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08 avr. 2021, 19:30
 LIBRE  Les Corbeaux
Juin 2045.
Dans l'après-midi — il fait chaud.
Tout le monde est en classe.


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Cet Écrit est Libre à celles et ceux présent.e.s lors de l'année 44-45
Libre à vous aussi de m'écrire ou non avant de parvenir jusqu'au Noir de Felicia.


En Parallèle.

Elle marche entre de sombres murs. Elle traverse l'espace ainsi, tanguant sur ces deux jambes qui supportent mal son poids lourd de désespoir. Dans ces corridors parallèles désertés de tout, elle peut être. Peut-être. Elle erre en vain, à la recherche de rien. Elle admire la présence du Tout dans l'air immobile, la somptueuse Vague de l'atmosphère dans ses complaisances brumeuses du mois de juin. La chaleur écrase son pas, elle part. Elle quitte les profondeurs en raison de son souhait de les habiter. Elle s'envole vers les hautes tours, trainante dans son élan, brisée par la fièvre qui l'étreint — qui l'éreinte. Elle se hisse le long des marches, poussée par quelque sentiment de rage. Ignorant la douleur lancinante qui s'élève depuis ses tempes, elle poursuit la fuite. La blessure pourrait s'être creusée en son cœur, si elle en était encore maitresse. Mais tout a disparu dans une mare de sang, et celui-qui-palpite a quitté ses retranchements. Elle fait encore quelques pas dans cet entre-deux instable — le sien, chancelante lorsqu'elle trouve l'équilibre. Elle avance avec la force de sa conviction, celle que rester statique n'adoucira pas le mal. Elle sait que l'immuable des Fondations volera bientôt en éclat sous la marée violente de la foule, alors elle veut se réfugier ailleurs, dans l'espoir d'y échapper. Mais la tentation se fait si belle, et le mal si brûlant qu'elle cède.
Elle profite de l'accalmie pour s'appuyer contre la paroi, à quelques distances du lieu qu'elle désire atteindre. Le puits de lumière dans la cage la noie de son feu ; elle oscille à droite, à gauche — à moins que ce ne soit l'inverse. Tout se confond. Son corps glisse à terre, dénué de volonté. Un dernier sursaut de ses membres, comme un semblant d'énergie la secoue, puis l'abandonne. Écroulée sur le sol, éperdue dans sa colère. Le monde se réduit à un court rayon de miel face à elle, puisqu'à la périphérie de sa vision s'étendent les contours d'une bulle tremblante. Elle ne réagit pas lorsque la bulle perle sur ses épais cils, sans davantage amorcer de mouvement pour essuyer le sillon de suie sur sa joue.
Une Larme roule.
Une Larme roule puis s'efface, sur le tableau noir des pensées.

Elle ne sait pas ce qui l'a amenée à cet nauséeuse, bancale irrationalité pourtant coutumière à ses idées.
Emportée par les courants de la journée, par les flots de l'immoralité ; elle s'est échappée du rang des Autres afin d'éviter les cours. Rien ne peut lui faire plus d'horreur qu'une table, des bancs et une baguette en cet instant. Elle s'est échappée jusqu'ici pour succomber aux aléas de sa pensée. Pourtant aucun acte funeste ne lui est arrivé, aucun terrible changement n'a été apporté par le vent.
Seule une lettre de la maison, somme toute ordinaire. Mais une chose en entraîne bien souvent une autre.

Amour, quel désastre c'est.
L'Amour provoque le Manque. Le Manque prévoit la Perte. La Perte fait Peur.
Peur ? Non ; Fureur.


Rageusement incapable.
Elle est définitivement bloquée, coincée dans ce château finalement bien trop petit pour elle, ce leurre, cette prison *c'cadeau empoisonné* ; elle qui aimerait se libérer de ses angoisses, de sa colère, de sa furie, *de ma Magie*. Elle malmenée par *leurs* principes étriqués, ballottée au gré de *leurs* flots comme une vulgaire poupée de chiffon sur une mer qui n'est pas sienne. Elle s'est perdue quelque part dans ses propres méandres, s'infligeant, inconsciente, les ravages. Elle se déchire de toutes parts sans un mot, avachie plus que posée dans l'angle de ce *stupide* colimaçon. La coquille se craquelle, se morcelle, se fissure ; elle ne doit pas éclater.
La fille plonge sa tête entre ses mains, dissimulant ses yeux embués par ses lâches mèches. Ici, comme le penserait une petite enfant, elle est protégée. Aveugle, et donc invisible. Le Noir des boucles la caresse, la rassure ; et alors qu'elle veut le repousser elle s'y attarde, rejetant le moment où elle devra se confronter à elle même, dans la lueur.
Le Noir est complet ici, le Noir amène le Silence. Plus de cris, plus de douleur aigüe vrillant ses tympans dans son imagination, seul un vague sentiment de frustration.
De dégoût, en fait. Un affreux afflux de mépris la submerge, cordiale répulsion envers elle, envers *eux*, démesuré envers l'Univers tout entier. Il grandit, gonfle, enfle au point d'effacer la voix de son orgueil borné, frontière de ses idées. L'émotion adolescente se fait si forte qu'elle redevient une boule, frémissant dans sa poitrine, une poignée d'atomes lui intimant de faire quelque chose, là, tout de suite. L'inactivité la ronge, l'inertie la creuse ; le mépris la perce et, écartelée entre ces forces malsaines, elle ne peut que se taire et supporter.
Se battre, l'appelle un murmure venu d'ailleurs. Un geste, un seul, semblant de volonté propre, insensé.
Elle est démunie, désemparée, et ce qui lui reste de fierté s'étale sur sa peau lactée. Autant finir de la briser.

Et elle se saisit, enfonçant la main dans son sac, de l'objet maudit. Seulement à demi-dédiées à l'usage choisi, les lames s’entrouvrent sous la frêle pression de ses doigts désorientés. Le cliquetis caractéristiquement insupportable se referme cependant sans hésitations sur le précieux graal.

[Chute.]
Une mèche tombe, première victime de l'hécatombe ; elle dévale les vêtements, confondue au Noir de la robe avant de s'éparpiller à ses pieds. Une mèche tombe, suivie d'une deuxième, d'une troisième. Puis de tant d'autres que le compte s'arrête, suspendu dans l'indéfini. La paire de ciseaux taille — *adieu reflets bleus*, tranche — *adieu pointes enchevêtrées*, sectionne dans la longue chevelure de Jais ondoyante. Les ciseaux touchent aussi violemment que sa rage est immense, désir de vengeance inassouvi.
Elle sait qu'elle ne sait pas couper les cheveux, qu'elle n'est pas soigneuse d'elle-même, que les dégâts seront irréparables ; elle y met d'autant plus de plaisir. D'un plaisir vicieux, tournoyant, qui guide chacun de ses mouvements. Quel en sera le résultat ? Son désintérêt pour la question est profond. Dix, vingt, trente centimètres ont disparu de façon disparate, laissant place çà et là à des nœuds désorganisés, ou simplement au vide absolu ; sa douce chevelure soignée en cascade jusqu'à la taille est révolue. Les mèches volent autour de sa figure *plus tout à fait* juvénile, les mèches retombent à terre dans un sombre amas de poussière ; s'y mêlent des particules de soleil.
Voilà ce qu'il reste du plumage du Corbeau.
Ravagé par l'orage, puis soudainement plus léger.

évanaissance

09 avr. 2021, 18:32
 LIBRE  Les Corbeaux
Juin 2045.
Dans l'après-midi — il fait chaud.
Tout le monde est en classe.


De l'air.
Encore, encore.
Je veut respirer.

Mes mouvements se perdent.
Fuite.
Où suis-je?

Je regarde autour de moi. Personne. Que des dalles de pierre et de vielles armures rouillées. Je panique alors; je me mets à courir, la respiration saccadée. Les couloirs s'entremêlent sans fin, l'impression de tourner en rond ne me quitte pas. J'ai trop chaud, je ne réfléchis plus, je ne reconnais plus rien. Je repense à ce qui s'est passé: moi, la née moldue, leurs petits jeux... J'avais juste envie de partir.

J'avais juste envie de respirer.
Ailleurs.
Où suis-je?

Je m'arrête; je tombe.
J’enfouis ma tête dans mes bras. Ma respiration sifflante perce le silence et emplit tout l'espace. Le sentiment d'oppression revient; la chaleur m'assaille de tout côté.
J'ai besoin de Calme et de Fraîcheur.
Je m'allonge sur le carrelage, comme un animal mort. Je ne pense à rien à part à la fraîcheur qui m'envahit.

Ça me suffit. Immobile, je reste là. Je m'accorde une pause comme je n'en ai plus fait depuis longtemps. Je m'apaise, enfin. La journée a été dure.
Ça fait du bien.

Enfin calme, je me lève. Je regarde autour de moi, mais lucide.
Pas comme une bête noyée qui veut retrouver sa barque.
Le couloir est entrelacé de fils de lumière; j'en prends un, il s'échappe. Alors je m'avance, doucement. Entre les fils de lumière se trouve une fille.

Des ciseaux à la main, elle a coupé ses cheveux noirs qui forment comme un soleil noir autour d'elle.

Je m'approche doucement, comme si c'était un oiseau effarouché. Je pince les lèvres de réprobation et lui dit:

_T'as pas l'air d'aller bien, toi.

C'est vrai.
Elle semble si vide, sans aucune réaction, que j'ai peur pour elle.
Tant pis: je dois au moins l'aider un peu.

D'une main ferme, je m'empare des ciseaux. Je n'ai jamais coupé des cheveux, mais avoir une vue d'ensemble aide déjà pas mal. Je les égalisent du mieux que je peut.
Ce n'est pas très glorieux, mais c'est mieux.

Je la regarde bien en face.
Ses yeux gris s'accordent bien avec ses cheveux noirs.
J'essaie de l'imaginer avec ses beau cheveux long, aux reflets bleutés, qui jonchent maintenant le sol. Je secoue la tête, désolée. Avec ses cheveux, c'est toute une partie de son âme qui part.

De mes mains toujours assurées, je la lève, je l'amène devant une vitre, où nos reflets se distinguent, pâles.
Je lui dit:

_ A partir de maintenant, c'est toi. Pigé?


Je la fixe intensément, puis je la lâche.
Son regard fuyant m'horrifie: si elle n'a plus le courage de se voir en face, alors c'est perdu pour elle. J'espère qu'elle guérira vite de ces choix hasardeux.

Je sort un parasol à cocktail de ma poche que j'avais mis là faute de poubelle le jour où je mangeais une glace. Il est toujours vert luisant; tant mieux.
Délicatement, je soulève une mèche près de son oreille et je mets le parasol sur son oreille.
Et je lui chuchote à l'oreille:

_J'espère que tu as fait le bon choix.


Elle n'a toujours rien dit, rien fait.

Alors je me retourne, et je m'en vais.


Là mes mains commencent à trembler. J'ai de la peine pour elle.
Je regarde mes propres cheveux, noirs et luisants, dansants sur mon dos.

Elle, elle ressemble à un corbeau perdu.
Mais moi, je ne me couperai pas les ailes.

Juste un One-Shot, je ne reviendrai pas. Merci pour ce post que j'ai eu plaisir à écrire.
Dis moi s'il faut changer quelques choses @Felicia Luke, je changerai mon post si tu mets des actions ou du dialogue important dans ta réaction:)
J'espère qu'il y aura quelqu'un d'autre pour la soutenir que ma bougre d'Elowenn, parce que décidément mon perso est exaspérant! Non aide en personne en déclin, que ça s'appelle :wise:

Si quelqu'un a eu la délicatesse d'envoyer un hiboux à Felicia et que mon histoire empiète sur la sienne, je supprime le post pour lui laisser la place, bien sûr ^^


"Réactions" de Felicia rajoutée selon son post ci-dessous.
Dernière modification par Elowenn Isildür le 11 avr. 2021, 21:12, modifié 2 fois.

Et s'envoleront les oiseaux blancs...
3ème année RP/ N'est plus sur le site!/ À bas les Ventouples!

11 avr. 2021, 18:36
 LIBRE  Les Corbeaux
@Elowenn Isildür, merci de l'avoir rejointe ! Même pour ces courts instants, ce fut apaisant.
Si quelqu'un d'autre souhaite se joindre à la Danse : viens !


En Ensemble.

Le temps s'écoule hors de sa pensée, les secondes s'égrènent dans le sablier. Et elle reste. Enracinée à ce coin d'escalier, incapable de se détacher de son éphémère entre-deux. Depuis que la dernière boucle a chuté, elle a sombré dans une morne apathie. Nulle forme de sentiments ne régit plus son esprit, seule une étrange vision. Les yeux posés sur le vide qui l'emprisonne, qui la bâillonne, elle ne peut plus se défaire de l'impression que c'est la fin. Même si elle ne sait pas encore bien de quoi il s'agit — d'où cela provient-il ?, où cela mène-t-il ? —, elle le devine. Un point s'est gravé, une page est passée. Sans un mot. Le silence qu'elle a souhaité demeure encore, l'enserrant peu à peu, l'étouffant dans un étau implacable que seule elle ne peut briser. Elle doit partir, décimer ses chimériques illusions de mélancolie romantique, elle doit retrouver le monde, ces autres qu'elle a quitté, cette sinistre réalité. Elle doit *bouger*. Elle n'esquisse pourtant plus un mouvement, dans la crainte de voir s'envoler ses plumes déchues. Cela revient-il à regretter dans une vague nostalgie l'acte qu'elle vient de perpétrer ? Rien de plus, rien de moins qu'une mutilation. Elle tremble, dans la crainte de découvrir ce qu'est advenu sa silhouette de glace ; à présent dénuée de Jais. Mais plus rien n'est à refaire, plus rien ne peut s'effacer. Il sera marqué sur sa figure, dans toutes les fibres de son être, ce crime impénétrable. Irréparable.

Le néant environnant se trouble un instant, elle le sent se distordre autour d'elle pour laisser passage à une ombre. Oui, délicatement une ombre s'approche, frôlant les murs de sa perception d'un pas léger, comme s'il s'agit d'un oiseau effarouché. Comme si elle est fragile, maintenant que sa coquille a valsé en éclats.
L'ombre avance encore, tout près ; l'enfant n'en distingue, depuis son inférieure position, que quelques contours dans son indistincte masse de ténèbres. Soudain une voix parle, perce la bulle — la voix de l'ombre bien sûr —, elle murmure des mots à contresens, à propos de ses maux apparents. Puis s'empare des ciseaux. *Qu'est-ce que...*
La fille a un élan de recul, face à ces mains inconnues qui s'emparent de ses moignons de mèches. Pour mieux les raser, sans doute, ou affiner le massacre. Peut-être même éprouvent-elles de la pitié face à ce Corbeau brisé. *Me touche pas !* L'acte ne suit pas la pensée, sa mécanique est enrayée. Les longs doigts fins vont et viennent donc sur sa peau, tandis qu'elle aimerait les repousser. Mais elle n'en a plus la force ; le désagréable frisson de répulsion qui court sur sa nuque ne se suspend pas. Alors, lorsque les mains cessent leur ingrate tâche, et qu'elles empoignent son avant-bras dissimulé par les pans de l'habit, elle se laisse aussi faire. Telle une âme désincarnée dans un corps d'automate, ses tourbillons d'émotions n'ont jamais paru s'évanouir ainsi. Elle sent bien qu'elle devrait dire quelque chose, mais tout est vide. C'est pourtant ridicule, comme si toute la vie qui lui a été offerte était concentrée, enfermée dans ces boucles Noires puis estompée, volée, réduite à néant lors de leur annihilation. Sa silhouette revient à la verticale, lentement. Elle se déplie avec précautions, et les filaments de cheveux glissent au loin sur la pierre, se dispersent dans l'air comme si elles n'avaient jamais existé autrement. Et elle les abandonne, une seconde fois, pour suivre l'ombre qui se dresse sur son chemin. Elle lui lance un long regard, ses yeux orageux plongés dans les prunelles couleur des cieux. Elle détaille un instant la crinière tout aussi sombre qui lui fait face, juste avant que l'autre ne l'entraine ailleurs.
Jusque devant une vitre, où les reflets du Soleil dansent sur les croisées. Les rayons fragmentés se dissèquent sur le verre, la poussière recouvre les angles, et elle observe tout, tout, toute cette chaleur qui ne l'atteint pas, elle la contemple sans se voir, sans lancer son regard dans le reflet. Elle devine qu'elle doit regarder, et encore une fois elle évite ; pourtant, elle entend les paroles de la fille, elle lui assure qu'elle est elle, maintenant, que son choix sera indélébile. Elle essaye, mais ne peut accepter — et si elle n'accepte pas, peut-être que ça disparaitra ?
Alors qu'elle tente en vain de refouler une nouvelle fois les larmes sur son désert, les mains lui glissent quelque chose entre deux mèches rebelles. Quelque chose qui la pousse à relever la tête. Doucement, mais résolument. Elle réagit trop tard, cependant, pour apercevoir l'autre, l'ombre, qui s'éloigne dans le lointain des couloirs après avoir joué son beau rôle dans l'histoire, un rôle de fée bienveillante dans la trame du rêve.

Merci...

Un murmure, pas plus haut qu'un souffle. Inaudible pour celle à qui il est destiné, mais c'est pas grave. Peut-être qu'elle la retrouvera, un jour.
Le claquement des pas sur le sol reflue faiblement ; le silence revient.
Alors, quand la bulle de solitude se referme à nouveau sur elle, la fille reporte sa vue sur le miroir dans la lumière. Elle ne se détourne pas, ne renonce pas. *Termine c'que t'as commencé*
Figée par son image, elle chute dans les profondeurs du psyché.

évanaissance