Les yeux posés sur les dalles de pierre, les fesses contre le sol froid, Lahya se retrouvait assise dans l'un de nombreux couloirs de l'établissement sorcier. Ce soir là, elle n'avait pas vraiment le moral, voire pas du tout. Alors, elle regardait en face d'elle la lune se découper dans le ciel clair, et songeait à son frère, une lettre serrée dans son poing droit. Une lettre abimée, car la jeune fille l'avait tant lu et relu qu'on pouvait voir les plis foncés du papier marquer une séparation entre les divers mots écrits au stylo bille.

Pourquoi la jeune fille ne se trouvait-elle pas dans son dortoir à songer ainsi, pourquoi ne se trouvait-elle pas dans la grande salle à prendre son dîner ? La réponse se tenait en un mot : foule. Trop de monde dans le dortoir, trop de monde dans la grande salle, trop de monde partout. À l'instant présent, la bleue avait besoin d'air, d'espace. Un étau de fer enserrait son cœur, et au niveau de ses côtes, une douleur sourde la parcourait.

Elle souhaitait pleurer. Non, elle ne le voulait pas. Elle avait besoin de verser des larmes. Non, elle s'en trouvait incapable. Il fallait qu'elle reprenne sa respiration. Non, rester de longues minutes en apnée lui paraissait bien plus bénéfique. Il... Les pensées s'emmêlant dans son cerveau de pré-adolecente, chamboulé par tout ces émotions qui lui semblaient si bruyantes, qui n'avaient rien à faire là, la jeune fille enfonça sa tête dans ses bras enlaçant ses genoux.
Respirer, compter, rester rationnelle. Chaque chose avait un but, chaque émotion restait importante. Elle devait analyser ce qui la traversait, pour y faire face.

*Voyons voir...*

Depuis combien de temps se sentait-elle si nostalgique ? Depuis la dernière lettre de son frère. Était-ce la première fois qu'un état tel que cela l'envahissait ? Assurément, non. La deuxième ou troisième fois de l'année. Qu'est-ce qui faisait que son cœur se serrait ?

*C'est difficile.*

Lorsqu'elle arrivait à cette étape, la jeune fille n'arrivait jamais à continuer. Il lui fallait toujours un temps pour respirer. Il lui fallait démêler toutes les différentes émotions qui la traversait. *Tristesse* Mais... Cela allait bientôt faire deux ans qu'elle vivait séparée de son frère, il n'y avait pas que cela. Non... Soudain, Lahya fut saisie d'un petit rire, qu'elle était stupide. Le sentiment se trouvait sous ses yeux depuis le début, et elle ne l'avait pas saisit car elle n'assumait pas. Elle n'assumait jamais de toute façon.
Jalousie. Mêlée à de la tristesse, quel pauvre ménage, la bleue avait honte d'elle. En effet, dans sa lettre, son frère lui avait expliqué ses activités, ses devoirs et sa vie en général. Tout ce qui faisait sentir à Lahya qu'elle ne serait jamais comme son cadet. *Colère* Il y avait de ça aussi. Elle lui en voulait d'être aussi insouciant, qu'il lui raconte tout cela alors qu'elle ne souhaitait qu'être comme tout le monde. Puis, culpabilité. Qui était-elle pour en vouloir ainsi à son frère ? Ces sentiments-là, on lui avait toujours appris qu'il fallait les abhorrer, et pourtant, elle avait beau le savoir... Elle ne parvenait pas à faire cesser tout ce qu'elle ressentait.

Relevant la tête, la jeune fille sourit. Elle allait pleurer, inéluctable prévision, elle le savait. Pourtant, la bleue se sentait mieux. Trouver les causes de son mal-être, pourquoi elle ressentait tout cela, l'avait fait comprendre. Et comprendre la rassurait. Comprendre serait toujours la clef de tout, même de ses sentiments, il ne fallait pas qu'elle l'oublie. Oh non.

Quelques minutes plus tard, essuyant quelques perles salées sur ses joues, Lahya se relevait. Tout rentrait dans l'ordre, ou presque.