Retour de jogging pour Narcisse, très satisfait de sa performance ! Il est capable de sprinter de plus en plus vite et de plus en plus longtemps ! Il sent enfin les progrès devenir plus palpables, et il n'a qu'une hâte : revenir chez lui pour s'entraîner avec sa mère ! Désormais, direction la douche pour ensuite aller s'entraîner aux sortilèges en Salle sur demande. Puis il reprendrait une douche après, pour aller réviser, et ensuite, il verrait bien ce qu'il ferait. Sifflotant gaiement en trottant doucement pour récupérer, il ralentit pour traverser la cour. C'était l'un de ses endroits préférés. Et pourquoi ne pas aller se plonger la tête dans la fontaine ? Comme ça, par envie ? Un large sourire illumina son visage, avant qu'il ne s'exécute.

L'eau fraiche le revigora, et lorsqu'il se redressa en passant sa mains dans ses cheveux en expirant, il se sentait au comble du bonheur. Puis son regard se posa sur son amie Veronica. Et là, son cœur manqua un battement. Il était tellement heureux de la revoir ! Il s'était fait un sang d'encre pour elle lors du match, et il était tellement rassuré de voir qu'elle avait l'air de ne pas aller trop mal ! Sans hésiter, il se précipita vers elle, de façon étonnamment souple et discrète, avant de s'arrêter près d'elle pour la regarder avec un grand sourire et des yeux brillants. Il la salua d'un large hochement de tête.

« Yo ! Comment ça va ?! Purée, j'suis trop content d'te revoir, je m'étais trop inquiété hier, vraiment ! C'est pas trop grave j'espère ? »

Dire que l'après-match avait été amères pour Veronica serait un euphémisme. Le match de Quidditch contre Serdaigle avait été perdu, et il y avait eu une hécatombe des joueurs, elle y comprit. Passage à l’infirmerie obligatoire, que l’infirmier avait décrété. Et même si elle avait sérieusement pensé à s’échapper sur le trajet en compagnie de Louna, la difficulté que la joueuse avait de se déplacer rendait une fuite plutôt… compliquée. Elle détestait les hôpitaux, et ce passage à l’infirmerie confirma cela d’autant plus – raison pour laquelle elle avait fait en sorte de sortie le plus tôt possible.

Ce temps allongée sur un lit lui avait laissé le temps de réfléchir aux évènements. Le plan avec Onyx fut un succès, Veronica ne pouvait le nier, mais en repensant au déroulé du match, cela avait un peu trop bien fonctionné. Involontairement ou non, le capitaine l’avait frappé presque juste après l’annonce au micro de sa paternité. Si elle n’avait pas été la personne atteinte, elle aurait surement était amusée de la situation. Et si son père apprenait ce qu’il s’était passé d’une manière ou une autre… il ne risquait pas d’être content. Lui qui avait été jusqu’à envoyer une lettre à sa directrice de maison pour faire sortir sa fille de l’équipe le mois dernier… Peut-être qu’il avait eu raison finalement. Le Quidditch n’était peut-être pas fait pour elle.

En attendant, elle préférait éviter la salle commune, ne voulant pas supporter les retombés du match. Veronica avait donc prévu de passer sa matinée à l’extérieur, dans un recoin isolé du parc, avec un livre. Elle prit ainsi la direction du parc en passant par la cour de la tour de l’horloge et le pont couvert.

Oh non, pas lui.

En voyant Narcisse près de la fontaine, la deuxième année accéléra le pas, espérant passer inaperçue. Parler au Poufsouffle – ou à n’importe qui – n’était pas dans ses projets de la journée. Malheureusement, il l’avait repéré et, comme elle s’en était doutée, il s’était approché pour discuter.

« A ton avis Brando, répondit-elle en soupirant, c’est grave un coup de batte dans les côtes venant d'un abruti de sixième année, quelques cognards, et un fichu malaise sur un balai ? C'est du Quidditch, c'est comme ça. »

Narcisse grimaça de douleur en imaginant celle ressentie par Veronica. Certes, il lui était arrivé de se prendre des mauvais coups lors d'entraînements avec sa mère, mais elle contrôlait toujours sa force, et jamais il ne s'était gravement blessé. De plus, tous ces incidents venaient de maladresses de sa part, rien à voir avec ce qui était arrivé à son amie. Toutefois, il n'était absolument pas d'accord sur le fait que le Quidditch devait être comme ça. Il se racla la gorge, défronçant ses sourcils.

« Irh... Purée, ça doit faire super mal... Vraiment j'trouve qu'il a déconné Eoin, j'espère qu'il s'est excusé au moins ! C'est bien qu'il ait démissionné d'son poste, au moins il assume ses actes. »

Ce n'était pas ce qui l'intéressait le plus évidemment, ce qui comptait le plus pour lui, c'était que Veronica aille bien. Il aurait voulu pouvoir faire quelque chose pour elle, et cette inquiétude pouvait parfaitement se lire sur son visage. Sa tête se pencha légèrement sur le côté.

« En vrai c'est trop nul comment l'match s'est déroulé j'trouve... C'est vraiment nul que t'ai eu à être blessée comme ça. Moi j'suis pas d'accord sur l'fait que le Quidditch c'est comme ça, ça devrait pas se passer comme ça s'est passé. Se bouffer un cognard, ok, en vrai, c'est l'jeu, mais un foutu coup d'batte non vraiment c'st dégueulasse et irresponsable ! »

Il soupira en croisant les bras sur sa poitrine, avant de plonger son regard dans celui de sa camarade. Si elle était un tant soit peu attentive, elle verrait toute l'inquiétude qui y transparaissait.

« Démissionner… Moi je dirai gentiment renvoyé par son directeur de maison surtout… », marmonna-t-elle clairement après qu’il ait abordé le sujet de la démission du capitaine de Serdaigle.

Elle voulait juste que cette discussion s’achève rapidement, et que le première année retourne à ses occupations, de son côté. Mais Veronica sous-estima l’ampleur qu’avait prit le match sur elle-même, et les paroles de Narcisse, qui étaient supposé la laisser de marbre, furent la goutte de trop qui creva l’abcès.

« Un foutu coup de batte parce que tu n’as pas été fichu de faire ton taff de commentateur correctement ! rétorqua-t-elle brusquement, avant d’essayer de se calmer en se pinçant l’arête du nez. A ton avis Narcisse, pourquoi Sinnegan a perdu la boule sur le terrain, et fait ce qu’il a fait hein ? Il est batteur depuis plus longtemps que je ne suis à Poudlard. Alors à moins d’avoir fait exprès, il était distrait par une fichue annonce de paternité ! »

Elle était mauvaise, très mauvaise sur ce coup-là, mais elle se refusa de l’admettre. Tout cela était après tout de son propre fait, de son propre plan. Cependant, alors que la rancœur des récents évènements se mutait en venin dans ses venins, rejeter la faute sur un autre, sur celui qui n’avait été qu’un pion, était plus facile.

« Je ne sais pas qui est à l’origine de cette histoire comme quoi Sinnegan est papa, mais j’espère bien que c’est vrai, que je ne sois pas passée à l’infirmerie pour rien. »

Avec ses propres mots amers, elle enfonçait davantage le couteau dans la plaie – dans sa plaie – sans pouvoir s’arrêter. Comme si sa propre boite de Pandore avait été ouverte.

La bouche de Narcisse s'ouvrit grande, au point qu'on aurait pu croire voir sa mâchoire inférieure se décrocher pour chuter à même le sol. Comment ça, Eoin n'avait pas démissionné, mais avait été viré ? Comment c'était possible, pourquoi n'avait-il pas lui-même présenté son départ au lieu d'attendre de se faire punir ? C'était inconcevable pour le petit garçon, qui, s'il s'était retrouvé dans une situation pareille, n'aurait pas hésité un seul instant à se confondre en excuse avant de se retirer prestement de l'équipe. Une telle erreur se devait d'être sanctionnée, même si elle était involontaire !

Il voulut fermer la bouche, pour la rouvrir ensuite afin de manifester sa révolte et son scandale, c'était vraiment incroyable ça ! Et puis Veronica explosa.

Lui qui était toujours aussi souriant, Narcisse avait un réflexe bien spécifique lorsque la honte de ses propres erreurs le rattrapait. Il se murait dans un profond silence en fixant la personne. Son visage devenait de marbre, son corps s'immobilisait, et il cessait même de cligner des yeux. Comme si en demeurant parfaitement immobile, la culpabilité pourrait glisser sur lui comme l'eau glisse sur du papier ciré.

Et puis, enfin, après ce réflexe génétique et intrinsèque, sa nature refit surface. Son visage tressaillit, ses paupières clignèrent, une courte inspiration fut prise. L'ongle de son pouce attaquait celui de son index, nerveusement, à répétition, décrochant des petits bouts d'ongle à intervalles réguliers. Il se racla la gorge, baissant le regard un court instant, avant de le relever en parlant.

"Je suis désolé Veronica... J'ai pas pu imaginer que c'était faux c'qui était écrit sur le papier... Je veux dire, comment on peut inventer un truc pareil ?"

Il secoua la tête, en se frottant l'arête du nez du pouce et de l'index, sa main sur sa hanche. Non, il n'était pas là pour atténuer sa responsabilité, mais pour l'assumer pleinement et s'excuser du mieux qu'il pouvait. En se redressant, les mains le long du corps, il s'inclina légèrement et raidement face à Veronica.

"Pardon, vraiment. J'ai jamais voulu te faire mal comme ça."

Ses dents attaquèrent l'intérieur de sa joue, et lorsqu'il se redressa, il sursauta de douleur lorsqu'il mordit un peu trop fort. Ses paupières se fermèrent une seconde de trop, sa main vint frotter son visage, alors qu'il sentit le goût du sang s'étaler sur sa langue, métallique et sombre, mais il demeura de marbre.

"Si j'peux faire quoi que ce soit, dis-le moi."

Elle ne pouvait s’empêcher d’apprécier les réactions de culpabilité du Poufsouffle, tout comme elle ne pouvait arrêter de s’en détester pour cela. Veronica avait besoin d’un exutoire pour ses indésirables et contradictoires émotions, raison pour laquelle elle était sortie du château à l’origine. Pour être seule, dans un coin isolé du parc. Pourquoi avait-il donc fallu qu’elle tombe sur quelqu’un, et surtout sur lui ?

« Inutile de t’excuser. »

Que pouvait-il faire pour elle ? Veronica avait presque envie de rire à cette question, si la situation avait été tout autre. Tu pourrais aller casser des côtes à Sinnegan. Saboter son balai pour qu’il fasse une chute à son prochain vol. Lui faire vivre sa pire phobie. Bruler les lits de l’infirmerie. Voler un retourneur de temps. Détruire ce stade ignoble et cette fichue école et ne laisser que des cendres !

« Tu ne peux strictement rien faire Na- Brando, alors oublie. »

Elle le trouvait agaçant, courrouçant et admirable dans sa naïveté. Comment diable faisait-il donc, pour se montrer bon, alors même qu’elle se montrait mauvaise dans le moindre de leur échange ? Ils n’avaient pourtant qu’un an de différence, et c’était comme si deux mondes les séparaient entièrement. Veronica voyait les gens pour ce qu’ils étaient. Egoïstes, orgueilleux, ignorants… Capable des pires violences et des plus vils mensonges. Elle n’avait pas besoin de suivre des cours de philosophie ou d’attendre d’être adulte pour le savoir, pour s’y adapter. Pour se l'approprier. Un peu trop même. Et lui… Lui était surement capable d’essayer de copiner avec un détraqueur d’Azkaban, sans y voir le moindre problème.

Narcisse piaffa rapidement pour tenter de chasser le goût du sang qui continuait de se diffuser dans sa bouche. Il devait vraiment se débarrasser de cette sale manie qu'il avait de faire ça. Et il devait aussi arrêter de se ronger les ongles, pensa-t-il lorsqu'il ressentit l'envie de faire monter celui de son pouce entre ses dents. Un peu de volonté ! Une grande inspiration, il fit rouler ses épaules pour se redonner contenance, avant de plonger son regard dans celui de son amie.

Inutile de t'excuser.

Cette phrase ressemblait quelque peu à l'une des préférées de son père : Trop tard pour les excuses, je t'ai déjà pardonner. Même si ici, il était évident qu'elle n'avait en réalité pas grand chose à voir... Et de toute manière, Narcisse était déjà en train de se débattre contre une autre émotion pour réussir à se pencher davantage sur cette similarité. Le garçon avait en effet les plus grandes difficultés avec l'acceptation du fait qu'il n'avait pas besoin de s'excuser.

Pour être encore plus franc, si on lui en donnait la possibilité, il passerait son temps à demander pardon pour tout et n'importe quoi, sans la moindre hésitation. Tant il se blâmait pour tous les maux du monde, et le moindre petit malheur qui pouvait arriver autour de lui. Plus particulièrement lorsqu'il avait un lien, de près ou de loin, avec l'événement en question. Et en l'occurrence, de son point de vue, il était tout simplement entièrement et totalement responsable du dérapage d'Eoin... Un soupir, il se força à ne rien dire, même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

Ses doigts vinrent frotter doucement et nerveusement son biceps, alors qu'il abaissa le regard, ne réalisant même pas la manière dont son amie avait buté sur son prénom, pour le remplacer par son nom. Il ne s'en formalisait pas, il s'en fichait, ce n'était pas important. Sa main passa de son biceps à sa nuque.

"Mh... J'suppose que t'as raison... Mais..."

L'idée de ne rien faire, de la laisser là, de ne pas être capable de l'aider, même un tout petit peu, cette simple pensée lui était insupportable ! Il devait faire quelque chose ! Son cerveau se mit à carboniser sous ses cheveux, on aurait presque pu voir de la fumée qui sortait de ses oreilles, alors que ses yeux virevoltaient dans tous les sens. Et sans qu'il ne puisse les contrôler, l'ongle de son index se retrouva broyé entre ses incisives, sans pitié.

Il cligna des yeux, et brusquement, le nœud dans sa poitrine se défit. Un petit sourire hésitant se forma sur ses lèvres, un sourire simple et bienveillant, candide et gentil.

"En tout cas... j'espère vraiment qu'tu vas revenir sur le terrain vite... J'aime bien t'voir voler."

Un imperceptible haussement d'épaules le fit tressaillir, aucun des mots qu'il venait de prononcer n'avait été pensé ni réfléchi. Ils étaient juste... sorti, comme ça, sans rime ni raison. Juste parce qu'il les pensait.

Même dans ses réactions, il semblait honnête – trop honnête. Ses mouvements de main sur sa nuque, son mâchonnement d’ongle, le trajet chaotique de son regard… Comme s’il réfléchissait à ce qu’il pouvait réellement faire. Elle leva les yeux à cette pensée.

J'aime bien t'voir voler.

Des réminiscences d’échos et de mots marqués à l’encre lui revinrent aussitôt, mais Veronica resta impassible. De grands discours, des disputes, des remontrances, parfois même des insultes… Et voilà qu’en une seule phrase, un Poufsouffle avait fait plus de compliment sur la pratique du vol - et du Quidditch – de l’adolescente que son propre père et ses cousins. En était-ce seulement un ? Bien sur que non, Brando dit cela ‘par gentillesse’. Non pas qu’elle en avait besoin, alors qu’elle avait choisi de rejoindre l’équipe de sa maison pour toutes les mauvaises raisons – et que de manière générale, Veronica abhorrait les flagorneries et l’hypocrisie.

Après un court instant de silence, elle détourna vers le pont connecté à la cour, et lui répondit simplement sans le regarder : « C’est ça oui ». Range ton sourire, Brando, lui aurait-elle surement lancé acerbement, si elle n’avait pas déjà atteint sa limite en terme de venimosité gratuite. Le couteau était déjà suffisamment profond dans ses entrailles. Elle voulait juste s’isoler avec son bouquin, voir s’énerver sur un arbre ou deux. Qu’est-ce qu’elle attendait au final ? Veronica soupira, et décida de reprendre son chemin, comme elle aurait du le faire au départ.

Narcisse observa son amie sans mot dire. Aussi longtemps qu'il le fallut, aussi longtemps qu'elle se tut, qu'elle demeura immobile. Ses petits gestes et ses réflexions demeurèrent sa propriété des plus privées, tant le garçon était incapable de lire le langage corporelle ou de deviner les mots que l'on ne prononçait pas. Il se contentait d'être porté, d'écouter, d'observer, mais il analysait peu, convaincu que si les gens le voulaient, ils lui diraient comment il se sentaient.

Tout comme il ne lui viendrait une seule seconde à l'esprit de dire quelque chose qu'il ne pensait pas. Chacun de ses mots, chacune de ses paroles, il les pensait. Il ne disait pas forcément tout ce qu'il pensait, mais il pensait tout ce qu'il disait. Et l'idée que l'on puisse faire autrement le dépassait, tout simplement. Les gens ne pouvaient pas être aussi différents, il ne pouvaient pas être aussi compliqués. Pourquoi dire quelque chose que l'on ne pensait pas ? Ça ne faisait pas le moindre sens pour lui.

Aussi, ne comprit-il pas la raison de la réponse de Veronica. Il ne perçut pas toute l'amertume de ces mots, le passif agressif, le venin presque non dissimulé. Cause toujours tu m'intéresse, parle à mon cul ma tête est malade. Non. Pour lui, elle le croyait, et ce fut pour cela qu'un immense sourire irradia sur son visage, alors qu'il poussa un soupir de soulagement et d'apaisement. Une main sur la poitrine, il baissa le regard en souriant.

"Ah, content de l'entendre... ça m'rassure !"

Cependant, lorsqu'il redressa la tête et qu'il la vit s'éloigner, même lui se dit que peut-être, il valait mieux la laisser aller. Bien qu'il hésita une petite seconde à la suivre, parce qu'après tout, ils pouvaient encore discuter sans problème, non ? Mais bref, il la salua d'un petit geste de main en se dressant sur la pointe des pieds, une voix des plus gaies s'échappant de sa gorge.

"À une prochaine ! J'espère que j'commenterai ton prochain match, et promis j'ferai mieux !"

A moins d'un plot twist, ça ressemble à une fin ! Merciii !