Lumah trainaît des pieds, peu réjouie par l'idée de rejoindre sa salle commune. Enfin, elle n'avait rien contre sa salle commune, mais c'était plutôt de rejoindre son lit dont elle avait peur, parce qu'il y avait de multiples chances qu'elle ait à affronter une nouvelle nuit de cauchemars - enfin, plutôt une nouvelle nuit à les fuir en restant éveillée -, et cette perspective la réjouissait assez peu. Si seulement elle avait pu passer ces nuits blanches sous un ciel étoilé, comme lors de sa rencontre avec Antares Fraw, en première année ! Bien qu'elles aient fini par rentrer dans leurs salles communes respectives, elles avaient passé un bon moment toutes les deux à contempler les astres et à se raconter des anecdotes diverses et variées. Et, à vrai dire, même s'il fallait qu'elle y aille sans compagnie, Lumah préférait passer sa nuit là-bas plutôt que dans son lit avec ses peines et ses remords, mais elle ne souhaitait pas être encore une fois envoyée en retenue pour non-respect du couvre-feu et du règlement, alors elle était bien obligée de s'abstenir ; elle en tenait un assez mauvais souvenir. Elle ne se souvenait plus de ce qu'elle avait du faire, mais oui, elle ne voulait pas avoir à le faire de nouveau. C'est vrai ça... Que lui avait-on donné, comme punition ?

Lumah s'arrêta au détour d'un couloir ; ce n'était peut-être pas le moment de se poser ce genre de questions, en fait. Il y avait plus important : elle s'était encore perdue, et si elle voulait rentrer dans sa Salle Commune, elle avait intérêt à presser le pas ! Il ne fallut heureusement à la petite que quelques secondes d'observation pour reconnaitre l'escalier menant à la tour d'Astronomie. Bon, elle était relativement loin de son objectif, mais au moins, elle savait où elle était, c'était l'essentiel et... Lumah arrêta son regard sur un élève qui descendait l'escalier, sortant certainement de son cours d'astronomie.

« Finn ! »

Bien plus légère qu'elle ne l'était auparavant, la blondinette sautilla en sa direction, avant d'esquisser un mouvement de recul ; elle se trouvait sur le chemin du professeur Briggs. Et, d'ailleurs, Merlin ! Elle ne l'avait jamais remarqué, mais il était sacrément beau.

« Wahh, mais il est trop beau », confia la petite à son ami dans un souffle. Elle était presque dégoûtée de ne pas avoir Astronomie dans sa fillière, tiens.

L’Astronomie. Infini n’y avait jamais pensé avant Poudlard, ou de très rares fois. Il regardait les étoiles avec émerveillement comme tout le monde et s’étonnait de leurs propriétés physiques et chimiques autant que son jeune âge le permettait. Mais ce n’était pas un sujet qui l’avait intéressé jusque-là. Par exemple, beaucoup de ses camarades de classe de l’école moldue rêvaient de devenir astronautes ou de marcher sur la Lune. Ils voulaient tous flotter en apesanteur dans l’espace. Sa piscine lui suffisait amplement. Flotter entre deux eaux, retenir son souffle et nager vers le fond à s’en râper le ventre, c’était ça qui animait une lueur de désir au fond de ses yeux. La conquête du vide, très peu pour lui, merci. Comme tous ces films avec des animaux dans des stations spatiales et des lasers verts et rouges, il trouvait ça d’un ennui mortel. Et dire que son père et Percy regardaient ça comme des gamins éblouis et admiratifs…

Mais l’Astronomie à Poudlard. Ça, c’était quelque chose. Ça, ça valait le coup de rester éveillé tard dans le soir et se retrouver avec des cernes de panda le lendemain dans un réveil plus que difficile. A chaque cours, l’exaltation d’Infini pour cette matière augmentait. Son impatience du cours prochain était telle que souvent, il montait les escaliers et s’installait quelques minutes pour admirer la vue de la Forêt Interdite entourée par le Lac-plus-très-lac et en profitait toujours pour essayer de jeter un œil dans la salle de cours ou dans le bureau du professeur Briggs. Il n’était pas pour rien dans la soudaine glorification du petit pour les étoiles. Lui mettait surtout ça sur la possibilité d’utiliser du matériel digne d’un grand scientifique mais… oui. Dès le second cours de l’année, le brun avait compris que le prof y était pour quelque chose. Et depuis, il veillait à être le plus sage, le plus actif dans ses cours, à avoir des bonnes notes – et jusqu’ici il en avait des excellentes d’ailleurs – et comme Briggs était aussi directeur de sa maison, il essayait d’être remarqué positivement en Salle Commune et de participer à la vie de Gryffondor.

En sortant de son cours d’Astronomie, le cœur battant d’avoir pu observer son professeur pendant près de deux heures, il était étonnamment léger. Presque à côtoyer les étoiles. Il n’aperçut Lumah que lorsqu’il se trouva assez près d’elle pour l’entendre parler et le tirer de ses rêveries. Elle aussi n’avait pas pu résister au charme du professeur Briggs. En se glissant près d’elle et s’appuyant sur le mur de pierres pour ne pas perdre pieds, il lui glissa, les yeux rivés sur le dos de la silhouette de l’homme de toutes leurs attentions : « Si tu savais Lumah… si tu savais comme il plus que beau. Il est tellement étincelant. » Mode fanboy activé. Presque qu’on pourrait entendre ses gloussements.

C'est un Infini pensif à qui Lumah s'était adressée ; elle ne l'avait pas remarqué sur le coup, trop focalisée, elle devait se l'avouer, sur le visage du professeur (qu'elle n'avait certes pu observer que quelques pauvres secondes ; n'en restait que son souvenir, auquel elle essayait de s'accrocher), mais le garçon avait l'air d'être sur un petit nuage. Le voir aussi léger rendit Lumah toute heureuse, elle aussi. Il était contagieux, son sourire, et Infini un vrai petit être de lumière ; c'est pourquoi la blondinette appréciait toujours sa présence.

Soudain, le première année s'approcha d'elle et posa sa main contre le mur, incitant Lumah à se pencher pour l'écouter - légèrement, à vrai dire, elle n'était plus grande que lui de quelques pauvres centimètres - mais elle avait cette impression que ce qu'il se tenait prêt à lui dire devait rester entre eux seul, comme un secret.

La petite écouta Finn divaguer tandis qu'elle suivait son regard, qui était posé sans surprise sur Mr. Briggs - enfin, son dos. Hochant tout d'abord discrètement la tête à ses propos, car elle les validait totalement, la petite lui répondit ensuite, à voix basse :

« C'est trop dommage, je l'avais plus en deuxième année mais je l'aurai pas cette année ni toutes les suivantes parce que j'ai pris Sports et Soins en filière, et y'a pas astronomie... » (Elle soupira) « Ses cours étaient si bien en plus ! »

Lumah plaça alors sa main un peu devant sa bouche, penchant légèrement sa tête vers le garçon, pour lui demander d'un ton quasi-inaudible, les yeux brillants :

« Au fait, toi, qu'est-ce qui te plaît le plus chez lui ? »

Infini ferma les yeux lorsque la trace visible de Mr Briggs disparut au bout du couloir. Il cherchait des traces invisibles, impalpables, pour se raccrocher au réel - au rêve de sa réalité. Il finit par détacher légèrement son dos du mur frais et ferma les yeux, la tête étirée vers le bout du couloir. Il inspira totalement et son action fit s'étendre son corps vers le haut naturellement. Encore deux petites respirations sur la pointe des pieds et il attrapa enfin ce qu'il cherchait. Un soupçon de parfum, une fine fragrance dont il s'imprégna en fronçant les sourcils. Il aimait tant sentir, tout sentir, et particulièrement les effluves qui lui rappelaient de bons souvenirs. Le citron, la verveine, le chlore. Et évidemment le parfum de Mr Briggs. Était-ce son odeur naturelle ? Finn ne le savait pas mais il rouvrit les yeux, légèrement brillants. Il replaça son dos à sa place initiale et tourna sa tête vers Lumah.

« Han, mais c'est trop dommage. Jamais je prends Sports et Soins en filière, alors. Je prends Astronomie et c'est tout. Mais t'as pas cours là, tu pourrais te faire petite souris et venir en cours avec moi, non ? » Il acquiesça quand son amie soupira. Il fit une petite moue empathique pour Lumah et lui tapa l'épaule en guise de soutien. Plus de cours d'Astronomie de la vie, ça revenait un peu à dire plus jamais de pâtes bolognaise de la vie. C'était carrément horrible. Il avait encore plus envie de profiter de ses heures passées avec le professeur désormais et il sentait qu'il lui serait maintenant difficile de devoir attendre sept jours jusqu'au prochain cours, et quatorze jusqu'au prochain-prochain cours.

Quand Lumah se pencha vers lui pour lui demander discrètement, à voix basse - alors que personne mis à part des fantômes ne pourraient les surprendre à une heure aussi tardive - ce qu'il aimait le plus chez lui, il rougit instantanément. Le petit passa une main nerveuse dans ses cheveux et sourit. « Hmm... » Il devait réfléchir à sa réponse. Mais il ne pouvait pas parce que les images mentales de lui tourbillonnaient dans sa tête, en même temps que la reproduction artificielle de sa voix et de son parfum, Infini voyait ses mimiques, sa façon de marcher, ses yeux pétillants, ses cheveux qui paraissaient si doux alors qu'un sourire béat s'étala sur sa figure. Il ne l'avait dit à personne, même pas aux garçons du dortoir, parce qu'il ne savait pas s'il avait le droit de le faire, mais avant de dormir, il projetait sur ses paupières fermées une représentation du professeur Briggs et se calmait immédiatement. Souvent, il s'endormait même quelques minutes après sa vision. Mais il n'allait pas dire ça à Lumah, pas pour le moment. Peut-être jamais. Il n'était pas prêt à révéler ce secret. Il voulait continuer de rêver en solitaire. « Est-ce que tu vois bien ses yeux ? C'est ses yeux qui me plaisent le plus. Tu te souviens comment ils s'éclairent quand il parle d'Astronomie ? Ces lueurs sont contagieuses. Et puis ses yeux, c'est comme des étoiles à portée d'humains. » Il tira sur sa cravate qui le serrait beaucoup trop. La chaleur de ses joues se répandait dans tout son corps. Il dit fébrilement « E-et toi ? »

Lumah plaça ses bras dans son dos, montant sur la pointes des pieds puis les reposant au sol, observant tout comme Infini en face d'elle le professeur disparaître au bout du couloir. De l'extérieur, leur intérêt pour Mr. Briggs devait être évident, mais il n'y avait pas grand monde par où ils étaient, surtout à cette heure-ci, mis à part les élèves dont les cours se déroulaient là. Et puis surtout, ils s'en fichaient, tous les deux, nageant dans leur univers, situé à des lieues d'ici, bien loin des gens.

Du coin de l’œil, Lumah vit Infini s'adosser de nouveau au mur. Alors, elle posa ses pieds au sol, arrêtant tout mouvement, et replaça son attention sur celui qu'elle considéraient comme un petit frère. Leur rencontre avait été chaotique, et Lumah ne se considérait pas comme une bonne sœur, une sœur responsable - la preuve avec sa sœur à elle, qui s'en était détachée complètement et qui, bien qu'elle était aussi à Poudlard, ne lui avait adressé ni un seul regard ni une seule parole. Mais leur relation s'était définie comme telle, et, contrairement à Neïa et elle, la blondinette ne s'imaginait pas avoir de conflits avec Infini - et s'il s'en déroulait, ils étaient oubliés aussitôt.

« Tu penses ? On me remarquerait, quand même. Je savais que j'aurais dû le prendre en option... »

Elle sourit en sentant sa main lui tapoter l'épaule. En vrai, le croiser de temps en temps lui suffisait - si elle avait à le voir tout le temps, elle ne suivrait pas ses cours, et elle aurait des mauvaises notes... C'était à se demander comment elle s'était débrouillée les années précédentes.

« Oui, oui je vois ! C'est la même. Ça se voit trop qu'il est passionné, et ça le rend vraiment beau, je trouve », dit-elle, toute excitée.