Le calme régnait dans les couloirs du château. Les élèves étaient en classe et ceux de 4ème année avaient cours de défense contre les forces du mal à cette heure-ci. Mais Aliénor était là, déambulant dans les couloirs du château, en tenue de sport en direction du terrain d’entrainement pour aller voler et s’entrainer au quidditch. Depuis la rentrée des vacances de Noël la jeune fille séchait les cours de défense contre les forces du mal et ceux de sortilèges. A vrai dire, depuis son duel contre Bad, elle ne mettait plus vraiment d’envie lors de ces cours préférant dessiner que d’écouter attentivement. La raison ? Elle était incapable de faire quoi que ce soit de bien avec sa baguette magique. Elles n’étaient pas faites pour s’entendre. Aliénor devenait dangereuse en classe alors qu’elle pensait avoir résolu le problème. Elle gérait bien mieux ses sentiments à l’aide de la méditation et du karaté. Mais rien n’y faisait, elle ne parvenait pas à faire quoi que ce soit de bien avec sa baguette en main alors que n’importe quel 4ème année était capable de faire quelque chose de bien en magie.

Bon en soi, cela ne faisait pas si longtemps qu’elle séchait les cours vu que la rentrée avait été le Lundi. Mais bon, elle savait ce qu’elle risquait mais elle préférait passer son temps à faire quelque chose dans lequel elle était douée. Comme le vol par exemple, ou le sport.

Mais alors qu’elle avançait dans le couloir, une silhouette se dessina un peu plus loin. La jeune Delphillia fronça les sourcils et plissa les yeux pour découvrir l’identité de cette personne. Grande, élancée, féminine, une démarche assurée… Oh non.
Un cocktail de sentiments étrange remua l’estomac de la jeune fille. Eleanor Perkins, sa professeure de sortilèges. A vrai dire, elle avait longtemps hésité à aller la voir concernant sa relation avec son ex-capitaine qui allait bien mieux que depuis la dernière fois, mais elle avait encore des conseils à lui demander. Cependant, le fait de ne rien faire en classe et maintenant de sécher les cours lui empêchait d’aller la voir. Aliénor avait du culot, mais pas à ce point.

Gênée, la jeune fille fit immédiatement demi-tour. Mais c’était certain qu’elle l’avait vu, elles étaient deux dans un couloir vide et tout droit. Mais là, c’était le tout pour le tout. Elle pressa le pas, espérant trouver un couloir adjacent, puis un autre et semer ça professeure comme ça. Mais il n’y avait aucun autre couloir, comme si le château le faisait exprès.

-Je suis sûre tu le fait exprès.

Grommela-t-elle en levant les yeux vers les pierres du plafond. Salle traitre. Mais alors qu’elle pensait enfin avoir trouvé un autre couloir, son nom de famille raisonna dans l’espace comme un gong avant un combat. Aliénor s’arrêta net et se figea littéralement. Elle se retourna lentement, un sourire crispé sur les lèvres.

-Oh ! Miss Perkins, ravie de vous voir, vous allez bien.

Jamais, au grand jamais elle n’aurait dit ça à un professeur, elle se sentait prise au piège et elle venait de se griller elle-même, dans sa tête c’était mort.

Même s'il était déjà presque quinze heure, Eleanor venait de terminer son repas et se dirigeait vers sa salle de classe. Le jeudi, son programme était bien rempli et, malheureusement, elle n'avait pas une minute pour elle. Avec qui avait-elle cours encore ? Le jeudi après-midi, les élèves de troisième année avaient la chance d'avoir cours de Sortilèges.

Alors qu'elle se rapprochait de sa salle de classe, la jeune femme tomba nez à nez avec une jeune fille qu'elle connaissait bien. En effet, la professeure avait eu l'occasion de discuter plusieurs fois avec elle. Visiblement, la jeune Poufsouffle semblait ennuyée de croiser sa professeure et cherchait à trouver un moyen de s'échapper. *Pas de chance, il n'y a pas d'autre issue...* pensa Eleanor alors qu'un large sourire se dessinait sur son visage à l'idée de coincer son élève. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Parce que la jeune Poufsouffle ne s'était pas présentée à son cours de Sortilège du lundi après-midi ... Eleanor souhaitait avoir des explications !

Lorsqu'elle fut arrivée à la même distance que sa professeure, la jeune fille, d'une voix hésitante, la salua. Visiblement, vu son sourire crispé, elle savait qu'elle allait passer un mauvais quart d'heure .... La gêne que ressentait la jeune fille amusa Eleanor qui, aussitôt, lui répondit sur le ton de l'humour.

- " Miss Delphillia, je suis, moi aussi, ravie de vous revoir ... j'ai bien cru que je ne vous verrais plus ". La professeure marqua une pause et reprit la parole. " Vous savez, si vous êtes aussi ravie de me voir que vous le dites, il y a des moyens plus simples pour le faire ... comme aller en cours, par exemple ".

Alors qu'elle terminait sa phrase, Eleanor reprit un air sérieux. Désormais, il n'était plus question de plaisanter. Même si elle prenait du retard pour son cours, la professeure comptait bien obtenir des réponses. Attendant que la jeune fille lui réponde, Eleanor l'observa de haut en bas et remarqua qu'elle n'était absolument pas habillée pour se rendre à son cours de DCFM. En effet, elle ne portait pas son uniforme. Bien au contraire, elle portait une tenue de sport comme si elle partait s'entrainer ... Pour la professeure, il était évident qu'elle comptait, encore, sécher les cours. *Hors de question !* pensa-t-elle !

- " Malheureusement pour vous, je connais l'horaire de mes collègues sur le bout des doigts. Il me semble que vous avez cours de DCFM...N'est-ce pas ? Où est votre uniforme ? ".

Eleanor fixait sa jeune élève d'un air sévère. Désormais, elle n'avait pas d'échappatoire ...

Dès les premiers mots de sa professeure, la jeune fille se liquéfia intérieurement. Elle qui avait séché son cours de sortilège lors de cette première semaine, sa professeur lui rappela avec la précision d’un scalpel. Elle était prise au piège d’autant plus qu’elle n’était pas très douée en mensonges. Le regard de la quatrième année tomba au sol et se passionna pour ses chaussures quand en plus sa professeure lui rappela ses obligations. Défense contre les forces du mal aujourd’hui ? A 15h ? Non aucun souvenir… Même dans son esprit elle mentait mal…

Aliénor laissa durer le silence quelques secondes après les paroles de sa professeure. Elle ne savait absolument pas quoi dire. Elle se décida enfin à remonter ses yeux vers le visage de Miss Perkins avec lenteur. Lenteur qui elle espérait lui permettrait de trouver une réponse. Mais c’est quoi 2 secondes pour trouver une réponse quand tu es totalement prise ne flagrant délit ?

-Je…

Les épaules d’Aliénor s’affaissèrent et son regard dévia vers la gauche. Elle retint un profond soupir, il n’y avait pas milles choses à faire.

-Je vais aller chercher mon uniforme et aller en classe ?

Elle releva les yeux vers sa professeure, et sa canine se planta immédiatement dans sa lèvre inférieure. Elle allait passer un sale quart d’heure par la suite parce que ça l’étonnerait que Miss Perkins la laisse s’enfuir aussi simplement.

-Ce n’est pas nécessaire, vous irez en cours dans cette tenue. Je vous accompagne

La jeune fille avala difficilement sa salive avant de suivre sa professeure dans le couloir, leurs pas raisonnants entre les murs froids du château. Elle en avait une fière allure et son professeur de défense contre les forces du mal ne manqua pas de lui faire la remarque.




Elle attendait patiemment que les derniers élèves encore dans la classe de Miss Perkins s’en aille avant de toquer doucement à la porte et de s’annoncer. Sa professeure lui avait précisé qu’elle souhaitait la voir ce que la jeune fille avait étrangement accepté sans rechigner. Parce qu’au fond, elle avait besoin de parler à l’adulte. Sa relation amicale avec Rey allait mieux, mais elle ne lui avait pas parlé de ses doutes et maintenant qu’ils étaient de nouveau proches, elle ne trouvait jamais le bon moment. Peut-être la professeure saurait la conseiller. Mais d’abord elle devait passer l’étape des explications qui risquait d’être la pire…

-Miss Perkins, vous vouliez me voir ?

Comme si elle ne savait pas pourquoi… Mais y avait-il un autre moyen d’entamer la conversation ?
Aliénor s’avança un peu dans la salle sans vraiment s’approcher du bureau de la professeure, ne souhaitant pas la déranger alors qu’elle devait certainement ranger le matériel utilisé pour son cours. Et puis, elle n’allait pas commencer à s’imposer, elle n’était clairement pas en position de le faire.

Paroles vues avec la joueuse

En réaction aux propos de sa professeure, tout ce qui sortit de la bouche de la jeune fille fut, dans un premier temps, un bégaiement ... *A ce rythme, je serai en retard à mon propre cours* pensa la jeune femme. Heureusement, après quelques secondes, l'élève se reprit et parvint à s'exprimer sans cafouiller. Quand elle entendit sa réponse, Eleanor ne put s'empêcher de sourire. Pensait-elle vraiment que sa professeure allait la laisser s'en aller mettre son uniforme sans s'assurer qu'elle allait bien en cours une fois son uniforme enfilé ? Il était évident qu'Eleanor comptait s'assurer que sa jeune élève irait en cours de DCFM. Toutefois, elle aussi était déjà en retard pour son cours. Comment faire ? Puisqu'elle n'avait pas le temps de suivre la jeune fille jusqu'à sa salle commune, malheureusement, elle n'avait pas d'autre choix que d'imposer à la jeune fille d'aller en cours dans cette tenue. Même si Eleanor s'en voulait un peu d'imposer cette humiliation à son élève, aller en cours en tenue de sport lui servirait déjà de première punition. D'une voix calme, la professeure répondit à la jeune fille.

- " Ce n’est pas nécessaire, vous irez en cours dans cette tenue. Je vous accompagne ".

Lorsqu'elles arrivèrent devant la salle de DCFM, Eleanor ouvrit la porte après avoir prévenu son collègue de sa venue. Lorsque la porte fut ouverte, la elle fit entrée la retardataire en la poussant légèrement vers l'intérieur de la salle de classe. Ensuite, Eleanor fit un clin d'oeil à son collègue afin de lui faire comprendre qu'il ne devait pas s'inquiéter de sa tenue et qu'il ne devait surtout pas la renvoyer se changer. Dans un coin de sa tête, la professeure espérait que son collègue ne manquerait pas de lui faire une remarque sur sa tenue. Une fois la jeune fille installée, la professeure referma la porte de la salle de classe et se dirigea vers sa propre classe où les élèves devaient déjà l'attendre.


Après avoir donné plusieurs heures de cours, Eleanor avait la tête comme un seau. Malheureusement pour elle, elle n'allait pas encore avoir l'occasion de se reposer puisqu'elle avait donné rendez-vous à la jeune Poufsouffle qu'elle avait croisé plus tôt dans les couloirs alors qu'elle s'apprêtait à sécher les cours. A peine cinq minutes après la fin du cours, la professeure entendit quelqu'un frapper à la porte.

- " Miss Delphillia, je vous attendais. Entrez ! "

La jeune fille pénétra dans la salle de classe et s'adressa à sa professeure. Lorsqu'elle entendit les propos de son élève, Eleanor ne put s'empêcher de froncer les sourcils.

- " Est-ce si étonnant que cela ? "

La professeure ne voulait pas croire que son élève était assez idiote que pour ne pas comprendre les raisons de sa venue. Ce n'était, tout simplement, pas possible !

- " Si vous êtes là, c'est parce que vous séchez les cours ... Si je n'étais pas tombée sur vous avant mon cours, vous n'auriez pas assister à votre cours de DCFM et n'essayez pas de me faire croire le contraire. Vous ne portiez même pas votre uniforme ! Puis-je savoir ce qu'il vous prend ? "

Eleanor devait encore ranger le matériel que les élèves de troisième année avaient utilisé lors de leur cours.

- " Venez m'aider à ranger tout ce bazar, merci ! Vous vous expliquerez en même temps ... "

Puisqu'elle était là, elle pouvait bien se rendre utile.

L’intonation de sa professeure était claire, de l’ironie, elle savait qu’Aliénor savait pourquoi elle était là et s’amusait à faire comme si elle ne savait pas. Et rien que cette idée faisait chauffer le pauvre cerveau de la jeune Delphillia qui posa la paume de sa main à plat sur le bureau le plus proche pour lui éviter de perdre trop de contenance en chancelant alors qu’elle réfléchissait. Mais rapidement elle ramena Aliénor sur terre. Elle séchait… Oui. A quoi bon nier, elle pouvait lui balancer quoi comme bobard ? Rien, et de toute façon elle était incapable de mentir, encore moins à Miss Perkins qui était certainement la professeure à qui elle avait le plus parlé. La jeune fille baissa les yeux sur le bureau sur lequel était toujours appuyé sa main. Miss Perkins lui demanda de l’aider à ranger et de lui expliquer en même temps ce qui arrangeait un peu Aliénor, comme cela, elle ne serait pas obligée de regarder la jeune femme et ne pas se forcer à analyser ses émotions sur son visage.

Elle se dirigea vers les bureaux du fond pour ramasser les pots de plantes plus ou moins grandes. Elle se souvenait de ce cours l’année dernière. Le sortilège de croissance. Elle pouvait voir d’un coup d’œil les bureaux où les élèves c’était plus ou moins débrouillés. Aliénor rassemblait les pots, les déposant là où sa professeure les posait également.

-Non je ne comptait pas aller en classe…

Rien ne sert de mentir, mais avouer ça de but en blanc n’aidait pas forcément. La jeune Delphillia attrapa un pot pour faire comme si ce qu’elle venait de dire était totalement normal. Mais elle savait au fond d’elle que ce n’était pas le cas et que finalement elle risquait gros avec ce genre d’attitude.

-Mais je n’y arrive pas dans tous les cas. Ma baguette et moi on ne se comprends pas. Au début je pensais que c’était ma gestion des sentiments, mais entre la méditation et le karaté ça va bien mieux mais je ne maitrise toujours rien. La dernière fois j’ai fais exploser une vitrine dans la salle des trophées !

Aliénor c’était redressée délaissant les quelques pots qui restaient encore sur quelques bureaux. Elle avait besoin de tout lâcher et contrairement à ce qu’elle aurait pu penser ; tout dire à Miss Perkins lui faisait beaucoup de bien.

-Ca fait 3 ans que j’essaye et que rien n’évolue, alors je me dis que je ne suis juste pas faite pour ça… Du coup…

Du coup j’ai arrêté d’aller en cours. Oui c’était ça, mais étrangement ces quelques mots restaient coinsés dans sa gorge. Avouer ses faiblesses, qu’elle baisser les bras alors que ça ne lui était jamais arrivé avant, c’était dur. Avoué qu’elle avait songé se débarrasser de sa baguette et que maintenant elle ressemblait plus à une tumeur pour un cancéreux qu’à quelque chose qui pouvait l’aider… Ca faisait mal et la jeune fille était au bord des larmes. Elle se sentait rejetée par sa condition même. A quoi bon être une sorcière si elle n’était même pas capable de lancer le moindre sortilège ? La jeune fille se laissa tomber sur une chaise et laissa tomber sa tête entre ses mains pour ne pas montrer à sa professeures les larmes qui menaçaient dangereusement de s’écouler sur ses joues. Elle ne savait plus quoi faire avec sa magie et en plus sa confiance en elle avait été bien abimée par cette photo humiliante qui avait circulé l’année dernière. Si c’était du passé pour la jeune fille, cet épisode de sa vie avait laissé une cicatrice de plus sur l’âme de la jeune Delphillia.

Ses barrières s’écroulaient dans cette salle, elle était faible face à sa professeure et elle avait l’impression de ne plus avoir sa place nulle part.

Visiblement, la jeune fille avait l'intention d'être franche avec sa professeure. De toute façon, si elle avait prétendu qu'elle comptait bel et bien aller en cours, Eleanor ne l'aurait pas cru. Il était évident qu'elle comptait aller faire du Quidditch, sport pour lequel la jeune professeure n'avait absolument aucun attrait. Pendant plusieurs secondes, un silence pesant habitait la pièce. Eleanor, toujours attentive à ce que faisait son élève, rangeait en même temps les pots laissé par les élèves de troisième année. Alors qu'elle s'apprêtait à lui passer un savon, Eleanor fut interrompue par son élève et par ses mots qui, presque aussitôt, firent comprendre beaucoup de chose à l'enseignante. Même si la jeune fille était tout ce qu'il y a de plus sérieuse, la jeune professeure ne put s'empêcher de faire une plaisanterie.

- " Et la porte de ma salle de classe, ne l'oubliez pas ! "

Il était évident que la jeune fille n'avait pas envie de blaguer mais, pour Eleanor, il était important de changer l'atmosphère qui était devenue, en l'espace de quelques secondes, pesante tant pour l'élève que pour sa professeure.

Comme beaucoup avant elle, la jeune Poufsouffle se sentait incapable de lancer le moindre sortilège ou, plutôt, de le faire bien. Bien sûr, Eleanor allait tenter de l'aider mais, avant ça, la professeure désirait mettre les points sur les "i".

- " Et vous pensez que c'est en séchant les cours que votre situation va s'améliorer ? Je vous le dit, croyez-moi, ce n'est pas une solution à votre problème. Vous allez, dans un premier temps, me faire le plaisir d'aller en cours. Que je ne vous reprenne plus à sécher les cours ! C'est compris ? ". Eleanor marqua une pause puis reprit la parole. " Maintenant que je vous ai passé un savon, je peux essayer de vous aider. Pourquoi n'avez-vous pas essayé de m'en parler plus tôt ? A moi ou à un autre professeur, d'ailleurs ... Depuis quand ressentez-vous tout ça ? "

Eleanor lança un regard doux et apaisant en direction de la jeune fille.

Les mains de la jeune fille passèrent dans ses cheveux et se resserrèrent autour de ceux-ci passant ses ongles sur son crâne. Elle écoutait sa professeure, oui elle avait débordé de magie plus d’une fois, celle-ci s’exprimant en un flot trop important et imprévisible. Dangereux, quelque chose de sombre qu’elle n’aimait pas. En soi sa professeure avait raison, si on prenait les choses de son point de vue, ça ne se règlerait pas si elle ne venait pas en cours, mais la jeune Delphillia en était à un stade où elle ne voulait pas arranger les choses, elle baissait juste les bras. Elle s’était faite à l’idée qu’elle n’arriverait jamais malgré tous ses efforts à lancer le moindre sortilège. De toute façon sa professeure de sortilège faisait ce qu’elle avait à faire face à un élève qui séchait les cours, elle ne pouvait pas cautionner les actions de la batteuse, mais venir en cours ne serait pas la clé du problème non plus.

Aliénor soupira en redressant la tête, ses doigts glissant dans ses cheveux en les plaquant sur sa tête vers l’arrière. Elle ferma les yeux sous l’agréable sensation que ce geste produisait avant de laisser ses mains retomber sur la table, sa tête revenir à un angle habituel et ouvrir les yeux. Yeux qui se baladèrent dans la salle de classe durant quelques secondes pour trouver la réponse à la question de Miss Perkins. Elle ne se l’était jamais demandé, quand cela avait commencé, quand elle avait pris ce retard sur ses camarades, elle pensait que c’était comme cela depuis toujours, mais pas vraiment finalement. Il y avait peut-être un élément déclencheur, le même que sa colère et ce caractère qu’elle affiche maintenant.

-Depuis ma deuxième année. Depuis le départ de mes parents pour l’Espagne je crois.

Oui, c’était ça, exactement ça. Le moment où Aliénor a le plus grandi, où elle s’est découverte elle-même, elle et ses démons, moment où elle a compris qu’elle ne pourrait pas toujours compter sur les autres et qu’elle devait venir plus forte pour survivre à la vie. Toujours plus forte. Moment où elle s’est forgé une carapace, déjà présente auparavant, mais qui est devenue bien plus complexe à contourner. Quand elle est vraiment rentrée dans l’adolescence en somme. Mais ce serait alors encore une fois de la faute de sa mère ? Non, toute la vie d’Aliénor ne pouvait pas tourner autour de cette erreur et lui rappeler sans cesse la douleur qu’elle avait ressenti quand elle avait reçu cette lettre de ses parents. Ce sentiment d’abandon, d’incompréhension, de trahison. Elle était passée au-delà, elle avait pardonné à sa mère alors pourquoi aujourd’hui dans cette salle de classe ça revenait sur le tapis ? La jeune fille serra les poings et sa mâchoire se contracta, ça ne pouvait pas venir de là, cet évènement ne pouvait et ne devait pas avoir autant d’impact sur sa vie, elle était plus forte que ça.

-Mais en quoi ça aurait un rapport avec ma magie, ça n’a aucun sens. C’est ma baguette qui cloche, on s’entend pas, on se comprend pas. Je suis juste pas faite pour ça, il y a des gens fait pour la musique et d’autres qui n’y arriveront jamais et ben là c’est pareil, je suis pas faite pour lancer des sorts.

Elle ne savait pas si elle essayait de se persuader, si ça pouvait vraiment avoir un lien et si ça avait un lien, elle n’avait aucune idée de comment passer outre. Elle avait déjà réglé ses problèmes liés à cette partie de sa petite vie, alors quoi faire de plus ? Comment pouvait-elle avancer si le passé lui foutait toujours les mêmes barrières sur son chemin ? Les épaules de la jeune fille tombèrent.

-Ça peut pas venir de là, j’ai pardonné, j’ai surmonté, je n’ai plus rien à faire sur cette histoire.

Sa voix était plus faible, fissurée comme un miroir incapable de refléter correctement un reflet une fois brisé. Cette épreuve avait changé Aliénor, mais l’eau avait coulé sous les ponds et elle allait mieux, c’était du passé, rangé dans une case de sa vie à ne pas rouvrir. Parce qu’au fond, y repenser faisait toujours du mal. Les blessures se referment mais les cicatrices restent à vie.

Même si la jeune Poufsouffle tentait de se montrer forte, Eleanor n'était pas aveugle et voyait bien que ce n'était qu'une façade qui menaçait de s'écrouler laissant son coeur et ses émotions à vif. Désarçonnée par les paroles de son élèves, la professeure l'écoutait avec attention se livrer à coeur ouvert et souhaitait lui apporter son aide même si ça ne s'annonçait pas aussi facile qu'elle l'imaginait.

- " Je pense que vous n'êtes pas tout à fait guérie de ce qu'il s'est passé lors de votre deuxième année. Je pense que ça ne peut pas être un hasard si vos difficultés sont apparues en même temps que cet événement de votre vie. C'est une bonne chose, vous connaissiez déjà la cause de vos difficultés avec la magie. C'est une chose que vous n'aurez pas à découvrir et un gain de temps important pour aller de l'avant ".

Après avoir terminé sa phrase, l'enseignante se souvint de la suite du discours de la jeune fille. Pour Eleanor, les propos de son élève ne tenaient pas la route et n'avaient aucun sens. Si elle était entrée au château c'est parce qu'elle était "faite" pour pratiquer la magie et lancer des sortilèges. D'ailleurs, avant sa deuxième année, les choses s'étaient plutôt bien passées pour elle. Concernant sa baguette, ce n'était pas un hasard si elle l'avait choisi. Après tout, c'est la baguette qui choisit son sorcier et non l'inverse !

- " Vous avez été admise à Poudlard parce que c'est ici qu'est votre place. Par conséquent, vous êtes faites pour pratiquer la magie et lancer des sortilèges. Concernant votre baguette, je suis déçue de voir que mon enseignement vous a déjà échappé. Il me semble vous avoir toujours enseigné que c'est la baguette qui choisit son sorcier et non l'inverse. Par conséquent, ce n'est pas un hasard si elle vous a choisi. Croyez-moi, elle vous correspond très certainement ! Les baguettes ne se trompent jamais. Votre baguette n'y est pour rien dans cette histoire, j'insiste ".

Eleanor marqua un temps de pause avant de reprendre.

- " Vous devez vivre avec votre passé. Bien sûr, ça n'est pas facile mais il faut avancer. Vous pouvez être fière de vous car vous avez compris la cause de vos difficultés. Désormais, il faut les surmonter. Si vous le souhaitez, je peux vous y aider ".

Eleanor attendait la réponse de son élève avant de poursuivre.

Assise sur cette chaise, elle ne bougeait plus, elle avait livré, beaucoup livré à sa professeure. Ce n’était pas simple pour elle, elle avait cette affreuse impression de se mettre à nu. Mais c’était le seul moyen pour avancer non ? Quand sa professeure prit de nouveau la parole, elle releva doucement les yeux vers elle, buvant littéralement ses paroles comme si elle pouvait régler tous ses soucis d’un seul coup.
La source ? Peut-être, ce départ avait également exacerbé son côté colérique. En fait cet évènement avait rendu la gestion de ses sentiments bien plus complexe et si elle pensait que c’était ça qui bloquait sa magie chez elle, c’est peut-être parce que les deux évènements étaient liés et avaient la même source, que ce soit le contrôle de sa magie, ou celui de ses sentiments. Elle c’était trompée tout ce temps alors ?

Le visage de la jeune fille se tordit en une moue de réflexion et une ride verticale se dessina entre ses deux yeux. Repenser à ce départ, à cet abandon, à la pression de l’enquête à sa mère qui disparaissait de sa vie, c’était dur. Son regard se perdit de nouveau dans la salle de classe alors que sa professeure reprenait la parole. Elle avait raison, Aliénor ne pouvait pas continuer à tout cacher au fond d’elle. Son passé faisait ce qu’elle était aujourd’hui et il y avait du bon dans tous les problèmes qu’elle pouvait avoir.

-Mais s’il y a une exception, si une seule baguette depuis tout ce temps c’est trompé et que c’est la mienne ?

Sa tête retomba entre ses mains et ses doigts griffèrent son crane entre ses cheveux. Elle se sentait incapable, et dangereuse.

-Je sais plus quoi faire Miss. J’ai l’impression d’être un danger dès que j’utilise la magie, de pouvoir exploser à tout moment.

Elle était perdue, totalement perdue dans cette partie de son être qu’était la magie à laquelle elle avait accès. Elle redressa la tête avant de chercher le regard de sa professeure de sortilèges.

-De toute façon toute seule j’y arrive pas… Alors oui, j’ai besoin d’aide.

Mettre sa fierté de côté, accepter qu’elle ne puisse rien faire pour avancer dorénavant. Qu’elle était faible face à sa magie et que lorsque celle-ci explosait, qu’elle ne pouvait rien faire.

Même si la jeune fille semblait écouter avec intérêt ce que lui disait sa professeure, elle ne pouvait s'empêcher de douter de ses paroles. Une exception ? Non, il n'y avait pas d'exception puisque les baguettes ne se trompaient jamais. Même si elle espérait une réponse positive à sa question, Eleanor ne pouvait la lui donner ... Après tout, elle aurait enfin connu la raison de ses difficultés ... Et il aurai, probablement, suffit de changer de baguette magique.

- " Comme je vous l'ai dit, les baguettes magique ne se trompent jamais. Croyez-moi, des sorciers qui ont connu des difficultés à maitriser leur magie, il y en a eu un paquet .... vous n'êtes pas "la seule" ... Leur baguette n'a jamais été la cause de leurs difficultés, croyez-moi. Je comprends que ce ne soit pas facile d'accepter que le "problème", si je puis dire, vient de vous et non de votre baguette. Il est plus facile de remettre la faute sur sa baguette plutôt que d'admettre que c'est à cause de nous ... Tant que vous n'accepterez pas tout ça, vous ne parviendrez pas à faire mieux ".

Eleanor savait que ses mots n'étaient pas faciles à entendre mais elle savait que la jeune fille était forte et qu'elle comprendrait que sa professeure ne voulait que son bien.

- " Je ne veux pas vous blesser, croyez-moi. Vous n'êtes pas la première à avoir des difficultés à maitriser vos pouvoirs magiques. Votre baguette n'a rien à voir dans cette histoire et vous êtes à votre place au château. Il faut avancer avec ça ... Désormais, vous devez vous concentrer sur vous et vos difficultés à passer outre votre passé. Si vous le désirez, nous avancerons ensemble ... ".

Lorsqu'elle eut terminé sa phrase, la professeure marqua un temps d'arrêt et repensa à ce que venait de lui dire son élève. Exploser ? Elle avait l'impression d'exploser ? ... Aussitôt, une idée lui vint à l'esprit ...

- " Vous êtes en colère ? Je veux dire ... de ce qu'il s'est passé en deuxième année, ... le départ de vos parents ? Ma question n'est pas idiote, je vous assure ... Pour maitriser sa magie, il faut maitriser ses émotions ... J'ai comme l'impression que vous n'y parvenez pas toujours .... ".

Eleanor attendait la réponse de son élève ... réponse qui allait probablement éclairer l'enseignante.