octobre 2045
Deuxième année
Feat @Clarke Kane

<sup>Nouvelle Lune

***

"Grandir c’est décevoir un peu
Il faut s’appliquer si l’on veut rater sa vie"</sup>

Comme à son habitude, Eugène ne regardait pas où il allait. Toute son attention était accaparée par "Le Grand livre des potions" d'Arsenius Beaulitron et le chapitre qui concernait les somnifères. C'était le sujet de son dernier cours et, de facto, de son devoir d'aujourd'hui. Mais dans un ordre plus personnel, le gamin était intéressé par cette potion pour une toute autre raison : ses insomnies, poison de ses nuits. Il était tenté de s'exercer et de voir le résultat sur lui-même, étant donné qu'il était le sujet idéal pour une telle expérience ! Et puis comme dirait sa mère, nous sommes jamais mieux servit que part soi-même. Bon, de vous à moi, il serait plus simple de demander à l'infirmier de lui fournir des somnifères, mais là, il avait la possibilité d'améliorer son niveau dans cette matière. Il était heureux d'avoir des E, mais il voulait atteindre l'excellence !

Comme dit plus haut, Eugène ne regardait pas où il allait. Alors, sans surprise, il ne put éviter cette dalle fissurée à sa gauche. Sa canne s'y coinça et le garçon jura dans sa barbe. Seigneur, ce genre de bêtise n'arrivait que à lui. Il tenta de décoincer sa canne, mais en vain. À la place, il bouscula involontairement une gamine de passage. Eugène leva à peine les yeux dans sa direction, bien plus préoccupé part sa situation que part la sienne. Aussitôt, son attention revint sur sa canne. Il souffla fortement et laissa tomber son sac et son manuel à ses pieds, avant d'attraper le manche à deux mains.

Alors qu'il s'apprêtait à tirer de toutes ses forces, une voix fluette s'exclama dans son dos :

— Hé ! Tu pourrais t'excuser, non !?

Eugène souffla de nouveau. Seigneur, la gamine était toujours là ? Pourquoi n'avait-elle pas tracé sa route comme tout le monde ? Et s'excuser de quoi ? Faut dire qu'Eugène ne prêtait aucunement attention à son environnement et il ne retenait pratiquement rien. Pour seule réponse, il dévisagea la Serpentarde qui attendait avec impatience ses excuses.

Il fronça du nez :

— M'excuser de quoi ? demanda-t-il, et tu ne vois pas que j'suis un peu occupé là ?

Sur le coup, Eugène s'étonna de lui-même. Lui ? Avoir du répondant ? Eh bien, cela le changeait clairement de l'année dernière ! Où était passé l'enfant qui se faisait marcher dessus ? Il s'effaçait, semblerait-il. C'était ça, grandir ? Les centimètres en plus, les hormones et la crise d'adolescence ?

Il se détourna de la gamine et tira sur sa canne. Il s'exclama joyeusement quand cette dernière se décoinça enfin et satisfait, Eugène se pencha pour récupérer ses affaires, avant de s'apprêter à partir comme si de rien ne c'était passé.

Deux semaines. Mais comment ça, deux semaines ? Hors de question !

Une lettre de ma mère à la main, je marche à pleine vitesse en direction du parc pour prendre l'air. N'y a-t-il vraiment pas d'autres solutions ? Sept jours chez mon père, c'est déjà suffisamment compliqué, alors le double ? Plutôt me jeter tout de suite de la tour d'astronomie !

Pestant contre la situation, les choses ne s'arrangent pas lorsque je percute de plein fouet un élève.

Non, rectification.

Les choses ne s'arrangent pas lorsque qu'un élève me percute de plein fouet.

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous, en ce moment, à pas r'garder d'vant eux ?!

Je jette un regard noir au garçon, qui a l'air légèrement plus âgé que moi. Mais celui-ci semble se préoccuper d'autre chose. Ses deux mains ont attrapées une canne qui est coincée dans une fissure au sol. Il a posé son sac et son livre sur le marbre du couloir.

- Hé ! Tu pourrais t'excuser, non !?

Il souffle et ses yeux se lève dans ma direction pour me dévisager.

- M'excuser de quoi ? Et tu ne vois pas que j'suis un peu occupé là ?

- Si, moi, contrairement à d'autres, j'ai les yeux en face des trous !

Il se détourne de moi pour reporter son attention sur sa canne. Il la tire, et celle-ci se décoince, provoquant une exclamation joyeuse chez le garçon. Il récupère ses affaires et s'apprête à partir.

Partir ? Et puis quoi, encore ?!

- J'sais pas si t'étudiais la politesse avant d'atterrir dans c'château de misère, mais quand on bouscule quelqu'un, on s'excuse.

Mes yeux, rivés sur le garçon, le toisent, attendant une quelconque réaction de sa part.

octobre 2045
Deuxième année
Feat @Clarke Kane

<sup>Premier Croissant

***

"Grandir c’est décevoir un peu
Il faut s’appliquer si l’on veut rater sa vie"</sup>

— J'sais pas si t'étudiais la politesse avant d'atterrir dans c'château de misère, mais quand on bouscule quelqu'un, on s'excuse.

À ses mots, Eugène fit volte face tout en prenant appuie sur sa canne pour ne pas perdre l'équilibre. Il dévisagea clairement la gamine, le nez froncé. À quel moment il l'avait bousculé ? Il avait beau fouillé sa mémoire, il n'en avait aucun souvenir. Cette situation indésiré l'embêta. Premièrement, il ne voulait pas s'excuser. Rien ne disait qu'il l'avait réellement basculé, après tout ! Secondement, il avait autre chose à faire que de se prendre la tête, comme finir ses devoirs, par exemple.

L'idée de l'ignorer et de continuer simplement sa route était alléchante, seulement, la petite semblait être déterminé. De vous à moi, il avait clairement la flemme de l'avoir collé à ses baskets. Contrarié, il maugréa alors :

— Eh bien je m'excuse, bien que je n'ai aucun souvenir de t'avoir bousculé !

Il écarta ses bras, plus ou moins impatient. Il voulait reprendre sa route et se mettre au chaud dans sa salle commune, mais le moment, il était bloqué là avec une histoire enfantine sur le dos.

— Puis-je continuer ma route, maintenant ?

C'était une question rhétorique, Eugène allait bien-sûre reprendre sa route et il n'allait pas attendre sa permission pour ça. De nouveau, l'irlandais s'apprêtait à s'en aller.

Il s'appuie sur sa canne pour faire volte-face.

Bien, au moins j'ai attiré son attention.

Le nez froncé, ses yeux me dévisagent à nouveau.

Ou ses foudres.

- Eh bien je m'excuse, bien que je n'ai aucun souvenir de t'avoir bousculé !

Il est contrarié, pas besoin d'être un génie pour le comprendre. En tout cas, il a la mémoire courte. Ou alors il a vraiment pas fait attention.
Le garçon s'apprête à partir à nouveau, mais je n'y fais même pas attention : un mal de crâne - un de plus - menace de pointer le bout de son nez. Je me pince l'arête du nez en soufflant.

- Je sais même pas pourquoi je me prend la tête avec des gamineries pareilles. je lance plus pour moi que pour quelqu'un d'autre.

Ce n'est pas mon genre. Mais à vrai dire, je suis plus qu'à cran depuis que je suis ici. Pas étonnant, avec tout ce qui m'arrive. A croire que je suis maudite. Ce qui, entre nous, ne serait pas étonnant non plus.

Il y a un coup de vent, qui fait voler un parchemin loin de moi. Lorsque je me rend compte que c'est le mien - et il s'est passé quelques secondes - je cours jusqu'à lui, empruntant la même direction que le garçon.

octobre 2045
Deuxième année
Feat @Clarke Kane

<sup>Premier Quartier

***

"Grandir c’est décevoir un peu
Il faut s’appliquer si l’on veut rater sa vie"</sup>

Sa canne claquait contre le sol pierreux, brisant le silence qui venait de s'installer. Il ne prêtait aucune attention à la gamine dans son dos, ni même à ses mots. Eugène pensait déjà à autre chose. Entre ses devoirs et ses prochains cours, Eugène avait la tête bien vite remplie, sans parler de ses rêveries et autres pensées encombrantes.

Il arrivait au bout du couloir, quand une vague de vent frappait son dos. Eugène frissonna. Il y avait tellement de courant d'aide dans ce château ! Il était pressé de retourner dans sa salle commune pour se prélasser devant la cheminée ou bien même dans sa couette.

Un parchemin s'enroula autour de sa jambe, attirant son attention. Eugène fronça les sourcils et avec précaution, il se pencha pour la ramasser tandis que dans son dos, quelqu'un courrait dans sa direction. Eugène se retourna et dévisagea la gamine qui bouclait les derniers mètres à grandes jambées. Durant ce temps, Eugène reconsidérait la situation. Clairement, il n'avait pas été poli et encore moins sympathique à l'encontre de la Serpentarde. Sa tendre mère l'aurait puni pour un tel mauvais caractère.

Penaud, il tendit le parchemin et marmonna :

— Pardon pour tout à l'heure, ce n'était pas très sympathique de ma part...

Ni même polie, pensait-il après coup.

— Je m'appelle Eugène.

Mes pieds foulent le marbre du couloir, en direction du garçon. Celui-ci se baisse et ramasse le parchemin, qui est plus une lettre qu'un pauvre bout de papier, d'ailleurs. Il me le tend, et je le prend, vérifiant rapidement qu'il soit intact. Il n'a presque rien, si ce n'est quelques traces de terre qui partirent vite lorsque je souffla dessus. Je le mets dans ma poche en le pliant soigneusement, puis prête attention au garçon qui me fait toujours face.

- Pas grave. C'est pas comme si j'en était morte, non plus.

Je lui souris d'une façon qui se veut sympathique. Bien que cela ne me plaise pas de l'avouer, je n'ai pas non plus été très sympa avec lui. Mais mes nerfs me contrôlent plus que je ne les contrôlent, alors les débordements arrivent régulièrement, surtout ces temps-ci. Même si celui-là n'était pas grand chose, comparé à d'autre, en tout cas.

Mon idée de départ me revient en mémoire. Avec ce vent, pas question d'aller au parc maintenant. Donc pas d'autres choix que d'aller aux sous-sols. Pour changer. J'y serais beaucoup plus au chaud qu'à l'extérieur. Mais visiblement, ce n'est pas pour tout de suite.
Enfin après tout, ça ne va pas me faire de mal de sociabiliser, ne serait-ce qu'un peu.

Je prend le temps d'enregistrer son prénom, avant de moi-même lui donner le mien.

- Moi c'est Clarke.

octobre 2045
Deuxième année
Feat @Clarke Kane

<sup>Premier Quartier

***

"Grandir c’est décevoir un peu
Il faut s’appliquer si l’on veut rater sa vie"</sup>

La gamine reprit son parchemin — qui était une lettre plus qu'autre chose. Elle prit le temps de vérifier ladite lettre, soufflant même dessus pour y retirer la saleté, avant de la plier et la glisser dans l'une de ses poches sous l'œil avisé d'Eugène.

— Pas grave. C'est pas comme si j'en était morte, non plus, finit-elle par répondre.

Eugène haussa les épaules. Elle avait raison, il n'y avait pas mort d'homme, mais pour autant, il n'avait pas été sympathique avec elle.

— Moi c'est Clarke.
— Eh bien, je suis enchanté Clarke. Promis, je ne suis pas quelqu'un d'aussi rustre... disons que j'ai eu une longue journée ? Bien que cela n'excuse pas mon mauvais comportement.

Son regard se déporta, marquant sa gêne. Il hésita sur la suite des évènements : devait-il entamer une conversation avec elle, ou bien devait-il tracer sa route comme initialement prévu ? Sa langue claqua contre son palais.

— Où tu vas ? Personnellement, je retournais dans ma salle commune.

C'était une invitation à faire un bout de chemin avec lui, enfin, seulement si Clarke allait dans la même direction que lui. Il ajuste la sangle de son sac sur son épaule et ajouta :

— On pourrait papoter sur le chemin ? Enfin, si tu le souhaites, bien sûr... tu es en première année, non ?

Pas de doute, Clarke semblait plus jeune que lui. Son visage portait encore les vestiges de l'enfance, comme le sien d'ailleurs, bien que ses traits commençaient à s'affiner. Le temps passe si vite, songea-t-il. Il aura 13 ans en mars.

- Ouais, moi aussi j'ai eu une longue journée. Dis-je en soupirant.

Il semble hésiter quelques instants. Mais hésiter à faire quoi ? Ou à dire quoi ? Bonne question.

- Où tu vas ? Personnellement, je retournais dans ma salle commune.

Il ajuste son sac, avant de me proposer de papoter sur le chemin. Pourquoi pas. Après tout, ça ne peut pas me faire de mal, si ?

- J'vais dans ma salle commune. Il fait trop froid pour aller dans le parc, t'façon. dis-je en jetant un rapide coup d’œil vers l'extérieur.

Je poursuis rapidement et répond à sa question, acceptant ainsi de faire un bout de chemin avec lui, sans le dire réellement.

- J'suis en première année, ouais. Et toi ?

Je doute qu'il soit beaucoup plus âgé que moi. Mais au moins un peu, j'en suis sûre. Son visage porte encore des marques de l'enfance, mais ses traits sont tout de même plus affinés que les miens.

Je commence à marcher sans attendre sa réponse. De toute façon, on fait le chemin ensemble, alors il va forcément me suivre, non ? Normalement oui.
Mes pieds traînent sur le sol, et je coince une mèche de cheveux derrière mon oreille. Mais celle-ci ne reste pas en place très longtemps, en grande partie à cause du vent. Je souffle et sors un élastique. J'attache rapidement mes longs cheveux corbeaux en queue haute en jurant.

Et encore désolé pour cette attente !

octobre 2045
Deuxième année
Feat @Clarke Kane

<sup>Gibbeuse Croissante

***

"Grandir c’est décevoir un peu
Il faut s’appliquer si l’on veut rater sa vie"</sup>

Clarke indique que tout comme lui, elle se dirigeait vers sa salle commune en ajoutant qu'il fait trop froid pour aller au parc. L'automne était une jolie saison, malheureusement, il était dur d'en profiter pleinement. Les prémices de l'hiver se faisaient ressentir. La pluie se déversait des jours durant et le vent était mordant.

— J'suis en première année, ouais. Et toi ?
— En deuxième année, répondit promptement Eugène.

Clarke s'était déjà mise en route et tout naturellement, Eugène se mit à la suivre non sans boiter. C'était d'autant plus flagrant en cette période de l'année ; sa hanche n'aimait pas le mauvais temps. À chaque pas, Eugène pouvait sentir ses articulations protesté. Eugène supporta la douleur qui n'était qu'un désagrément. Rien d'affolant, il allait survivre.

— Tu es heureuse d'être ici ?

Eugène aimait poser cette question. Il aimait connaître le ressentit des nouveaux, ce qu'ils pensaient de ce lieu et de leurs maisons.

— Je me souviens d'avoir mal vécu ma répartition... trop de stress, trop d'appréhension et de doute. Bref, il rit doucement, j'étais à deux doigts de la crise d'angoisse !

En fait, il serait incapable de dire s'il avait crisé finalement. Eugène n'avait plus de souvenirs de ce jour, si ce n'était cette voix qui avait hurlé "Poufsouffle".

— Tu te sens bien dans ta maison ?

Comme je le pensais, Eugène me suivit, avec difficulté. Je ne m'étais pas interrogé tout à l'heure sur sa canne, qui ne doit pas être là seulement par hasard. Un problème de santé, sûrement. Malgré tout il me suit, boitant tout de même à chacun de ses pas.
Sa question me fait ralentir le pas. Heureuse ? D'être dans ce château où on ne veut pas de moi ? Mouais. Tout sonne faux, ici. Mais je n'ai pas le temps de répondre - et qu'aurais-je pu répondre ? -, Eugène continue de parler, abordant le sujet de sa répartition mal vécue. De mon côté, la répartition en elle-même s'était plutôt bien passé, de toute façon peu importe l'endroit où j'allais atterrir, je n'y connaissais rien. En revanche, une fois assise à ma table, on m'a immédiatement fait sentir comme une tâche dans le tableau soi-disant parfait de Serpentard. Soi-disant, puisque la parole d'une gamine trop fière ne vaut pas grand chose. Des nés-moldus, il y en a certainement un tas, autant à Serpentard qu'ailleurs, mais c'est tout de même à moi qu'elle s'en est pris, sur moi qu'elle a craché son venin de serpent.

- J'préfèrerais milles fois être dans ma chambre à Harrow plutôt que d'être coincé ici.

Je fais une pause, réfléchissant à la manière de dire les choses. Pour une fois que je réfléchis avant de parler ! Mais n'ayant pas envie de passer pour la pauvre gamine qui se plaint, il est plus judicieux de réfléchir.

- Comment se sentir bien quelque part où on ne veut pas être ?

C'est la seule réponse que je formule. Répondre à une question par une autre, voilà quelque chose que j'aime faire. Je ne saurais même pas dire pourquoi, sûrement parce que ça m'évite d'avoir à parler sentiment et ressenti.

- Ma répartition ne s'est pas super bien passé non plus. L'accueil dans ma maison n'a pas été agréable.

Sang de bourbe. Cette expression résonne dans ma tête comme un écho. Je n'avais pas compris son sens, au début. Mais en me renseignant, j'ai compris, et cela a confirmé ma pensée : c'est là une bien sale insulte.