviai de quelques pas pour m’approcher, mais la culpabilité était trop forte, je ne pouvais pas m’avouer ce que j’avais fait, ce que j’avais détruit, causé, le monstre que j’étais devenu.

Je… un autre sanglot se fit entendre. Non… L’las… J’suis désolée… je pris une grande inspiration pour prononcer à voix haute. J’te… J’te raconterai.

*Cours* J’arrivai devant ma fenêtre et poussai la vitre. *Qu- quoi ?* Comment ? Qui l’avait fermée ? Qui… Qui était entré.e dans ma chambre ? Dans ma chambre, pour fermer la fenêtre, m’empêcher d’atteindre ma chambre, mon refuge, mon entrée/sortie de secours, mon passage secret ? *J’vous hais* Je me haïssais.

Je les haïssais.

Iels m’obligeaient à passer par la porte d’entrée, dans le salon, devant tout le monde. Me montrer, montrer mon visage plein de larmes, mes yeux bouffis, mes cheveux en bataille, mes vêtements tâchés. Et je ne voulais pas.

*Je veux pas !*

Je levai la tête vers le ciel, ciel sombre, ciel brisé par une demi-lune, une lune qui, elle, ne devait pas souffrir, pas mentir, pas avouer. Elle n’était pas une sorcière ! Je baissai ensuite mon visage, plaçant mes cheveux sur les côtés, afin de ma cacher. *Me cacher. J’veux me cacher*

Je savais ce qu’il me restait à faire.

*Cours* La porte était entrouverte, laissée dans cette position pour moi, pour que je puisse… les *affronter*. Mais je ne voulais pas ! Je n’allais affronter personne. Je ne voulais voir personne ! Personne personne personne personne.

Alors, je poussai du poing la surface en bois. Le menton replié dans mon cou, je sentais quand même les six yeux se poser vers moi, des voix se hisser mais *non non non non* :

J’veux parler à personne ! PERSONNE !

Trois secondes plus tard, je pleurais à chaudes larmes dans sur mon coussin.

*Larmes de sorcière*

it was a bad idea,
was such a bad idea

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06 sept. 2021, 15:26
 Solo++  D’ombre ou de soleil  Limavady 
TW : pensées noires, pensées dénigrantes


Il vous est déjà arrivé d’avoir passé une nuit – ou du moins quelques heures –, d’avoir réussi à taire les pensées et étouffer les larmes, noyé.e entre rêves, cauchemars, ou vide noir, avant de reprendre conscience, d’ouvrir les yeux… et de regretter tout de suite ce réveil ? De se dire qu’aucun endroit n’était plus approprié que les bras de Morphée, du calme qu’ils apportaient, du néant dans votre tête ? De refermer immédiatement les paupières, se rouler en boule, enfoncer la tête sous le coussin, le visage entre les genoux, prier pour s’endormir de suite ? Voire de se demander pourquoi tout ça existait, pourquoi tout ça avait été créé, pourquoi tout cela vous arrivait ?

Moi, je me trouvais enroulée dans ma couette, un oreiller sur la figure, tandis que les souvenirs de la veille affluaient, un tsunami dans l’hébétude du matin. Les mains accourant aux deux côtés de mon crâne pour faire taire les cris résonnant dans ma tête, je me serrais encore plus en une petite boule. Je voulais pleurer et je sentais les larmes bloquées ma gorge, mais les gouttes d’eau ne voulaient pas couler, laissant la souffrance enfermée en moi. J’avais les yeux en feu, rien que de frôler ma peau, une vive douleur me déchirait en deux.

Était-ce un cauchemar ? Avais-je imaginé ce scénario catastrophe, tous ces cris n’étaient que produit de mon imagination ? La visage de ma mère couvert par ses mains, celui de ma grand-mère mué par la surprise, et le sien… Les souvenirs étaient trop vifs, trop frais pour n’être qu’anticipation. C’était bien hier, j’avais bien détruit notre vie, notre famille, la bulle de protection construite par Maman, percé tous les secrets qui m’éloignaient des autres, et tout ça…

*Pourquoi* pourquoi pourquoi pourquoi avais-je fait ça, pourquoi avais-je parlé, pourquoi l’avais-je dit, pourquoi tout ça s’était passé, *pourquoi*… Tout était de ma faute, je n’aurais jamais dû ouvrir la bouche, je n’aurais jamais dû m’emporter, je n’aurais jamais dû m’énerver, *jamais jamais jamais jamais*. J’emmenais les catastrophes partout où j’allais, les désastres me collaient comme mon ombre – à moins que je ne sois l’ombre des désastres.

*Ombre ombre ombre ombre j’suis qu’une ombre je sers à rien je suis un désastre je suis un désastre tout le monde me déteste tout le monde doit me déteste je suis qu’une ombre je suis bonne à rien y’a des drames partout où je vais je suis horrible horrible horrible j’suis qu’une ombre une ombre une ombre une ombre une…*

Les genoux frappèrent mon front avec une force désespérante, serrant le coussin contre tout mon visage, m’empêchant de respirer mais de toute façon respirer servait à rien penser non plus je voulais pas respirer je voulais pas penser je voulais juste me rendormir et oublier et c’était tout je voulais pas des désastres que je créais et je voulais rien tout allait mal. Ma mâchoire s’agrippa au tissu moelleux au polochon et je laissai s’échapper un long cri, étouffé par les tissus me recouvrant.

Je voulais juste avoir un instant de répit pour arrêter de penser et pour tout oublier, et pour tout oublier et faire comme s’il ne s’était rien passé et arrêter de penser les mêmes choses en boucle et arrêter de me faire du mal et arrêter de vouloir pleurer alors que les larmes ne coulaient pas ; pourquoi pourquoi pourquoi tout ça c’était déroulé pourquoi j’étais encore là à ressasser tout en boucle pourquoi je ne pouvais pas continuer à dorm-

POURQUOI !

Je ne savais même pas pourquoi, la veille, je m’étais énervée, ce qui m’avait agacée à ce point, ce qui m’avait fait gravir des échelons, autant d’échelons jusqu’exploser, jusque que tout parte en vrille, jusque…

Je suis une sorcière !

*NON*

Un gémissement me sépara de mon oreiller et je plaquai mes paumes sur mes paupières, quelques sanglots s’échappant de ma gorge. Posant la main sur mon matelas pour me redresser, les membres parcourus de frissons, la lumière du matin heurta ma vue avec violence. Le bras tendu jusqu’au rideau, mes doigts se refermèrent autour de la toile pour la lancer sur le côté, m’ôtant une partie des rayons du soleil. Tout était encore comme quand j’avais fermé les yeux dans mon lit, quand mes émotions avaient implosé et fait s’effondrer l’édifice du calme apporté par la course.

*Courir*

Mais je n’en avais même pas les forces. Je n’avais plus les forces pour rien.

Je n’étais bonne à rien.

Ma main s’éloigna jusque trouver mon téléphone, posé sur le bureau, et je me laissai de nouveau tomber sous les draps. L’écran noir me renvoya le reflet de mes yeux rouges et bombés, par la nuit, ou par les pleurs, et je le déverrouillai pour effacer mon image, pour ne pas voir mon visage dévasté, pour ne pas voir mon visage, pour ne pas me voir. Je n’étais pas cette personne aux cernes couleur sang et gonflées, cette personne dont les cicatrices des larmes couraient sur les joues, cette personne aux cheveux plaqués contre la tête par la sueur et les dents plongées dans les lèvres.

Je n’étais rien, je n’étais personne.

Je sélectionnai une première musique, une musique pour faire taire mes pensées, des sons pour écraser mes idées, des paroles pour remplacer mes souvenirs ; quelque chose qui exploserait dans mes tympans, m’obligerait à n’écouter que ça et oublier la douleur.

Mes tremblements se calmèrent tandis que les premières secondes étaient jouées près de mon oreille et mes muscles se détendirent, toujours en position fœtale.

« Come on, little lady, give us a smile »

Il n’y avait aucune raison pour laquelle sourire.

« The more that you give away, the more that you have, the more that they take »

Une larme solitaire dévala mon nez.

« I'm meaner than my demons »

Elle s’écrasa contre le matelas.

« Please stop, you're scaring me »

Je laissai échapper un sanglot.

« I'm no sweet dream, but I'm a hell of a night »

Mais un bruit extérieur à la musique brisa ce moment. Je fixai la porte, qui ne bougea pas d’un millimètre, et baissai les yeux jusque mon téléphone. *8h54*

Je ne voulais plus que me rendormir, je je je… Je voulais pleurer… Pleurer, pleurer, et pleurer pleurer pleurer, encore pleurer pleurer, pleurer pleurer pleurer.

La poignée de ma porte s’actionna. *Non non NON*

J’enfonçai la tête dans mon coussin, fermant fort les yeux. Peut-être que si j’arrivais à convaincre les autres que je dormais, le sommeil m’emporterait ?

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