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08 mars 2019, 22:11
L'ordre naturel des choses  SOLO 
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3rd March, 2044
Dans les couloirs du deuxième étage du Château de Poudlard
Au soir


L'affreux était né. Elian venait d'apprendre la nouvelle dans un courrier de son père. La main du garçon se reposa lentement sur son genou, toujours agrippée à la missive. La fille de son parrain, Beth, venait donc d'accoucher d'un garçon. Un garçon. Sigmund Charleston était officiellement devenu grand-père et ne serait plus un parrain pour lui, c'était certain. Le bébé s'appelait Jonathan, il avait déjà tout d'un être détestable pour Elian - bien que ce dernier essayait de contrôler sa colère. Sur la photo prise en plan large, tout le monde souriait à l'affreux, dans les bras de Beth. Il put aussi observer tous les changements opérés dans sa propre chambre, qu'il avait dû lui céder tandis qu'il repartait à Poudlard : le passage de Beth chez les Kernac'h avait laissé des traces. Parmi tous les chamboulements subis par sa chambre, Elian avait pu constater que des affiches avaient été enlevées, que des rideaux différents pendaient à sa fenêtre, que ses jouets avaient été rangés dans un coffre délaissé dans un coin et, pour couronner le tout, que ses plantes disposées sur son bureau manquaient à l'appel.
Elian finit par éteindre la vieille radio sorcière qui trônait sur sa table de chevet d'un geste sec, avant de ranger le courrier dans son tiroir. Il soupira. Une fois, deux fois. Que devait-il penser de tout cela ? Pourquoi les adultes appréciaient autant le changement ? Le garçon se leva de son lit, abandonnant sa bande-dessinée, et quitta son dortoir. Sa colère n'arrivant pas à s'exprimer, il s'était machinalement mis en marche. Il voulait aussi rester seul, alors il traversa la salle commune de Poufsouffle sans s'intéresser aux autres étudiants. On approchait dangereusement de l'heure du couvre feu, mais il savait qu'il serait de retour à temps dans son dortoir. Simplement, quelque chose n'allait pas : l'annonce de cette naissance le dérangeait à tel point qu'il n'était plus capable de faire semblant. Ses pas le menèrent à gauche puis à droite, avant de l'arrêter près d'une fenêtre d'où il jeta un œil en contrebas. Elian ne voulait pas être méchant avec ce bébé, mais il ne pouvait pas s'empêcher de désirer qu'il ne soit pas né. De plus il devenait certain dans son esprit qu'il était hors de question qu'ils partagent quoi que ce soit, y compris Sigmund. Dans le court naturel des choses, c'était Elian qui devait passer en second plan, voire même disparaître complètement du portrait familial des Charleston. Un sentiment d'étouffement le submergea de nouveau à cette pensée. Le garçon chercha à ouvrir la fenêtre, mais elle n'avait pas de mécanisme. Encore plus agacé, il sortit sa baguette magique de sa poche et pointa la vitre d'un air menaçant. Il resta dans cette position de combat pendant quelques secondes avant de se reprendre. Ouverte ou non, la fenêtre n'y était pour rien, cette sensation d'étouffement serait toujours là. Il rangea sa baguette et s'assit contre la paroi froide des pierres, comme s'il abandonnait la lutte, contre la fenêtre, contre sa colère.

Bien des fois dans sa petite enfance, Elian Kernac'h avait vécu des injustices, mais il avait toujours réussi à les surmonter en empruntant le "Chemin de la Facilité". C'était une voie qui consistait à oublier ses problèmes et à passer à autre chose, soulageant automatiquement la douleur. Le garçon avait toujours été un maître dans l'art d'emprunter ce chemin dès que quelque chose commençait à menacer sa quiétude. Certains moldus un peu plus renseignés sur le sujet donneraient un tout autre nom au "Chemin de la Facilité", car ce n'était ni plus ni moins qu'une dissociation, un déni de la réalité en bonne et due forme. C'était comme passer à la gomme les choses malencontreuses de la vie pour pouvoir continuer d'avancer. Pourtant, cette fois-ci, il semblait impraticable. Elian en voulait à tellement à ce nouveau-né de partager son sang avec celui de Sigmund, quand lui-même devait partager son sang avec Evelyn Kernac'h. Il aurait pu se reposer sur ce dernier pour surmonter la douleur de l'éloignement de son parrain - cette solution aurait ainsi constitué son "Chemin de la Facilité" - mais, cette fois-ci, Evelyn était devenu aussi un problème pour lui. Au cours de ces deux dernières années, le garçon avait doucement réalisé que, même dans leur relation d'apparence parfaite, son père avait commis des choses peu acceptables envers lui bien que ses intentions étaient bienveillantes. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle Elian lui parlait beaucoup moins de ses fréquentations à Poudlard : il avait peur que son père lui demande de s'éloigner de ses amis pour mieux le faire revenir dans son sillage, d'autant plus qu'il n'avait jamais été aussi proche d'une autre personne que lui... Il pensa alors à son copain Solal. Elian se cacha le visage. Etait-il un mauvais fils en pensant que vivre chez les Rosenberg était bien plus tentant que de passer une seule autre année près de son père ? Le garçon avait déjà pensé au meilleur avenir qu'il aurait souhaité avoir, et Evelyn Kernac'h n'avait eu qu'un rôle minime à y jouer.

Même s'il n'arrivait pas à décolérer de la nouvelle, réduite de nouveau à une sensation désagréable au creux du ventre, Elian remonta le tunnel qui menait à son dortoir. S'il ne pouvait pas faire disparaître ce sentiment dans le "Chemin de la Facilité", il allait être obligé de lui faire face comme les grands sorciers qu'il admirait tant. Son retour à Cardiff durant les vacances de printemps marquerait sa première confrontation avec son père, c'était décidé, mais aussi son éloignement définitif de son parrain et la famille de ce dernier - ce qui serait plus facile à opérer étant donné que Sigmund allait forcément le négliger, dans l'ordre naturel des choses.
Dernière modification par Elian Kernac'h le 23 avr. 2021, 15:51, modifié 5 fois.

Septième année en RP - Avatar : chouravé à Herminie Peers-chou
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On a tendance à s'assimiler des choses et à les restituer en croyant que c'est de soi alors que c'est d'un autre. – Hergé