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24 mars 2021, 13:22
 RP++  Est-ce raisonnable ?
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"Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu'elle s'interdit."
Oscar Wilde
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14h, lundi 5 février 2046,


J'en peux plus. Je ne comprends rien à notre lien - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, je voudrais te voir, non pas te croiser mais réellement te chercher, te trouver et te parler. En fait, pour être honnête, je ne perds plus de temps à essayer de comprendre quoi que ce soit. J'aimerais bien, c'est certain, mais je ne fais plus de cela une priorité. Les mots que j'ai pensés lorsque j'ai croisé ton regard en déposant mon nom dans l'Urne Noire, ce mélange de haine et d'amour, et bien ça me suffit. Je ne cherche pas plus loin, pour le moment du moins.

J'ai l'impression de te connaître depuis un an déjà, et pourtant notre relation n'a jamais évolué. Ce n'est que conflit et envie, déraison et bestialité. Et je crois qu'au fond de moi, j'aime bien ça. Tu es aussi toxique pour moi que je le suis pour toi, et ça ne nous empêche pas de nous chercher pour autant. Je crois toujours que les relations entre les gens sont saines, que l'humain est gentil, aimable, souriant, et voilà ce que je deviens : un poison, un poison qui se nourrit de faire du mal, et qui se nourrit qu'on lui en fasse. Le pire dans cela, c'est que j'adore ça, même si je me l'avoue difficilement. Il me suffit de me dire qu'au fond, je suis bienveillante, que je ne demande que ton bonheur, et pof, je ne suis plus cette gamine insupportable et toxique. Une petite voix continue cependant à me chuchoter le contraire, et même si je me force à ne pas l'écouter et que je cède à mes envies déraisonnables, je sais au fond de moi qu'elle a raison. La preuve, alors que je sais d'avance comment tout ça va se terminer, je ne peux me résoudre à m'empêcher de te chercher, il faut que je te voie, que je te trouve pour te parler. Te parler de quoi ? Aucune idée, à vrai dire. Peut-être ne ferons-nous que de nous hurler dessus ? Ou alors, nous resterons peut-être à nous fixer vingt minutes durant avant de séparer nos routes. Je ne saurais le dire. Mais j'ai besoin de toi, à cet instant précis. Je te déteste Aelle, autant que je t'aime, et je ne peux me l'expliquer.

Et si, de ton côté, tu avais d'autres priorités et n'en avait rien à faire de moi ? Ce serait douloureux c'est sûr. Je préfère ne pas envisager cette possibilité, ça me blesserait trop. De toute façon, nous verrons bien.

Aujourd'hui, je me suis dépêché de finir de manger, pour te voir à la sortie de la Grande Salle. Tu passeras forcément par là lorsque tu sortiras de table, il n'y a pas d'autre issue possible, tu te verras forcée de croiser ma route. De nombreux étudiants sortent et passent à côté de moi, me bousculant parfois. Je ne pipe mot et me tiens droite comme un piquet, les sourcils froncés. J'ignore les coups d’yeux interrogateurs, je n'en ai que faire, je n'ai qu'un objectif et ces navets ne m'en priveront pas.

Je me tiens debout, devant les grandes et imposantes portes en bois, et je t'attends de pied ferme. Quand tu daigneras te montrer, alors là il me faudra improviser, car je n'ai aucune idée de ce que je vais bien pouvoir te raconter. J'espère que tu auras ton air froid, distant, violent comme à ton habitude, sinon, ça voudra dire que quelque chose ne tourne pas rond. Je ne peux m'empêcher de songer que j'aimerais beaucoup t'arracher un sourire, pour le principe. Ce serait à la fois une véritable fierté et un cadeau tellement précieux. Je suis persuadée qu'un minuscule et discret sourire ornerait à merveille ton joli visage de blondinette satanique. Les bras croisés, je sautille d'une jambe à l'autre, incapable de garder mon calme. Seras-tu la prochaine à sortir de cette salle ? Lorsqu'enfin je t'aperçois, je marche tranquillement dans ta direction, de façon étonnamment appaisée.

« Salut Aelle. »

Pas de "Alma", tu n'aimes pas ça.

@Aelle Bristyle

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

25 mars 2021, 12:16
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Lundi 5 février 2046
Hall d'entrée — Poudlard
5ème année



Je m'arrête brutalement, le cœur à la renverse. Je ne sais pas pourquoi mon palpitant s'affole mais ça ne m'étonne pas. Avec elle, je ne sais jamais. Je ne sais jamais moi, je ne sais jamais elle. Elle est comme le ciel, un jour tourmentée, un jour lumineuse ; surprenante, toujours. Je n'aime guère cela. Je ne sais pas sur quel pied danser. D'ailleurs, aujourd'hui me le prouve : jusqu'à cet instant, je m'étais persuadée que je lui gueulerai dessus quand je la croiserai. Évidemment ! Depuis le soir où l'Urne a craché son prénom, je me fais le plaisir de me persuader que je suis en colère contre elle. Non, me corrigé-je, je ne fais pas seulement semblant. Je suis en colère contre elle parce qu'elle... Parce que je... Est-ce à cause de son Secret ? De ma grande culpabilité ? De notre dernière rencontre ? À cause de cette image de ses bras passés autour du grand et sombre corps d'une certaine femme ? Oui. Non. Peut-être. Qu'en sais-je, par tous les mages ? Je ne comprends rien à ce qu'il se passe dans ma tête et dans mon cœur quand je songe à elle — oui, parce qu'à ma plus grande horreur, il arrive que je pense à elle ; plus souvent que je ne le voudrais.

Elowen Livingstone n'est pas grand chose et n'a jamais été grand chose. Un fantôme dans mes Landes. Une esquisse d'un souvenir, lui-même pâle reflet d'émotions que j'ai oublié. Je ne sais même plus pourquoi il y a ce lien invisible qui nous relie. D'où est-ce qu'il vient ? De cette fois-là près du lac ? Ou alors s'est-il créé en haut de cette tour ? Moi, les Autres, je ne les considère pas. Ils n'existent pas. Ils ne sont rien. Alors pourquoi n'est-ce plus un rien que j'associe à elle ? Ne pas savoir me bousille. J'ai besoin de savoir.
*Non*.
Ce besoin n'est qu'un mirage que m'impose le monde. Je n'ai pas besoin de savoir, n'est-ce pas ? Je n'ai pas besoin de comprendre. Parce que c'est en comprenant les choses qu'on les accepte. Je ne veux pas accepter. *Parce que j'me voile la face ?*. Évidemment que non : parce qu'il n'y a rien à accepter, tout simplement.

Mon mal de ventre n'est plus qu'un souvenir, désormais, tout comme le but qui m'a fait quitter avec tant de détermination la Grande Salle. Je ne sais plus ce que je voulais faire, Livingstone a tout avalé avec sa grande face d'idiote et ses paroles piquantes.

Ça me frappe alors.
Mon prénom ! *Bordel !*. Elle m'a appelé par mon prénom ! Ma grimace de surprise se fait avaler par le froncement de mes sourcils. La dernière fois, elle m'a demandé si j'acceptais ou non qu'elle m'appelle Alma. J'ai dit non, évidemment, et je lui ai donné mon nom de famille. Mon putain de nom de famille. Merde ! En utilisant mon prénom, c'est comme si notre lien était acté. C'est idiot, non ? Je peux tolérer que ce lien existe dans ma tête mais certainement pas dans la sienne. Je ne suis pas son amie. Je ne suis pas sa copine. Je ne suis pas même sa camarade.

« Livingstone. »

Froide ; je préfère ma voix ainsi, tout est mieux que les autres sentiments que cette personne m'inspire. Et soudainement, en un flash, je la revois passer ses bras autour du cou de Loewy. Bordel, c'est quoi mon putain de problème ?

Une moue me déforme le visage, je détourne le regard, croise les bras sur ma poitrine et dresse le menton. De toute façon, moi, je ne ressens rien ; de toute façon, cette fille n'est rien pour moi ; je n'ai aucun souvenir avec elle, je n'ai rien sur le cœur, je n'ai pas un Secret qui m'alourdit les sens — un secret qui ne m'appartient même pas. Je suis une coquille vide, si vide que mon visage est tout froissé, si vide que je ressens un océan d'émotions, si vide que je n'arrive même pas à la regarder.

Et puis, que me veut-elle ? Dans ma tête, il était acté que moi et elle ne nous parlerons pas. C'est logique : je n'avais aucune intention d'aller la trouver. J'avais oublié qu'il était possible que ce soit elle qui me trouve. C'est d'autant moins acceptable. Quand c'est moi qui prend la décision, ça va, mais quand on me l'impose plus rien ne va. Des dizaines d'idées me viennent en tête : elle veut me parler du Dominion, elle veut s'excuser (de quoi donc ? me susurrent mes pensées moqueuses), me parler de son secret, de l'Urne, de ma candidature, se moquer de moi pour ce que je lui ai dit il a quasiment un an, me dire combien elle a adoré pa— mais oui, c'est ça ! Elle veut me parler du Secret ! C'est certain. C'est obligé. C'est beaucoup plus acceptable que d'imaginer qu'elle veut me parler de moi ou de nous — nous qui n'existe pas, par ailleurs.

Je pense, je pense, mais pourquoi est-ce que je ne lui pose pas la question ? Parce qu'Elowen est comme le vent. Un coup elle souffle à droite un coup elle souffle à gauche. Elle me fait flipper. Si je ne bouge pas et ne dit rien, il ne peut rien m'arriver, non ? Et puis surtout, plutôt crever que d'aller quémander des réponses. Jamais je ne m'abaiserais à ça, moi. Alors je reste silencieuse.

Mon regard qui se tient loin d'elle me fait honte. Je me persuade qu'il parle seulement de ma colère et j'y crois réellement. Je veux tout simplement pas m'avouer qu'il n'est que le reflet de ce que je ressens trop fort.

Putain, je ne sais même pas ce que je ressens.

Plume d'@Elowen Livingstone, de grandes choses sont en marche.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 26 mars 2021, 19:03, modifié 1 fois.

25 mars 2021, 21:38
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Tu te laisses approcher. Très bien, c'est bon signe, tu ne me fuis pas, ne pars pas en courant, ne hurles pas, et tu ne me frappes pas non plus. Pas encore du moins. Serais-tu le style de personne qui frappe ses proches ? Je n'en sais rien. Tu es violente, à l'intérieur du moins, ça, personne n'en doute. A quel point laisses-tu déborder ta colère et l'exprimes-tu avec des gestes ? Lèveras-tu un jour la main sur moi ? Sur Chaussette ? Essaie pour voir, tu me fais pas peur. Ton air de défi, dédaigneux, supérieur, se pose sur moi et tu m'observes quelques instants. Que peut-il bien se passer dans ta tête durant ces quelques secondes ? Je sais que tu me juges, et que tu te demandes ce que je te veux, mais mes talents de divination s'arrêtent ici. J'espère que tu te dis que tu es contente de me revoir. Que tu vas m'inviter à marcher dans le Parc avec toi. Que tu me présenteras Zikomo. Qu'on rire, fera les folles. Et qu'on se séparera en embrassades en se promettant de se retrouver au dîner. Voilà ce que j'espère. C'est peu probable, mais il est beau de rêver.

Tu as toujours cet air austère sur le visage. Je te dérange, tu ne voulais croiser personne. Je me demande vraiment si tu agis ainsi avec tes amis, ou si parfois tu es plus douce, comme une meringue enrobée de chocolat noir et de framboises. Pour te rassurer, je te souris. Et puis, alors que j'attends toujours que tu me répondes, un peu hésitante, tu t'exprimes, si l'on peut appeler ton crachat un moyen d'expression. Automatiquement je te reprends.

« Moi c'est Elo ! »

Tu mets immédiatement un froid, mais je ne me laisse pas démonter. Tu ne te laisses pas amadouer facilement, tu le sais, ça ? C'est pas grave, j'ai tout mon temps. J'aurais envie de te poser un ultimatum, mais par principes tu le refuserais. Tes principes sont vraiment particuliers, ton besoin d'avoir constamment le dernier mot, d'être la maîtresse exclusive du moindre de tes mouvements, c'est déroutant, mais je ne m'en offusque pas.

« Je vais m'assoir sur les marches. Je te demanderais bien de venir mais tu risquerais de croire que si tu acceptais, tu craquellerais ta carapace super solide et tu perdrais une partie de ton âme, et moi, je veux que tu restes complète. Du coup je te laisse le choix, fais ce que tu veux. En tout cas, moi, je pose mes fesses sur l'escalier. »

Sans attendre ta réponse, je m'éloigne et atteins l'imposant escalier de pierre. Je m'écrase dessus comme une pomme de terre et froisse les plis de ma robe. Elle a l'air trop propre, trop bien repassée, et je n'aime pas ça. Ça manque de brouillon et de fantaisie. Je relève la tête et te regarde. J'aurais envie de te foncer dessus et de te prendre dans mes bras, pour te dérider l'entre-sourcils, mais je n'en fais rien, je comprends vite que ce n'est pas le moment. Au lieu de ça, je tends une perche, à toi de voir si tu souhaites la saisir.

« Je voudrais te parler. »

Bon, en réalité je n'ai rien à te dire, mais ça tu ne peux pas le deviner. Comme tu ne peux pas deviner non plus les centaines de mots qui envahissent mon esprit : joie, fougue, déraison, audace, folie, affection, mort, passion, brûlure et colère, entre autres. Tu ne peux pas non plus imaginer les douleurs qui s'emparent de mes entrailles et me tyrannisent le ventre. Je stresse, et cela me perturbe. Je suis pas une personne nerveuse du tout, d'ordinaire. Vois l'effet que tu me fais. C'est du suicide, pourquoi resté-je là ? Je devrais partir tant que je le peux encore, que je ne souffre pas trop, tant que je peux sauver mon après-midi plutôt que de te la vouer. C'est bien de ça qu'il s'agit, se vouer l'une à l'autre. Quand nous sommes ensemble, l'une prend possession de l'autre, personne ne nous reconnaîtrait. Tu as happé mon âme alors que je ne t'avais rien demandé, et j'en redemande. Nous sommes deux sorcières colériques, égocentriques et folles à lier, reliées par une belle dose de tendresse malsaine.

Me revient en mémoire un ouvrage : les Liaisons dangereuses. Voilà, c'est nous.

De très grandes ! Hautes comme douze meringues géantes empilées !

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

26 mars 2021, 23:06
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Est-ce que ce sont des meringue enrobées de chocolat noir et de framboises ? Dans ce cas-là, j'en souris d'avance !

Ébranlée. Complètement secouée. Ses paroles m’ont laminé.

Je la regarde s’éloigner. Je me demande si elle va réellement s’asseoir sur cet escalier et attendre que je la rejoigne. *Elle le fait vraiment*. Son regard de braise me fixe et je me sens sous le feu de mille paires d’yeux, comme si j’étais littéralement le centre du monde, comme si j’étais la seule à exister, à vraiment être là. Je n’arrive pas à savoir ce qui me dérange : d’être au centre de l’attention ou d’avoir l’impression que je suis au centre de son attention ? Je préfère me dire que c’est la première hypothèse. Je n’ai jamais aimé être la victime des regards, après tout. Alors pourquoi cette fois-là serait différente ? Son regard me perfore et je ressens tellement de choses que j’ai la sensation d’être trop vivante. Ce n’est pas agréable. Ses paroles repassent en boucle dans mon esprit, c’est un véritable bordel là-dedans, des pensées qui se percutent et s’entrechoquent, je n’ai aucun contrôle sur elles ; ma colère, ma surprise et ma gêne se mélangent. Si chacune de ces émotions étaient une couleur, j’aurais un arc-en-ciel dans le coeur ; éblouissant.

*Ma carapace*, qu’elle dit. Elle dit « tu risquerais de croire », « tu craquellerais ta carapace », « tu perdrais », comme si elle savait exactement qui je suis et ce que je suis. Comme si deux pauvres rencontres pouvaient lui donner ce pouvoir. Mais elles ne lui donnent rien du tout, rien du tout ! Je n’ai pas de carapace, moi, elle a tort, elle ne sait pas, elle ne me connaît pas. *Elle me connaît pas !*. Et je me le répète pour essayer d’y croire : *elle me connaît pas…*. Mais en fait, elle a raison. Pas pour la carapace parce que moi je suis moi, je ne me cache pas derrière une façade, contrairement à ce qu’elle croit. Mais elle a raison pour tout le reste. Si j’accepte de venir m’asseoir près d’elle, je vais me perdre. Me perdre moi et perdre… Je ne sais pas. Mon indépendance, ma liberté. Je vais perdre ma fierté, à coup sûr. Non pas que je sois une personne très fière en temps normal mais accepter une telle proposition venant de cette fille, c’est jeter ma fierté à ses pieds et la regarder la piétiner allègrement. Je refuse de faire ça, je refuse de me laisser manipuler comme une vulgaire marionnette et d’accepter sa proposition complètement idiote et qui n’a aucun sens. Aller s’asseoir sur l’escalier ! Parce qu’elle veut me parler ! Mais qu’elle me parle ici. Debout, les choses ne peuvent pas s’acter — c’est comme refuser de prononcer son prénom, tant que je ne le fais pas, cela signifie que je ne la reconnais pas. C’est logique. Elle le sait. Je le sais. Alors elle peut toujours aller se faire voir pour que je le prononce.

Comme elle peut aller se faire voir si elle croit que je vais aller la rejoindre.

Une seconde plus tard, mes jambes se mettent en mouvement sans mon consentement. Je me plante devant elle. Je la surplombe de toute ma taille. Mon visage est de marbre, mon regard sombre et mes sourcils froncés. *Merde*, frémis-je intérieurement, *’j’voulais m’barrer, pourquoi j’suis venue ?*. Ouais, pourquoi ? Par curiosité, certainement. Seulement de la curiosité. J’ai envie de savoir ce qu’elle me veut. C’est suffisamment rare que qui que ce soit me veuille quelque chose pour que j’accepte d’écouter ceux qui viennent me trouver.
N’est-ce pas ?

Je prends bien soin de dédaigner les marches de l’escalier : non, je ne la rejoindrais pas. Ainsi, je lui montre que je suis toujours bien maîtresse de mes mouvements. Moi, je contrôle. Moi, je gère. Moi, je suis la seule commandante de mes faits et gestes. Et c’est rassurant de s’en rendre compte, ça me fait un bien fou.

« Tu veux me dire quoi, Livingstone ? »

Livingstone. C’est si bon de prononcer ce nom ! Mon regard se perd dans le sien, je résiste à l’envie de recourber mes lèvres en un rictus moqueur. Noyée dans ses perles, je la nargue : jamais je ne t’appelerai "Elo".

Une petite part de moi se questionne tout de même. Pourquoi ? Cette question est légitime. Cette fille n’est pas la pire des Autres que j’ai rencontré. Je me souviens même l’avoir trouvé intéressante au tout début. Elle a un petit quelque chose qui attire l’oeil, et un caractère qui m’intrigue. Je crois que le regard qu’elle pose sur le monde est si différent du mien, tellement différent, qu’il m’attire au lieu de me rebuter. Cette personne n’est pas comme les Autres. Elle a un quelque chose ; son Secret, déjà, certes ; le fait qu’elle me l’ait avoué, aussi. Mais pas que. Et c’est pourquoi je me questionne sur la raison pour laquelle je la repousse. Et plus elle s’approchera plus je la repousserai. Comme j’ai fait avec Fraw. Sauf que Livingstone n’instaure pas le dégoût dans mon coeur. C’est autre chose.

Pour elle, je ne ressens pas l’immense complémentarité que j’ai pu *que je* ressentir avec Thalia. Je ne sens pas mon ventre se nouer et mes pensées se diluer quand je la regarde comme ça me fait avec Gabryel. Je n’ai pas envie de sourire comme quand je discutais avec Sangblanc. Je ne suis pas dans une bulle de bien-être comme avec Zikomo *avant*. Et je n’éprouve rien d’aussi ambivalent pour elle que ce que je ressens avec Loewy. Mon coeur me dit qu’elle pourrait éventuellement, potentiellement, peut-être, et encore ce n’est pas sûr, vraiment pas certain, qu’elle pourrait me faire du bien. Et ma tête me dit : non, tu n’as pas besoin d’elle. C’est dangereux, me dit ma tête. C’est dangereux, hein ? Ça l’est parce que depuis le début de la nouvelle année, je me suis terriblement éloignée de Thalia *ça m’fait pas mal* mais aussi de Zikomo. A contrario, je me suis rapprochée plus que jamais de Loewy. Les personnes qui parsèment mon quotidien se sont éloignées et moi, je me rapproche de celles qui sont le plus susceptible de… *me faire du m…*. Je ne terminerai pas cette pensée.

C’est un tel bazar, là-dedans. C’est épuisant. Cela rend ma tête lourde, littéralement. Je dois toujours tout contrôler pour pas que ça se casse la gueule. Je dois être à l’affût, faire attention constamment, contrôler mon coeur et ma tête. C’est épuisant de devoir faire cela. C’est un devoir que j’ai depuis toujours. Il fait partie intégrante de moi-même. Il est moi et je suis lui, c’est comme ça. Les Autres ne comprennent pas cette grande malédiction qui est la mienne. Ils disent que j’ai une carapace, ils jugent et jaugent sans savoir que c’est un combat quotidien et que je devrais être un peu plus récompensée pour tous ces efforts.

Mon air se durcit. Elowen me fatigue, comme Thalia, comme Gabryel, comme Zikomo : je dois lutter pour garder pied. C’est dur. Je lui en veux très fort. Et tout à coup explose ma rancœur :

« J’ai autre chose à faire, dis c’que t’as à dire. »

Je me rends compte que mon coeur bat fort contre ma cage thoracique. Il tonne, il résonne ! Et mon regard, encore, s’arrache à la violence des pupilles de la Serdaigle pour se perdre sur la pierre froide du grand escalier. Je suis incapable de la regarder en face.

Alors cette dernière parole, je ne l'avais pas du tout mais pas du tout vu venir !

27 mars 2021, 02:04
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Ton air boudeur sur le visage, tu sembles indécise. Pour une fois, il semblerait que je t'aie perdue. Pour une fois, tu es désemparée, tu ne sais que faire, car quel que soit ton choix, il aura des conséquences. Je te regarde avec des yeux emplis d'espoir. Je veux que tu viennes, que tu te rapproches de moi, tu es trop loin, bien trop. Et pourtant, pour une fois, je ne peux m'avancer vers toi, il me faut savoir : que veux-tu, au fond de toi. Je fais souvent les premiers pas, et tu n'y es pas réceptive. A présent, il me faut une réponse claire. Si tu viens, si tu faire demi tour, tout cela dépend de toi et fera prendre un tournant à notre relation, un tournant sans retour. Je veux savoir ce que tu penses au fond de toi. Pas ce que tu montres, car tu ne fais que mentir : tes yeux, tes lèvres, tes bras, semblent animés par une chose bien différente de ton âme. Non, je veux comprendre ce qu'au fin fond de toi tu penses de tout cela. Venir près de moi, ça voudra dire que tu es ouverte à la discussion, que tu as envie d'en savoir plus, que l'on va enfin pouvoir se rapprocher. T'en aller me fera parvenir un message clair : je t'emmerde et dois te laisser tranquille, je suis seule dans mon délire. Je comprendrai et respecterai ta décision, quelle qu'elle soit, mais j'en ai besoin, pas demain, pas l'année prochaine, maintenant, tout de suite. Il me la faut. Je ne peux me résoudre à te harceler comme je le fais en ce moment, sans te laisser un instant de répit pour songer, sans savoir ce que toi tu en penses, c'est trop inconfortable. Alors prend une décision.

Le temps semble suspendu. Je sens que tu vas fuir, ton regard n'indique que du dégoût et de la colère, notre rapprochement semble mal parti. Tu es pleine de haine, et puis, tu avances. Ton pas est mal assuré, c'est certain, mais tu viens, tu viens à moi. Plus tu t'approches, plus mon petit cœur chauffe et s'illumine. J'avais définitivement besoin de ta présence, Aelle. Comment se peut-il que tu me sois si indispensable ? J'ai besoin que d'Eileen normalement, pour me sentir comme ça... Il m'arrive quoi, purée de patate douce ? Un timide sourire se dessine sur mon visage, le genre de sourire en coin que tu veux cacher, mais plus tu tentes de le masquer, plus il se fait visible : mes yeux pétillent, mes joues rosissent, je me mords l'intérieur de la joue. Viens plus près.

Tu te stoppes à quelques pas de moi. Il y a de la place, sur ma grande marche, mais non, tu préfères garder tes distances. Je le comprends et le respecte. Je te regarde, troublée. Je sais que si je pose une question, si je demande à essayer de te comprendre, tu vas te braquer, me dire que je t'agace à toujours parler, que je ferais mieux de me la fermer, qu'il n'y a rien à comprendre. Alors, je garde le silence. Ce moment est vraiment précieux, comme une bulle de savon qui plane, elle n'est pas éternelle mais qu'est-ce qu'elle est pure, jolie, colorée. Tu mets des couleurs dans ma vie, à cet instant précis.

Tu interromps la transe. Promptement, je détourne mon regard et fixe la pierre. Je ne sais comment me sortir de cette impasse. Il faut que je déballe tout, que je te le dise, mais je ne veux pas risquer de te perdre, pas quand nous n'avons jamais été si proches, cela me ferait trop mal. Les mots me brûlent mais je garde le silence, cadenassée. Par ailleurs, je ne saurais être légère et parler de la pluie et du beau temps. Ça me saoulerait, toi aussi, et ça ne ferait rien avancer. Mon cerveau tourne à toute allure quand tu me relances à nouveau, impatiente certainement.

« Je veux que tu oublies tout ce que je t'ai dit de pas joyeux sur moi. J'aime pas qu'on me regarde avec pitié, je veux être forte moi aussi, comme toi, et je veux que tu puisses me découvrir si tu en as envie sans m'imaginer comme une enfant perdue et traumatisée. Je vais bien. Vraiment. Et puis, quand t'es là, je vais encore mieux. »

J'ai honte de ce que je viens de révéler, mais je le pense. Poison, possession, obsession, folie, désir, rafale, sentiment et destruction maladive. Il est trop tard pour faire marche arrière. Puisses-tu ne rien percevoir. Je redresse la tête pour voir ton visage à cet instant. J'ai besoin de lire tes émotions pour savoir si je continue ou pas. N'y tenant plus, je poursuis.

« Je veux pas te faire peur, s'il te plaît pars pas, j'ai pas fini. T'es vraiment impressionnante comme fille, je sais pas si tu le sais. Bref, j'ai envie qu'on passe du temps ensemble et que tu me parles de toi. T'es pas obligée, vraiment pas, mais... J'aimerais bien. Ça m'intéresse, tu m'intéresses en fait. S'il te faut du temps pour réfléchir, je le comprends, je peux te laisser seule si tu veux ? Ça t'engage à rien, je te demande pas tes secrets, je veux juste apprendre à te connaître. »


💣
En roue libre, la miss Meringue !

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

27 mars 2021, 20:40
 RP++  Est-ce raisonnable ?
J’ai une trop grande conscience de moi-même. Cet instant est en train de se graver dans ma mémoire et je suis incapable de l’empêcher. Je sens mon corps dans son entièreté. Mes jambes, légèrement tremblantes ; mes bras croisés sur ma poitrine, comme pour me protéger du monde — d’elle ; mes mains, trop moites pour que je me persuade que je suis à l’aise ; mon coeur qui s’agite ; ma bouche sèche ; mes sourcils froncés ; mon ventre noué. Et tout à coup, ce corps me gêne. Je ressens le besoin de me grandir pour ne pas qu’elle me croit avachie, de dresser le menton pour qu’elle m’imagine fière, sourire pour lui cacher mon trouble. J’ai envie de lisser les pans de ma robes, vérifier que mon uniforme est en place, que ma jupe retombe bien sur mes jambes. Je ne fais rien de tout cela. C’est d’un idiot, c’est d’une connerie ! Que faire de mon uniforme, de mon corps, de ce que je montre, bordel. Je n’en ai jamais rien eu à faire de comment me voient les Autres. Mais voilà, je me sens trop et c’est à cause d’Elowen Livingstone. Elle est là, juste devant moi. Plus basse car assise mais pourtant bien plus grande. Comment peut-elle être aussi imposante dans une telle position ? Ce n’est pas tant qu’elle est impressionante ou quoi que ce soit dans ce genre-là, non. Mais elle est là. Je ne saurais comment l’expliquer. Sa lourde chevelure de feu, ses yeux couleur-de-ciel, son regard, son corps, sa posture, ses lèvres si malléables, jusqu’à la teinte de sa peau… Je ne sais pas, c’est un ensemble qui m’intimide. Comme quand je suis dans la même pièce que Zakary. Il pourrait bien se trouver dans la position la plus ridicule qui soit que je serais toujours intimidée, je me sentirais toujours plus petite, toujours moins forte, toujours en danger. Ces personnes qui me font ressentir ça m’attirent éperdument, autant qu’elles me font flipper — c’est pour cela que je les fuis aussi fort, c’est la logique qui me fait fuir. Et Merlin seul sait que la logique est la seule chose qui doit avoir du poids, dans la vie.

Mon coeur est un petit animal sauvage qui me nargue avec ses battements. A chaque coup qu’il m’envoie, il me dit : « Je suis libre ». Je déteste quand il est ainsi. Putain, j’ai maintes fois tenté de dompter ce coeur libre et j’ai toujours échoué. Ce foutu organe était déjà bien affolé, déjà tout fou à l’intérieur de mon corps. Mais il s’agite de plus belle quand Livingstone prend la parole. Ce n’est pas tant sa voix qui me bouscule que ce qu’elle dit. Comme tout à l’heure, mes yeux retrouvent le chemin des siens dès qu’elle l’ouvre.

Le sourcil qui se dresse sur mon front, je ne peux l’arrêter ; il exprime si bien ma surprise ! J’avais raison : elle souhaitait me parler de son Secret. Mais je ne pensais pas qu’elle me dirait d’oublier. Ma première réaction est de résister : non, je n’oublierai pas, ce Secret c’est toi, c’est tout ce que tu es. Mais je me retiens parce qu’elle a raison *encore, putain* : j’ai eu pitié, je l’ai considéré comme faible, comme ayant besoin d’attention. La dernière fois, j’ai même songé à être gentille avec elle parce qu’il faut être gentille avec les personnes ayant vécu ce genre de choses. Si on ne me l’a jamais appris, je le sais tout de même ; c’est comme une évidence. Pourtant, ce comportement s’oppose en tout point à ce que je suis et j’éprouve tout à coup comme un soulagement. Ah oui, je n’ai plus besoin d’avoir pitié, alors ? Je n’ai plus besoin de faire semblant ? Plus besoin de craindre que mes paroles véhémentes, que mon comportement te casse en deux ? Je ne dois plus me retenir ? plus faire attention ? plus te regarder comme la chose brisée que je croyais que tu étais ? Je n’ai plus besoin de faire tout cela, c’est ce qu’elle me dit, n’est-ce pas ? C’est ce que je veux comprendre de ce qu’elle me dit. Parce que c’est beaucoup mieux de choisir ce que l’on comprend plutôt que de comprendre vraiment. Et aussi parce que son « quand t’es là, je vais encore mieux » me semble un bien trop grand mensonge pour que je lui accorde de l’intérêt.

J’aimerais que tu arrêtes de parler, s’il-te-plait.

Troublée, je détourne le regard. Je sens mon coeur battre dans ma gorge nouée. Ma tête est lourde des efforts que je fais pour me protéger d’Elowen. C’est dur. Je n’ai pas envie de me concentrer sur ce que je ressens. Je n’ai pas envie, Merlin épargne moi cela, s’il-te-plait. Peut-être que si je pars maintenant je n’aurais pas à y songer ? Ou si j’ouvre ma bouche et que, comme Rosenberg, je débale tout un tas d’informations inutiles, que je nous noie moi et Livingstone sous les paroles, je n’aurais pas à songer que je suis terrifiée, absolument terrifiée par ses paroles.

C’est une grande peur qui s’ouvre dans mon coeur. C’est comme ce que j’ai ressenti sur ce plateau rocheux quand j’ai compris *ou cru comprendre ?* qu’il se passait tout plein de choses dans le coeur de Loewy et que ces choses-là pouvaient me rendre heureuse — quand j’ai compris que croire à ces choses pouvaient me faire très très mal, tout simplement parce que j’allais finir par être déçue, encore. Je crois que c’est la même chose que je ressens actuellement. La boule dans ma gorge grossit. Elle grossit, encore et encore, et mon souffle s’accélère et je sens que j’ai mal dans un endroit du corps où je n’ai pas véritablement mal, au niveau de la poitrine. Je crois que je dois me barrer d’ici, et très vite.

Je n’ai jamais espéré quoi que ce soit d’Elowen. Ce n’est pas comme avec d’autres *rares* personnes, quand je voulais que mes sentiments soient réciproques et que j’espérais vraiment que le coeur de l’autre soit habité des mêmes couleurs que le mien. Je ne me suis jamais dit que je voulais que cette fille m’aime, qu’elle m’apprécie, qu’elle me regarde avec le sourire, que je voulais être capable de lui faire du bien, de l’apaiser, que je voulais qu’elle s’intéresse à moi, qu’elle veuille me connaître au lieu de croire qu’elle me connaît. Je n’ai jamais espéré quoi que ce soit d’elle. Elle est elle et c’est tout, c’est comme ça ; et je suis moi. C’est un fait et je me le martèle dans la tête : *jamais j’ai voulu de tout ça, moi* et je m’efforce de rejeter la faute sur elle : c’est elle qui insiste, c’est elle qui demande. Mais si tout cela est vrai, pourquoi ai-je si peur, soudainement ? Pourquoi savoir que je l’intéresse ouvre ce si grand gouffre dans mon coeur ?

*Je vais souffrir*.
Bordel, d’où sort cette pensée ?

Le silence s’étire. Je me suis oubliée. Mes yeux sont écarquillés, mon souffle court et je ne cache rien du trouble que je ressens, il s’étale sur ma gueule avec vulgarité.

Je n’ai aucune idée de ce que je dois dire ou faire. Ma tête est vide. Et mon coeur trop plein. Pourtant, j’ai une conscience accrue des différents chemins qui s’offrent à moi pour faire face à la proposition d’amitié d’Elowen — c’est bien de cela qu’il s’agit, non ? Elle veut que l’on fasse amie-amie, elle et moi. Pour elle, ce n’est que cela. Pour moi, c’est bien plus. Rares sont les personnes qui comptent pour moi mais celles qui font partie de cette petite liste ont un pouvoir sur moi dont je suis loin, très loin d’ignorer l’ampleur. Pour la première fois depuis ma rencontre avec Loewy, je mets en mots un fait que je refusais de regarder en face : je veux me libérer du pouvoir que mes proches ont sur moi, m’en libérer vraiment, je ne sais pas pourquoi, parce que je ne veux pas m’inquiéter, parce que je ne veux pas avoir peur, parce que je veux ne penser qu’à moi, me soucier que de moi, ne pas avoir honte de ce que je suis, de ce que je peux faire, de ce que je suis capable de leur faire.

J’ai peur d’avoir envie de m’attacher à Elowen.

Alors je choisis le chemin le plus fiable.
Le plus pertinent.
Le plus logique.

Je me détourne et m’éloigne en direction des grandes portes. Mon coeur est un vacarme. Une seconde, deux secondes. A la troisième, je commencerai à courir.

Alors je m'excuse pour ma vulgarité mais là, je n'ai qu'un mot qui me vient pour te parler de ce que je ressens : putain.

28 mars 2021, 16:08
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Mon long monologue achevé, je te regarde et tente de te sonder. Ta tête bouillonne et mille émotions la traversent, c'est perceptible. Les couleurs de ton visage changent, et tu restes là, immobile. Pas un son ne sort de tes lèvres. Pas un mouvement ne vient te sortir de ta torpeur. Tu es comme perdue, estomaquée, bridée et en train d'imploser. Tout ce qui t'arrive, tout ce à quoi tu penses, tu n'en dis mot, te contentant de le vivre. Parle-moi, partage ces choses-là, ne doute pas, ne reste pas ainsi, interdite, je veux t'aider, t'expliquer, te rassurer. Je sais que tu n'en feras rien, c'est une évidence, tu es bien trop solitaire, habituée à agir par toi-même et pour toi-même. Pourtant, tes actes ont des conséquences et tu ne sembles pas le réaliser. Ton silence pesant a lui aussi des conséquences, il a beau être un acte passif, il n'en reste pas moins dur à encaisser. Il est chargé de sens, un sens qui me blesse. Plus le temps s'étire et plus je comprends qu'il n'y a plus d'espoir, que j'ai été trop loin et que tu es terrifiée, je j'ai tout raté, tout raté, j'ai fait chavirer la chaloupe. Je t'ai fait tomber, je t'ai bousculée, et personne n'a le droit de t'approcher de si près, de te frôler, alors tu sors les crocs et te défends. As-tu vraiment peur de moi ? J'aimerais tellement le savoir. Malheureusement je ne peux rien lire en toi, si ce n'est qu'il se passe un jeu de chamboule-tout dans ton esprit. Parle moi, purée de patate douce !

Mes yeux deviennent humides : je me sens terriblement seule. Seule, et rejetée, souillée même, et puis je m'en veux. Je ne pleure pas, mais quand je vois ton regard devenir doux puis se durcir, c'est mon cœur que tu écrases. Je perçois ton trouble, il me frappe, et pourtant je ne dis rien. J'ai tout déversé, je suis comme vidée, sans savoir quoi ajouter. Tu es en plein dilemme intérieur, il n'y a absolument aucune place pour moi dans cette réflexion, alors impuissante je te regarde te refermer. A nouveau c'est mon illusion qui s'en va. A chaque fois c'est la même rengaine, je devrais prendre l'habitude, plutôt que de me laisser dépasser ainsi par les évènements.

Je remarque à peine quand tu pars, ton silence a déjà fait bien assez de ravages. Mon esprit est trouble, tout devient flou, je me mords la lèvre pour me retenir d'éclater en sanglots, j'ai honte Merlin mais j'ai honte. Je te propose une amitié, plus peut-être, et tu t'enfuies, comment devrais-je prendre cela ? Dans ce hall, abandonné, tout paraît lointain. Je suis désolée, Alma - au final ce nom te convient mieux. Je suis désolée que tu me voies ainsi, que je te repousse à ce point, je t'assure que telle n'était pas mon intention.

Je ne sais que répondre à ton départ, je suis encore sous le choc de ce qui vient de se passer. Je n'ai pas les mots pour décrire mon état : m'ouvrir, me dévoiler, et te voir partir sans mot dire, c'est le pire scénario que je pouvais envisager. D'une petite voix, je tente de garder la tête fière, même si je sais bien que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Tu ne pars pas réfléchir : tu nous sépares définitivement.

« Je hum, très bien, je te laisse réfléchir, je reste là quelques temps, tu sais où me trouver si besoin. Prend ton temps. »

Au fond, je n'ai aucune envie d'attendre, je ne suis pas un jouet qu'on attrape quand on en a besoin et qu'on rejette quand on a terminé de s'amuser avec. Je veux mieux que cela, j'en suis persuadée ! Non, si je reste sur ces marches, c'est parce qu'à cet instant mes jambes ne me portent plus. Je suis bien incapable de te courir après, tu m'enverrais ton poing dans la tête. Trop sonnée, je ne peux monter les escaliers pour partir à mon tour. Mes copains diraient que je me suis pris un vent de l'espace, je ne suis pas d'accord : c'est un ouragan que je viens de me prendre en pleine face. Un ouragan silencieux, douloureux et clairement pas nécessaire. J'ai envie que tu partes, ne reviens pas s'il te plaît Alma, ce serait trop dur pour moi. Ne te donne pas la peine de m'achever encore un peu plus, je ne le supporterais pas. Je veux m'endormir, retrouver la douceur des bras de P'pa, que Gwenaël me caresse les cheveux en me disant que tout ira bien, que Bad fasse le pitre devant moi, je veux Cléia qui me présente ses peluches, je veux que l'on m'empêche de réfléchir, je ne contrôle plus rien, mon esprit est comme perdu. Malléable, c'est ça. On fait ce que l'on veut de moi, je ne pourrai que subir. Ne reviens pas, je n'aurai pas la force de te tenir tête. Je me leurre depuis bien trop longtemps : je ne suis pas forte.

J'ai vraiment besoin d'un câlin. Alors, ne voyant pas Chaussette dans les parages, je fais ce qui me semble le plus logique. Je regarde à gauche, à droite, et comme nous sommes seules dans ce couloir, je sors un petit objet et le pointe. Oh sois sans crainte, ce n'est pas toi que je vise, pour rien au monde je ne voudrais t’abîmer. Je dirige le stylet qui m'accompagne toujours vers la pierre du sol. Je grave très légèrement une rune : Ior.

Un petit serpent blanc d'une vingtaine de centimètres apparaît. Je ne souhaite de mal à personne, alors il reste immobile. Je le regarde avec fierté, et un demi-sourire se dessine sur mon visage.

« Merci Litchi, j'avais besoin de toi. »

Je lui caresse la tête, épuisée. Il faut que je continue à me perfectionner, créer des runes me pique encore toute mon énergie.

Quand enfin mon cœur commence à battre moins fort, je relève la tête, je me sens moins vulnérable. Fragile, mais pas cassable. Et je te cherche. Si tu es partie, je souris, soulagée. Si tu es encore là, je fixe tes pupilles avec insistance, tristesse et gentillesse.

Est-ce une fin ?

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

29 mars 2021, 20:15
 RP++  Est-ce raisonnable ?
La troisième seconde est tombée, et la quatrième, et la cinquième ; je ne cours toujours pas. Je ne marche même plus. Les paroles d’Elowen m’ont figé, encore. Je te laisse réfléchir, qu’elle dit. Prends ton temps. Comme si elle était capable de m’attendre toute une vie pour… Pourquoi ? La proposition qu’elle m’a faite est-elle donc si importante pour elle pour qu’elle accepte de s’abaisser de la sorte ? Si ça n’importait pas, elle m’aurait dit « merde » et aurait disparu ; parce qu’elle peut me remplacer par des dizaines d’autres élèves de ce château, parce que je ne suis pas irremplaçable. Je ne suis pas censée l’être. Mais non, elle attend, comme si c’est moi qu’elle voulait, moi et personne d’autre. Et ça, ça me fout en l’air. Ma peur s’affirme et l’accompagne le besoin intense de disparaître maintenant. Et l’envie déstabilisante de faire demi-tour. D’envoyer se faire voir tous mes principes et toutes mes peurs, de croire que je suis plus forte que ce que je suis réellement. Que se passerait-il, si je la rejoignais ? Je lui dirais : « Dis rien et écoute-moi » et là, je lui sortirais tout un tas de règles qu’elle devra suivre pour que je sois certaine qu’elle n’ait pas de pouvoir sur moi : ne m’empêche pas de vivre, ne m’empêche pas d’exister, ne me juge pas, accepte mes colères, mes ordres, mes rages, ma violence, ma jalousie, ma passion pour l’inacceptable, accepte tout ce que je suis et comprends bien que je n’en accepterai pas tant de toi — je ne veux pas de ta colère, de ta mauvaise humeur, de tes reproches, de tes demandes, de tes besoins, de tes envies, je veux que tu sois toute à moi, malléable, que tu sois là quand je le désire et que tu disparaisses quand je n’ai pas besoin de toi, je veux que ce soit tout comme je veux et quand je le veux.
Oh Merlin !
Même moi, je sais que ça ne fonctionne pas comme cela. C’est pour cela que je ne veux pas d’amis, que je ne veux pas m’attacher, pas être proche des gens. Parce que ça ne fonctionne jamais. Je ne suis peut-être pas fait pour ça, moi, pour l’amour. Et puis de toute manière, c’est si contraignant ! On s’attache puis on souffre, on a peur, on est toujours dans la crainte de voir l’autre disparaître, que lui prenne soudainement l’idée de foutre son nom dans une urne maudite pour aller crever je ne sais où, par exemple, ou qu’il décide soudainement qu’on est plus si intéressante que cela et qu’il n’a plus aucun intérêt à nous soutenir et à nous aider. C’est trop dur, c’est trop dur.

J’ai du mal à respirer, mes yeux me piquent. Je devrais déjà être loin mais je suis encore là. Une envie si forte me bousille le coeur. Elle prend toute la place, elle dézingue mes pensées pour m’imposer des ordres : *r’tourne-toi*, *regarde-là*, *si elle est encore là, c’est qu’elle ment pas*. Mais que faire de ma fierté, celle qui refuse que je m’abaisse à ça, et mes peurs, alors, celles qui me disent de dégager avant de tout foutre en l’air ?

*Juste un regard*.
*Pour être sûre*.
*Juste pour dire : j’suis sérieuse et je vais me barrer*.

Rien qu’un regard. Et alors que résonnent encore les paroles de Livingstone dans le hall, je me retourne, persuadée qu’elle sera déjà partie — l’espérant, même : que croira-t-elle si elle me voit agir ainsi ?

Elle est encore là. Avachie, le regard braqué sur le sol, sa crinière me cachant les détails de son visage. Mon coeur sursaute. Elle est encore là, elle attend vraiment. Elle m’attend. Bordel, tout aurait été plus simple si elle avait disparu. J’aurais pu rejeter la faute sur elle et dire : « j’avais raison, elle n’était pas sérieuse » et lui en vouloir pour la douleur que sa disparition aurait créé dans mon coeur.

Je pensais qu’elle allait se lever et me rejoindre ou alors me demander à moi de la rejoindre, encore. Elle ne fait rien de tout cela. Et pendant un instant, un faible instant, ce que je vois m’arrache à l’océan de mes émotions pour me plonger dans la grande passion du Savoir, de la curiosité. Je ne sais pas que penser de ce que je vois. Ça me passionne, évidemment ! Si ça n’avait pas été elle, je me serais approchée pour observer discrètement et je serais allée me renseigner à la bibliothèque, et j’aurais appris pour faire la même chose, pour comprendre, pour saisir ce qu’il se passe. Mais c’est elle et mon intérêt soudain n’efface pas tout le reste.

C’est pour cela que je ne bouge pas. Je suis immobile, figée comme une putain de statue. Complètement déchirée à l’intérieur, soumise à la violence de mes pensées, de mes envies, de mes peurs. Dans toutes mes relations et à chaque fois que je fais face à un Autre, j’ai toujours pris soin d’avoir le pouvoir, d’être celle qui décidait et qui en imposait. Même si parfois, je ne me sentais pas forte, je me persuadais que je l’étais à l’intérieur. Avec Thalia, c’était facile la plupart du temps : je cachais ce que je ressentais, je refusais parfois de l’accompagner juste pour qu’elle comprenne bien que j’en avais le pouvoir, que j’étais libre ; avec Gabryel, la même chose : qu’importe mon trouble puisque je le lui cache ? ; et avec Loewy, c’est un peu plus dur, je dois sans cesse me battre non pas pour la dominer mais pour être son égale — c’est une autre forme de pouvoir. Mais avec Elowen, ce n’est pas pareil. Je n’arrive pas à la dominer, bordel. Je me sens minable, là. Je me sens toute petite, complètement soumise aux aléas de son comportement, à sa merci totale, je n’arrive pas à prendre le pouvoir et à le lui montrer, je n’y arrive pas et c’est en train de me rendre folle.

Alors je reste là, complètement tétanisée, incapable de prendre la décision que je sais devoir prendre. Perdue, décimée par cette fille que je ne connais pas si bien que ça mais qui parvient à me faire rêver en même temps qu’elle me terrorise — et ce n’est pas sa magie qui me donne des rêves, c’est elle, c’est ça le pire.

Son regard m’avale toute entière.

Crois-tu que ça ressemble à une fin ?

01 avr. 2021, 22:25
 RP++  Est-ce raisonnable ?
Litchi est le plus court de la bande de serpents qui m'accompagne. Il est le plus doux des cinq, le moins dangereux aussi : sans doute parce qu'il est celui qui me demande le moins d'énergie à créer. Sa présence est réellement apaisante, si bien que je me sens rapidement prête à constater ton départ. Ce que je rencontre est bien plus fort que tout ce à quoi je m'attendais, en réalité.

C'est juste un regard, un regard brûlant, qui me dévore. Quand je redresse la tête, et que mes yeux croisent les tiens, le temps s'arrête. Je ne veux plus que tu partes, finalement, ou alors si, pars, mais prend moi la main avant de te mettre à courir. Ou bien reste. Reste là, immobile, avec ton air de bateau qui chavire, de tornade qui détruit tout sur son passage, ne bouge plus, ou bien si, déplace-toi, approche-toi encore un petit peu... Mon esprit est confus, je pense à tout et son contraire, et je ne bouge pas non plus.

J'aimerais que l'on reste ainsi éternellement. Je ne sais pas ce que j'espérais en venant te chercher, mais je sais que je l'ai trouvé. Je me sens pleine de vie et d'envie lorsque tu es près de moi, je ne saurais me l'expliquer. Il y a tant de choses que je voudrais te dire, mais ce n'est pas le moment, tu n'es pas comme ça. J'ai envie que l'on avance ensemble, alors je tâcherai de m'adapter à toi, je ne veux pas te perdre, pas maintenant. Ma poitrine gonfle et rétrécit, ton regard, mon souffle, il est si court, mon esprit est en plein dilemme. Qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi ai-je tant besoin de toi ? Il y a quelques instants je pensais que nous étions toxiques, des poisons mutuels, que notre proximité éloignée était malsaine, mais là, je sais pas, je sais plus rien, j'ai l'impression qu'être loin de toi me brise un peu, tu envahis ton esprit, je pense à toi, je rêve de toi, mes poils se hérissent lorsque j'entends ton nom, je n'ai pas peur quand tu es là, je me sens protégée, j'ai terriblement besoin de toi. Le monde est un poison duquel tu me protèges, sans même en avoir conscience. Je voudrais m'approcher, mais j'ai si peur de tout gâcher. Il me faudrait trouver un moyen de te sonder, de pénétrer ton esprit, il est dur pour moi de ne pas savoir ce que tu penses, si tes sentiments, tes amitiés sont réciproques, ou si je m'invente une planète, et que de ton côté je ne suis qu'une étrangère, qui te colle. Ce serait douloureux, mais je dois le savoir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. Mon cerveau tourne à plein régime, mais aucune des solutions qu'il me propose ne semble me convenir. Si je te questionne, tu fuiras. Si je m'approche, tu me rejetteras sans doute. Si je parle de moi, tu m'intimeras le silence. Moi qui suis habituellement terriblement animée, fonceuse, là, je ne sais quoi faire, tu me happes et me guides. Et si je ne faisais rien ? Non non, tu vas partir en disant que tu as d'autres chats à fouetter.

« C'est un peu bizarre d'avoir... besoin de quelqu'un. Comme ça. »

D'une pichenette, je demande à Litchi de déguerpir, et le petit serpent blanc disparaît dans une nuage de poussière. Nous sommes à nouveau seules, et ce n'est pas pour me déplaire. Je me décale un peu sur la marche sur laquelle je suis assise et retire ma main. Je ne te demande rien, mais j'espère secrètement que l'idée de t'approcher de moi, de t'assoir peut-être, te passera par la tête. Je crois que pour aujourd'hui, j'en ai beaucoup dit. Je me suis dévoilée comme jamais, et j'ai besoin que tu en fasses autant. Enfin, autant, comprenons-nous bien, je sais que tu ne me diras pas tout ça. Mais laisse-moi un signe, même minime, je comprendrai. Ce que tu peux faire en te révélant, qui peut sembler minuscule pour d'autres, sera en réalité une mise à nu totale pour toi, j'en ai bien conscience. Je suis prête à surveiller le moindre de tes gestes pour comprendre la plus petite de tes intentions. Toujours le sourire aux lèvres, révélant deux rangées de dents mal-alignées, mes yeux plongés dans les tiens, qu'ils n'ont toujours pas lâchés, je penche légèrement la tête à droite et me résous à attendre. C'est bizarre, j'ai pas l'habitude de parler si peu... Mais étonnamment ça ne me dérange pas plus que ça.

Nope, j'ai changé d'avis :cute:
J'espère qu'on va continuer comme ça longtemps encore !

7e année RP - #8C6A8E
JE NE SUIS PAS UN HIBOU UNE PLUME

02 avr. 2021, 17:14
 RP++  Est-ce raisonnable ?
J’aurais aimé avoir le temps de détourner le regard avant qu’elle prenne la parole. Yeux dans les yeux, ses mots ont beaucoup plus de poids — et de pouvoir. C’est comme s’il se passait quelque chose, tout à coup. Si nous avions regardé dans des directions différentes, son « c’est bizarre d’avoir besoin de quelqu’un comme ça » aurait sonné comme une remarque totalement désintéressée et je lui aurais répondu : « débrouille-toi avec tes problèmes ». Mais là, elle me le dit yeux dans les yeux, son regard me perfore le coeur et ses mots s’envolent dans la tornade qui sévit dans ma tête. Elle n’adresse pas ces mots au vide, elle les adresse à moi. Dans sa phrase brûle tellement de non-dits que l’angoisse me prend à la gorge. Elle me dit : « C’est bizarre d’avoir besoin de toi comme ça » et « Je ne comprends pas ce qui m’arrive » et encore « Je sais que tu le ressens également ». Elle aurait tort de penser cette dernière phrase, parce que c’est faux. Moi, je ne ressens pas cela. Je n’ai pas besoin d’elle. Je peux me passer de son regard, de sa présence, de l’écrasement de sa seule existence. Je peux me passer de ses mots, de son intelligence, de ses connaissances, de ce petit quelque chose qui fait qu’elle est elle et que je ne pourrais retrouver nul part ailleurs. Je peux me passer de tout cela tout simplement parce qu’Elowen Livingstone n’est pas grand chose, *pas encore*. C’est une poussière dans mon paysage quotidien. Une poussière qui pourrait devenir montagne si je disais oui. Une poussière qui me donne envie de pleurer, aujourd’hui, et qui réveille dans mon coeur des peurs que je déteste regarder en face. C’est là tout le coeur du problème : j’ai peur de quelque chose qui n’est pas encore là. Et c’est de sa faute.

Je ne comprends pas.

J’ai tellement besoin que l’on ait besoin de moi. Je pourrais envoyer se voir toutes mes peurs rien que pour ça. Je le sais, je le sais très bien mais la pensée reste en périphérie de mon esprit, elle ne s’intègre pas exactement à ma conscience. Elle est lointaine, trop dangereuse, c’est le genre de pensée qu’il faut enterrer sous des dizaines d’autres, juste pour être certaine qu’elle cesse d’exister et de me changer. Parce que la vie m’a mainte fois prouvé que c’est en ignorant les choses que l’on parvient à avancer. Il faut fuir certaines choses au lieu de se laisser embarquer par elles ; il faut se protéger, détourner les yeux, faire l’autruche. Parce que quelque chose qui n’existe pas ne peut pas nous faire du mal, tout simplement. Mais Elowen existe bien. Elowen a besoin de moi — elle le dit. C’est tellement fort dans ma tête, ça prend tellement de place. *Elle a besoin de moi*. Et j’ai tellement envie d’y croire, bordel. Cela semble si simple pour certaines personnes de faire confiance aux gens. Ils disent : « J’ai décidé de lui faire confiance » mais ils se voilent la face. En fait, ils n’ont rien décidé du tout. Ils sont tout simplement aveugles, ils disent qu’ils ont confiance parce que ça fait toujours plaisir à entendre, c’est rassurant, mais à l’intérieur d’eux ils sont aussi effrayés que les autres. La différence c’est que les gens comme moi sont éclairés : ils savent que tout peut se casser la gueule et ils refusent de se laisser embarquer dans cette grande chute. Au moins, nous prévenons la casse. Mieux vaut douter, tout remettre en question, toujours demander pourquoi, vouloir des preuves que de se faire avoir.

Je fais un pas vers Elowen, un petit ; je ne sens même plus mon corps, je ne sais pas très bien qui décide des mouvements que je fais mais ce n’est pas moi. Je fronce les sourcils parce qu’il vaut mieux qu’elle voit une tronche colérique face à elle plutôt qu’une gueule pleines de doutes, de questions et d’espoirs — foutus espoirs, je n’ai pas encore trouver comment les détruire.

« Pourquoi…, commencé-je à mi-voix, parce que ce genre de choses ne se prononce pas à voix haute, pourquoi tu as besoin de ce… Ce quelqu’un ? »

Le doute fait partie intégrante de ma vie. De ma vie de chercheuse, déjà : il faut toujours remettre en question ce que l’on apprend, vérifier, faire des hypothèses, ne pas se contenter de ce que les manuels disent ; ou pire, les adultes. Mais le doute fait aussi partie de ma vie d’adolescente. Parce que les gens sont des menteurs, parce qu’ils sont méchants, parce qu’ils font mal, ils ne comprennent pas, ils manipulent, ils profitent, ils font des promesses en l’air, ils disent ce que l’on veut entendre pour avoir ce qu’ils veulent. Elowen n’a aucune raison d’être différente de ces gens-là. Elle n’est pas la perle rare, celle qui me comprendra mieux que personne, qui m’acceptera, qui fera toujours tout comme je veux qu’elle le fasse. Il n’y a aucune raison qu’elle ne me manipule pas, pour qu’elle ne me mente pas juste pour m’apaiser. Peu importe ce que je ressens à l’intérieur de mon coeur, je ne dois pas oublier que derrière cette tignasse de feu, sous ce regard d’eau se trouve une Autre, un Quelqu’un qui n’est pas moi ; je ne sais pas ce qu’il se passe dans cette tête. Je ne comprends pas pourquoi. Je ne la crois pas. Je ne peux pas la croire.

Je devrais arracher mon regard du sien. Rappelle-toi, Aelle : la regarder en prononçant ces paroles, c’est partager quelque chose. Comme un secret qui se cacherait dans nos coeurs, comme un lien qui existerait entre nous. Je devrais détourner les yeux pour ne pas acter ma question, pour ne pas acter le fait que ce quelqu’un soit moi. Mais je n’y arrive pas, je ne peux pas m’arracher à son regard.

Si je suis toujours là, c’est parce que je commence à accepter, non ?

Non. Si je suis toujours là, c’est pour savoir. Pour comprendre. Pour la curiosité, pour l’apprentissage. Il n’y a rien d’autre.

Et surtout pas mon coeur lourd d'attentes.

Ce qui est en marche est trop gros pour que ça se termine maintenant.
Merci de m'alpaguer de la sorte avec tes mots.