@Bad Eaven
Si quelque chose ne te convient pas, dis-le moi.

Après avoir posé ses derniers mots sur le parchemin, Bad rangea sa plume. Une dernière lecture de sa lettre pour vérifier qu’il n’avait rien oublié puis le garçon, satisfait, plia soigneusement son écrit. C’était un rituel. Chaque semaine, il résumait ce qu’il avait fait, ce qu’il avait vu et parfois, lorsqu’il l’osait, ce qu’il ressentait. Bad avait des difficultés à livrer ses émotions mais il essayait de faire cet effort dans les lettres hebdomadaires qu'il destinait sa mère. Leur relation était encore naissante et le garçon souhaitait de tout cœur se rapprocher de celle qu’il ne connaissait que trop peu. Toutes les semaines, elle lui répondait à son tour et en profitait pour lui donner des anecdotes sur le monde de la Magie. Bad était conscient qu’il avait des lacunes sur cet univers qu’il avait découvert il y a à peine trois ans et dans lequel il était plongé au quotidien.

La missive en main, le garçon se lança dans l’ascension des escaliers qui menaient à la volière. Il était heureux de retrouver sa chouette Obaia et de pouvoir partager un moment de complicité avec elle. Depuis le premier jour où il l’avait rencontré, une réelle amitié était née. L’animal avait connu des hauts et des bas et cela avait d’autant plus renforcé son lien affectif avec le garçon.

Arrivé au sommet, il poussa la porte. Une jeune fille métisse aux couleurs de Gryffondor le regardait. Enfin, c’est ce qu’il pensait. En étant plus attentif, il remarqua que les yeux de la fille fixaient en réalité quelque chose à sa droite. Bad tourna la tête et tomba nez à nez avec Obaia. Que faisait-elle loin de son perchoir habituel ? Et pourquoi cette fille la regardait-elle avec insistance ?

Sentant que quelque chose ne tournait pas rond et sous l’impulsion provoquée par son côté protecteur, le sang de Bad ne fit qu’un tour. Alors que la colère montait en lui, il plongea un regard noir dans les yeux de la Gryffondor et vociféra :

« Qu’est-ce que t’as fait à ma chouette ? Pourquoi elle n’est pas à sa place habituelle ? »

'Le minus' ... Pour qui se prend-elle ? Bad était surpris de la réaction de la Gryffondor. Il avait conscience qu’elle était plus grande que lui mais elle était aussi plus jeune et moins expérimentée. Faisant appel à sa mémoire, il se souvint l’avoir croisé à la fin d’un cours de Vol. Les jeunes filles métisses ne sont pas légions à Poudlard et il reconnut assez facilement cette deuxième année. Instinctivement, la main du garçon glissa vers sa poche où était rangée sa baguette. Voyons voir qui maîtrise le mieux la Magie, se dit-il intérieurement sur un ton de défi.

Mais alors qu’il s’apprêtait à l’effrayer avec un Bombarda, il jeta un regard autour de lui et se rendit compte qu'une détonation devant des dizaines de hiboux n’était sûrement pas l'idée du siècle. Il n’eut pas le temps de réfléchir à un autre sortilège que la jeune fille commençait à se calmer mais surtout à se justifier.

D’après ses dires, elle voulait caresser Obaia. On ne pouvait pas l’en blâmer, c’était certain. La chouette était magnifique. Bad sortit la main de sa poche et se tourna vers le rapace toujours à ses côtés. Il fit glisser lentement ses doigts sur le flanc de l’animal qui baissa la tête semblant apprécier le geste. La jeune métisse finit par lui demander si elle pouvait, elle-aussi, caresser l’animal. Bad hésitait. Il n’y voyait aucun mal mais il n'aimait pas le ton employé par la Gryffondor. Il décida alors de jouer avec elle.

Sortant de son autre poche, la lettre adressée à sa mère. Il fixa les yeux de la fille, leva le papier plié à hauteur de visage et, d’un ton espiègle, lui dit :

« Je veux bien t’aider à l’approcher mais à une condition. Tu dois deviner à qui j’envoie cette lettre. »

Legilimens, c’est pas compliqué …, s’indigna Bad pour lui-même. Peut-être était-il de mauvaise foi car, en effet, ce n’était pas un mot si évident à prononcer. Surtout pour une Gryffondor, pensa-t-il en laissant échapper un petit rire. Il était mesquin mais l’impulsivité de la jeune fille l’irritait réellement.

Elle proposa, ou plutôt, elle imposa à Bad d’avoir une seconde chance si elle se trompait. Même si la jeune métisse pouvait trouver la réponse du premier coup, il voulait bien être clément. Mais lorsqu’elle insinua qu’il avait “une tête de fils à papa”, le garçon vit rouge. La Gryffondor dut le remarquer car elle enchaîna en lui demandant en quelle année il était. La tension était palpable dans la Volière. Bad, échauffé, la fixa droit dans les yeux avant de répondre :

« Je suis en cinquième année. »

Un petit mensonge, certes. Il poursuivit rapidement :

« Toi, tu dois être en première année car tu m’as pas l’air très maligne. La preuve, ce n’est pas une lettre pour mon père. »

Étonnamment, lâcher ce pic ne fit aucun bien à Bad. D’un naturel bienveillant, cette réaction le déçut de lui même. Vexé, il avait parlé sous le coup de l’énervement et regrettait maintenant ses propos. Mais il était hors de question de le montrer à cette fille.

« Allez, je veux bien te laisser une deuxième chance. Mais ce sera la dernière. »

Attendant la réponse, Bad jeta un coup d’oeil à Obaia qui attendait sagement le fin mot de cette histoire.

Bad simula la surprise lorsque la Gryffondor lui rétorqua qu’elle était en deuxième année. Elle au-moins n’avait pas menti sur son âge. Malgré cela, le garçon sentait qu’elle essayait de se contenir pour ne pas répliquer de manière plus agressive. La jeune fille avait tout à perdre et elle en était consciente.

La deuxième réponse qu'elle donna fit mouche. Bad attendait une remarque du style “tu traînes encore dans les jupons de ta mère” mais rien ne vint. Peut-être que la réaction du Serdaigle à sa dernière intervention l’avait refroidi. Tourner sept fois sa langue dans sa bouche était sûrement la meilleure attitude à adopter en cet instant.

Bad était bon joueur. Elle avait deviné, elle avait gagné. Se déridant, il s’adressa à la fille en accompagnant ses mots d’un petit haussement d’épaules.

« OK, t’as gagné. C’était bien une lettre pour ma mère. »

Le garçon fit demi-tour et s’approcha de sa chouette Harfang des neiges. Elle réclamait de l’attention ce que Bad ne se pria pas de lui donner. La grattant sous le cou, l’animal leva la tête pour qu’il continue son geste indéfiniment. Mais tout bonne chose a une fin et le brun laissa quelques instants la chouette. Il reporta son attention sur la fille. Elle semblait plus apaisée et avait même laissé échapper un sourire. Bad s'installa à ses côtés et répondit à sa question :

« Elle s’appelle Obaia. Ma mère me l’a offerte, il y a un peu moins de deux ans. »

En même temps qu'il parlait, Bad revoyait les images de leur rencontre. Jamais il ne pourrait oublier le bonheur qu’il avait ressenti ce jour-là. Celui de son douzième anniversaire. Mettant de côté ses souvenirs, le Serdaigle se fixa dans le présent, prêt à donner ses consignes.

« Lève ta main vers l’avant, paume vers le haut et approche d’elle doucement. Très très doucement. Il faut lui montrer qu'elle n'a rien à craindre de toi. »

En même temps qu’il donnait ses instructions, Bad mimait la posture à adopter pour aborder sereinement Obaia, son amie à plumes.

La jeune métisse respecta scrupuleusement les consignes que Bad lui avait donné. Le garçon fut content de voir un large sourire s’inscrire sur son visage. La Gryffondor rayonnait tandis que ses doigts parcouraient le plumage blanc. Obaia adorait cela, elle aussi. Après les traitements qu’elle avait subit, Bad fut heureux de voir que la chouette était moins craintive et retrouvait confiance en la nature humaine.

Bad se mit en retrait quelques secondes laissant la jeune fille profiter de son moment avec l’animal. Elle lui accordait des gestes doux, signes d’une réelle affection. La Gryffondor lui demanda la raison du choix du prénom d’Obaia. Elle risquait d’être déçue de la réponse mais qu'importe la vérité était parfois simple.

« En fait, quand ma mère me l’a offerte, elle portait déjà ce prénom. Et puis, j’aime bien Obaia. Ça me fait penser au premier président noir du gouvernement moldu américain. C'est un petit rappel de mon enfance sans Magie. »

Il laissa échapper un petit rire après cette dernière phrase. Bad ne pensait pas un jour parler d'Histoire moldue à Poudlard. Et pourtant.

Il commençait à apprécier la compagnie de la jeune fille. Malgré un premier contact houleux, basé sur un quiproquo et des réactions sur la défensive de la part des deux adolescents, la situation avait fini par s'apaiser. Malheureusement, Bad devait retourner en salle d’études terminer son devoir de Potions.

Il attendit que la jeune fille retire sa main de l’animal puis s’en approcha pour délicatement enrouler son message autour de sa patte droite. Le garçon aurait voulu offrir quelques friandises à Obaia mais ses poches étaient vides.

Il se tourna vers la Gryffondor et, levant le sourcil gauche, lui demanda :

« Est-ce que par hasard tu aurais quelque chose à grignoter pour Obaia ? Si tu veux, comme elle a l’air de bien t’aimer, tu peux la prendre sur ton épaule et la relâcher par la fenêtre. Enfin, si t’en as envie. »