Elles avaient convenu avec Eryne de se voir à la bibliothèque, jeudi, après les cours pour continuer leur projet de boursoufflet. Enfin, leur projet de tricot qui prendrait la forme d’un pompon puis d’une petite créature.

Cette pensée avait occupé l’esprit de Lydia toute la journée durant. Elle se sentait impliquée, elle avait hâte de sentir la pelote de laine entre ses mains, de rire jusqu’à ne plus en pouvoir, de chercher, chercher encore et encore les meilleurs accessoires et la technique parfaite pour créer une boule en fils de laine. Elle avait également hâte, mais ça elle ne se l’avouait pas, de retrouver cette nouvelle amie, de voir les étincelles dans ses yeux et d’oublier tous ses tracas en la présence de ce petit rayon de soleil.

Elle avait fini ses devoirs en avance pour être sûre de bien avoir son temps. Il lui avait été difficile de toutes les façons de se concentrer plus de quelques minutes. Un petit feu follet avait pris place dans son ventre, l’ordonnait de chanter, de danser, de rire avec de grands éclats, et de parler fort. Après quelques mots écrits, un peu négligés et bâclés mais ce n’était pas tous les jours qu’on allait en réunion graphique pour le physique d’un boursoufflet, elle s’était rendue à la Bibliothèque.

Ne voyant pas Eryne arriver, elle décida de partir à la recherche de quelques livres pouvant les éclairer sur le délicat sujet ‘l’anatomie d’un boursoufflet’.

« Mh, ça pourrait être bien ce livre… Est-ce que j’ai les crayons au fait ? »

La brunette avait réfléchi plus intensément qu’elle ne le pensait puisqu’elle avait parlé à voix haute.

L’après-midi précédant celle-ci avait tout simplement été parfaite. La rédaction de mes feuilles de synthèse, interrompue par la vision d’une drôle de petite grenouille, s’était transformée en une rencontre m’ayant arraché plusieurs grands sourires et plein de fous-rires *ça rime*. La rayonnante Lydia m’avait proposé de la rejoindre le lendemain dans la bibliothèque pour peaufiner les plans de notre Princesse des Fleurs.

La journée avait été éternelle. Jamais les cours ne m’avaient parus aussi longs… *Quoique* Miss Perkins avait parlé trente-six-mille fois plus lentement que d’habitude et en botanique, cette matière qui d’ordinaire me semblait si attrayante, avait duré trois fois plus de temps que d’habitude. Même le rempotage d’une plante était devenu inintéressant. Ces heures de notes avaient été remplacées par du dessin, où j’avais pu montrer des talents *inexistants* à la feuille de bloc que j’avais utilisée.

Mon travail quotidien enfin terminé *plus qu’une heure treeeente*, je me précipitai jusqu’à mon dortoir et étalai sur le bureau de ma chambre les manuels et matériel nécessaires pour mon devoir de sortilèges. Mon cœur battait à cent à l’heure : dans peu de temps, je pourrai m’élancer jusqu’à la bibliothèque, rejoindre la Bleue et son animal, avec leurs rires et imagination débordante.

Dès que j’eus fini de calligraphier de longues réponses, le plus détaillées et précises que me permettaient mes mains tremblotantes qui ne voulait que s’agiter pour saluer ma nouvelle amie, je refermai mes cahiers et enfonçai un bloc de notes, une trousse et ma baguette dans la sacoche. L’heure à laquelle mon amie m’avait donné rendez-vous était arrivée et je sortis de la salle commune en sautillant, direction l’endroit où j’avais passé le plus de temps en première.

Entrant dans ce labyrinthe d’étagères remplies à ras-bord de livres, j’englobai la pièce du regard à la recherche de Lydia. Peut-être n’était-elle pas encore arrivée ? Ou avait-elle commencé nos recherches dans les couloirs de la biblio’ ?

Me faisant plus petite pour ne déranger personne, je parcourus la pièce jusqu’à une table inoccupée, sauf par quelques affaires. En jetant un coup d’œil vers le rayonnage le plus proche, je distinguai la propriétaire de Diphda, occupée à observer des livres. *L’est là !* Un sourire malicieux aux lèvres, je m’approchai discrètement d’elle, l’idée de la faire sursauter occupant mes pensées. Alors que j’étais à peine à deux mètres d’elle, la voix de la deuxième année retentit : je m’empêchai de pouffer et changeai d’objectif.

– Moi j’en ai apporté ! m’exclamai-je, un grand sourire lumineux au visage, avant de baisser rapidement la voix, de peur qu’on me fasse une remarque. Cou-couuuu ! Ça vaaa ? T’es prête à préparer Corolle ? J’ai trop hâte, moi !

D’abord on voit. Ensuite l’information monte au cerveau ; on comprend. La nouvelle finit par être transmise à travers tout le corps ; on réagit.

C’est exactement ce qu’il se passa pour Lydia. Elle vit Eryne, elle comprit que son amie était arrivée et que leur projet exceptionnellement incroyable allait être réalisé, donc elle sourit de toutes ses petites dents blanches.

« Eryne ! »

Elle mit sa main sur sa bouche, consciente d’avoir parlé trop fort. Mr O’Lake risquerait de la reprendre si elle perturbait le calme du lieu et se faire virer de la bibliothèque alors qu’elle y était depuis même pas dix minutes, c’était d’une idiotie sans nom.

« Ça va et toi ? Longs les cours, hein ? »

La brunette prit les livres qu’elle avait repérés, celui sur l’anatomie du Boursoufflet, et un autre qu’elle avait trouvé qui parlait des travaux manuels en général. Il ne dirait sûrement pas comment faisait-on pour construire un pompon avec de la laine pour qu’il ressemble à une petite créature pelucheuse, mais c’était mieux que rien.

« On s’assoit là ? On a donc… »

Elle fit l’inventaire rapidement et reprit :

« Les crayons, deux livres intéressants que j’ai trouvés et des bouts de fil que j’ai pu apporter. Le chat d’une voisine de dortoir semblait envieux ! »

Heureusement qu’elle avait l’habitude avec les animaux, sinon elle n’aurait pas trop su comment réagir face à ce petit matou blanc qui avait absolument voulu la dépouiller de sa pelote de laine.

La Bleue me reconnut en se retournant, avec le sourire. Amusée, je le lui rendis et m’exclamai joyeusement – en essayant de baisser la voix pour ne pas qu’un adulte se fâche.

– Oui ça va ! J’suis super motivée ! Ah oui, ça c’est sûr : é-ter-nels. J’avais trop hâte de préparer Corolle ! D’ailleurs, j’ai fait un petit truc, genre un brouillon, lui expliquai-je, sans retenir ma joie.

Je la suivis pour m’asseoir à la place qu’elle indiquait et déposai mon petit sac sur la table pour lui montrer ce que j’avais préparer.

– Oh super ! C’est quels livres ? J’peux voir ?

Je jetai un coup d’œil à ses trouvailles puis la regardai, ravie, en hochant la tête. Voilà qui allait être parfait pour notre projet ! Même si un pompon n’avait pas vraiment la forme exacte de l’animal magique que l’on voulait imiter, on pourrait peut-être trouver un moyen de rendre Corolle plus réaliste. Voire même lui jeter un sort pour qu’elle soit animée ? Je gardai cette idée dans un coin de mon esprit pour lui exposer ce que j’avais déjà fait.

– J’ai des feuilles ici, marmonnai-je en sortant le bloc de ma sacoche, où j’ai dessiné un brouillon. Il est pas très réussi, hein, m’excusai-je en déposant la feuille devant elle, mais je me demandais comment on fera pour la tête, les pattes et tout. Et puis on peut tisser une couronne de fleurs pour notre princesse ! J’ai un trop bonne tactique, ma M’man m’avait appris. Ah, et j’ai aussi mis des couleurs : ils sont de quelles couleurs, les fils que t’as apportés ?

Mon discours fini, je me tus et inspirai longuement, de façon à lui laisser le temps de répondre… avant de lui exposer la suite de mes idées.

– Sinon, si avec les livres et tout c’est pas suffisant, je sais que des filles dans les dortoirs ont des boursouflets… Si on y arrive vraiment pas, j’peux p’t-être demander à une si on peut le prendre comme modèle ? Mais avec les manuels là, fis-je en désignant ceux-ci, j’crois que c’est bon pour l’instant. T’en penses quoi ? lui demandai-je en marquant une petite pause. On commence ?

Observons les talents artistiques de la Plume

Éternels les cours ? Lydia ne comprenait pas vraiment ce que voulait dire son amie. Certes, les cours pouvaient être légèrement - voire lourdement - ennuyants. Mais éternel... L'éternité c'était quelque chose de beaucoup plus métaphysique et poétique que la jeune fille connaissait sous l'angle des livres. L'éternité était inaccessible, faisait rêver et laissait des traces d'envie dans les yeux des humains. On aurait pu appeler ça la vénalité du temps.

Lydia ferait ces mêmes réflexions bien plus tard. Pour l'heure, elle avait juste tiqué sur le mot "éternel" mais se détourna vite de ce dérangement car les jeunes filles avaient du pain sur la planche, ou plutôt du fil sur des aiguilles.

« Parfait ton brouillon. La couronne est un peu grande par rapport à Corolle, tu ne trouves pas ? »

La brunette récapitula les questions qu'Eryne lui avait posé. D'abord elle demandait les livres. Lydia fit donc glisser les ouvrages vers elle avec un petit sourire. « Tiens, j'ai mis un marque page, une petite feuille de papier, sur ce qui me semblait intéressant. »

Ensuite les fils. Alors là, il fallait chercher dans sa besace en toile. Le désordre régnait à l'intérieur et Lydia farfouilla pendant deux minutes avant de trouver ce qu'elle avait apporté.

« J'ai pris du violet, du rose, du bleu et du noir parce que ça me semblait utile et réaliste pour un boursoufflet. »

Elle réfléchit ensuite à la proposition d'Eryne. Etait-ce une bonne idée de demander de l'aide à une Poufsouffle, propriétaire d'un boursoufflet ? Pourquoi pas... Elle avait en même temps ce désir de garder leur projet secret, à l'abri des regards. Qui sait si une idiote de 3e année ne pourrait pas trouver cette création stupide. Se faire juger, elle ne le voulait pas.

« On verra je pense. Allez, c'est parti ! Anatomie d'un boursoufflet en premier, on doit savoir sa couleur, sa forme précise, sa taille et tous les détails importants. »

Elle parcourut ensuite les lignes avec attention, penchée sur la page. Un crayon à la main, elle notait également tout ce qui les intéressait sur un papier qu'elle avait à disposition.

– Oh, non, non, en fait, regarde, corrigeai-je mon amie, en montrant de mon doigt les minuscules points autour du cou de Corolle. En fait là, je l’ai dessinée en petit, puis à côté, fis-je en montrant les fleurs entrelacées, j’ai mis en plus grand pour qu’on ait l’image. C’est pour ça qu’y’a la flèche ! D’ailleurs, on avait dit quelle taille plus ou moins ? Comme ça on sait à quelle échelle faire sa couronne-collier et c’est pas trop grand. Taille d’un boursouflet classique ?

Je remerciai Lydia pour ses indications sur les livres et je feuilletai celui sur l’anatomie du boursouflet, en m’arrêtant à ses marques-pages. Elle avait bien travaillé ! À côté, j’avais l’impression de n’avoir rien fait à part imaginer notre petit animal.

J’attendis qu’elle sorte ce qu’elle cherchait et penchai la tête en réfléchissant. Notre Corolle allait être magnifique, décorée de ces couleurs !

– C’est super ! On s’y met alors ? On commence par quoi, faire la base – donc le corps ? Et donc après on met des pattes et des yeux ou pas ? Enfin, on va commencer par le début et après on voit.

Partageant la lecture du manuel avec elle, je jetai de temps en temps des coups d’œil à son écriture, avant de revenir aux mots imprimés sur les pages.

– Ici, il y a écrit qu’ils sont plus ou moins de la taille de… je tendis ma main. Il devrait tenir dans ma paume à peu près. Un peu plus grand que ma paume, ou ma main. J’crois que c’est ça ! en relevant les yeux vers elle, je posai une autre question. J’ai pas vérifié dans le livre, mais je crois que parfois ils perdent les poils et donc sont plus petits. Mais comme le nôtre non, c’est pas grave ! je marquai une petite pause en souriant. On a toutes les infos qu’il faut ? Ahhh, ça va être trop bien ! Tu penses qu’on peut commencer la couture ? m’exclamai-je en essayant de ne pas trop élever la voix, avec beaucoup de mal.

Les mains tremblotantes d’excitation, je saisis les laines violette et bleue avec mes mains avant de les observer.

– Du coup, on a vu qu’il y a plusieurs couleurs possibles. On en met deux ? C’est quoi qui va mieux, violet avec bleu ou violet avec rose ? je réfléchis un instant, pensive. Ou les trois ?

Je me tournai vers Lydia, remettant entre ses mains le choix et final et le signal pour commencer notre atelier.

C'était presque presque pas un retaaard !
Preeeesque pas

Les neurones de Lydia chauffaient. C'était très mathématique ce travail manuel finalement ! Elle faisait fonctionner son cerveau le plus possible, celui-ci n'ayant pas vraiment été sollicité pendant sa journée soporifique de cours. C'était désormais le moment d'activer les rouages, de les huiler et les faire fonctionner.

« Ah oui je vois pour l'échelle et la couronne. T'es maline dis donc ! Pour la taille, je regarde ce qu'ils mettent dans le livre. » Elle s'exécuta et pointa son doigt potelé sur la ligne où était contenue cette information.
« Là. Entre 5 et 10 centimètres de diamètre et 4 ou 5 de hauteur. »

Cela représentait un certain volume de fil néanmoins. Mais il y avait un volume encore plus grand que le fil à utiliser, c'était celui des paroles qui sortaient de la bouche d'Eryne. Elle parlait sans discontinuer et Lydia souriait - peut-être comme une idiote d'ailleurs.

« Les trois c'est bien, on peut y aller. Tu commences le tricot, tu dois être plus forte ! »

Elle avait un peu peur de ne pas réussir devant sa nouvelle amie, mais ça c'était secret. La brunette fit glisser les aiguilles vers Eryne et commença son observation attentive. C'était assez effrayant ces longues aiguilles ! On ne savait ce qu'elles pouvaient transpercer avec et mieux valait les utiliser uniquement pour assembler des fils, roses bleus et violets, entre eux.

Tu parlais de retard ?...

Je rougis un peu au gentil commentaire de Lydia, penchant la tête vers le livre pour ne pas qu’elle remarque mes joues colorées. Elle me donna les mesures notée entre les pages et je parcourus rapidement les lignes afin de mieux m’en souvenir.

*Les trois couleurs* On allait avoir un joli dégradé ! Mon amie avait vraiment bon goût, et je me retins de le lui dire à voix basse. Je déposai les deux pelotes de laine que je tenais sur la table et lui lançai un petit sourire gêné. Je devais commencer ? Et si je faisais n’importe quoi ? Et si elle n’aimait pas ? Et si…

– Oui… Ok. Je découpe le patron sur le carton ? demandai-je, en essayant que mon hésitation ne s’entende pas.

Je sortis de mon sac ma trousse, avec le feutre noir pour tracer les mesures, et lançai un coup d’œil à la Bleue. Avait-elle finalement apporté du carton ? Sinon, je pouvais toujours découper la couverture cartonnée de mon bloc de feuilles… Elle n’était pas vitale et aux grands maux, les grands remèdes.

– T’as trouvé du carton ? Sinon c’pas grave ! Je sais comment en trouver hehe.

Je hochai la tête avec enthousiasme quand elle me le tendit et la remerciai. Je ne devrais donc pas détruire mon carnet ! Je le découpai ensuite, suivant délicatement les lignes, de peur de me tromper de direction. Une fois le cercle en forme de donut dans la main, je le lui montrai avec un petit sourire. *C’est bon ? Je me suis pas déjà trompée ?* Maintenant, selon mes souvenirs, on devait y enrouler les trois fils de laine. J’avais déjà fait de temps en temps ces ateliers de bricolage avec mes parents, mais la construction de Corolle ne me viendrait pas de façon innée – malheureusement. Ç’aurait été plus facile !

Je signalai à Lydia que j’allais commencer par le fil bleu et me saisis d’une aiguille pour en enrouler autour du cercle la laine. Et il fallait que je recouvre tout le carton comme ça… Combien de tours déjà ? Deux ou trois, avec les différentes couleurs ? Je finirais la moitié toute seule, puis lui tendrais notre projet.

– Tu continues un peu ? Ça fait mal au poignet, fis-je en tendant la main. J’ai hâte de voir ce que ça donne !

C'est quand même un plaisir de te lire Prends ton temps !

Le cerveau de Lydia chauffait de plus en plus. Elle se sentait complètement absorbée dans sa tâche, avec un seul but, un seul objectif ; celui de construire ce petit boursoufflet inanimé. Elle tendit le carton à Eryne et regarda avec attention les gestes de la jeune fille. Les travaux manuels lui plaisaient plutôt mais la brunette était bien plus à l’aise dans certains que d’autres. Elle appréciait la cuisine et était plutôt douée par exemple : des potions qui avaient bon goût, c’était quand même une vraie aubaine.

Eryne avait bien avancé et on voyait un cercle de mailles qui se formait sur le papier. Elle lui tendit bébé-Corolle en lui proposant de continuer.

Alors… « J’prends le fil violet ? » Son amie hocha la tête, le dégradé serait plus joli si on allait du foncé au clair, il fallait donc finir par le rose.
Lydia se concentra autant qu’elle le ferait pour un examen d’histoire et refit les gestes qu’elle avait observés auparavant.




Le souffle retenu – une petite pointe d’appréhension était née chez les deux jeunes filles – Lydia enleva le pompon du carton. C’était la dernière étape : tout semblait bien se passer ! Elle l’ébouriffa pour lui donner un air de boursoufflet qui sort du lit et colla deux petits yeux qui bougeaient dans tous les sens.

« On a réussi, coucou Corolle ! »

Elle regarda sa nouvelle amie. Lydia s’était rarement sentie aussi bien avec une personne et ce pompon était surtout celui de leur amitié.

Fin du rp, à bientôt !