Tu ne la vis pas tout de suite sortir sa baguette et la pointer juste sous ton nez, tout cela se passant bien trop vite pour que tu ais le moindre temps de réaction. Son visage pâle et tremblant que tu fixais à peine quelques instants auparavant disparu alors sous une lumière si vive que tu cru en avoir perdu la vue. Lâchant un horrible cri, tu te couvrais les yeux de ton bras droit, balançant l'autre en avant dans un geste désespéré alors que sans le voir, ton sort fusait, manquant sa cible de peu et atteignant en pleine poitrine un élève de deuxième année. Dans l’obscurité de tes paumes, tu frottais et battais des paupières avec furie, essayant de faire disparaître les points blancs et noirs qui dansaient devant tes prunelles claires tout en affichant une grimace de douleur. Tu attendais ainsi quelques secondes, la tête baissée et reculant à l’aveugle dans l’espoir de trouver un mur sur lequel t’appuyer. Mais tu ne sentis aucune pierre froide contre ton dos, contrairement aux corps que tu devinais se mouvoir tout autour de toi.


«Espèce de sale p’tite morveuse !»
L’autre avait été bien plus maline que toi, plus rapide aussi. Tu n’agissais que sous le coup de tes impulsions vengeresses, sans réfléchir à tout ce que cela pourrait impliquer pour toi, puisque tu ne t’intéressais pas plus que ça au sort de cette fille.
Tu avais voulu prendre ton temps, savourer avec méchanceté cet instant, l’habillant de tes gestes lents et de tes grands airs. Mais il était évident que tu ne resterais pas bien longtemps maîtresse de la situation. Meneuse de la valse, d’un pas gauche tu venais de mordre la poussière sous sa révérence.
A travers tes doigts, tu aperçus la lumière aveuglante s’atténuer, jusqu’à disparaître un peu plus loin.

Bouillonnante de rage, tu sautais en avant, retirant tes mains de ta face furieuse, mais cette soudaine action ne fit que ramener les points noirs devant tes yeux, brouillant de nouveau ta vision alors que tu manquais de t’éclater au sol, la tête la première. Atterrissant lamentablement sur les mains et les genoux, tu t’en écorchais le bout des doigts sur le sol rugueux, tout en écrasant ta baguette sous ton poids. La gorge sèche, tu haletais un instant, avant de te relever lentement, un pied après l’autre. Cherchant du regard la jeune Poufsouffle, tu tentais de te frayer un chemin à travers la très dense foule du couloir, envoyant valser des coups de coude dans les côtes pour aller plus vite.
Ton œil gauche te faisait un mal de chien, les changements imprévisibles de lumière rendant ta vision encore plus flou qu’avant.
Tu l’aperçu tout à coup, à peine quelques mètres devant toi et serrant d’avantage ta baguette entre tes doigts, tu bondis en avant, agrippant la silhouette par les épaules et appuyant de tout ton poids pour la faire basculer. L’autre s’affala au sol et emportée dans sa chute, tu lui atterri violemment sur le dos, alors que ta baguette t’échappait des mains. La regardant tout d’abord rouler entre les pieds des autres, tu baissais la tête vers ta pauvre proie, avant d’écarquiller les yeux sous le coup de la surprise. À califourchon sur le corps, tu regardais avec des yeux ronds le jeune garçon de Serdaigle, face contre terre, qui gémissait de douleur. Marmonnant un mot d’excuse, tu te décalais de l’enfant, restant ainsi assise alors que tu relevais les yeux vers les passants. Comment avais-tu pu faire une faute aussi stupide que de confondre une personne avec une autre ? Honteuse, tu sentais un doux feu te brûler doucement les joues, te mordant la lèvre inférieure.
Tu croisa alors un regard qui ne pu que te réjouir. Debout près de toi, se tenais la pâle et larmoyante Lily-Rose. Sans réellement réfléchir et toujours en tailleur à ses pieds, tu lui agrippais de ton poing le bout de sa cape, le serrant avec force, avant de lui adresser un grand sourire plein de dents.

«Salut toi, je crois qu’on avait pas terminé notre discussion.»

Le temps semblait en suspension, le flot des gens me protégeait tout en me mettant dans un danger certain. Aucune chance que l'autre folle abandonne après ça. Je l'avais entendu hurler de douleur devant la lumière vive, j'avais senti son sort me frôler, je l'avais échappé belle pour le moment. Pour le moment seulement. Je peinais à dégager un passage, j'avançais à contre courant d'un flot plus fort que moi. Je n'avais que peu de temps avant qu'elle ne me retrouve. J'entendis une commotion près de moi quand enfin un passage s'ouvrait devant moi.

Je tentais de m'y engouffrer, soulagée de cette chance inouïe de pouvoir m'en sortir. Alors que je me précipitais en avant, ma cape se serra autour de mon cou. Je me retournais précipitamment, pensant que quelqu'un avait marché dessus. Le sourire carnassier de la gryffone me salua. Elle était par terre. Assise en tailleur. Pourtant elle me dominait clairement. J'avais l'impression d'être le petit chaperon rouge face au Grand Méchant Loup. Elle voulait me détruire et si ce n'était pour la légère rougeur de ses joues elle n'aurait plus eut l'air humaine. Les mots qui sortirent de sa bouche finirent de couper mon élan. Me paralysant quelques secondes sur place à nouveau.

La stupeur passée, mes larmes s'étaient arrêtées. Ce qui n'était pas nécessairement une bonne chose puisque ma vision éclaircie me donnait un aperçu précis de la fille s'accrochant à ma cape. La moindre ligne de son visage semblait se délecter de ma détresse, de mon silence peut-être aussi ? Si c'était ça je n'avais plus qu'à lui donner du bruit. Je devrais savoir faire ça... Et si je me débrouille assez bien peut-être même qu'elle me laissera partir. J'en ai marre de tout ça moi, je veux juste rejoindre ma destination... J'inspire profondément, visse mon regard dans le sien, tentant de dissimuler ma peur.

"Moi, je crois bien qu'on a plus rien à se dire ! Lâche moi !"

J'avais haussé la voix sans pour autant hurler. Quelques personnes tournèrent la tête dans ma direction mais aucune ne s'arrêta ou ne fit quoique ce soit. Evidemment ils avaient tous mieux à faire que de séparer deux fillettes de deuxième année se disputant dans les couloirs... Comment est-ce que je m'étais retrouvé là, dans c'te situation pourrie, moi encore ? C'est quand même la deuxième fois en même pas une semaine que je m'attire les foudres de quelqu'un pour des malentendus... J'ai la poisse ou quoi ? J'arrive même pas à savoir quelle situation est la pire entre celle de dimanche et celle-ci... C'est juste ridicule tout ça. Puis j'en ai marre de me sentir si faible, si incapable de me défendre... Je vais devoir mettre les bouchées doubles en DCFM et Sortilèges cette année.

Les pensées se bousculaient dans ma tête, les unes après les autres tandis que je toisais la gryffone au sol. J'attendais juste qu'elle me lâche ou qu'elle réagisse à ce que j'avais dit, qu'elle fasse un truc quoi !

Je m'excuse platement de ce retard mon IRL était un peu dingue dernièrement

Ta respiration était saccadée, comme si tu venais de courir un marathon et tes doigts crispés, tenant le tissu avec une certaine fermeté. L'autre, debout devant toi, affichait une moue qui ne manquait pas de te réjouir, les sourcils froncés comme si elle s'apprêtait à gronder un enfant, mais tu ne t'y trompais pas face à cette assurance qu'elle tentait d'afficher, discernant dans ses traits tirés une marque de tension. Ses pupilles semblaient encore humides, à la mémoire des larmes versées. Tu ne voyais plus la trace rouge qu'avait laissé ta main sur sa joue, mais tu t'imaginais le picotement qu'elle devait encore ressentir, si léger, et pourtant bien discernable, comme une petite colonie de fourmis qui se promènerait sous sa peau, ne donnant d'autres envies que de la gratter à vif, jusqu'à tant que l'impression s'évapore.
Tout ce remue-ménage n'avait définitivement aucun sens, et les autres l'avaient sûrement bien compris. Personne n'osait se mêler de ces agitations désordonnées, non loin d'un chaos certain, préférant continuer leur chemin sans un regard, tel d'étranges machines humanoïdes.
Lily-Rose te toise, avant de répliquer d'une voix nasillarde qui te fait plisser des yeux. Tu montres les dents, sans la lâcher un instant de tes yeux clairs.

«On t'a déjà dit que t'avais une voix insupportable ? Qui t'as dit de crier comme ça, tu trouves que y pas assez de bruit comme ça, dans le couloir ?» Répliques-tu d'un ton hautain, alors que tes oreilles commencent enfin à souffrir du bruit ambiant, au fur et à mesure que les élèves sortent de leur classe. Tu baisses un instant les yeux, regardant la marée de jambes s'excitant tout autour de toi, avant de lever de nouveau la tête vers elle, un sourire au coin des lèvres. «Si tu voulais vraiment t'échapper, tu ne serais pas là à me hurler dans les oreilles, parce que tu sais parfaitement que le demander gentiment n'y changera rien. Tu m'aurais foutu un coup de pied, aurais appelé à l'aide ou au moins te serais débattu pour libérer ta cape. Mais tu n'as rien fait, tu ne fais rien. C'est bien la preuve qu'au fond, tu ne le souhaites pas vraiment.»
Le sourire s'accentue encore. *Au fond, tu sais très bien que tu as mérité ce qui t'arrive. Pourquoi te mentir à toi-même ?* Tu aimes profondément la voir ainsi, à attendre que ça se passe, que tu lui dictes la procédure à suivre, tel un pantin que tu ferais sauter entre tes doigts. C'est si agréable cette posture de domination que tu ne peux t'empêcher d'expulser un petit rire de ravissement enfantin.

Mais cela ne dure guère, car voilà qu'un bruit attire ton attention, un bruit qui te déplaît profondément et qui rend tout à coup ton visage aussi crispé que le sien. Regardant entre les pieds, tu aperçois ta baguette rouler entre les pas pressés, trop loin pour que tu ne puisses l'attraper en tendant le bras. Les pieds tapent dedans, manquent à maintes reprises de l'écraser sous leur talon alors que tu la regardes ainsi danser de droite à gauche, sans que tu ne puisses rien y faire. Jetant un regard haineux à ta proie, tu sembles hésiter l'espace d'un instant. Tu sais ce qu'il va se produire si tu fais cela et ça ne manque pas de t'énerver grandement. Le temps semble s'étirer et tu grommelles de frustration, lui adressant un regard des plus noirs. *On se reverra en cours, Holland. Crois-moi, je ne te manquerais pas cette fois.* Tu lâches alors sa cape avant de te jeter dans la mer humaine, tentant d'attraper ta précieuse arme avant qu'elle ne se fasse détruire.
En te relevant enfin, les doigts ankylosés après te les être fait écrabouiller par un pieds, tu te retournes une dernière fois, mais au fond, tu sais qu'elle n'est plus là.

J'avais dit à l'autre foldingue de me lâcher, provoquant de mineures réactions dans la foule environnante mais rien de bien notable. Cette histoire commençait à me taper sur les nerfs sérieusement. La fille dont je refusais de retenir le nom était toujours par terre à mes pieds. Et dans cette posture ridicule tentait de me prendre de haut, me critiquer, mais elle n'avait pas le moindre pouvoir sur moi en cet instant, elle avait juste l'air d'une gamine pathétique qui fait un caprice... Toute la frayeur qu'elle m'avait inspiré plutôt s'était muée en un agacement certain. Je roule des yeux à sa remarque concernant le fait que j'aurais pu la frapper. D'un ton méprisant je lui répondait rapidement.

"Désolée mais on a pas tous le besoin de recourir à la violence pour régler les problèmes. Ensuite demander de l'aide pour quoi faire ? T'es pas un assez gros soucis pour ça je te signale. Je fais rien parce que j'ai pas besoin de faire quelque chose face à quelqu'un comme toi."

Je n'arrivais vraiment pas à la prendre au sérieux désormais. Il me paraissait évident que seules deux solutions lui restaient : se battre et risquer des problèmes avec les profs ou abandonner et perdre la face. Moi j'ai juste perdu mon temps finalement en dehors d'un saignement de nez et une petite frayeur. Elle par contre... elle s'était tournée en ridicule toute seule, elle m'avait attaquée pour une raison au mieux fumeuse avant de se réduire à s'accrocher à ma cape pour me retenir. Il me semblait clair qui de nous deux était risible...

Et finalement un événement la força à abandonner. Sa baguette était partie rouler plus loin, entre les pieds des élèves remplissant le couloir, risquant à tout moment d'être brisée par un passant. La fille finit enfin par partir se détachant de ma cape non sans un dernier regard haineux accompagné d'un grognement de frustration alors qu'elle partait à la poursuite de son instrument. J'en profite donc pour me fondre dans la foule, ma petite taille aidant bien.

Alors que je m'éloigne j'en profite pour essayer un peu de comprendre ce qu'il vient de se passer parce que quand même c'était un sacré n'importe quoi. Déjà je m'en suis pris une pour rien, ensuite avec ses bêtises j'ai failli me laisser entrainer dans un duel au milieu du couloir, et après ça elle continuait quand même à penser que j'étais en tort ! Elle doit vraiment être complètement dérangée cette fille, j'ai jamais vu ça... En attendant vaudrait mieux que je fasse en sorte de l'éviter quelques temps et si jamais elle décide de revenir me chercher des noises j'irais en parler à un prof, y a pas de raisons !

Fin pour moi ! Merci à toi