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28 janv. 2021, 12:27
 Privé  Dissolution
24 décembre 2045, après-midi
Bibliothèque, Poudlard
4ème année, 14 ans


Le vacarme s’engouffre dans mes oreilles et cogne contre mon crâne à chaque pas que je fais dans le couloir, mais je ne fléchis pas. Mon casque anti-bruit est rangé dans mon sac, avec mes autres affaires, à portée de main, mais aujourd’hui, je ne m’en saisis pas. Il est temps d’affronter mes faiblesses — à chaque fois que je pense au fait que je porte ce casque parce que je suis obligée, et pas seulement car il me permet de me couper du monde, je me sens mal. Il est hors de question de laisser simplement l’Extérieur me briser sans effort. Je dois apprendre à me dresser contre lui, peu importe à quel point le bruit résonne dans ma tête, peu importe à quel point je me sens dépassée, peu importe à quel point je suis décontenancée et incapable de me concentrer sur une chose, avec ces signaux qui se bousculent et perturbent mon sens de l’orientation. Heureusement, je connais parfaitement le chemin. Et les couloirs sont plutôt vides, délaissés de tous les élèves qui sont rentrés chez eux pour les vacances *j’suis obligée de rester*. Ceux qui restent à Poudlard sont pour la plupart dans leurs salles communes, dans le parc, ou en train de travailler, mais il reste assez de monde dans les couloirs pour agresser mon ouïe et rendre mon avancée difficile. Pourtant, j’apprécie cette douleur. Les sons me submergent - le rire d’une élève de première année, le cri d’un Gryffondor, la discussion animée de quelques élèves de Serdaigle -, et m’arrachent à mes pensées. Occupée à gérer le trop-plein sensoriel, je n’ai pas le temps de songer, et cette pause dans la course ininterrompue de mon cerveau est bienvenue. Rapidement, j’arrive devant la porte de la Bibliothèque, et j’entre avec un soupir de soulagement. Peu sont ceux qui travaillent dès les premiers jours de vacances. Le lieu est douloureusement calme.

D’un pas rapide, je me dirige vers le rayon où je sais pouvoir trouver les livres m’intéressant pour poursuivre mes dernières recherches tout en avançant mes devoirs, et saisis deux ouvrages que j’avais précédemment repéré. Je m’aperçois que je laisse trainer mes yeux sur les étagères, alors même que je n’ai plus besoin de rien. *Vas-y*, m’intimé-je. Repousser l’inévitable n’est pas quelque chose que je peux me permettre. Alors, je rejoins rapidement la section où se trouve la réelle raison pour laquelle je suis venue ici au lieu de réviser seule dans un autre endroit du Château. Aelle est bien à la table où je m’attendais à la trouver, entourée de livres, concentrée. Je déglutis difficilement, et m’avance pour m’installer en face d’elle, de l’autre côté de la table, en lui adressant un simple signe de tête et un regard bref avant de détourner les yeux. Sans un mot, je pose mes livres sur la table et installe mes affaires, en faisant attention à ne pas déranger ses propres affaires. Savoir qu’elle m’a laissée m’installer sans me repousser calme légèrement l’angoisse qui gronde dans mon ventre. Elle est en colère contre moi. *Et c’est ma faute*, songé-je une nouvelle fois, puisque je sais que c’est la vérité. Elle agit ainsi depuis que j’ai déposé mon nom dans l’urne. C’est impossible qu’elle m’en veuille de vouloir participer, n’est-ce pas ? Aelle est assez intelligente pour comprendre que je ne l’ai pas fait sans raison. Ce doit être car je ne lui en ai pas parlé avant. Mais, ce n’est pas comme si j’y avais réellement réfléchi. J’ai agis impulsivement, et je ne le regrette pas. En revanche, je regrette ce que cela a déclenché : sa colère.

Durant quelques minutes, je me contente de travailler en silence sur un devoir d’Histoire de la Magie que je dois terminer. Je m’interdis de la regarder, attendant de voir si elle va réagir. Où sont les limites de sa colère ? Elle ne me parle pas ? Ne me laisse pas l’approcher ? Se contente juste de rester indifférente ? Je ne suis pas encore certaine d’avoir tout cerné, c’est déconcertant, et je suis forcée d’avancer avec prudence. À l’instant où je termine la dernière question de mon devoir, après avoir griffonné quelques notes dans un de mes carnets, je relève la tête pour la regarder.

« Je voulais te parler, si t’es pas trop énervée contre moi pour ça ? »

Je suis directe. Avec Aelle, de toute manière, passer par des chemins détournés ou prétendre être là pour une autre raison ne servirait à rien. Et j’aime ne pas avoir à faire semblant avec elle. En tous cas, pour cela. L’envie me prend de me détourner à nouveau pour continuer mes recherches ou dessiner quelque chose en attendant sa réponse, mais je ne bouge pas, mes yeux toujours posés sur elle.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

28 janv. 2021, 15:11
 Privé  Dissolution
24 décembre 2045
Bibliothèque — Poudlard
5ème année



Lorsque Thalia s’installe en face de moi, mon coeur sursaute si fort qu’il me fait mal. Je me fais violence pour ne rien laisser paraître sur mon visage. Je me concentre sur mon parchemin et sur ma plume qui y appose précautionneusement les idées que j’ai en tête. Je ne la regarde pas, je ne montre aucun signe que je l’ai vu s'installer. Si je ne montre rien, cela ne signifie pas que je ne ressens rien. Le brasier qui s’était apaisé, calmé par ma concentration, s’est réveillé à l’instant même où Thalia est apparue.

J’affirme ma prise sur ma plume et me force à continuer ma rédaction. J’ai bien conscience que ce que j’écris n’a plus rien de bien extraordinaire ; c’est tout à fait intolérable, je devrai recommencer ce devoir. *C’est de sa faute*, songé-je avec rancœur. Évidemment, que c’est de sa faute. Tout est de sa faute, absolument tout. À commencer par la fatigue qui tire les traits de mon visage et l’immense douleur qui me malmène le coeur. Impossible de trouver le sommeil, ces dernières nuits. Ce n’est pas comme si je n’étais pas habituée à la fatigue depuis quelques semaines, mais cette fatigue-là n’a rien d’agréable. Elle existe seulement parce que des milliers de pensées me traversent l’esprit au moment du coucher et que le sommeil se refuse à moi. En plus de me trahir, Gil’Sayan me vole mon repos — elle m’aura tout fait, tout fait.

Une autre chose que je peux lui reprocher, c’est le fait que je sois ici, aujourd’hui. Nous sommes la veille de Noël. Cette fête n’a rien de bien particulier pour moi, je ne l’apprécie même pas. Mais le fait est que j’aurais dû me trouver à la maison, aujourd’hui, avec mes frères, Papa, ma mère. Mais non, je suis à Poudlard. Et si pouvoir continuer mes recherches me réjouit, je déteste m’être vue imposée la décision de rester ici. *J’la déteste*.

Le silence entre moi et Thalia est habituel. Combien de fois m’a-t-elle rejoint de la sorte, à la bibliothèque, sans ne rien dire pendant de longues minutes, parfois des heures, parce que le silence n’est rien pour nous ? Aujourd’hui cependant, il a un autre goût. Ce n’est pas un silence agréable. Ce n’est pas un silence voulu. C’est un silence essentiel…

… qu’elle brise, comme toutes les autres choses qu’elle approche de plus ou moins loin.

Un étrange sourire passe sur mes lèvres. Je l’efface à l’instant même où je lève les yeux pour les poser sur Thalia. Rencontrer son regard me fait mal, la voir me fait mal. Et ses paroles me donnent envie de lui balancer un sortilège à la figure.

« Je suis pas énervée, dis-je d’une voix froide. Et je travaille. Je parle pas quand je travaille. »

Et je me détourne d'elle comme si elle n'avait pas la moindre importance — parce qu'elle n'a pas la moindre importance.

29 janv. 2021, 14:07
 Privé  Dissolution
J’avais beau m’attendre à ce qu’elle réplique quelque chose comme cela, ce serait mentir que de dire que la froideur d’Aelle ne me fait rien. Je respire calmement et ravale les sentiments qui se bousculent en moi — agacement, tristesse, culpabilité. Ce n’est pas le moment de les écouter. Je suis censée être logique, ne pas me laisser dépasser, pour résoudre cette situation. La résoudre comme un problème, pas de manière trop sentimentale, cette fois. J’ai peur du résultat que donnerait une approche non rationnelle : avec elle, je ne sais jamais ce qui va se passer. Mais si elle persiste dans son déni, si elle continue à m’ignorer, je ne vois pas comment est-ce que c’est censé changer. Est-elle consciente que pour résoudre des tensions, il faut en parler ? Je ne peux pas lui en vouloir, je n’ai jamais su comment faire non plus. Heureusement, je suis déterminée.

« J’espère que tu peux écouter en travaillant, alors, » répliqué-je. Peu importe si elle ne veut pas me parler, j’ai aussi des choses à lui dire, après tout. Même si tout serait plus simple si elle parlait, parce que je ne suis pas douée pour ça, parce que je ne suis même pas certaine de savoir avec précision pourquoi est-ce qu’elle est en colère. Je sais ce que j’ai fait, mais pas pourquoi est-ce qu’elle m’en veut de l’avoir fait.

Je regarde mon carnet, ouvert devant moi, pour tenter de me détourner de la vision d’Aelle m’ignorant. Si seulement tout était plus simple ; si seulement elle pouvait expliquer ce qui ne va pas, verbaliser ce que je suis incapable de saisir. Attend-t-elle de moi que j’abandonne, ou bien que je devine ce qu’elle pense ? Auparavant, je pensais que c’était uniquement de la faute des Autres si je ne les comprenais pas, mais j’ai dû me rendre à l’évidence, et ce n’est pas le cas. Je ne comprends pas les gens. Les livres sont bien plus faciles à lire que les personnes.

« Je sais pas si t’es énervée, mais tu m’en veux, affirmé-je d’une voix calme. Depuis que j’ai mis mon nom. Je ne sais pas si c’est parce que j’essaye de participer, j’aimerais bien que tu m’expliques. Mais si c’est parce que je l’ai fait sans attendre, ou sans t’en parler, alors je suis désolée. »

Parfois, quand je réalise à quel point elle est capable de me blesser facilement, j’ai peur que tout ça soit une erreur atroce. Personne ne devrait être assez proche de moi pour me toucher ainsi, positivement ou négativement. Et si tout se finissait mal ? Et si c’était un mensonge ? J’ai donné bien trop de pouvoir sur moi à cette fille, inconsciemment. C’est presque une faiblesse. Mais je repense à ces deux années passées avec elle à mes côtés, à son sourire, à ses lèvres — *douces*, à mon cœur qui se réchauffe, et je suis incapable de regretter.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

29 janv. 2021, 15:04
 Privé  Dissolution
Non, Gil’Sayan, je ne peux pas écouter en travaillant, aurais-je aimé lui rétorquer. Il y a tant de choses que je pourrais lui dire en plus de cela. Les pensées bouillent dans mon esprit. Elles frappent à la porte de ma bouche et je dois me retenir pour ne pas les laisser sortir. J’ai tant de mots à offrir à Thalia, tant de reproches à lui faire, tant d’évidences à lui balancer à la figure. Mais à quoi bon ? Je n’ai pas envie de lui parler. Je n’ai plus envie de le faire.

Dans un monde parfait, Thalia aurait compris à ce moment-là que je ne voulais pas discuter avec elle. Elle se serait levée et m’aurait laissé en paix. Mais à vrai dire, dans un monde parfait elle n’aurait pas mis son nom dans l’urne ; dans un monde parfait, je n'aurais pas la sensation de perdre pied. Certes, mon monde n’est plus parfait. L’aurait-il davantage été si Thalia n’avait jamais fait partie de ma vie ? Je me le demande sincèrement — mon coeur, cependant, n’accepte pas cette possibilité et je repousse l’idée loin de moi.

Penchée sur mon parchemin, je fais mine de ne pas l’écouter. Ce que j’aurais aimé ne pas le faire ! Elle s’excuse, énonce des évidences et le ton de sa voix est terriblement calme. Ce n’est pas le ton de sa voix qui me fait froncer les sourcils, ni même son petit discours pitoyable ; c’est le fait qu’elle s’excuse. Je suis désolée, dit-elle. Comme si cela allait régler tous les problèmes. Comme si je n’attendais que cela, qu’elle s’excuse. Mais je n’ai pas besoin qu’elle soit désolée, ce n’est pas cela que je veux ! Je veux qu’elle revienne en arrière et qu’elle enlève son nom de cette fichue urne ; je veux être à la maison. Je veux savoir que je ne vais pas être forcée au pire.

*Contrôle-toi*.
Puisque mon monde se casse la gueule, je dois au moins faire semblant que je ne suis pas bouleversée.
*Contrôle-toi*.
En contrôlant les traits de mon visage, c’est comme si je contrôlais le monde qui m’entoure, non ?

Je lève la tête et et lance un regard insondable à Thalia. La tentation de ne rien dire et de continuer mon travail est très forte. Mais si j’agis ainsi, elle saura ce qu’il se passe actuellement dans le creux de mon coeur.

« Tu as complètement tort, annoncé-je sans frémir. Je m’en fous que t’aies mis ton nom dans l’urne. »

Le mensonge n’a jamais fait partie de ma vie. Il est rare que j’en prononce, tout simplement parce que je ne vois pas l’intérêt de cacher la vérité ; tout simplement parce que je n’ai pas envie de faire l’effort de me censurer devant qui que ce soit. Avec Thalia, je me suis rendue compte qu’il m’arrivait plus souvent de mentir. « Je ne suis pas vexée » est un mensonge, tout comme « j’étais occupée ailleurs, c’est pour ça que je ne t’ai pas rejoint ». Aujourd’hui n’est pas différent. Je mens parce que ce que je ressens n’intéresse que moi. D’ailleurs, je ne ressens rien. Un vide immense et profond, voilà tout ce qu’il y a dans mon coeur. Cette colère qui me noue les entrailles, cette tristesse qui me hante ne sont que des illusions.

29 janv. 2021, 16:42
 Privé  Dissolution
Je déteste ça.
Je déteste quand elle est comme ça.
Ce n’est même pas que ça m’énerve, ce serait si simple, les gens m’énervent, je suis habituée. C’est que ça me fait mal. *P’tain*. Cette fois, faire comme si je ne ressentais rien n’est pas possible, parce que c’est faux. Je songe, un instant, que lui parler durant un épisode de déréalisation aurait été plus facile, peut-être, j’aurais été trop détachée d’elle pour m’en soucier autant. Pourtant, je sais que c’est faux - je ne sais jamais ce que je fais, quand je suis comme ça.
Et elle fait mal, évidemment. Est-ce qu’elle sait faire autre chose ? C’est de la mauvaise foi, je le sais, je ne peux pas m’énerver alors que c’est elle qui est énervée, et par ma faute. Mais elle me blesse, et la douleur réveille ma colère, parce que ça ne devrait pas être blessant. Ça ne devrait pas être important. Je devrais rire et m’en aller. Je ne devrais pas me sentir misérable parce qu’elle me dit qu’elle s’en fout. *Qu‘elle s’en fout de moi*. Je ne devrais pas, et pourtant.

Je suis en colère, mais je ne sais pas contre quoi, ou contre qui.
Pas vraiment contre elle, pas vraiment contre moi. C’est plus complexe, évidemment. Et je n’ai pas le droit de prêter attention à cette colère, quand bien même ses tentacules froides grimpent dans mon dos, glissent sur ma nuque, enserrent ma gorge. Mais les yeux d’Aelle dans les miens sont peut-être plus froids encore. Pour me dérober à l’emprise de la colère, et tenter d’apaiser la froideur de celle qui me fait face, j’acquiesce d’un mouvement de tête, très lentement.

« Très bien. Si à un moment tu ne t’en fous plus, on pourra en parler. »

Apaiser la colère. Lentement. Calmement. Ne pas se laisser dépasser, ne pas se faire submerger. C’est une affaire de contrôle et je n’ai jamais su me contrôler, mais je décide que la colère ne fait pas partie de moi. Par conséquent, je peux la contrôler. Je peux lui intimer de rester en arrière. Elle reviendra me consumer plus tard, je la laisserai prendre possession de moi et me faire mal, je la laisserai me faire faire ce qu’elle veut, je l’évacuerai sans douceur, en douleur. Pour l’instant, elle ne peut rien me faire. Elle n’a pas le droit de m’empêcher de faire ce que je veux.
Premier point, échoué. Ce n’est pas une réussite puisqu’elle nie, et donc qu’elle persiste dans son éloignement — j’espère qu’elle redeviendra vite comme avant. Sinon, je persisterai. Second point. Je déglutis péniblement, la gorge serrée. Après tout, je ne suis pas venue que pour cela. J’ai encore quelque chose à vérifier.

« De toute façon, on ne sait pas si je serai prise. » Les doigts de ma main droite tapent frénétiquement contre ma cuisse alors que je pose une question dont j’espère connaitre la réponse, une envie de vomir m’envahissant. Je réprime le tremblement qui voulait prendre possession de ma voix. « Mais, toi, tu comptes mettre ton nom ? »

*Non*, non, bien sûr que non, n’est-ce pas ? Tu m’en veux de l'avoir fait, Aelle, ça n’aurait aucun sens que tu sois en colère si tu comptais le faire aussi ? Tu trouves ça stupide, n’est-ce pas ? Tu ne vas pas essayer d’aller sauver les chinois, non ? Tu ne peux pas faire ça. Tu ne peux pas me faire ça.
Un instant, je me parais égoïste, mais je sais que je ne le suis pas. Moi, ce n’est pas grave. Elle l’a dit elle-même, elle s’en fout que je participe ou non. L’inverse n’est pas vrai.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

29 janv. 2021, 17:42
 Privé  Dissolution
Elle ose ! m’étonné-je.
Elle ose me demander si je vais mettre mon nom dans l’urne ! Oh, si la situation avait été toute autre, j’aurais éclaté de rire. Mais la situation n’est pas toute autre et c’est une émotion bien plus désagréable, bien plus forte qui m’envahie.

La colère me submerge. Elle arrive si rapidement, si violemment que je n’essaie même plus de la contrôler. Elle me percute de plein fouet. C’est un grand coup dans le cœur, un boulet de canon dans l'estomac. Elle m'arrache le souffle et mon regard, précédemment si froid, si distant, si éteint, si contrôlé se colore d’une telle rage que même cette idiote qui me fait face, celle qui ne comprend rien à rien, qui est égoïste, et lâche, et insensible ne pourra que se le prendre en pleine face.

« Ferme ta gueule, Gil’Sayan, craché-je en élevant la voix. T’es la dernière personne à pouvoir me poser cette question, c’est clair ? » J’inspire laborieusement. « On pourra pas en reparler, je m’en fous je t’ai dit. Va crever dans ton tournoi, c’est pas mon affaire ! »

J’étais tellement persuadée de pouvoir rester de marbre face à elle. Je suis la première à savoir que seule l’indifférence peut faire réellement mal. La colère, la tristesse, les larmes, les cris ; ça ne sert qu’à montrer qu’une chose nous importe. Pour faire mal à quelqu’un, il faut être indifférent. Lui faire croire que son existence ne nous importe pas. Lui faire croire qu’il n’existe même pas à nos yeux. Ma rage prouve tout le contraire à Thalia et cela ne me donne que plus envie encore de la repousser loin, très loin de moi.

Je laisse tomber ma plume. Mes mains sont tremblantes et mon visage tout froissé par la colère. Bordel ! Je ne peux pas rester. Je rassemble mes affaires et chacun de mes gestes n’est qu’une preuve de plus que je suis en train de perdre le contrôle de mon monde — tout est en train de se casser la gueule, absolument tout ! Même Aodren qui aurait pu être un pilier dans ma vie a mis son putain de nom dans cette urne ! Même Zikomo qui est censé me comprendre et me soutenir ne fait que me répéter que je ne devrais pas essayer d’étouffer l’inquiétude que je prétends être de la colère. Prétendre, moi ? Mais je ne prétends rien du tout ! Je suis en colère contre Thalia, je la déteste, même ! Son action m’a complètement détraqué, je ne comprends plus rien à ce que je suis, je ne comprends plus ce que je fais ni ce que je ressens. De toute façon, j’ai bien compris qu’elle ne me considérait pas assez pour me tenir au courant de ses plans, je devrais seulement lui dire d’aller se faire voir et ne plus jamais l’approcher.

Je fourre mes affaires dans mon sac.
C’est peut-être ce que je vais faire si j’arrive à ouvrir la bouche.
Lui dire d’aller se faire voir et de ne plus jamais m’approcher.

Oooh... Dis, ai-je réellement été naïve au point de croire, et de te dire, qu'Aelle parviendrait à contrôler et cacher sa colère ?

29 janv. 2021, 18:38
 Privé  Dissolution
tw : idées suicidaires implicites


Va crever dans ton tournoi, c’est pas mon affaire !

*Respire*, m’intime une partie de mon cerveau qui, étonnamment, est encore en capacité de réfléchir correctement. Je tente de lui obéir, avant qu’il ne soit trop tard, avant que je ne réagisse comme hier. Je ne peux décemment pas me permettre de faire une crise d’angoisse à chaque fois que quelqu’un me gueule dessus, ça ne se passait pas comme cela avant, je suis capable de me contrôler. Hier, pourtant, c’était différent. J’ai presque cru qu’Arthus allait me frapper. Il pleurait, il criait, et je paniquais juste. Je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’ils ont tous l’air de penser que j’ai fais une erreur. C’est faux. Me croient-ils inconsciente ? Je connais parfaitement les risques.
Aelle aussi crie, mais il y a une différence principale avec mon altercation avec mon frère : je ne comprends pas. Art’ me reprochait de me mettre en danger, c’était simple, je m’y attendais. Mais Aelle... Un coup je crois la comprendre et je suis persuadée qu’elle me comprend également, un coup j’ai la sensation qu’elle est encore plus inaccessible que les Autres. Ce constat me donne envie de pleurer. Je ne comprends pas ce qu’elle me reproche et pour quelles raisons. Je croyais avoir saisi, mais de toute évidence, j’avais tort.

Va crever.

Aelle n’est pas censée être comme ça, que je pense entre deux respirations un peu trop rapides. Elle n’est pas censée approuver ça, elle n’est pas censée renforcer ça, *j’comprends pas !*. Le regard distant et flou - je ne crois pas pleurer, pourtant -, je l’observe ranger ses affaires. Je fais de même. Un étau enserre mon cœur et je serre les poings alors que je balance mon carnet dans mon sac sans aucune précaution, me levant plus rapidement qu’elle, m’éloignant d’un pas de la table.

« D’accord, articulé-je faiblement. Je vais crever dans mon tournoi, c’était le but de toute façon. »

Réaliser que c’est la vérité est un choc, mais pas une surprise. Je n’y vais pas malgré le risque de mort, ignorant celui-ci car il n'est pas important, j’y vais pour le risque de mort, parce que ce serait un immense mensonge que de dire qu’il n’est pas attirant. J’y vais avant tout pour la Connaissance, de cela j’en suis certaine, mais la mort est aussi une connaissance après tout, un mystère, un inconnu. Je n’y vais pas pour mourir, mais ce n’est pas une option dérangeante. Alors, je peux aller crever dans ce foutu tournoi, oui, si c’est plus simple, si c’est ce qu’elle me dit. Désormais, je crois que je serais réellement déçue si je ne suis pas sélectionnée. Je ne suis plus tant en colère, elle reviendra plus tard, je suis vide, c’est plus douloureux, c’est plus sincère. Une partie de moi sait qu’Aelle dit tout cela parce qu’elle est en colère et qu’elle nie je-ne-sais-quoi, mais je ne l’écoute pas vraiment. La colère rend aussi les gens sincères, après tout.

« T’as raison, j’ai pas à te poser la question, ma voix tremble, cette fois, Et j’ai pas non plus à te demander quoi que ce soit, surtout si tu t’en fous... »

Ma main gauche trouve le chemin de mon bras droit, grattant légèrement ma peau à travers les vêtements, et je réprime une grimace à la sensation de brûlure.

« Pourtant j’aimerais bien te demander de ne pas participer. Mais tu me dois rien. »

Va crever.

Je saisis mon sac un peu plus fermement, *respire*, et j’essaye de me préparer mentalement à m’en aller, pour ne pas qu’elle crie plus, pour ne pas me laisser submerger. Peu importe si ces quelques minutes ont été un désastre total, je sais que ça peut encore s’empirer.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

29 janv. 2021, 19:59
 Privé  Dissolution
Je ne m'en fous pas je ne m'en fous pas je ne m'en fous pas je ne m'en

La pensée tourne en boucle dans mon esprit. Elle me ravage complètement. Et sans que je ne comprenne pourquoi, un océan de larmes me comprime la gorge. Je fais mon possible pour qu'elles n'atteignent pas mes yeux. Oh, c'est si difficile. Ma respiration est hachurée. Seules les dernières paroles de Thalia me permettent de ne pas perdre pied, de ne pas sombrer dans l'immense gouffre qui s'est ouvert dans mon cœur quand elle a dit « Je vais crever dans mon tournoi, c’était le but de toute façon ».

Oh, par Merlin. Pourquoi est-ce si difficile ? Pourquoi le monde me fait-il aussi mal ? Parce que c'est le monde qui me malmène, pas Thalia. Si elle a pris cette décision, c'est seulement parce qu'elle a été forcée de la prendre. Seulement parce qu'elle est incapable de réfléchir avec intelligence. Je n'arrive pas à comprendre. Thalia est une fille si censée, habituellement. Pourquoi est-elle si idiote, tout à coup ? Pourquoi est-elle si inconsciente ? Et pourquoi cela m'atteint-il aussi fort ?

Je ferme brièvement les yeux pour apaiser l'immense tempête qui s'est réveillée dans mon corps. J'en ai assez de ressentir tout cela. Merlin, la vie était si agréable... Pourquoi a-t-il fallu que Thalia gâche tout ?

Le silence s'étire. Ma respiration est un vacarme. La sienne aussi, me semble-t-il. Je ne me demande pas pourquoi. Des réponses seraient inutiles. Thalia ne pense pas clairement de toute façon, elle n'a pas les idées en place. Et il est trop tard pour le lui faire comprendre.

Ma voix s'échappe toute seule hors de ma bouche. Plus de cris. Seulement de l'épuisement et une immense douleur que je ne comprends pas.

« T'as raison, je te dois rien. »

Et je le pense sincèrement.
Pourtant... *non*. C'est elle qui me force à tout cela.

J'ôte mon sac de la table, l'enfile sur mon épaule. Je n'ai aucun regard pour Thalia. Je ne peux pas la regarder, pas maintenant. Elle n'a aucune raison de ne pas vouloir que je participe, après tout elle sait autant que moi combien je suis talentueuse, elle ne s'inquiète donc pas.

Je me détourne à demi, prête à m'en aller. Je fais un pas en direction de la sortie avant de me stopper, le cœur douloureux. Je devrais m'en aller. Mais une terrible angoisse me noue les entrailles, soudainement. Comme tout à l'heure avec ma colère, elle me force à agir. Je crispe les doigts sur la lanière de mon sac, inspire profondément...

Une seconde plus tard, je fais le tour de la table et fonds sur Thalia, mue par un immense sentiment qui me fait perdre la tête. Je ne pense à rien quand je l'attrape par le bras. Je ne pense à rien quand mes doigts se resserrent sur elle. Je ne pense à rien quand je plonge mes yeux dans les siens, les traits tordus par une colère froide.

« T'y crèveras pas, Gil'Sayan, » affirmé-je d'une voix pleine d'horribles sentiments.

Et je la lâche.
Je me détourne sans un regard de plus.