[PV : @Lydia Holmes ]

Répétition (Deuxième année)

L'année arrivait bientôt à sa fin, ce qui voulait dire que les examens approchaient à grands pas. À Poudlard, tout le monde ne parlait que de ça et ne vivait que pour ça. Dans les couloirs, des élèves couraient dans tous les sens, des tas de bouquins dans les bras, d'autres se bousculaient dans la bibliothèque qui était remplie, tout comme les salles communes et la plupart des salles de classe. Partout, on entendait parler de sortilèges en tous genres, de préparations de potions étranges, de la métamorphose en général, des histoires de sorciers morts il y a plus d'un siècle, des étoiles dans le ciel... et même d'objets moldus atypiques ou bien de boules de cristal. Les examens étaient une vraie source de stress pour les élèves, allant des premiers de la classe à ceux qui se décidaient enfin à travailler, des premières années pour qui c'était la première fois aux septièmes années qui étaient déjà bien habituées. Même dans le Parc, habituellement si paisible et assez grand pour que chacun y trouve sa place, on ne pouvait plus être tranquille. Sans cesse, quelqu'un de votre année débarquait de nul part pour vous poser toutes sortes de questions ou simplement vous proposer de réviser ensemble. Et pour toi, cette ambiance studieuse et à la fois anxieuse était tout ce qu'il y avait de plus insupportable et angoissant.

Dans ta quête de calme et de tranquillité, tu t'étais donc réfugiée dans une salle assez étrange remplie de Trophées qui se trouvait au troisième étage, dans laquelle tu n'avais jamais mis les pieds auparavant mais qui t'avait attirée ce jour-là car elle semblait avoir réussi à échapper à la furie du reste du château. Cette salle était étrangement silencieuse, vide. *Tant mieux* Ton regard parcourut les noms se trouvant sur les coupes, mais aucun ne te parlait. Tu traversas la salle en analysant les différentes formes et couleurs des dizaines, voir des centaines de trophées. Te laissant glisser contre un mur pour t'assoir, tu sortis de ton sac tout un tas de vieux livres miteux : Métamorphose, potions, histoire de la magie, botanique... Il y en avait pour tous les goûts. Malheureusement, tu n'étais pas une élève attentive en cours, ce qui était bien dommage car tu étais douée, surtout en sortilèges et défense contre les forces du mal, et que tu pourrais excéder pendant tes études à Poudlard si tu n'étais pas si... comment dire ? Flemmarde ? Non, ce n'est pas le mot. Je dirais plutôt... démotivée ?

Depuis petite, tout était plus compliqué pour toi. La plupart des choses te semblaient quasiment inatteignables, et depuis que tu étais arrivée dans cette école tu n'avais aucune motivation pour rien, encore moins pour les cours. La seule matière qui te passionnait était l'astronomie, tu avais toujours adoré observer le ciel et les astres. Mais pour ce qui était du reste, c'était bien plus difficile pour toi de t'y intéresser. Pendant les cours, tu ne faisais même pas l'effort de faire semblant d'écouter, te contentant d'observer ce qui se passait autour de toi en attendant que le temps passe. Tu faisais toujours tes devoirs à la dernière minute en les bâclant, repoussant les choses jusqu'à ce qu'il ne te reste plus assez de temps pour tout faire. Et même quand il ne te restait plus de temps, tu avais beaucoup de mal à t'y mettre. Voilà pourquoi tu te retrouvais en panique, deux jours avant le début des examens, en ayant rien fichu de l'année.

Ta jambe tapait le sol à un rythme régulier tandis que tes poings serraient un bout de ta cape. Tes yeux étaient rivés sur un livre qui abordait la potion d'enflure mais ton regard était ailleurs, perdu dans tes pensées. Tu n'avais aucun souvenir des cours, et ça ne t'aidait pas. Comme l'année dernière, tu allais passer tes examens au talent à l'aide de tes vagues souvenirs, et aurais une note moyenne. Mais après tout, tu t'en foutais. Ton regard se brouillait de plus en plus alors que le bruit fait par les tremblements de ta jambe s'intensifiait. L'angoisse commençait doucement à monter.

Un examen. Que devait-on comprendre dans ce mot ? Qu’on allait être mis à l’épreuve. Qu’on allait être examiner. Quand Lydia entendait ce verbe, elle pensait à trois milliards d’yeux la regardant sans ciller. Trois milliards de regards, tous différents, tous témoignant d’une émotion particulière mais ayant comme seul but celui de l’examiner, de déterminer combien elle valait, comment elle passerait l’épreuve.

Cette atmosphère était angoissante, stressante. Mais la petite Holmes en éprouvait une certaine hâte. Jamais la flamme de son orgueil ne s’était allumée aussi haut dans son être. Elle avait envie de triompher, de réussir avec les meilleures notes et de montrer à tout Poudlard qu’elle était digne de l’enseignement qu’il lui accordait. Et puis, après ce qu’il s’était passé en avril dernier, elle voulait montrer à Rowena qu’elle pouvait résoudre ces énigmes qui barraient l’entrée de la Salle Commune aux inconnus. Elle voulait pouvoir regarder la statue de pierre sans flancher, en se disant « voilà, j’ai ma place ici ».

Pour toutes ces raisons – qui, finalement, se substituaient en une seule raison ; triompher de tout – elle s’était rendue dans l’endroit le plus calme qu’elle ait pu trouver. Le Petit Salon : trop agité. Le Parc : trop chargé de souvenirs, pas vraiment studieux. La dernière fois qu’elle avait tenté de réviser à l’ombre d’un arbre, elle avait passé son après-midi à observer le résultat du sortilège Avifors et à converser avec Welmina du lien qui peut naître entre deux personnes. C’était certes très philosophique et intéressant mais pas vraiment inclus dans son programme de révision. Aujourd’hui on était samedi matin. Il faisait beau et l’air été tiède, pas encore caniculaire. Le soleil était doux et, après s’être débarrassé du voile de nuit qui le couvrait, rayonnait agréablement.

La Salle des Trophées était plutôt obscure et poussiéreuse. Cela ne la gênerait pas ; elle espérait au contraire être moins attirée par ce qu’il se passait à l’extérieur et pouvoir mieux fixer sa concentration. Lydia n’était pas la seule à avoir eu l’idée puisqu’une *Autre* était en train de réviser ses cours. Des potions à ce qu’il semblait.

Elle tremblait. Des milliards – non pas d’yeux ou de regards cette fois – de secousses agitaient sa jambe, sans lui laisser un instant pour se reposer.

Lydia la regarda. De bas en haut, de haut en bas. Ses yeux azur, nuancés de ciel et d’océan, la détaillaient avec précision. Elle était l’examinatrice et cette Autre était celle qui passait l’examen.
Une certaine ironie ? Assurément.

Elle s’assit en tailleur contre le sol, calant son dos contre une vitrine branlante. Elle sortit de sa besace en cuir noir ses fiches, notes prises au cours de l’année et ses cours de différentes matières. Elle avait décidé de commencer avec de l’Histoire de la Magie parce qu’elle voyait le visage de Colombe à travers ses lectures et elle avait trouvé que c’était une matière appropriée quand on se trouvait dans la Salle des Trophées.

Elle lut ses notes sur les fondateurs de Poudlard. Son cœur se serra lorsqu’elle aborda le passage sur Rowena. Elle tint cependant bon, il fallait faire honneur à la créatrice de Serdaigle.

La jambe de l’Autre frappait encore le dallage. Lydia ne détourna pas la tête de ses notes ; il ne fallait pas qu’elle se déconcentre, mais elle lui adressa quand même une remarque.

- Ça t’servira pas à grand-chose de trembler.

Une Autre avait eu la même idée que toi de venir réviser dans cette salle miteuse. Elle s'assit non loin de là où tu venais de t'installer, dans un bruit de vitrine branlante. Comme n'importe quelle distraction était la bienvenue pour perturber tes révisions ennuyeuses, tu levas les yeux pour l'observer. Elle était plus jeune que toi, sûrement une première année, et portait un uniforme aux couleurs bleus et argent de Serdaigle qui te rappelait les deux gamines que tu avais croisées dans les toilettes des filles en novembre de l'année dernière. Ses cheveux étaient d'un noir intense, courts et coupés au carré et une frange tombait sur ses yeux de la couleur du ciel. Ils avaient une forme en amande et étaient fixés dans les tiens. La jeune aiglonne était tout comme toi en train d'analyser sa colocataire de bas en haut et de haut en bas.

Lorsque son examen fut fini, tu te posas de nombreuses questions. Alors, qu'avait-il donné ? Étais-tu digne d'un piètre ou plutôt d'un optimal ? Personnellement j'aurais dit un piètre, après tout c'était la moyenne que tu obtenais toujours depuis ta première année. Tes efforts et tes notes étaient complètement aléatoires en fonction des matières car tu ne faisais pas vraiment d'efforts. Par exemple, en Sortilèges et en Défense des Forces du Mal tu étais très douée donc tu excellais sans vraiment faire d'efforts. En revanche, la Botanique et le Vol n'étaient pas du tout tes points forts, bien au contraire... En Potions et en Métamorphose, ça allait plus ou moins. Par contre, je ne parlerais pas de l'Histoire de la Magie, cette matière te paraissait tellement barbante que tu ne t'y intéressais pas et ne fournissais aucun travail, voilà pourquoi tu te ramassais les pires notes possibles.

Bref, assez parlé de ta démotivation pour les cours, concentrons-nous de nouveau sur la jeune fille qui était venue perturber tes révisions, enfin plutôt tes rêveries. Elle avait reporté son attention sur son sac duquel elle avait sorti des vieilles fiches. De là où tu étais, tu ne parvenais pas à distinguer la matière qu'elle révisait mais étais bien étonnée qu'elle ait eu le courage de faire des fiches. Non mais sérieux, il fallait être complètement taré pour s'efforcer de recopier son cours sur un parchemin neuf, à quoi ça servait exactement à part perdre du temps inutilement ? Toi qui ne prenais même pas la peine de relire tes cours d'Histoire de la Magie, les recopier te paraissait un effort surhumain.

La voix de la brune perturba tes interrogations. Mais quel culot ! De quel droit se permettait-elle de te faire une réflexion, alors que c'était elle qui était venue te déranger ? Et puis, je crois qu'elle ne connaissait pas l'anxiété. Toi qui souffrais d'un trouble anxieux, tu ne pouvais pas t'empêcher de faire trembler ta jambe et des doigts. Ça t'arrivait dans n'importe quelle situation un peu stressante : pendant les cours, lorsqu'il y avait du monde ou du bruit, avant de vivre un moment qui te rendait nerveuse, lorsque tu étais seule et que tes pensées vagabondaient... Enfin bon, tu avais toujours vécu avec ses tremblements et, bien qu'ils n'étaient pas très présents lors de ton enfance et qu'ils prenaient de plus en plus de place à mesure que le temps filait, tu avais appris à vivre avec ce rythme régulier qui animait ton corps.

"J'sais pas si tu sais ce que c'est, l'anxiété ? J'peux pas m'en empêcher, alors pas de commentaire merci. Et si ça te dérange je s'rais ravie qu'tu partes aussi vite que t'es arrivée."

Tu réfléchis quelques secondes à ce que tu allais dire ensuite. Je suis certaine qu'il aurait été bien plus sage de se taire et de vous laisser vous replonger toutes les deux dans vos révisions respectives mais ta nature un peu provocatrice avait décidé de prendre le dessus, cette fois encore, et d'éjecter les mots de ta bouche pour qu'ils aillent se cogner contre le visage de ta camarade.

"Et puis t'sais, ça t'servira pas à grand-chose de faire des fiches non plus hein, madame la maline."

Elle se demandait si elle aurait été à sa place dans la maison de Godric. Ses yeux parcouraient furtivement ses notes tandis qu'elle réfléchissait à la maison dans laquelle elle aurait pu être. Lydia ne savait pas vraiment si elle aimait ce système de répartition à Poudlard. A la fois elle se sentait cloisonnée, étiquetée comme un vulgaire objet à qui on aurait attribué une couleur : bleu, vert, jaune ou rouge. Et en même temps... En même temps, il y avait cette fierté d'appartenir à un groupe, un clan qui se battait pour le même objectif : gagner la coupe.

Gryffondor avait de belles valeurs. Le choixpeau avait hésité, si elle se souvenait bien. Couronnée du diadème bleu ou armée de l'épée rouge, telle était la question. Il y avait forcément une bonne raison si Serdaigle l'avait accueilli plutôt que Gryffondor. Une raison qu'elle ne pouvait comprendre, qui se trouvait à l'intérieur de son être et qui n'en partirait pas.

Elle avait déjà oublié la Jaune à côté. Pourtant celle-ci lui adressa des paroles piquantes, presque méchantes. Elle lui reprochait quelque chose. *Mais quoi ? J'lui ai rien d'mandé.* Rien demandé, mis à part le fait d'arrêter de trembler. L'Autre était atteinte d'anxiété et, dans sa bouche, cela paraissait être une maladie.

Vexée, la brunette releva brusquement la tête et la regarda droit dans les yeux.

- L'anxiété ? Oh que oui, je sais ce que c'est. Mais crois-moi, pour lutter contre il faut mieux ne pas trembler.

Sa voix était parfaitement calme alors que des sursauts de colère l'agitaient à l'intérieur. *Elle se prend pour qui celle-là ?*

- Permets moi de refuser ton aimable proposition ; je reste ici.

Elle ignora ensuite sa remarque sur ses fiches. Elle travaillait comme ça, et tant pis si l'Autre ne partageait pas ses méthodes. Elle laissa pourtant ses yeux azur fixés sur le visage de celle qui osait la déranger. Visage constellé de tâches de rousseur et minuscules blessures - enfin peut-être y en avait-il d'autres qui lui faisaient mal, plus profondément. Cheveux roux. Courts, au carrés comme les siens.

Elle n'aimait pas se sentir aussi proche physiquement d'une personne. Elle avait déjà eu cette impression avec *Katherine* mais sa voisine de wagon avait annihilé son sentiment, de par leurs différences de caractère. Tandis que cette... Autre ne semblait pas si autre que ça. Elle paraissait beaucoup trop ressemblante à Lydia pour que leur relation puisse démarrer sur des bases stables.

Perturbée, elle rangea ses fiches dans son sac. Peut-être que cela ne servirait à rien, après tout. Lydia ne savait pas.

- Dis-moi alors comment j'dois faire.

Elle serra ses lèvres. C'était un ordre plus qu'une demande.

La gamine qui était venue te déranger était absolument exécrable, enfin selon toi. Après tout, tu trouvais les gens du monde entier insupportables, et encore plus ceux qui osaient s'opposer à toi. Apparemment, elle savait ce qu'était l'anxiété. Enfin bon, dans ce cas elle pouvait comprendre que tu ne faisais pas exprès de trembler, non ? Comme si ça se contrôlait, les tics... Ça faisait bientôt un an que tu souffrais d'un trouble anxieux. Tu enchainais les crises d'angoisse, tremblais en permanence que ce soit des jambes ou des doigts et étais toujours angoissée. Tu étais également comme allergique à la foule et au bruit, allergique au Monde en quelque sorte. Alors tu aimais être seule, mais ta colocataire ne voulait pas partir *Et merde, elle va m'faire chier longtemps celle-là.* Oui Harriet, je crois qu'elle allait te faire chier longtemps celle-là. Comme quoi décidément, même dans les endroits les plus miteux et les moins fréquentés de Poudlard, on ne pouvait pas être tranquille plus de cinq minutes.

"Très bien, tu peux rester. Mais alors tes remarques tu les gardes pour toi, merci. Je tremble et c'est comme ça. Je t'ai pas d'mandé ton avis."

Tu reportas ton regard sur ton manuel de Potions. *La potion d'enflure fait enfler la personne qui la boit* Jusque-là, tout allait bien, mais ensuite il faudrait rentrer dans les choses plus coriaces : les ingrédients, la préparation, les potentiels effets secondaires et tout le blabla. Tiens, en parlant de potion d'enflure tu en aurais bien donné quelques gouttes à la jeune fille de Serdaigle pour qu'elle redescende un peu, mais ce n'était pas cela qui t'aiderait à réviser. Oh et puis merde, les révisions ça te faisait vraiment chier. Tu n'étais jamais parvenue à apprendre quoi-que ce soit de l'année alors pourquoi en serais-tu capable ici et maintenant ? Tant pis pour les examens, tu irais au talent en croisant les doigts pour avoir des notes passables et puis c'est tout.

La gamine continuait de t'observer de fond en comble, comme si elle se croyait capable de percer ta carapace. Sauf qu'évidemment, ce n'était pas possible. Personne n'y était parvenu si-ce n'est un tout petit peu Alienor, alors ce n'était pas une inconnue de son style qui allait réussir. Même si les serdaigles étaient réputés pour être intelligents, il était bien plus facile de déchiffrer une énigme à la con plutôt qu'une gamine brisée. La première année rangea ensuite ses fiches dans son sac et te demanda comment elle devait faire pour travailler. Petite erreur dans son calcul : tu étais la dernière personne à être capable de lui répondre, puisque tu ne travaillais pas. Les fiches, tu ne savais pas à quoi ça servait. C'était peut-être utile, après tout tu avais dit ça simplement pour la provoquer. Mais maintenant il fallait trouver une réponse, ce que tu n'avais pas envisagé du tout.

"J'sais pas. T'as qu'à apprendre par coeur tous les bouquins de la bibliothèque, ou discuter avec tous les gamins qui, comme toi, ne tiennent qu'à avoir des bonnes notes. Tu vois, moi j'men fous, des cours. Et les exams, je les passe au talent, alors je sais pas c'qui faut faire pour apprendre."

Tu avais complètement décroché ton attention du bouquin qui gisait au sol devant toi et avais désormais planté ton regard dans celui de la brune. Elle avait l'air bien trop têtue pour que vous entendiez, puisque ni toi, ni elle n'étiez du genre à vous laisser marcher dessus.

Lydia regardait la Jaune, assez fascinée. Elle ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle avait donc trouvé une personne plus désagréable qu’elle-même, encore moins aimable, encore plus teigneuse : wow. Juste… Wow. C’était le seul mot qui tournait dans sa tête.

Aurait-il fallu qu’elle soit blessée ? Qu’elle le prenne mal ? Qu’elle s’en aille, en claquant la porte pour marquer son énervement ; jusqu’à faire trembler et dégringoler tous les trophées de leurs étagères ? Non, elle préférait rester là. Elle voulait tirer sur la corde, comprendre cette fille. C’était bien une caractéristique de Serdaigle la curiosité ? Et la petite Holmes avait montré – ô Merlin sait combien de fois ! – qu’elle possédait complètement cette qualité. Ou ce défaut. Personne ne savait dans quelle catégorie ranger cet état d’esprit qui vous forçait à fouiller, fouiner, forcer, comprendre. Elle-même ne savait pas. Elle connaissait ses qualités et ses défauts, cependant. Comme l’Autre en face d’elle, elle était peu aimable avec les enfants inconnus, insolente, froide et surtout méprisante. Qui était au-dessus d’elle, après tout ? Honnêtement, personne. Sauf peut-être Grande Ombre, Will et Eléonore. Sinon, selon le point de vue de Lydia, aucun ne valait mieux qu’elle. L’être humain était moche la plupart du temps.

Elle aimait l’Histoire de la Magie. Contrairement à cette Jaune qui estimait que faire des fiches était inutile, qu’étudier était pour les fayots stressés par leur avenir, elle aimait étudier l’histoire de ceux qui avait imposé leur règne, leurs idées, leur trace dans le passé. De par son apprentissage, elle s’était aperçue que l’humain avait fait énormément de dégâts. Des catastrophes, des destructions, des guerres dont personne n’aurait cru cette créature de Prométhée capable. L’Histoire était effrayante. L’Histoire était angoissante. L’être humain était *moche*. C’était ce qu’elle se disait en entendant le flot de paroles de celle-qui-se-croyait-mieux.

« Ecoute. »

Elle se leva, pour être à la même hauteur.

« T’as choisi de pas étudier, okay, c’est ton choix. »

Elle fixa les yeux qui se trouvaient devant elle.

« Mais c’est pas un peu dommage ? J’sais pas qui t’es, mais t’es intelligente. Tu dois mériter mieux. »

Lydia croisa les bras. Elle ne savait ce qu’elle faisait, ce qu’elle disait, malgré l’impression de confiance éperdue qu’elle tentait de se donner. L’Autre avait réussi à capter son intérêt. Elle voulait l’assagir, la modifier. En une rencontre c’était certes irréaliste mais c’était tentant, si tentant. Imaginez… Une jeune fille qui retrouvait goût aux études et à la vie grâce à une parole de sa cadette.



Lydia ne le sait pas, mais moi je sais ce qu’elle tente de faire. Elle veut insuffler de l’espoir pour se rassurer elle-même. Tenir ce discours à Harriet lui prouve qu’elle est dotée d’une force mentale et qu’elle ne se laissera jamais sombrer.
D’accord, une élève à Poudlard l’appelle par le doux nom de ‘Petite Ombre’. Mais elle ne rejoindra jamais les ombres, elle se l’est promis.

En réalité, tu n'avais pas choisi de ne pas étudier. Tu n'avais simplement pas la force, pas les capacités. Si prendre une douche ou un petit déjeuner était difficile, apprendre des foutues dates et les vies de gens qui sont déjà morts depuis une éternité, ça te paraissait insurmontable. Tous les gamins qui sont dans le même état mental que toi pourront en témoigner, c'est impossible de suivre des études en s'impliquant en cours et de son côté, quand on a même pas la force ni l'envie de vivre. À Clifton Green Primary School, une petite école de York, tu ne travaillais pas non plus. Mais compter, faire des calculs simples, lire, écrire, apprendre les organes du corps humain ou les grandes dates de l'Histoire, c'était facile pas vrai ? Il suffisait d'avoir une mémoire pas trop mauvaise et le tour était joué. Simplement, préparer des potions, lancer des sortilèges, s'occuper de plantes étrange, voler sur un balai et apprendre par coeur les exploits de grands sorciers, c'était un tout autre niveau.

Tu étais un peu angoissée pour les examens, parce que même si tu n'avais pas appris moins de choses que l'année dernière, tu avais en plus l'anxiété et l'inquiétude de faire des démonstrations seule devant les professeurs à gérer. Enfin bon de toute façon tu savais que les seules matières que tu allais réussir étaient les Sortilèges et la Défense contre les Forces du Mal, pour lesquelles tu avais de grandes facilités puisque répandre quelques brins de magie avec un bout de bois ne te paraissait pas du tout compliqué. Pour les potions et la Métamorphose, tu tâcherais de te débrouiller pour obtenir une note passable. En revanche, tu savais à l'avance que tes notes en Botanique, Vol et Histoire de la Magie seraient catastrophiques. L'année dernière, tu avais eu de justesse Décevant en Vol et en Botanique, et Troll en Histoire de la Magie. Pour résumer, tu avais obtenu tout juste une moyenne d'Acceptable, qui t'avait permis de passer en deuxième année et ça t'avait suffi.

Mais la gamine trouvait ça dommage que tu ne travailles pas. Alors comme ça tu ne la connaissais ni d'Ève ni d'Adam et elle osait affirmer avec persuasion que tu étais intelligente. Non mais, pour qui se prenait-elle ? Certes, tu n'étais pas complètement débile, mais comment pouvait-elle se faire un avis sur toi alors que vous vous croisiez pour la première fois ? C'était totalement absurde. Est-ce que toi, tu lui avais dit que tu étais certaine qu'elle était égoïste ou alors courageuse ? Je ne crois pas, non. Et puis elle avait ajouté que tu ne méritais pas de ne pas travailler. Mais au fait, comment pouvait-elle savoir ce que tu méritais ou pas ? Est-ce que toi-même tu savais ce que tu méritais ? *Je sais pas.* Alors elle ? *Certainement pas, nan.* Était-elle une sorte de voyante ou de magicienne qui savait tout sur tout le monde ou pouvait lire dans les pensées en un coup d'oeil ? *Impossible.*

"Pff. Dommage ? Je vois pas en quoi c'est dommage. Et puis t'as raison, on se connaît pas. Alors non, justement, tu peux pas savoir si je suis intelligente ou totalement conne. Et tu peux pas savoir c'que j'mérites ou c'que j'mérites pas, à moins que tu sois une vieille tarée qui se fait appeler Irma et lit dans des boules de verre."

Tu te levas ensuite, ne pouvant pas rester assise alors qu'elle était debout au-dessus de toi.

D'abord, le bruit d'un ballon gonflé. Celui qui signifie l'échec, la fatigue. Le bruit du soupir mais pas le souffle long et beau que peuvent faire certains amants déçus, un son agacé qui ne demandait qu'une seule goutte d'eau de plus dans le vase pour tout faire déborder et se mettre dans une grande colère.

Ensuite l'interrogation. Enfin, pas vraiment une question qui interrogeait vraiment, c'était une question rhétorique qui signifiait « J'ai raison, tu m'agaces. »
Avec l'appui du mot que Lydia avait mis en avant auparavant, encore plus moqueur que ce qu'aurait pu dire l'insupportable Eaven.

La fillette sentait venir l'échec total de cette discussion. Sa réplique n'avait servi strictement à rien. Mais vraiment rien du tout. Sur l'échelle des actes les plus inutiles qu'elle avait faits dans sa vie, celui-là arrivait dans le top trois. Elle ne put s'empêcher pourtant d'être déçue. Merlin qu'elle aurait aimé remettre cette fille dans le chemin des études ! Elle s'en serait sentie glorifiée, son égo en aurait été flattée. Mais non, impossible, la rouquine ne voulait pas, ne voudrait sûrement pas dans un an et n'étudierait donc jamais sérieusement. Une intelligence - car Lydia pouvait la percevoir aussi clairement qu'on voit un morceau de chocolat dans une tarte aux fraises - qui serait gaspillée et jamais exploitée.
La brunette savait pertinemment qu'elle avait raison et c'était sûrement cela le plus douloureux. On avait remis en cause la véracité de ses propos, d'une manière violente et pratiquement moqueuse.

Ce sentiment d'échec envahit tout son corps. Un goût d'acide parvint à son palais et ses jambes lui semblèrent soudain moins fortes que d'habitude. Elle se dirigea avec précaution et prudence vers la porte de la salle, elle ne comptait pas rester bien longtemps ici. De plus, si jamais ses jambes continuaient à s'affaiblir, il était hors de question de flancher devant une misérable Autre de la sorte. Elle pourrait avoir l'impression que le combat des idées, c'était elle qui l'avait gagné. *Et je laisse pas gagner les Autres.*

Lydia la regarda une dernière fois en face, ses fiches à la main. Quoi qu'elle en dise, reformuler ses cours était bien pratique *on verra bien qui aura la meilleure note aux examens, nah !* et lui permettait d'apprendre de façon correcte. La voix chantante de Colombe déclamant les progrès de l'humanité entre hier et aujourd'hui restait la meilleure méthode de révision mais, par manque de chance, les circonstances faisaient qu'on ne pouvait guère l'utiliser.

« Bon ben, bon courage pour tes examens. »

Elle plissa les yeux, pour mieux la regarder.

« Moi j'vais apprendre. »

Elle insista sur le dernier mot, exprès. Et tourna les talons brusquement, certaines personnes ne méritaient ni ses conseils ni sa personne et ne les mériterait jamais.

Ouuuups Elle s'est vexée très rapidement, je suis désolée ! Merci pour ce rp, au plaisir de revoir nos petites têtes de mules s'affronter

L'Autre était vexée, et tu souriais. Tu voyais dans son regard de l'amertume, comme si ta réponse ne lui avait pas plu du tout. Et c'était compréhensible puisque tu lui avais répondu très sèchement. Elle qui voulait te guider vers le chemin de l'apprentissage, tu l'avais envoyée balader. Et tu en étais contente, tu jouissais de son visage dégoutté et de la voir renoncer. En quelque sorte, tu avais gagné, tu l'avais faite fuir. Cependant, la vitesse à laquelle la brune avait abandonné la tâche t'avait étonnée. Elle semblait tellement déterminée et fière d'elle... Et en général les personnes qui veulent toujours avoir raison, pouvoir tout dominer, tout gagner, tout changer et tout façonner comme bon leur semble étaient loin d'être celles qui renonçaient le plus vite, et il était même souvent très difficile de s'en débarrasser.

Enfin bon, tout ça pour dire que tu dévisageas le visage en décomposition de ta colocataire avec un regard insolent et un sourire narquois, afin de lui montrer que c'était toi qui avais gagné et elle qui battait en retraite. Ses yeux baissés en signe d'abandon et ses lèvres légèrement pincées trahissaient son dégoût. Puis, ton adversaire attrapa son sac dans un mouvement rapide et se tournas pour se diriger vers l'endroit par lequel elle était entrée quelques minutes plus tôt. Tu espérais qu'elle se souvienne de cet échec et de toi comme une des rares gamines qu'elle n'avait pas réussi à dominer, qu'elle n'était pas parvenue à corrompre. Et rien que de d'imaginer ce souvenir trotter dans sa mémoire te procurait un malin plaisir.

"Ouais c'est ça, bats en retraite et surtout apprends bien."

Un petit rire suivit tes propos, juste avant que la Serdaigle ne disparaisse derrière la porte. Le coup de vent provoqué par la fermeture de celle-ci fit branler les vitrines et bouger quelques mèches de tes cheveux roux. Tu restais là, assise, sans bouger. Elle était étrange, pas vrai ? C'était comme si tu avais l'impression de la connaître ou même presque de lui ressembler sur pas mal de points alors que vous ne vous étiez jamais croisées avant cette matinée-là. Et ces impressions te faisaient flipper, il fallait l'avouer. La gamine était une sorte d'intello première de la classe alors que toi, tu étais plutôt le cancre qui se ramasse des notes de merde et pourtant, vos caractères respectifs ne semblaient pas si différents l'un de l'autre mais pas non plus si semblables que ça.

À cheval entre consternée et agacée, tu fermas les yeux comme pour oublier cette étrange rencontre, avant de les reporter sur le bouquin qui gisait toujours à tes pieds. Mais en balayant la pièce du regard, tu tombas sur une fiche qui était posée sur le sol, à l'endroit où était assise la fillette quelques secondes plus tôt. Tu fis quelques pas, te penchas pour la ramasser et te rassis, en la parcourant du regard. Ce qui y était écrit te rappelait vaguement ta première année au Château, mais cette fiche ne te serait d'aucune utilité. Cependant, la petite chieuse que tu étais fourra le précieux dans son sac, de manière à ce que l'Autre qui se croyait supérieure ne puisse pas la retrouver même en revenant par ici, en espérant qu'elle soit bien embêtée d'avoir perdu son bout de parchemin.