Un cri soudain et inattendu perturba Aishani dans son décompte, la faisant tourner la tête avec toute la vitalité d’un chat pris à manger sur la table. Jenny Poirrefresh entra immédiatement dans sa vision, lui faisant se reculer précipitamment contre la rambarde, pressant son dos contre la baudruche.
«
Jenny ! Tu m’as fait peur ! Qu’est ce qui te !?.»
Plus de résistance dans son dos ? Mince ! Elle se retourna brusquement, tentant de rattraper la lourde baudruche de sa main libre, sans réussir à agripper quoi que ce soit. Paniquée, elle ne put que la regarder s’élancer de la rambarde, prendre son envol, à l’assaut de sa destinée.
C’est étrange, comme les secondes se ralentissent lorsqu’un évènement inéluctable est sur le point d’arriver. Le cerveau semble passer comme en alerte maximale, fusant et étincelant dans toutes les directions, se gavant d’informations inutiles, dans l’espoir, l’insignifiant espoir que quelque chose quelque part, ait son importance. Immédiatement, tout parait plus net, plus clair, plus contrasté.
On pouvait voir toute la beauté du liquide dans la baudruche, s’entrechoquant contre ses parois roses, lui faisant prendre des volumes grotesques et fluides repoussés par sa propre masse et la pression de l’air. Le ballon prenait la forme d’une énorme méduse, d’une crêpe plus épaisse qu’une langue, d’un ballon un millième de seconde, d’une baleine même, ses formes dansant dans un enchainement abstrait.
Au quatrième étage, il croisa les regards surpris et choqués d’un petit groupe d’élèves de première année, en train de grimper dans les escaliers. Les plus rapides eurent le réflexe d’immédiatement se précipiter sur les barrières pour profiter pleinement du spectacle. Leurs yeux pétillaient de malice et d’amusement spontané. Un ballon rose et plein de fluides. Il n’était pas difficile de savoir ce qui allait arriver.
Au troisième étage, l’objet non newtonien croisa le regard d’un préfet en poste, sa bouche se déformant dans un cri inarticulé, alors qu’il tentait de sortir sa baguette de sa manche. Mais dans les quelques secondes nécessaires, le ballon passa avec toute la majesté de sa chute, sans que le pauvre représentant de l’autorité ne puisse faire quoi que ce soit pour accomplir son travail.
Au second étage, la chute de cet étrange pot de fleur interrompit le thé des personnages d’une magnifique scène champêtre, ceux-ci donnant du coude dans les tableaux voisins pour en réveiller les occupants. Quand on a une vie de mobilier, il est important de saisir toute opportunité. Il était impressionnant de voir la vague de concentration soudaine dont tous ces êtres animés faisaient preuve à cet instant précis.
Au premier étage, Peeves, hoquetant, n’en revint pas que quelqu’un lui ait piqué son idée.
Au rez de chaussée :
< SCHPLOUF !>
«
Kyaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! »
Un hurlement très aigu et très féminin s’envola et se propagea dans la cage d’escalier, couvrant tout le reste des hurlements de surprises divers. Ce cri plus que tout le reste suffit à ce que tous les élèves du coin vinrent entourer Aishani et Jenny, se préoccupant bien peu d’elles, bien plus de la scène en contrebas.
Le ballon avait atteint dans un arc presque parfait le centre du rez de chaussée, son contenu explosant dans toutes les directions. C’était un vrai massacre. Presque personne n’y avait échappé, les élèves exposés voyant leur flanc, leur dos, leur face recouverts d’une épaisse couche de couleur. Ca hurlait et ça toussait en contre bas, un pauvre élève à lunette étant même tombé dans la peinture fraichement déposée, terminant de s’en enduire sous les rires et quolibets en provenance des balcons. Proche de l’épicentre de la bombe, une jeune fille se tenait, son dos et ses cheveux recouvert entièrement de rose. Elle était immobile, tétanisée, ressemblant à ces statues de cendre de la ville de Pompéï. Devant elle, un fin cône de salle non touché. Dans ce cône, un jeune garçon avait été miraculeusement épargné.
«
Sang noir ! » éructa Aishani pour elle-même, mais suffisamment fort pour que Jenny l’entende.
L’indienne serrait les dents. Elle regardait avec un regard courroucé le jeune homme se relever, ses yeux balayant du regard la foule aux balcons, dont certains commençaient à le pointer du doigt, reconnaissant son statut de rescapé.
C’était Pad Buttercup ! Le jeune Gryffondor, en sixième année, pourtant timide et réservé était devenu célèbre récemment par une curieuse affaire d’étranges évènements. Il avait été d’une grande aide à l’école durant les vacances et ce début d’année, se faisant plusieurs fois citer publiquement durant les prises de paroles des enseignants aux repas du soir. En deux semaines, il avait rapporté plus de 50 points à sa maison ! Mais dans les couloirs, il était surtout connu pour être le petit copain de l’une des idoles de l’école… Oh mais ça voulait dire…
«
Que celui qui a fait ça se dénonce immédiatement ! »
Oui, c’était bien elle, son faux accent français était aisément reconnaissable. Lucrèce Belvédère, dont on disait que le père, célèbre auteur d'origine française, s’était uni avec une vélane. Son regard jetait des éclairs dans les étages supérieurs, à la recherche d’une piste, rien qu’une seule. Mais Aishani n’était plus là, s’éloignant de la scène de crime dans la direction des toilettes des filles, les mains dans les poches et le dos rond, terriblement mécontente.
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Aishani Singh le 12 janv. 2019, 14:22, modifié 1 fois.