Son pas était rapide sans être spécialement pressé et léger sans être enjoué. Elle marchait tout simplement en direction du terrain d’entrainement son carnet en main et un crayon maintenant autant qu’il le pouvait ses cheveux en ordre. Elle souffla sur une mèche qui vint se balader devant son visage alors qu’elle arrivait devant le petit couloir puis les marches de bois menant aux tribunes depuis lesquelles habituellement se rassemblaient les spectateurs lors des matchs de Quidditch. Le ciel était gris mais ne semblait pas menaçant, un temps anglais par excelleance. Mais parfait pour prendre un peu de temps et paufiner les stratégies pour le prochain match. De plus Rey venait d’être viré de l’équipe et les Hel’s perdaient un sacré stratège justement. Aliénor, certainement à cause de ses quelques années dans l’équipe, se sentait un peu obligée de redoubler d’efforts pour offrir à son équipe ne serait-ce le quart de ce qu’ils venaient de perdre. Ah, lui il l’aurait déjà assomé sous des stratégies à l’heure du repas. Dans son carnet des tas de notes sur des stratégies à envisager et aussi leurs futurs adversaires, les Griffes Ardentes qui avaient brillamment gagné leur premier match. Elle espérait être à la hauteur, pour rester dans la course ils devaient gagner et ce avec un gros différentiel de points, genre 300-0, mais c’était presque impossible, encore plus en perdant un poursuiveur de talent.

Une fois arrivée en haut un vent frais du à l’altitude vient de nouveau faire tomber une mèche de cheveux devant ses yeux. Elle loucha quelques secondes dessus l’air rageur avant de souffle une nouvelle fois dessus avec force. Mais celle-ci au moins aussi indiscipliné que la jeune Delphillia retomba sur son front.

-Mais tu me soule !

Elle posa son carnet sur le rebord avant de passer une main dans ses cheveux et de remettre son crayon en place quand une photo habituellement bien logée dans son carnet prit son envol dans un coup de vent qui glaça la jeune Delphillia, les bras en l’air, le crayon dans une main, ses cheveux dans l’autre et son pull remontant sur son ventre l’offrant à la morsure du froid malgré le t-shit qui restait sous son pull.

-Non la photo !

Elle balança le crayon sur les gradins et se mit à suivre le papier verni quand son regard fut attiré vers quelque chose d’autre. Un autre élève, lui aussi sur les gradins et la photo allait vers lui. Une chance ou pas, la batteuse des Hel’s apostropha cette personne sans même prêter attention à qui il était.

-Hey ma photo, la laisse pas tomber !

Une photo tout simple, stupide pour certains de sa mère, son père et Amaury, son oncle il y a quelques années, bien avant sa mort. Elle aimait cette photo, ils étaient heureux dessus et elle aimait les avoir près d’elle. Mais là, si elle tombait, elle devrait redescendre tous les escaliers et aller la récupérer dans la boue en espérant qu’elle soit récupérable. En soit elle était en version moldu à Bristol dans sa maison, mais celle-là c’était la version sorcière de son père. Elle fixait l’autre espérant qu’il soit assez habile pour attraper la photo avant qu’elle ne tombe irrémédiablement vers le sol du terrain de Quidditch. Sa main s’accrocha à la barrière, elle était prête à faire demi-tour et à courir dans les escaliers, descendre le plus vite possible pour l’attraper avant qu’elle ne touche le sol quitte à plonger au sol et se couvrir de boue pour que cette photo soit indemne. Elle en est capable, croyez-moi.

C’était le huitième jour du calendrier de l’Avent, et j’avais glissé ma boîte chocogrenouille du jour dans ma sacoche, bien décidé à croquer le délice chocolaté avec la plus belle vue de Poudlard. Malheureusement, Finn et Max étaient occupés cette fois et j’allai seul me poster dans les gradins, les yeux plantés sur le large terrain que couronnaient les anneaux, à l’allure proche de ces anneaux olympiques des Moldus. La vue panoramique sur le stade de ce point en valait la peine.

Le souffle du vent me faisait frissonner. Une brise fraîche, grisante, qui faisait circuler le sang et les idées, comme le vol. J’aimais terriblement voler, dériver, me diriger. Et voir voler. M’entraînant encore énormément - trop, étonnamment -, assistant à tous les entraînements des Gryffes ardentes, pour aiguiser mon regard, repérer de petits riens à améliorer (de l’extérieur, c’était toujours plus facile), me perfectionner moi-même et surtout : encourager.

J’étais terriblement fier de l'équipe. Et mordu de quidditch. Je continuais à voler par habitude, par envie, le temps ne faisait pas passer une passion. Interrompant mes pensées, je me baissai pour poser ma besace sur le sol devant moi et y piquer la petite boîte bleutée, prenant le temps de profiter de la gourmandise du jour, le corps incliné vers le stade.

Mais mon goûter achevé, en me remettant droit, je dus sursauter pour me saisir de l’élément volant non identifié qui était venu virevolter jusqu’à moi. Un peu moins brillant qu’un viffet, une photo, de famille, visiblement. Hop ! En ce 8 décembre, l’ex-attrapeur de viffet était devenu un attrapeur de photo.

Je tournai le regard pour trouver une autre élève, plantée là, juste devant. Une expression de surprise passa sur mon visage : *Delphillia*. Je lui tendis sa photo, retrouvant un sourire léger, en pensant à notre dernière rencontre, main tendue aussi, sans photo cette fois, après la défaite finale de Gryffondor contre Poufsouffle la saison dernière.

Je prononçai un « Salut » sans enthousiasme extrême - je me souvenais des bleus infligés et surtout du doigt d’honneur du dernier match -, sans hostilité non plus. Après tout, c’était une batteuse réputée et une camarade de promotion, sans doute en repérage pour sa propre équipe d’ailleurs.

Mon regard pétillait de quelques étincelles de malice : « Si ça continue, ce dont j’aurais besoin, ce sont des photos-autographes des Gryffes ardentes... » Mais je me forçais à garder une voix neutre, cachant mal mon expression joyeuse habituelle dans ma fossette. Il ne s’agissait vraiment pas de déstabiliser. Déjà, je n'étais pas gardien, ni même plus dans l'équipe, d'ailleurs. Ensuite, une vraie victoire n’était belle que face à de forts adversaires, en fière forme.

La batteuse resta un moment sans bouger face au réflexe du garçon face à elle. Ça lui disait quelque chose. Puis son regard dévia vers son visage et alors tout fit sens : Jacob, l’ancien attrapeur des Griffes ardentes, enfin si elle en croyait ce qu’elle avait vu lors du dernier match. Elle ramassa ses affaires avant de venir vers le Gryffondor afin de récupérer son bien qu’il lui tendait.

-Merci.

Ce merci eut pour réponse un salut neutre au quel la jeune fille répondit par un simple sourire. Elle savait qu’elle n’avait pas forcément une bonne réputation auprès des autres joueurs de quidditch. Elle jouait et se donnait corps et âme dans son job, son job étant de ralentir les autres joueurs, et bien ça pouvait passer pour de la méchanceté, mais en soi, c’était soit eux, soit les membres de son équipe. Donc elle faisait son devoir de protection qui était bien plus important à ses yeux que d’éliminer les adversaires.
Mais le jeune fille leva un regard assassin en direction de l’ancien joueur quand celui-ci évoqua les futures victoires des Griffes et leur ascension en tant que prétendants au titre cette année. Mais si les Hel’s vivaient une période bien noire, il ne fallait pas les enterrer si rapidement. Aliénor se battrait jusqu’au bout même seule sur un terrain s’il le fallait. Mais elle n’était pas seule loin de là, elle avait son bras droit, la muraille de Poufsouffle, la seconde démone et son amie, Eileen. Elle lui vouait une totale confiance sur le terrain comme en dehors et dans l’esprit de la jeune fille a elles deux, elles soulèveraient des montagnes.

Son regard s’adoucit avant qu’un sourire en coin n’apparaisse sur ses lèvres.

-Tu nous enterre bien vite. Gryffondor n’a pas encore passé les enfers.

Elle sourit franchement au garçon avant de s’assoir, posant son carnet à côté d’elle en conservant la photo entre ses mains, passant délicatement ses pouces sur les bords du papier verni. Il était doux au touché, au moins autant que cette photo l’était pour le cœur de la Poufsouffle.

-D’ailleurs, t’es plus dans l’équipe où alors t’étais juste pas là pour le match ?

Elle ne savait pas vraiment amener les choses en finesse sur le tapis. Elle était franche, un peu trop, mais quand une question passait dans son esprit, elle l’exprimait. Elle était comme ça, et cette partie d’elle elle ne voulait pas la changer, parce qu’elle ne savait pas le faire autrement et au moins, les autres étaient avertis, elle ne jouait pas à un jeu, elle était pure dans ses dires et dans son esprit. Un livre ouvert, fermé uniquement sur le plus sensible, ses sentiments, mais aussi sa magie.

Alienor frappait. Par son regard. Par ses paroles. Ses paroles étaient déjà actions, promesses, peut-être que c’était ce qui lui donnait sa prestance. Le rappel du retard à rattraper des Hel’s ne manqua pas de m’arracher un petit sourire amusé et un petit air de défi dans le regard : au moins une qui ne perdait pas le moral dans ce château.

Lors du précédent match des Gryffondor contre les Serdaigle, le combat à la batte avait été une joute de capitaines. En croisant le regard déterminé de ma voisine et connaissant celui de Leo par coeur, je me dis que la rivalité des batteuses du match Griffes ardentes-Hel's à venir promettait bien d'être passionnante et je comptais fermement reprendre ma place dans les tribunes pour n’y rien manquer. Je n’eus pourtant pas le temps de regarder dans le futur plus longtemps.

La voix d’Alienor assise avait tranché le silence. Je pivotai pour me placer en tailleur de façon latérale sur le banc et pouvoir trouver son regard. « Oui. Bien vu. J’ai arrêté en juin dernier. Il n’y a pas que toi qui agisse sur des coups de tête. » Le regard franc toujours planté pour mettre à distance toutes les émotions, je continuai : « Quelqu’un de proche est parti. Je n’allais pas bien. J’ai tout laissé tomber. »

Juin dernier avait été un peu comme ces quelques secondes de latence juste après avoir frappé la balle de fer au quidditch, ces quelques instants après que toute la force du bras ait été employée à frapper le cognard coriace, juste avant de reprendre sa respiration et de repartir à la recherche de la balle de fer. Ces quelques instants de suspens étouffé et de vide intérieur, sans réaliser la portée du coup, sans préparer le prochain. Juin avait été ce petit moment sans repères, en plus grand, plus intense aussi.

Bref, j’avais mes raisons de ne plus manger à la table des Serdaigle comme l’an dernier. Et même si Leo avait plané au-dessus de la table, que Damian avait failli y déclencher une révolution après l'annonce du nouveau gouvernement et que l'autre préfet y beuglait horriblement, ma maison avait été mon repère pour m’en sortir.

Je repêchai vite mon enthousiasme : « Mais j’aime le quidditch ! C’est de famille chez moi - et toi, les personnes sur la photo, elles jouent au quidditch ? Enfin c'que j’aime, je crois, c’est le caractère franc, téméraire : on vise une balle, on l’envoie droit où on veut… enfin on… essaie. » Mon sourire s’étendit en un rire léger en pensant à ce cognard qui avait le don instinctif et irrépressible de m’échapper au match de l’an dernier.

Bon. Il y avait toujours le problème de Cambridge. C’était plus que compliqué cet été, même si après trois mois, tout cela paraissait étrangement plus loin, derrière moi. « 'Fin, quand je peux voler, hein. Le contexte des quartiers sorciers du monde moldu, on a vu mieux pour s’entraîner l’été. »

Agir sur un coup de tête. En effet, Aliénor faisait un peut près tout ce qui lui passait par la tête, des envies foireuses, des décisions sages, des besoins de se dépenser… Il avait raison elle agissait sur des coups de tête et visiblement lui aussi ce qui arracha un fin sourire à la jeune fille. Sourire qui s’estompa immédiatement à la suite. Perdre quelqu’un de proche, elle ne l’avait jamais vraiment vécu, mis à part une tante qu’elle connaissait à peine quand elle avait 6 ans, mais rien de bien frappant.

Ses yeux dérivèrent vers le stade qui s’étendait devant eux et heureusement pour ne pas ins-tallé de silence gênant, il enchaina sur le Quidditch, sujet qu’affectionnait vraiment la jeune Delphillia, de plus en plus a vrai dire.
Mais lui c’était de famille, ce qui était loin d’être le cas pour la jeune Delphillia. Sa mère moldue et son père n’avait jamais été très aérien, bien plus proche de la terre et des créatures qui la peuple. En somme, si le quidditch pouvait paraitre dans les veines de la jeune fille, ce n’était pas le cas où alors ils s’étaient trompés de fille à la naissance.

-Ouais, au quidditch on peut être vraiment qui on est, c’est le seul moment où je peux tout donner sans risquer une heure de colle !

Elle laissa échapper un léger rire. Elle n’irait jamais voler à Bristol, quoi que ça lui était arrivé un soir dans la forêt à la fin de s première année, mais une seule fois, elle avait vrai-ment eu peur de se faire surprendre et son père l’avait bien sermonné. De plus, il était vrai que ce qu’il se passait dans le monde magique actuellement n’était pas des plus simples pour s’adonner à des sports magiques en dehors de lieux protégés comme Poudlard.

Elle baissa les yeux vers la photo qu’elle avait gardé entre ses mains. Son regard passa sur eux, puis se posèrent sur Amaury. Il aimait le Quidditch ? Elle ne le savait même pas en fait. Elle devra demander à sa mère.

-Ma mère, Claire, est moldu donc non elle ne fait pas de Quidditch. Mon père Cyril lui, était à Serdaigle, mais il n’était pas très branché Quidditch. Et mon oncle… J’en sais trop rien, je ne l’ai pas vraiment connu.

Elle secoua la tête de gauche à droite, elle ne voulait pas penser à des choses qui pourraient plomber son moral. Elle aurait vraiment aimé le connaitre, mais elle avait fait son deuil de cette découverte et elle apprenait peu à peu à aimer de nouveau sa mère. Donc tout allait bien et tout se réglait doucement. Le temps guérissait bel et bien toutes les blessures.

-Mais ouais, il ne vaut mieux pas voler l’été en ce moment. Perso je ne m’y risquerais pas à Bristol, pas envie de finir comme un poulet roti !

Un rire éclata dans les tribunes. Il valait mieux en rire qu’en pleurer.

-T’façon je suis trop forte pour qu’ils m’attrapent sur un balai.

Craner, détourner l’attention, c’était comme ça qu’elle fonctionnait, mais elle était loin d’être aussi sûre d’elle que ce qu’elle ne laissait paraitre.

Je hochai la tête. C’est vrai qu’il était moins évident de ne pas attraper de retenues à Gryffondor avec le retour d’un préfet garçon, George Miller bien-aimé de tous. Ne pas partager son dortoir avec lui valait bien toute une collection de chocogrenouilles. Peut-être même deux. En offrant les cartes avec. Et pourtant, j'étais un gourmand. Du côté des filles de Poufsouffle c’était un doublé de préfètes. Pas évident non plus. L’idéal était peut-être d’être un garçon de Poufsouffle pour maximiser les farces cette année, finalement.

Je chassai l’image de George Ier le Vaniteux avec plaisir, pour me recentrer sur la famille : apparemment la famille d’Alienor ne faisait pas de quidditch. « Ton titre de l’an passé est d’autant plus mérité alors ! Deux frères sur trois en faisaient de mon côté, enfin surtout un des deux ! » J’avais toujours une satisfaction un peu maline à me figurer mes frères plus petits sur ce grand terrain balayé par le vent.

Mon rire m'échappa à l’évocation du poulet grillé. Ce vent aurait été parfait pour souffler sur les braises ardentes et faire un poulet grillé de l’enfer, c’était certain. Mais j’avais mes principes. « Je préférerais un Gryffon rôti… c’est ce qui vole le mieux ! » avant de baisser un peu le ton, plus sérieux cette fois : « Oui j’ai arrêté de voler l'été aussi. ». Mais il était difficile de résister à l’envie de voler, pourtant, là maintenant, surtout sans Moldus quand un grand vent laissait sentir sa pression sur le corps comme à ce moment et qu’une joueuse de quidditch parlait de vol.

« Trop forte pour te faire dépasser ? Par les Moldus ? Sûrement. Par Leo impossible... Tu penses bien qu’elle te dépassera au prochain match. C'est écrit rouge sur noir -et jaune. », souriai-je, appuyant sur mon ton mi-amusé, mi-sérieux. Les Hel’s avaient des soutiens, mais contrairement à d’autres équipes qui récoltaient des suffrages pour le quidditch à Gryffondor, comme les Crochets, je n’avais encore croisé aucun Rouge qui les soutenait. En même temps, n’étant moi-même jamais allé dans les tribunes jaune et noire, cela limitait les risques ; je croyais dur comme griffe au vol de l’équipe rouge et or de victoire en victoire.

« On bouge ? Pas envie de me transformer en glaçon avant de finir en Gryffon rôti cet été ! » Je poussai d’un coup de pied en arrière ma besace à mes pieds sous le siège des tribunes - les affaires de cours, quel encombrement ! J’ouvris un peu mon manteau pour sortir ma baguette de la poche intérieure et lancer le sort : « Accio Brossdur ! » avant de me lever prêt à tendre le bras quand mon balai se présenterait. « On vole jusqu’aux anneaux ? ».

Une famille avec qui jouer au Quidditch ? Ça devait être génial. Partager ce même engouement, discuter de stratégies toute la nuit, aller voir les matches de ses équipes préférées et surtout, pouvoir jouer ensemble, ça devait être incroyable. Mais Aliénor n’avait pas vraiment à se plaindre. Ses parents acceptaient sa nouvelle passion et son père faisait même l’effort de s’intéresser au Quidditch, il l’avait emmené voir le match des flèches contre le club d’elle ne savait plus où. Elle pouvait jouer au Quidditch tant que ses notes ne descendaient pas et pour l’instant elle ne s’en sortait pas trop mal. Elle n’offrit qu’un simple sourire au garçon quand il la félicita pour son titre. Celui-ci récompensait surtout sa détermination et ses efforts plus que son talent. Certains avaient commencé le Quidditch bien après elle et se débrouillaient bien mieux. Mais sa fierté repris le dessus quand le nom de Leo passa la barrière des lèvres du Gryffondor. Leo, capitaine des Griffes Ardentes, nouvellement batteuse, laissant son poste de gardienne à quelqu’un d’autre. Peut-être pour le meilleur pour elle, Aliénor ne pouvait pas le savoir, elle n’en avait pas vu assez.

-On verra au prochain match alors, mais je veux bien remettre mon titre en jeu.

C’est alors que le garçon lui proposa de s’envoler vers les anneaux. Au même moment, un vent vint s’infiltrer dans les vêtements de la jeune fille. Elle frissonna avant d’acquiescer avec vigueur aux mots du garçon qui appela sans soucis son balai à l’aide d’un accio. La jeune fille le regarda faire, elle n’avait jamais été très à l’aise en sortilèges et ne maitrisait que peu sa magie. Mais elle voulait essayer. Se concentrer, voir son balai rangé dans les vestiaires l’imaginer venir à elle, le trajet était simple, ça devait pouvoir le faire.

-Accio Brossdur.

Elle se concentrait durant tout le temps d’attente et elle fut surprise quand son balai passa devant elle. D’un réflexe, elle l’attrapa au vol avant d’aller mettre la photo qu’elle avait glissé dans sa poche entre les pages de son carnet puis de le placer sous les tribunes de manière que le vent ne fasse de nouveau pas de ravage dans son organisation précaire.

-Je te suis.

Voler, c’était certainement la chose qu’elle aimait le plus dans ce que lui avait apporté le monde magique. Défier la gravité et déranger les oiseaux seuls maitres du ciel. Elle se sentait libre et forte quand elle était dans les airs, c’était vivifiant, c’était ça, elle se sentait en vie et libre. Elle suivi l’attrapeur en volant doucement, faisant quelques virages sans intérêts mais elle profitait de ce moment. Une fois arrivée aux anneaux, elle observa le terrain avant d’accrocher sa main à l’anneau central pour observer le paysage.

-Je me lasserais jamais de cette vue, en match on en profite pas, c’est dommage, on a de la chance.

Son regard tomba sur le garçon et un sourire en coin se dessina sur le visage de la jeune Delphillia. Une idée venait de pondre dans son esprit et elle se disait qu’un Gryffondor, ancien attrapeur serait la personne idéale pour tenter cette folie avec elle.

-T’as déjà tenté le surf sur balai ?

Accio était un des sorts que je croyais le plus utile pour un élève un poil tête-en-l’air comme moi. Lorsque le balai se plaça entre mes doigts tendus, ni une ni deux, je l'enfourchai rapidement et m’envolai vers les anneaux avec Alienor, agitant légèrement les doigts autour du bois pour éviter de prendre froid, tandis que la Poufsouffle parlait un peu du panorama. J'acquiesçai. Les grands espaces où l’on pouvait naviguer, libre comme l’air, étaient un pur plaisir et les lieux où l'on pouvait porter son regard au loin mes préférés.

Je me laissais un instant porter dans l'emprise fraîche et vivifiante du vent par les mots d’Aliénor. Une lueur de malice s’alluma dans mon regard qui se reporta sur la brune puis mon Brossdur quand elle eut achevé d’énoncer ce qui me parut un défi. Je continuais à tenir le balai d'une main, tout en tentant de relever mon corps, poussant un pied vers l'avant d'abord, puis une fois fermement fixé, l'autre, avec l’élégance approximative d’un manche à balai.

Leo m'avait parlé lors d'un récent petit-déjeuner de la déferlante de Farcing de l'équipe de quidditch d'Australie. Atteindre un tel niveau de surf sur balai était encore à des stades et des stades de distance... Et pourtant, trouvant mes premières marques dans le vent, calé avec plus de souplesse sur mes appuis, je dis : « Non jamais. J'ai fait une seule session d'entraînement d'équilibre l'an dernier. Toi aussi tu tentes ? Hum… au moins, le jour où on sera visés par un Tarentallegra sur balai, niveau stabilité, on sera entraînés. »

Je finissais par prendre mes repères, les bras tendus en T par rapport à mon corps pour tenir l'équilibre et les pieds ancrés de façon plus stable. Le vent faisait trembler doucement mes vêtements sombres de sorcier à l'arrière, tandis que je me chargeais moi-même d'être moyennement sûr sur mes appuis à l'avant, donnant une impression de tremblé artistique plutôt harmonieuse et répartie... je devais ressembler à un entre-deux entre un Détraqueur et une statue en croix avançant ainsi droit, doucement, mais de plus en plus régulièrement. La sensation agréable de glisse creusa malgré cet aspect un sourire sur mon visage.

Je regardai ma coéquipière d'un moment, espérant qu'il ne lui arrive tout de même rien - le timing avant le match n'était pas l'idée la plus lumineuse que l'Ecosse brumeuse ait connu pour une chute - et suivis ses actions du regard un instant : « Après, qui n'essaie pas, n'y arrivera pas. »

Je me laissai glisser droit devant, le sourire désormais fixé sur le visage, pliant doucement les jambes pour suivre une trajectoire un peu plus fun, tournant un peu, m'élevant un peu, avant de me replacer : « Je ferai encore quelques entraînements pour filer debout plus vite. Se prendre un cognard serait en tout cas re-dou-table dans cette position ! »

J'ajoutai en jetant un oeil du côté d'Alienor : « En fait, je faisais surtout de l'escalade avant d'arriver à Poudlard. Sans plan d'eau, pas de surf à Cambridge. Et chez toi ? » Et du théâtre, mais ce n'était pas tout à fait un sport, d'imiter et d'incarner les autres, pour amusant que c'était également.

Avec l’accord de la joueuse de Leo pour les actions attribuées !

Une idée, une pulsion exprimée librement par la jeune fille, l’offrant à son interlocuteur du jour, Jacob. A vrai dire, depuis qu’elle s’était mise à méditer sur son balai à chaque fin d’entrainement, elle avait gagné en équilibre, cherchant la position la plus agréable. Les deux jambes du même côté du balais, une jambe repliée sous le genou de l’autre parfois, à l’envers regard face aux brindilles et les jambes croisées sur le bois… En bref, elle se mettait dans tous les sens avec son balai, mais jamais encore, elle n’avait testé de se mettre debout puis de voler de cette façon. Alors voir le garçon à ses côtés commencer à se mettre debout sur son balai la surprit fortement. Les Gryffondor étaient téméraires, il lui montrait bien. Au combien ils n’étaient pas très haut, c’était tout de même risqué comme position.

Mais sa fierté ne pouvait pas la permettre de le laisser faire sans l’imiter. Elle accrocha fermement ses mains au bout du manche de son balai, descendant un peu pour se rapprocher du sol, histoire de ne pas tomber de trop haut si cela venait à arriver, puis elle ramena ses pieds sur son balai. Enfin, elle essaya, elle se manqua lamentablement pour sa première tentative et se retrouva buste contre le manche, retenant un cri de surprise. Elle retenta de manière plus douce. Une fois les deux pieds sur le manche et son équilibre un peu près trouvé, elle se redressa doucement jusqu’à se retrouver debout sur son balai. Les bras en croix, imitant son camarade, le regard loin sur l’horizon jusqu’à être plus à l’aise. Une fois cela fait, elle abaissa ses bras en soufflant avant de reporter son attention sur le garçon.

-T’as pas froid aux yeux ! Perso je ne fais pas bouger aujourd’hui je pense.

Elle essaya de s’accroupir, de bouger sur son balai en restant immobile, ce qui n’était pas simple.

-Ouais, un cognard ça ferait mal !

Elle mima le mouvement de batte, ce qui la fit vaciller sur son balai. Elle moulina des bras pour retrouver son équilibre, ce qu’elle parvint à faire après quelques secondes.

-Et pour le batteur en question aussi !

Elle joignit ses mains pour conserver son équilibre précaire, écoutant le garçon. De l’escalade ? Elle n’en avait jamais fait ! Ça devait être génial, et puis ça offrait tout plein de possibilités. Genre grimper sur des montagnes. C’était possible sur les flancs Montagneux du château ?


-De l’escalade ? Trop bien ! Moi j’ai déjà fait du paddle à Bristol, mais juste une fois. C’est pas la mer, tu peux pas vraiment faire de surf…

Elle redescendit afin de reprendre une position classique sur son balai et se rapprocher un peu de son camarade.

-J’ai fait de la danse avant de venir à Poudlard, mais c’était pas vraiment mon truc. Le quidditch c’est mieux, et le karaté aussi ! Tu m’apprendras l’escalade ?

En fait elle voulait tout essayer, émerveillée comme une enfant devant les capacités de certaines personnes. Mais sa curiosité se révélait quand il s’agissait de potentielles nouvelles aventures, et l’escalade, ça sonnait un peu comme une nouvelle aventure non ? Elle observait son camarade le regard pétillant de malice et d’envie. Elle venait peut-être de trouver un nouveau camarade de sport ! Cette idée la mettait en joie, même si ce nouveau camarade, elle l’avait déjà insulté mentalement lors d’un match. Mais elle insultait tout le monde lors d’un match…

Je retins mon souffle lorsque je vis Alienor louper sa première tentative de se lever. Tout compte fait, ce n’était peut-être pas le plus malin de ranger sa baguette dans la poche intérieure de sa veste de sorcier. C’était de précieuses secondes de perdues pour la sortir le moment venu. Finalement la Poufsouffle se rattrapa à son balai.

D'après elle, ‘Je n’avais pas froid aux yeux’. *en même temps on est une Griffe ardente dans l'âme ou on ne l’est pas*. Un peu têtes brûlées dans le fond, notre équipe des Gryffons portait certes bien son nom. Ainsi font, font, font… les Gryffons, fons, fons, comme on aurait pu chanter dans le vestiaire avant ou après le match pour se vider la tête. Et puis, avoir froid aux yeux pouvait conduire à avoir froid au corps, avec ce vent, les prudents qui choisissaient de ne pas bouger risquaient de toute façon de se transformer en glaçons ambulants, baguette dans ma poche intérieure ou pas.

Elle ajouta qu'‘Un cognard ça ferait mal’. Je ne pus qu’hocher la tête doucement -*J’ai comme mon petit doigt qui me dit que mon expérience valide ce propos.*-, en gardant le corps bien droit. Si Alienor se chargeait d’avoir l’expérience la batte à la main, je me chargeais d’avoir l’expérience le cognard contre le corps. Attrapeur en fin de match était un poste au point chaud de l’action. Et froid aux yeux ou non, on ne pouvait pas avoir froid au corps à ce moment-là. Je m’en souvenais bien.

Je ris doucement en voyant Alienor imiter le coup de batte. C’était amusant quand on y pensait bien : dans les contes pour enfants que lisaient Adam ou Simon quand j’étais petit, les vieilles dames chassaient toujours les intrus à coups de balai. A croire que nos actions scellaient une évolution des générations : on ne chassait plus à coup de balai mais à coup de cognard. C’était plus… radical ?

Puis j'attrapai le mot *paddle* au vol. Paddle… paddle… paddle… écarquillant un peu les yeux pour assembler les pièces. Paddle, paddle. Je ramai un peu dans ma mémoire. Le combo planche-eau. Caractéristique numéro 1 : c’était à l’extérieur. Caractéristique numéro 2 : on bougeait. Tout était assez vague pour moi. Mais j’en concluai : dehors et actif, c’était forcément un loisir intéressant. Alienor avait gagné mon intérêt et ma curiosité.

Je ne pouvais qu’approuver avec ferveur la suite. Oui, la danse, ce n’était pas vraiment un hobby non plus, même si avaler un berlingot de berlue m’avait fourni une dispense involontaire pour cause vertiges le jour du dernier bal. Je répondis, sans lâcher mon attention de l'équilibre debout :« Et encore, t’es une fille. Imagine c’que c’est quand t’es censé conduire la danse. Là, c’est doublement dur. Après, tout dépend de ta... ou ton partenaire. » Pas trop impatiente. Comme Lily ou comme Maisie.

L’enthousiasme d’Alienor était communicatif. L’escalade, c’était un cool sport, elle n’avait vraiment pas du tout tort. « Oui, pourquoi pas ! Mais à Poudlard ? Où est-ce qu’on pourrait trouver un endroit pour s’entraîner ? Les murs n’offrent pas vraiment d’accroche… la cabane du garde-chasse est trop petite. Peut-être deux grands arbres dans le parc ? » J’avais fini à l’infirmerie après une belle chute pour cette raison en première année, ce n’était peut-être pas la plus rayonnante des idées, ce qui ne m'empêchait pas de l'envisager. « Ok, ça ne vaut pas du tout un mur.» Puis il y a toujours le problème des préfets avec l'autre septième année qui nous en faisait toujours voir des rouges et des pas mûres. Parfois, j’aurais aimé que George révise un peu moins ses ASPICS et un peu plus son manuel pour devenir un préfet calme.

« Y’a toujours Cambridge, si tu veux vraiment apprendre. Au moins pas de préfet en vue comme à Pré-au-Lard ou ici. Avec la nouvelle idée du gouvernement d'oublier l’existence des sorciers, ça devrait le faire... j'espère ! » Je me rassis sur mon balai, me tournant pour profiter un instant de la vue sur le château d'ici. Le vaste lieu d'explorations ne semblait pas si grand vu sous cet angle. Sans parler de mes affaires de cours, qui semblaient d'ici insignifiantes. Puis je retrouvai le regard d'Alienor, avec le sourire : *on vole un peu ? on redescend ?*.