Sa lettre était partie depuis cinq minutes. Elle était retenue par le hibou et arriverait dans quelques temps à sa destinataire.

Lydia se sentait perturbée. Différentes émotions tournoyaient dans sa tête, étreignaient son cœur et martelaient son cerveau et en même temps elle ne s’était jamais sentie aussi vide. Le choc était difficile : comment accepter qu’une personne de sa famille, la sœur de sa mère, celle qui partageait son sang, avait pu mentir à tout le monde pendant autant de temps ? Elle n’en revenait pas, elle qui se faisait un devoir d’être honnête et franche.

Baladant tristement son petit corps, elle était allée jusqu’à la petite cour. Les rayons du soleil d’avril perçaient à travers quelques nuages mais le ciel restait plutôt gris. C’était dommage que le temps ne soit pas à la pluie : j’aurais pu faire le rapprochement avec Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville.

Alors que la petite Holmes continuait de se sentir pleine de néant, elle aperçut un visage qu’elle connaissait bien. Un sourire se réveilla sur son visage et elle pensa que son après-midi n’était peut-être pas si fichue que ça. « Eh Ery’ ! » apostropha-t-elle.

Elle courut rapidement vers son amie, la fillette étant soudainement le centre de tout son petit système solaire.
« On peut parler ? »

*J’en ai besoin* n’osa-t-elle pas ajouter. Que dirait Eryne ?

@Eryne O'Kieran

Je ne savais pas vraiment pourquoi j’étais sortie dans le parc. J’avais à ma disposition tout un dortoir, deux salles d’études, une bibliothèque suffisamment calmes pour moi… et j’avais vraiment tenu à sortir, mon fidèle sac-à-dos se balançant sur une de mes épaules, sous le temps grisaillant d’Écosse. Peut-être étaient-ce les cinq ou six minutes de soleil qui m’avaient convaincue à rassembler mes affaires ? Quelle arnaque.

Les épaisses racines d’un arbre perforant la terre ne m’avaient pas accueillie très longtemps. *Mhm, vingt minutes maximum ?* On n’allait pas se mentir, il y avait des endroits de travail plus confortables et tranquilles… À moins que ce ne soit pas le problème du siège, de l’entourage, de la météo ou de la lumière. *C’est que les math vont finir par me saouler*

Replongeant, un à un, mes affaires dans la sacoche, je ne tardais pas à repartir en direction du château. Il ne faisait pas aussi moche que ça, finalement ! Juste peut-être un peu frisquet. J’aurais dû mettre des collants plus épais… En plus, je risquais de les déchirer en enjambant une des ouvertures du couloir de la cour de la fontaine. Boarf, tant pis… ce n’était pas un réel souci.

Le tintement de mes talons contre les pavés me fit sourire et je tapotai mes pieds contre le sol. J’adorais entendre le bruit des pas, c’était d’ailleurs une des raisons principales qui m’avait fait choisir ces bottines comme souliers. De nouveau d’humeur joyeuse, je me relevai pour reprendre mon chemin, quand une voix me fit me retourner.

*Lydia !* J’adorais de croiser la Bleue, sans même avoir prévu de la voir, et avoir l’heureuse surprise de pouvoir passer du temps avec elle. Guillerette, je m’élançai vers mon amie :

– Coucouu ! Oui, bien sûr ! Tu veux qu’on aille s’asseoir ?

Oubliant déjà mes exercices de math, je désignai le cloître autour de nous d’un mouvement de la main, englobant autant les arches que les rebords en pierre de la fontaine. Tout espace était bon à prendre pour écouter ce qu’elle avait à me dire… Sans lâcher mon sourire, j’attendis avec impatience sa réponse, espérant qu’elle ne voulait pas me voir pour quelque chose de *grave*.

Elle sourit immédiatement en voyant, et surtout en entendant, son amie qui tapait des pieds contre le sol. Le bruit de ses talons en train de claquer le pavé était musical, rythmé et plutôt joyeux. Il ressemblait au caractère d’Eryne et réconfortait aussitôt Lydia.

« Oui je veux bien ! J’viens pas souvent par ici, elle est jolie pourtant cette cour. »

L’endroit avait un certain charme. La verdure était présente et mêlait ses teintes vertes avec le gris de la pierre. Les élèves, par ce temps, étaient réfugiés à l’intérieur : un courant d’air frais les dissuadait de sortir. Les jeunes filles avaient cette cour pratiquement pour elles-seules, Lydia était ainsi mise en confiance et se sentait prête à dérouler la pelote de laine de son anxiété.

« J’ai reçu une lettre tout à l’heure. Rien de grave : mes parents ne m’ont pas dit qu’ils ne voulaient plus me voir ou qu’ils reniaient Diphda ! » dit-elle en souriant.

Elle ironisait sur son propre sort. Effectivement, il n’y avait rien de grave mais… C’était ce ‘mais’ qui comptait. Elle prit un instant pour respirer et compléter ce mais, affronter ce qu’elle vivait

« T’as déjà reçu une lettre qui chamboule beaucoup de choses autour de toi ? Appris soudain un truc qui retourne toute ta vie ? »

Ces lèvres légèrement tordues, elle attendait avec grande impatience la réaction de son amie.

Je la suivis vers un coin en pierre où l’on pourrait s’asseoir, tout sourire.

– Oui, elle est chouette ! Je viens souvent ici avant les cours à l’extérieur ! C’est bien aussi pour quand il pleut, avec le petit toit, indiquai-je en étirant les lèvres.

Les yeux rivés vers mon amie, je lui lançais un regard inquiet, ne sachant pas très bien vers où tirerait notre conversation. De quoi voulait-elle parler ? Les doigts s’entrelaçant au-dessus de mes genoux, je me plaçai le plus confortablement possible, le dos appuyé sur une colonne de la petite construction. Je ne savais pas trop quelle attitude adopter pour la mettre à l’aise, et donc décidai de la laisser guider la discussion.

Je hochai la tête et osai un petit rire pour accompagner le sien. « Tant que Diphda est encore acceptée dans ta famille… » avais-je envie de rajouter, dans l’espoir de voir le sourire de Lydia s’accentuer ; mais je me retins de le dire, restant dans l’expectation de ce dont elle voulait parler.

Enfin, sa voix se délia, et je restai un instant perplexe quant à sa question. J’étais tentée de répondre la lettre d’admission à Poudlard, sur un ton d’humour… mais sa phrase semblait bien plus sérieuse que ça.

– Je… Je sais pas. J’allais dire la lettre de Poudlard mais… *ce que tu veux dire a l’air plus important* Peut-être certaines lettres de mes parents…

Celles de Maman, qui me faisaient garder une rancœur énorme au fond de mon petit cœur, sur tous ces secrets que je n’avais pas envie de porter, ou celles de Papa, qui, si innocemment, ne se doutait de rien. Elles étaient douloureuses à recevoir et me déchiraient en deux, mais ne chamboulaient peut-être pas tout ma vie.

– … mais pas à ce point là, complétai-je. Pourquoi… ? Tu as reçu quelque chose ?

J’eus une petite hésitation et fis un mouvement de la main vers elle, comme pour l’encourager à respirer calmement et en parler. *Calme-toi Lyd* Moi aussi, il fallait que je me calme.

Lydia hésitait encore, alors qu’elle s’était déjà lancée, à parler de tout ce qu’elle ressentait, de tout ce qui lui arrivait. Eryne était sans doute quelqu’un de confiance ; sa plus proche amie à Poudlard sans doute. Il lui était cependant difficile de dire les choses. Elle ressentait ce blocage dans la gorge, elle avait cette voix modifiée par la menace des pleurs et sa respiration avait fini par être plus lourde et saccadée. Pourquoi donc était-ce si difficile ? Ce n’était que quelques petits mots. Quelques petits mots qui, assemblés, prenaient un sens bien lourd à porter pour la brunette.

Elle se lança, pensant qu’elle finirait de toutes les façons à dévoiler ce que cachait le voile mélancolique, posés sur ses iris bleus.

« Oui j’ai reçu quelque chose. »

Elle regarda en face d’elle. Puis jeta un coup d’œil à Eryne. La scène se passait lentement ; le temps s’étirait comme si on filmait au ralenti avec une caméra moldue.

« Désolée, j’ai pas l’habitude de faire une après-midi confidences comme ça, dit-elle d’un rire amer. Mais en fait, ma tante m’a envoyé une lettre des Etats-Unis, de New York. »

Une petite explication familiale s’imposait maintenant.

« Je suis sang-mêlée, ma mère est moldue et mon père sorcier – la famille de mon grand-père vit dans la magie depuis au moins 6 générations ! Ma tante s’appelle Kira et j’ai toujours pensé qu’elle travaillait dans une entreprise américaine, moldue et ennuyante.
Je viens de découvrir que c’est une sorcière, et Auror américaine… »

Sa main tremblait légèrement. Elle ne parvenait pas à réaliser sa réalité. Le poids de ce qu’elle venait d’apprendre était encore trop lourd.