Pendant trois ans Jeffrey avait pu profiter à sa guise du stade de Quidditch pour s'exercer et voler dès que le coeur lui en disait. En dehors des créneaux réservés aux autres équipes bien entendu. Mais désormais l'ancien poursuiveur devait prendre le chemin du terrain d'entraînement pour s'adonner à sa passion. Même si l'arrêt du Quidditch lui dégageait beaucoup de temps et qu'il était satisfait d'avoir pris cette décision, le jeune anglais devait bien admettre que la sensation du vol sur balai lui était encore indispensable. Et même le fait d'appartenir à la filière Sport et Soins ne suffisait pas à étancher cette soif.

Son fidèle Comète 260 avec lui, le quatrième année avait donc rejoins le terrain et après avoir posé son sac dans les gradins il avait commencer à virevolter dans les airs. Jeffrey avait choisi un créneau où il croiserait le moins d'élèves possible. Non pas qu'il n'aimait pas croiser du monde, bien au contraire. Mais l'ancien joueur des Hel's aimait lâcher les chevaux dans les airs et placer de belles accélérations, faire des figures et ce genre de chose. Or il ne voulait ni passer pour un crâneur, ni risquer de déséquilibrer quelqu'un qui apprenait ou avait peur dans les airs. Il était donc légèrement frustrant de voler ici en agissant sur la retenue.

Mais cependant un nouvel arrivant vint égayer son vol puisque Khéops, son hibou Harfang, volait dans sa direction. Jeffrey sourit en le voyant arriver, une lettre attachée à la patte. Toutefois son animal de compagnie semblait d'humeur joueuse et au lieu d'aller atterrir quelque part, le volatil vint tournoyer avec grâce autour du garçon tandis que l'anglais feignait de le poursuivre en remontant en chandelle.

Après quelques secondes supplémentaires d'amusement, Jeffrey prit la direction des gradins et s'installa, suivi de près par Khéops qui tendit la patte en direction de son maître.

Jeffrey détacha avec soin le parchemin de la patte de son hibou. Mais avant d'en entamer la lecture, le garçon piocha dans son sac et au bout de quelques secondes de recherche il en ressortit un peu de Miamhibou. Il avait pris l'habitude d'en avoir sur lui précisément pour ce genre de situation. L'anglais prit le temps de nourrir Khéops et lui caressa le sommet du crâne de l'animal qui hulula paisiblement. Puis il mordilla affectueusement le doigt de son maître avant de prendre son envol en direction de la volière sous le regard du quatrième année.

Une fois que Khéops fut hors de vue, Jeffrey déplia la lettre et entama sa lecture.

Bonjour mon grand,

J'espère que tu te portes bien et que tes cours te plaisent. Je suis désolé de ne pas trop t'avoir écris ces derniers temps mais mon quotidien a été assez rythmé. J'ai également appris que tu avais arrêté le Quidditch... J'espère que tu ne regretteras pas ce choix à l'avenir. En tout cas je trouve cela vraiment dommage.

Quoi qu'il en soit je pense qu'il serait grand temps de se revoir et j'espère que cette fois tu accepteras. Ta mère ne s'y oppose pas et m'a dit que ta sœur et toi pourriez venir manger en compagnie de ta mamie lors des prochaines vacances.

Prends le temps d'y réfléchir au moins et fais moi savoir ta réponse par retour de hibou.

A bientôt j'espère,
Papa

Jeffrey resta immobile quelques minutes, prenant le temps de lire et de relire encore cette lettre. Il avait attendu tout l'été des nouvelles de son père. Nouvelles qui se faisaient toujours plus rares avec le temps. Oh bien sûr quelques mois plus tôt il avait eu un message chaleureux pour la victoire du championnat de Quidditch mais c'était précisément cela qui dérangeait le grand brun. Son père retombait encore et toujours dans ses travers comme s'il était incapable de comprendre... C'était pourtant le Quidditch qui avait conduit à cette situation, qui avait brisé leur famille en quelque sorte. Et voilà que plus d'un an plus tard il écrivait plus chaleureusement à son fils pour une coupe remportée que pour son anniversaire.

La relecture de la lettre n'était pas pour rassurer l'anglais. Encore une fois Mr Hunter n'avait pas pu s'empêcher de parler Quidditch. Et encore une fois il n'hésitait pas à culpabiliser son fils sur ses choix. Sans compter que pour le reste il se justifiait plus qu'il ne s'excusait vraiment. Les justifications étaient d'ailleurs bien évasives... Le Poufsouffle savait que la solution serait d'accepter l'invitation pour mettre les choses à plat. Après tout il ne pouvait pas se plaindre de ne pas avoir de nouvelles mais refuser les occasions de régler les problèmes.

Jeffrey se remit à lire une énième fois la lettre, se demandant comment il allait annoncer la nouvelle à Olydia, quand une main jaillit dans le dos du garçon et arracha brusquement le parchemin de ses mains.

Avec :

« Alors alors... Voyons voir ce qu'Ennis a bien pu t'écrire comme mot doux ! » dit une voix taquine que Jeffrey ne mit qu'un quart de seconde à reconnaître.

Le Poufsouffle se retourna pour faire face à sa petite sœur Olydia, qui venait de rentrer en deuxième année à Gryffondor. La petite brune avait l'oeil rieur et pétillant mais elle n'avait pas cherché à lire la lettre. De toute évidence, taquiner son frère et avoir réussi à s'approcher de lui sans être surprise suffisait amplement à son bonheur. Elle tenait la lettre à distance des longs bras de son grand frère et rigolait, contente d'elle.

Depuis quelques semaines maintenant elle connaissait l'existence de la relation entre Ennis et Jeffrey. La nouvelle s'était répandue assez rapidement et bien entendu Olydia ne perdait pas une occasion d'essayer de soutirer des anecdotes et des potins auprès du Poufsouffle. L'anglais ne s'en offusquait pas quand cela venait d'Olydia, d'autant plus qu'il était un peu sur son petit nuage avec Ennis ces temps-ci. Mais malgré tout il n'avait pas non plus envie de parler que de ça en permanence. Surtout que là, il avait une nouvelle à annoncer à la deuxième année.

« Bravo, tu m'as eu. Maintenant tu peux me rendre ma lettre. »

« Hin hin. J'crois pas non. » fanfaronna Olydia en agitant la lettre au-dessus de sa tête.

« Allez ! » soupira Jeffrey face au manège de la Gryffondor.

« Roooh c'est bon tu peux tout partager avec ta soeur ! » claironna la petite brune en commençant à lire.

Jeffrey se résigna et n'essaya pas d'arracher le parchemin des mains d'Olydia. De toute façon il voulait la mettre au courant. Il aurait juste aimé y mettre les formes. L'anglais regarda attentivement le visage de sa sœur pendant sa lecture et remarqua aisément le changement progressif d'expression sur son visage.

Jeffrey laissa sa petite soeur lire jusqu'au bout et quand cette dernière releva la tête pour le regarder il vit clairement que quelque chose l'avait contrariée. L'anglais connaissait sur le bout des doigts les comportements que pouvait avoir Olydia et il resta silencieux le temps qu'elle prenne la parole, sachant très bien que la Gryffondor disait toujours ce qu'elle avait sur le cœur.

« Bon bah c'est bien qu'on puisse le voir un peu. Je commençais à plus y croire. » dit enfin Olydia avec toutefois un enthousiasme des plus relatifs, ce qui contrastait avec son caractère jovial. Mais chassez le naturel et il revient au galop. La plus jeune des Hunter ne tarda pas à aborder le fond du problème. « Mais ça me fait de la peine qu'il m'écrive jamais... Tu crois qu'il m'aime pas ? J'ai pourtant rien fait, moi. »

Alors qu'il allait rassurer sa petite sœur, Jeffrey marqua un temps d'arrêt. Il était comme sonné par l'accentuation du "moi" d'Olydia, qui en disait long. Elle ne lui avait encore jamais dit clairement mais là cela semblait lui avoir échappé. Visiblement elle tenait son grand frère pour responsable, au moins en partie, de ce qu'il s'était passé et du fait que leur père ait dû ensuite quitter la maison. Le Poufsouffle déglutit avec difficulté, luttant pour ne pas réagir de manière trop épidermique. Heureusement, Olydia sembla réaliser qu'elle venait de peiner son frère et s'empressa d'essayer de réparer les dégâts.

« J'dis pas que c'est de ta faute Jeff. Juste que je vois pas ce que j'ai fait de mal pour qu'il ne m'écrive jamais... » dit elle en regardant ses pieds d'un air abattu.

Jeffrey vint se placer à côté de sa frangine et l'enveloppa de son bras gauche.

« Tu sais je crois pas qu'il pense à mal. Il doit juste vouloir t'épargner nos soucis c'est tout. Et puis aussi essayer de se racheter auprès de moi. Puis, j'suis l'ainé aussi non mais. » dit Jeffrey en souriant, se surprenant à essayer de défendre son paternel. Le garçon resserra son étreinte et chahuta un peu la seconde année, qui sembla un petit peu rassurée.

« Ouais t'as peut-être raison... Mais n'empêche, j'aimerai bien qu'il me demande de mes nouvelles aussi. » répondit Olydia, toujours préoccupée, avant de poursuivre en se levant « D'ailleurs, je pense que ça vient du fait que je me sois jamais intéressée au vol sur balai. Et comme il pense qu'à ça... J'me suis dis qu'il fallait que je m'entraîne. » dit elle en s'écartant pour laisser entrevoir un balai qu'elle avait visiblement amené avec elle.

Les confessions d'Olydia firent de la peine à son grand frère. Les deux enfants avaient une relation assez fusionnelle mais force était de constater que depuis son arrivée à Poudlard les deux s'étaient un petit peu éloignés, paradoxalement. Ils se voyaient moins souvent mais du coup ne s'écrivaient plus autant voir pas du tout certaines semaines. Ainsi les moments de confidence et de partage étaient plus occasionnels. D'ordinaire plutôt empathique Jeffrey devait bien constater que lorsqu'il s'agissait des problèmes avec son père il ne prenait pas suffisamment en compte comment sa petite sœur pouvait vivre la chose de son côté. Intérieurement il se promit d'être plus attentif et de tout faire pour que la petite moue triste de la Gryffondor s'invite le moins souvent possible sur son visage d'ordinaire jovial.

Le Poufsouffle prit un temps pour observer le balai qu'elle avait avec elle. De toute évidence elle avait opté pour un vieil Etoile Filante mais l'anglais ignorait bien comment elle avait mise la main dessus.

« Comment ça se fait que tu ais un balai ? Tu l'as pas piqué dans la réserve j'espère. » demanda Jeffrey d'un air soupçonneux.

« Non non. Tu sais bien que je fais pas des bétises comme toi. J'ai jamais reçue de Beuglante moi. » répondit Olydia sans se démonter et en taquinant son frère au passage.

« Ahah très malin l'botruc. » répondit Jeffrey en sachant très bien que sa sœur faisait semblant de ne pas aimer ce surnom mais qu'au fond elle savait qu'il s'agissait d'une appellation affectueuse venant de son frangin. « Comment tu l'as eu alors ? » insista l'anglais sans lâcher le morceau.

On ne pouvait pas avoir son balai en première année. A moins éventuellement d'avoir une autorisation si on entrait dans une équipe de Quidditch, comme cela avait été le cas pour l'ancien poursuiveur des Hel's. S'il s'agissait d'un cadeau, il datait donc de quelques mois tout au plus et le garçon voulait connaître sa provenance avant que sa petite sœur n'aille dans les airs avec. Or de question de monter à plus de quinze mètres du sol sur un balai douteux.

Olydia sembla hésitante un instant, comme un peu penaude. Puis elle s'adressa d'une petite voix à son grand frère.

« C'est mamie qui me l'a acheté. » confessa-t-elle.

Jeffrey resta silencieux un instant, surpris par cette nouvelle. Pourquoi sa grand-mère aurait elle offert un balai à sa petite fille ? Ce n'était après tout pas encore Noël et encore moins son anniversaire. Devant ce silence la Gryffondor se sentit alors obligée de donner de plus amples explications.

« En fait j'ai parlé de tout ça à mamie car ça me trottait trop dans la tête. Je me voyais pas en parler à maman, ça lui aurait fait de la peine peut-être que je veuille reparler à papa. Et puis elle peut même pas aller sur le Chemin de Traverse. » dit Olydia, presque sur un ton d'excuse. « Bref, au bout d'un moment mamie m'a dit qu'elle me trouverait un balai d'occasion et elle a trouvé cet Etoile Filante d'occasion chez Keddle & Leather. Elle m'a dit que ce serait une petite avance sur Noël, j'ai trouvé ça trop gentil. OK c'est pas comme ton Comète mais ça suffira pour m'entraîner avec toi dans un premier temps. » dit Olydia avec un regard enthousiaste.

« Tu sais, j'sais pas si c'est une bonne idée. Si jamais tu tombes et te fait mal maman pourrait bien nous passer un sacré savon. »

« Allez, t'avais promis ! Et puis tu m'avais dit que tu m'aiderais à avoir de meilleurs notes en cours de Vol. T'as pas l'droit de changer d'avis. » insista la plus jeune des Hunter.

Jeffrey la toisa un instant, comme pour sonder son niveau de détermination. Il hésitait.

Jeffrey plongea son regard dans celui de sa frangine. Elle paraissait vraiment motivée et déterminée. Mais le Poufsouffle restait pourtant dubitatif. Depuis toute jeune Olydia ne s'intéressait pas plus que ça au Quidditch et au vol sur balai, contrairement à son grand frère. Bien sûr elle aimait ce sport comme beaucoup de jeunes sorciers mais sans jamais avoir trop manifesté l'envie d'y jouer. L'anglais n'était pas dupe.

« Si c'est vraiment pour avoir de meilleures notes je suis OK pour t'aider. » commença Jeffrey. « Par contre si c'est pour une autre raison j'pense pas que ce soit une bonne idée Olydia... T'as pas à changer pour lui. Il devrait s'intéresser à toi comme tu es et t'as rien à lui prouver, ni à attirer son attention. Puis ça lui rend pas service d'ailleurs. Il a toujours été obsédé par le Quidditch alors tu lui donnerais raison en le faisant passer avant tout, y compris ce que tu aimes. »

« Mais j'aime voler sur un balai Jeff... » répondit Olydia d'une moue indignée.

« Y a une sacrée différence entre aimer ça et concentrer tous ses efforts dessus. Alors ouais, papa pourrait alors passer plus de temps à te parler. Mais oublies pas ce qu'il a fait à cause du Quidditch. Il a tout gâché. Et moi ça m'a pourri la vie toute la pression qu'il me mettait alors j'veux pas que ça t'arrive. » dit le Poufsouffle en s'approchant de sa sœur. « Je sais que j'me moque souvent et que je te taquine sœurette. Mais t'es parfaite comme tu es. T'as rien besoin de changer. Pour personne. »

Dans la famille Hunter - si on exceptait Gilmore - il n'était pas rare de se dire les choses à cœur ouvert. Mais toute de même, il y avait aussi de la pudeur et Jeffrey n'avait que rarement montré l'admiration qu'il avait pour sa petite sœur. Et c'était sûrement pour cela que la Gryffondor ne semblait pas trouver les mots, au point que ses yeux commencent à s'embuer.

Le Poufsouffle détourna alors un instant les yeux de sa petite soeur pour lui permettre d'essayer de reprendre contenance. Il s'intéressa aux élèves qui virevoltaient dans les airs au dessus de lui et entendit un bref reniflement. Au bout de quelques secondes Jeffrey regarda à nouveau sa petite sœur et déposa un baiser sur le sommet de son crâne dans un geste qui se voulait réconfortant. Peu lui importait qu'on le voit faire, seul le bien-être d'Olydia lui importait. Il sourit à la Gryffondor, qui lui rendit la pareille avec un sourire encore plus large.

« Au final tu fais ce que tu veux hein. T'es grande maintenant. Enfin non t'es encore un peu un bébé mais plus tellement. Ce serait juste dommage d'aller un peu contre ta nature et ce que tu veux. » dit Jeffrey en n'ayant pas oublié de taquiner sa frangine au passage.

Cette dernière n'avait pas manqué cela et avait répondu par un coup d'épaule faussement offusqué avant de redevenir plus sérieuse.

« OK je te promets d'y réfléchir pour le Quidditch. Mais par contre j'aimerai vraiment que tu m'aides comme t'avais promis Jeff. Tu sais vachement mieux voler que moi et j'suis sûre que je progresserai plus vite qu'en cours. Quand toute ma classe me regarde je me bloque et me crispe. » avoua-t-elle.

« D'accord. Une promesse est une promesse. » consentit l'anglais avant de scruter les airs. « Par contre j'pense pas qu'aujourd'hui soit vraiment l'idéal pour ça. Il y a vraiment beaucoup de monde et on risque de pas pouvoir se déplacer vraiment tranquillement. »

Olydia fit la moue face aux arguments de son grand-frère mais semblait d'accord, peu encline à prendre une leçon de vol sur un terrain d'entrainement désormais bien rempli.

« On essaye de voir quand on peut faire ça autour d'un petit morceau à manger ? » proposa le garçon en se levant et en saisissant ses affaires, dont son balai.

« D'accord, m'sieur le ventre sur pattes. » répondit Olydia, comme montée sur ressorts.

Les Hunter prirent alors la direction du château, heureux de cette perspective de passer plus de temps ensemble. Et ce n'était pas cette lettre de leur père qui allait les diviser, bien au contraire.