4 Septembre,
Deuxième année,
Premier post réservé.

Derrière les grandes portes, il y aurait le vacarme.
Il y aurait un flot de mots, de cris, de rires, qui allait lui vriller les oreilles, lui transpercer le crâne et lui coller une migraine d’enfer pour toute la journée.
En soupirant, elle regarda les lourds battants, indécise.
Un autre ouvrit la porte malgré son désaccord, et elle fut bousculée dans la salle.

Les portes se refermèrent en claquant.
A vrai dire, elle avait volontairement évité cet endroit.
Pour ne pas regarder la table des verts.
Elle était sûre qu’en se baissant un peu, elle verrait encore des écailles carmin coincée entre deux dalles.

Une odeur pénétrante de sucre, de pain et de beurre frais l’assailli, lui faisant remarquer à quel point elle avait faim.
Contournant divers corps, elle s’avança jusqu’à un trou dans la table des jaunes.
Se servant un grand verre de jus de citrouille d’une main, et rendant la main vers un petit pain de l’autre, elle entreprit de manger lentement, un sourire au lèvre, les doigts raclant la mie avant de déchiqueter la croûte.
Autour d’elle, ça riait, ça jouait, ça bavardait en une musique presque réconfortante.
Finalement le pire dans cette salle avait été les cris.

Elle préféra finalement garder la tête tournée vers le mur ou la porte, tout pour éviter la table des verts.
Un rayon de soleil courant sur les murs attrapa un instant son attention, avant de se perdre dans une tenture. Des poussières dansaient dans l’aurore, virevoltant autour des tables et des verres remplis. Un rai de lumière passa à travers le verre, se démultipliant en un milliard de couleurs, dansantes au rythme des nuages cachant l’astre du jour.
Sans qu’elle s’en aperçoive au départ, les coins de ses lèvres se relevaient lentement, en une ébauche de sourire.
Ici, elle n’avait pas à attendre pour manger.
Elle était Invisible au milieu de tous ces Autres qui bouchaient sa vue et monopolisaient l’attention.
Elle était plus à sa place que nulle part ailleurs, se fondant dans la masse.
*En apparence seulement. *
Les Autres restaient des autres.
Peut-être que seule Lena n’était pas une autre.
*C’est une goutte de soleil solide, resplendissante dans la Nuit. *
Le sourire s’élargit alors que le visage dansait devant sa rétine.
Magnifique soleil que la Jaune.
Elle n’avait vraiment pas volé ce surnom qu’elle lui avait offert en haut de la tour d’astronomie.

Elle avait bien sûr dû endurer ici, à cette table, la cérémonie des premières années. Elle s’était revue, à leur place, figée, priant pour aller chez les Rouges.
Ce crétin de choixpeau avait chanté, passablement faux en plus, puis il avait gueulé des noms de maisons à tout hasard, se foutant des prières qui lui avaient été adressé.
Une solide rancœur vint mordre son cœur, éclipsant un instant le sourire.
Elle finit par secouer la tête, et plaqua son plus faux embryon de sourire sur son visage pour continuer à manger.
Mieux valait ne pas se faire remarquer même si le matin, faire la tête semblait être une coutume chez les Autres.

Il vacillait, elle le sentait.
Mais tant qu’il tenait, elle jouerait à leur jeu.
Ensuite, elle verrait, elle reprendrait son masque impassible pour ne pas qu’ils la regardent de trop prêt.
Mais en attendant, la pièce de théâtre, cette tragédie comme elle pensait face à Ary, devait continuer.
Jusqu’au tomber de rideau et la non-réaction du public des Ombres.
Jusqu’à la fin de ce repas.

4 Septembre 2045,
Première année.

Quelques jours après la rentrée, Charlotte qui n'était jamais très ponctuelle arriva dans la grande salle pour le petit déjeuner. Comme à chaque fois qu'elle s'y trouvait, même si elle n'était à Poudlard que depuis peu, elle était impressionnée par la grandeur du lieu et le fait de voir tout ce monde l'intimidait un peu. Mais elle se sentait à sa place dans tout ce bruit et l’odeur de nourriture était alléchante. La fillette avait aussi tellement apprécié l’ambiance à la table des Poufsouffle depuis le premier jour qu’elle ne s’inquiétait pas, elle arriverait à passer outre ce sentiment de grandeur qui la faisait se sentir toute petite. Tout le monde avait l'air heureux de venir ici et elle avait hâte de connaitre encore plus de monde afin de pouvoir partager ce moment et découvrir tout ce que les autres élèves avaient à raconter.

Elle s'avança un petit peu quand elle se rendit compte qu'elle avait bloqué l'entrée et que plus personne ne pouvait entrer. Elle laissa passer quelques élèves qui s’impatientaient en s’excusant penaude avant de se décider brusquement à dépasser les tables de Serpentard et de Serdaigle pour s'approcher de celle de Poufsouffle. Sur le trajet, elle écoutait un peu les conversations et l'une d'entre elle l'interpela. Des Serpentard bien plus vieux qu'elle, discutaient avec des expressions très sombres sur leurs visages. Elle réussi à capter quelques mots à travers le brouhaha. Ils discutaient de Dai Hong Dao, de morts, de Poudlard et de combats violents et sérieux. Elle réussi également à entendre que les temps qui allaient arriver seraient très sombres et qu’il était nécessaire de bien se préparer. Elle prit peur quand elle entendit ces mots et accéléra le pas jusqu’à la table de sa maison où elle s’assit à la première place qu’elle vit. C’était près d’une jeune fille assez fine, plutôt petite et qui ne paraissait pas beaucoup plus âgée qu’elle. Elle prit quelques secondes, voir une minute ou deux pour se ressaisir et se dit qu’elle était obligée de demander à quelqu’un comment la vie à Poudlard se passait et si la vie ici était aussi dangereuse que cela. Elle qui avait toujours vécu dans l’insouciance, se demanda si elle avait bien fait de partir de chez elle pour venir dans un endroit où elle pouvait être aussi en danger. Elle regrettait un peu de ne pas avoir pu parler cet été à son frère qui lui avait toujours dépeint Poudlard comme étant magnifique et sans aucun souci. Elle pensait aussi que ses parents ne lui aveint rien dit alors c’est que cela ne devait pas être trop terrible sinon ils ne l’auraient pas envoyée ici.

Ah ! Elle se donna une claque mentale et pensa immédiatement aux rencontres qu’elle allait pouvoir faire et qu’elle avait déjà faites puis se dit que finalement ça ne pouvait pas être si pire mais qu’il fallait tout de même qu’elle demander des informations. Elle avait remarqué que la jeune fille près d’elle ne parlait pas beaucoup, elle attrapa un bout de pain et du jus de citrouille pour se donner du courage et demanda sur un ton enthousiaste :

- Bonjour ! Je m’appelle Charlotte mais tu peux aussi m’appeler Cha si tu veux. Je ne voudrais absolument pas te déranger, mais j’ai entendu des bruits qui courent et je voudrais savoir si Poudlard est vraiment un endroit sûr ? Enfin bref, est ce que la vie est plutôt sereine ici ?

Après avoir parlé elle se dit que le ton qu’elle avait utilisé était peu être un peu trop enjoué par rapport au sujet de la discussion mais c’était sa nature et elle avait besoin de se rassurer.

Un brouhaha tranquille, calme comme la mer.
Il avait ses hauts, ses bas, ses murmures délicieux, ses éclats qui la faisaient tressaillir de surprise, et toujours un roulement de Mots infini, comme des vagues venant s'échouer sur la plage des dalles du sol.

Les fils d'or scintillant depuis le plafond contribuait à faire oublier tout ce qui avait pu se passer ici.
Ici, avec Inconnue et l'autre.
Et la dame et son tigre.
Et les professeurs cruellement absents.
Et...
*Eclipse.*

Une ombre qui lui parut immense à cause des lueurs s'écrasa à ses côtés.
Se tournant légèrement pour offrir une vue sur son visage qui s'était refermé brusquement à la nouvelle venue, elle la toisa de ses yeux verts, s'attendant à ce qu'elle déguerpisse pour une autre place.
Après tout, il y avait des milliers de place partout, absolument partout dans la salle.
Pourquoi venir à-côté d'elle?
Il fallait qu'elle mette une affiche autour de son cou avec noté Ne pas déranger sinon vous allez le regretter?

Détournant le regard et prête à terminer son petit-déjeuner le plus rapidement possible, elle prit la résolution de regarder le mur d'en face sans battre une seule paupière.
Peut-être que ce n'avait été qu'une Illusion.
*Personne est assez débile pour v'nir s'assoir là, nan?*
Ses yeux commençaient à picoter et elle les plissait pour les garder résolument ouvert, persuadée que tant qu'elle ne bougerait pas, elle resterait invisible aux yeux de tous, y compris de la mioche qui venait malencontreusement de poser son postérieur sur le banc.
*Pas bouger, pas bouger, pas b...*

*Merde.*

Et l'autre se mit à parler, à débiter des phrases dont elle se fichait éperdument, à raconter sa petite vie bien rangée et bien parfaite, avec un air beaucoup trop enjoué pour appartenir à un être humain normalement doté d'un cerveau à peu près fonctionnel à la naissance.

En entendant la première phrase, elle ne put s'empêcher de maugréer quelques mots, que l'autre n'entendit certainement pas au vu du boucan environnant.

"Par Merlin t'veux pas juste m'foutre la paix?"

En entendant la suite ds mots s'écoulant de la bouche étrangère, elle ne put retenir un rictus qui s'afficha crânement sur ses lèvres.
Avec un soupir qu'elle exagéra volontairement, elle pencha légèrement son corps vers la gamine, si proche qu'elle put écouter le bruit de sa respiration malgré le vacarme environnant.
Tant pis si elle la terrorisait.
Après tout, Poudlard n'était plus un conte pour des gosses.
Et si ce qu'elle allait dire pouvait la faire fuir, ce serait parfait.

Baissant la voix de manière à être uniquement audible de l'autre cruche assise sur le banc, elle daigna répondre en entrechoquant ses orbes émeraudes avec ceux de sa voisine.

"Ça dépend d'toi... Tu veux un joli mensonge ou une vérité pas pour les gosses d'ton âge?"

Quand Charlotte avait parlé, elle avait cru apercevoir un petit signe, un mouvement de lèvres qui aurait pu signifier qu’elle n’était pas la bienvenue mais elle ne s’en faisait pas, c’était la rentrée, tout le monde était joyeux autour on ne pouvait pas ne pas vouloir discuter aujourd’hui en ce lieu si vivant !

Alors quelle fut sa surprise quand sa voisine poussa un profond soupir et se rapprocha d’elle d’une manière exagérée. Elle ne pouvait pas penser qu’elle allait peut-être déranger. Pour elle, tout était normal, tout à fait normal.
Elle resta là où elle était et laissa la jeune fille s’approcher pour lui parler tout doucement d’une voix qu’elle trouva tellement dure et cynique. Dès les premiers mots qui coulèrent de sa bouche, elle pensa que son ton très joyeux n’avait pas été le bienvenu et qu’elle aurait peut-être du se retenir… Mais encore à ce moment là elle n’eut pas peur et se dit que peut-être l’autre c’était réveillée du mauvais pied ce matin et que ce n’était pas si mal si elle pouvait la renseigner. Elle commençait vraiment à en vouloir à sa famille sorcière de ne pas lui avoir expliqué ce qui se passait dans le monde en ce moment. Bien sûr elle avait vu que les moldus avaient découvert les sorciers, bien sûr ! On ne pouvait pas passer à côté avec toutes les informations qui passaient en ce moment ! Mais bon elle ne pensait pas cela si grave, les gens ne pouvaient pas être si méchants les uns avec les autres…

C’est là qu’elle sortit des ses pensées et fut choquée de comprendre ce que l’autre lui disait :

- Ça dépend d'toi... Tu veux un joli mensonge ou une vérité pas pour les gosses d'ton âge ?

Complètement stupéfaite par ce qu’elle avait compris, Charlotte ne pu répondre sur le coup qu’un petit « Oh » surpris et elle baissa la tête.
Après quelques secondes au cours desquelles elle commençait à avoir peur du regard que sa voisine portait sur elle, la fillette releva la tête vers celle de l’autre, toute proche. D’une voix légèrement tremblotante mais assez fière, elle répondit :

- Je ne voulais pas t’énerver, mais j’aimerai vraiment savoir la vérité ! Je pense être assez grande pour l’entendre surtout si toi tu la connais ! Je ne dois pas être beaucoup plus jeune que toi ! Je suis peut-être une ignorante mais je peux comprendre.

Elle n’avait pas failli quand elle avait répondu mais elle avait peur d’être allée trop loin, d’avoir insinué que l’autre ne devait pas être très âgée… Si cela se trouvait elle faisait juste beaucoup plus jeune que son âge et alors cela serait terrible car elle aurait dit cela à une grande de Poufsouffle tout juste arrivée à Poudlard… Cela la poussa à rajouter :

- Si je te dérange trop je peux m’en aller et aller demander à quelqu’un d’autre mais j’aimerai vraiment que ça soit toi qui m’explique… Tu as l’air vraiment au courant.

Elle se saisit ensuite d'un bout de brioche et but une gorgée de jus de citrouille. Puis ses yeux se plongèrent avec appréhention dans ceux de la fille d'à côté dont-elle ne connaissait toujours pas le nom :

- Je t'écoute.

Mais mais mais ! Charlotte a tout presque failli démonter ma Alison !

Elle avait osé l’appeler gamine, celle d’en face.
C’était stupide.
Brusquement, tout son désir de cracher au visage ces mots, de détruire la nouvelle comme elle avait été détruite, de décolorer son ciel et de lui trancher ses ailes, tout s’était envolé.

Elle ne pouvait s’empêcher de scruter les deux marées bleues bien trop sérieuses, les cheveux blonds comme ceux des Anges, les pommettes rebondies.
Merlin, elle avait Pitié de la gosse !
Elle avait pas le droit d’être aussi sérieuse, celle d’en face.
Elle avait pas le droit.
Elle aurait dû s’énerver, pleurer, partir dans son coin, quitter la table, se barrer pour ne jamais revenir et l’éviter dans les couloirs, baisser les yeux à chaque fois qu’elle la rencontrerait.

Sauf qu’à présent c’était elle qui avait honte.
Honte de ses mots, face au caractère de la Jaune.
*Au moins l’choixpeau s’est pas complètement loupé c’te fois...*
Le sourire qu’elle aurait voulu avoir à cette pensée resta coincé quelque part dans sa gorge.

Ses dents trouvèrent immédiatement le chemin Justin à ses lèvres, qu’elle commença à mordiller sauvagement.
Son pied droit commença à battre en cadence contre le banc tandis que ses mains émiettaient furieusement le morceau de pain qu’elle avait entre les doigts, le réduisant en miettes.
*Merlin, Merlin, Merlin j’lui dis quoi maintenant !*

La Gamine-trop-sérieuse attendait sa réponse.
Elle avait ruiné sa matinée à vouloir être Méchante, à vouloir la pulvériser sous le pied de la Réalité, à détraquer ses rêves et rendre vrai ses Cauchemars.
Les mots s’étaient perdus sur le chemin entre sa gorge et sa langue.
Ils semblaient même se rassembler en une énorme boule qui l’empêchait d’articuler le moindre son.
*Elle va m’prendre pour une folle*

Elle se sentait ridicule face à la gamine.
Ridiculement mesquine, égoïste, immature, stupide, anormale, introvertie et braquée.
Toute sa colère était Ridicule.
Toute sa méchanceté était Ridicule.
Tous ses gestes avaient été Ridicules.

Elle aurait dû faire le point.
Faire le point, obliger les excuses à sortir de la pelote dans sa gorge, reprendre la discussion avec un air calme et posé qui imiterait parfaitement celui de l’autre, faire semblant que c’était à cause du matin, qu’elle était épuisée ou n’importe quoi d’autre encore.

Puis l'autre se mit à parler. Elle se mit à lui reprocher son attitude, elle, la Miss-parfaite, la plus gentille de la terre, la plus à l'écoute de la Planète, tiens, tant qu'elle y était.

Elle se renferma un peu plus, acheva de détruire le pain entre ses doigts, repiquant dans son assiette les miettes les plus grosses pour les briser à nouveau, les écraser, les anéantir entre ses os.
Sa main vola au panier à pain, en reprit un deuxième et s’arrêta un instant, hésitant à lui réserver le même sort qu’au précédent.
*Ben voyons, tu peux comprendre... Bien sûr qu'tu peux, tout l'monde le peut, même un escargot le pourrait! J'voulais être gentille, tu comprends vraiment rien! Et ça s'dit grande, ça? Tu parles...*

Ses yeux s'assombrirent à nouveau en entendant la dernière phrase qui ressemblait plutôt à un ordre qu'à autre chose.
Foudroyant l'autre du regard, elle prononça à la suite tous les mots, en essayant de les coller le plus possible pour la faire dégager plus vite.

"J'parle-quand-j'veux-d'abord-essaye-pas-d'me-donner-des-ordres-ça-marchera-pas"

Puis elle reprit sa respiration, et commença par le plus Joli de l'histoire.

"Ben, tu dois au moins savoir qu'y a Parkinson au pouvoir, maintenant, accompagnée de sa garde noire. P'is y a eu Halloween... Ça aurait pû bien s'passer, avec un bal et tout, hein? Mais non. Y a des élèves qui ont décidé de se déguiser en Mangemorts et qui ont débarqué et attaqué les autres et les profs, en réclamant aux sang-de-bourbe et traîtres à leur sang et autres conneries d'ce genre de se dénoncer. J'y étais pas, mais fallait voir la tête des couloirs après... Y a eu énormément de blessés, et ça a marqué tout ça. On a pas eu cours pendant une semaine et y a eu de l'aide psychologique pour les plus touchés."

*Si elle prend un air dégouté ou pleurnichard, j'lui balance un Tarentallegra dans la tronche. Elle a c'qu'elle veut après tout, hein?*

Y-Y a pas eu la même ambiance après... Et les r'gards. Ils avaient changé. Y avait plus d'Ombres.... L-Les pseudos-mangemorts, ils ont eu leur baguette détruite, et ils se sont fait renvoyés... Si tu veux des détails, y a deux Vertes qui se sont bien tapées dessus, Alice Sangblanc et Carry Harrison."

Elle s'arrêta brusquement.
Elle-même n'avait pas osé demandé des détails. Tout ça n'étaient que des rumeurs.
Mais elle ne voulait pas y repenser.
Elle voulait plus parler.
Elle voulait juste que l'autre dégage.
Dé-fi-ni-ti-ve-ment.

Ses yeux s’étaient écarquillés en voyant celle dont-elle ne connaissait toujours pas le nom en face d’elle écrabouiller du pain entre ses doigts. Elle devait l’avoir vraiment énervée… Mais désormais, elle ne pouvait plus retourner en arrière. Elle n’en éprouvait pas le désir non plus… Elle voulait tellement que cette fille lui explique ce qui se passait à Poudlard l’année passée qu’elle ne tenait plus en place. Elle se mit à attraper plein de nourriture qu’il restait devant elle pour la mettre dans son assiette.

L’autre la coupa dans son acte en lui disant une suite de mots qu’elle ne comprit pas tout de suite à cause de la vitesse à laquelle les mots aveint été prononcés. Le pain était encore dans sa main quand les mots trouvèrent leurs sens dans la tête de la fillette et celle-ci fronça les sourcils. Elle n’avait pas voulu être condescendante et elle n’avait pas non plus voulu que l’autre prenne mal ce qu’elle avait dit. C’était une manière pour elle de capter son attention et presque une aide pour elle-même car elle avait dit ça aussi pour s’obliger à rester concentrée. Souvent, elle pouvait dire n’importe quoi et c’était quelque chose qu’elle voulait absolument éviter au vu de la tournure de la discussion. Elle était penaude, elle n’avait pas pensé que la jaune le prendrais aussi mal. Mais maintenant qu’elle l’avait un peu remballée, elle espérait qu’elle allait quand même lui expliquer parce que sa soif de savoir était sans limite.

Et la suite arriva. Elle qui pensait que Poudlard était un endroit sans danger, que rien ne pourrait lui arriver dans ce lieu, elle fut surprise au plus haut point. En entendant toutes ces horreurs qui s’étaient passées pendant Halloween l’année passée, elle ne pu que garder dans un coin de son cerveau que ses parents ne l’auraient jamais envoyé dans un endroit où elle aurait été en danger. Cette pensée la rassurait alors que l’autre continuait de parler.

Ses expressions devaient être changeantes au cours du discours de sa voisine car elle ne comprenait pas. Pourquoi des gens avaient fait ça ? Pourquoi les gens se battent pour des origines dont personne n’est responsable et qui ne sont un tors pour personne ? Elle ne comprenait vraiment pas… Tout s’embrouilla dans son cerveau. Peut-être qu’elle essayera de glaner d’autres informations auprès de ces deux filles de Serpentard mais cela avait l’air d’être des grande filles… Elle n’oserait peut être pas… En tout cas, une discussion avec ses parents s’imposait ou du moins avec son frère. Il était nécessaire qu’elle en sache plus sur son mode de vie et sur ce qui se passait dans le monde sinon jamais elle ne se sentirait en sécurité ! Enfin, son esprit était tellement frivole qu’elle passerait sûrement vite a une autre information… On ne savait jamais avec elle.

Toutefois les informations qu’elle entendit de la brune à côté d’elle, l’interpelèrent vraiment. Elle lâcha toute la nourriture qu’elle avait prise dans son assiette et n’y toucha plus pour le moment. Ce que l’autre lui disait était trop important pour avoir à se concentrer sur deux choses à la fois. Ce qu’elle lui avait dit lui faisait peur, il était nécessaire pour elle de mieux arriver à comprendre. Elle ne lui demanderait pas de détails trop précis parce qu’elle avait l’air bouleversée mais elle devait savoir. C’était le sentiment qui l’occupait tout entière. Alors, même si ce n’était pas ce qu’elle aurait forcément dû demander après tout ça, même si l’autre pourrait encore l’envoyer paitre, elle demanda d’une petite voix, un peu moins sûre d’elle mais toujours franchement en regardant l’autre dans les yeux :

- Pourquoi les gens sont ils aussi mauvais avec les autres ? Je ne comprends pas que des évènements tels que celui-ci arrive à Poudlard… C’est pas sensé être le lieu le plus sûr qui existe ? On me l’a toujours dit…

Puis son côté soucieuse revient. Et elle se sentit obligée de rajouter :

- J’espère que toi tu arrives à te sentir quand même en sécurité dans ce château.

Puis un peu plus bas, presque pour elle-même mais tout de même de manière audible :

- Je n’y comprends rien… C’est tellement irréaliste…

C’était sûr que ce que la fille lui avait dit l’avait bouleversé mais ce sentiment d’incompréhension était plus fort, plus puissant et plus encombrant que tous les autres. Cela surpassait tout ce qu’elle pouvait ressentir.

Plume, j'ai hâte!
Alison me fait rire, même si ça ne doit malheureusement pas être très drôle du point de vue de ta Protégée...

A vrai dire, elle s'amuserait presque si Charlotte n'avait pas eu l'air aussi...Retournée par ce qu'elle venait de lui débiter.
Oh, bien sûr, ça faisait peur, ça avait été horrible, mais elle ne pouvait pas s'empêcher qu'elle avait Épargnée de Halloween, alors pas de quoi s'en faire une montagne.
Elle cacha un rictus en voyant les différentes têtes que prenait la Jaune.
C'était tellement simple de lire sur son visage, c'était trop prévisible.
Le rictus s'effaça.
Trop lisible. C'était même plus drôle.
Elle sentit une pointe de honte lui mordiller le cœur lorsqu'elle s'aperçut qu'elle riait des réactions de l'autre. Sa mère, si elle avait été là, aurait dit que la compassion, c'était bon que pour les Poufsouffle.
Qu'en ouvrant la bouche, elle ne ferait que renforcer l'impression qu'elle était Faible, et elle-même complètement chamboulée par les évènements qui filaient à ses côtés, beaucoup trop rapides pour qu'elle puisse s'y faire.
Mais elle ne pouvait pas lutter face au Temps.
Alors, elle restait spectatrice et acceptait de parler, bien que sa plus grande envie ait été de s'enfuir en balançant son assiette pleine de nourriture à la première année et de se réfugier dans son dortoir en barricadant la porte et en priant pour que personne ne soit à l'intérieur.

Elle observa la Jaune qui semblait avaler à grand peine ce qu'elle venait de lui balancer.
Absolument normal comme réaction.

-Pourquoi les gens sont ils aussi mauvais avec les autres ? Je ne comprends pas que des évènements tels que celui-ci arrive à Poudlard… C’est pas sensé être le lieu le plus sûr qui existe ? On me l’a toujours dit…

Elle faillit s'étrangler avec la boule de mie de pain qu'elle était prête à déchiqueter entre ses dents.
Retenant une grimace cette fois franchement horrifiée, elle dévisagea à nouveau l'autre.
*C'est pas Merlin possible d'être aussi stupide...*
Elle secoua la tête lentement, espérant ainsi que l'autre ferait diminuer le ton de sa voix jusqu'à ce que celui-ci ne devienne que des mouvements de lèvres muets. Même avec la meilleure volonté du monde, elle n'aurait pas pu dissimuler son effarement et sa nervosité.
De toute façon, elle n'avait jamais eu cette volonté, et elle ne l'aurait jamais.
Elle laissa donc à loisir ses sourcils se hausser, sa bouche se plisser en une moue dubitative et ses yeux foudroyer la gosse.

-J’espère que toi tu arrives à te sentir quand même en sécurité dans ce château.
Elle roula des yeux, les sentant s'écarquiller une fois revenus en place.
En sécurité?
*Attends un peu toi. Tu perds vraiment rien pour attendre... C'est pas Merlin possible, on parle pas du même château!*

"M'enfin, tu m'as écoutée ou j'parle au vide d'puis tout à l'heure?"

Abasourdie, elle se redressa lorsqu'elle constata qu'elle avait allongé le cou et l'avant de son corps vers la Jaune.
Essuyant méticuleusement ses doigts, absolument pas pressée de raconter la suite, elle lança un regard à moitié désespéré et plein de pitié à Charlotte.
Une cause perdue, cette première année.

Reprenant son modelage de petits oiseaux dans son assiette, puisqu'il fallait bien que tout le pain réduit en miettes serve à quelque chose autre que de remplir son estomac qui s'en fichait pas mal de manger ou non, elle poursuivit :

"Pour les vacances de Noël, et p'tête celles d'avant, j'sais plus, les élèves nés-moldus se sont vus interdit l'accès au Poudlard Express. L'truc bien, c'est qu'on avait plus de place. L'truc moins bien, c'est qu'c'était vraiment pas juste pour eux."

Elle écrabouilla l'oiseau à moitié formé contre son assiette.
Même pas le cœur à ça.
C'était trop Important, Important avec une grande majuscule, qui vous assommait et vous réduisait à Néant comme l'oiseau.
Elle bafouilla un peu, pour se justifier : "Ils ont pu rentrer chez eux, hein. Avec une Plume bizarre. De paon noir, j'crois. 'Fin j'suis pas la meilleure personne pour t'en parler, tu pourras aller demander aux nés-moldus."
*Et te barrer pour entendre la fin d'l'histoire*.
Elle se prit un instant à croire que sa pensée était assez forte pour rentrer dans le crâne probablement pas très rempli de la gosse, mais se vit dans l'obligation de continuer, de mauvaise grâce.
Merlin, pourquoi elle? Y avait des millions de place à ces tables!

"Le 2 Janvier, le train a arrêté totalement d'fonctionner, on a tous été bloqué à Poudlard pour Pâques."
Elle se mordit la lèvre pour s'empêcher de continuer sur sa lancée.
*" Remarque, ça valait mieux pour moi, vu qu'mes parents voulaient plus m'voir. Oh, et toute ma famille en fait."*
Non, ça aurait été pitoyable et elle aurait passé pour la Victime de l'histoire, alors que tout était de sa faute. Elle le savait, Ils l'avaient répété assez de fois pour que ça s'imprime au fer rouge dans son crâne.

"Le chemin de Traverse et la voie 9 _3/4 ont été interdits aux Moldus. Et la Citadelle, Godric's Hollow, aux Moldus."

Puis, mine de rien, elle porta le coup final.

"Ah, et j't'avais pas dit? Les Moldus savent qu'on existe. Alors forcément, c'est un peu tendu en ce moment le monde magique."

Elle n'aurait pas parlé plus calmement si elle avait décrit la météo ou le goût du jus de citrouille dans son verre.
Elle se força à ignorer le regard de la Jaune, certainement rempli d'une tempête de question auxquelles elle ne pouvait pas faire face.
Car quoiqu'elle essaye d'éloigner, quoiqu'elle essaye de faire paraître, elle pouvait pas lui Cacher ce qu'elle avait vu.
Elle pouvait pas lui cacher Inconnue et la Bleue, le corps de la femme, cette poupée Brisée par la vie, elle pouvait pas passer sous silence les évènements comme si rien ne s'était passé, comme si aucun cadavre n'était venu reposer un instant dans la Grande Salle.
Pas loin de leur table d'ailleurs.
Son sang quitta momentanément son visage lui donnant une allure de cadavre.

Elle pourra jamais oublier.
L'Oubli semblait être interdit ici.
*28 Mai 2045*

La jaune avait fait des têtes étranges en entendant sa question et ses paroles. Charlotte avait eu peur qu'elle lui hurle dessus. Mais elle n'y était pour rien, elle. Elle disait juste ce qu'elle pensait la petite, jamais elle n'avait voulu que l'autre s'étouffe avec son pain en la regardant si mal. D'ailleurs, elle trouvait ça assez méchant que l'autre prenne cet air là, elle venait juste d'arriver au château c'était quand même encore normal qu'elle ne sache pas tout. Tout allait vite dans sa tête. Elle n'appréciait pas être prise pour une imbécile même si ses paroles pouvaient parfois avoir l'air un peu naïves. En même temps avec ce que la grande venait de lui raconter, elle ne pouvait pas être sereine et ne pas s'inquiéter. De toute façon ce n'était pas sa nature.

Elle attendrait la suite pour poser sa question. Peut-être que l'autre lui expliquerait qui était cette femme ? Elle espérait que cette histoire ne lui ferait pas plus peur mais elle en doutait, après l'annonce du bal, il fallait qu'elle s'attende à tout. Elle espérait aussi qu'il n'y aurait pas de problème comme cela cette année... Elle voulait juste que les gens soient gentils avec les autres, elle y comprit et ne voulait pas croire que cela ne pouvait pas être le cas. Elle voulait juste comprendre pourquoi les autres n'étaient pas comme cela...

Après avoir grimacé pendant toutes ses paroles, la brune lui répondit :

- M'enfin, tu m'as écoutée ou j'parle au vide d'puis tout à l'heure ?

Bien sûr qu'elle l'avait écouté, mais elle ne comprenait pas, elle ne comprenait pas du tout pourquoi les professeur ne pouvaient pas protéger les élèves alors qu'ils étaient des adultes ! Les adultes sont sensé être forts... Elle quitta le regard de l'autre pour regarder vers la table où les enseignants discutaient. Ceux avec qui elle avait eu cours ne lui avaient pas parus faibles ! Et la directrice était sensée être très puissante pour protéger l'école. Elle avait entendu plusieurs fois que Poudlard était un endroit sûr et elle voulait croire que les professeurs faisaient tout pour qu'il le soit. Elle en avait assez qu'on brise ses croyances en parlant comme ceci.

Elle retourna la tête vers la fille quand elle continua de parler. Sur son visage on pouvait voir une concentration extrême pour ne pas dire de bêtises mais un énervement certain qu'elle manifestait en mâchouillant une mèche de ses cheveux blonds. Oh, elle pensa que ça devenait intéressant quand sa voisine lui raconta la suite de ce qu'il s'était passé l'année passée dans le monde. Mais aucune information sur la personne dont elle avait entendu le prénom en passant devant la table des Serpentard ne sortit. Tant pis, elle attendrait, quitte à poser la question. En attendant, elle écouta attentivement l'autre, sa mèche toujours dans sa bouche. Au début, elle était heureuse que la grande lui raconte peut-être des choses qu'elle ne savait pas mais quand celle-ci raconta que les élèves n'avaient pas pu rentrer chez eux et que le secret avait été révélé aux moldu, elle perdit un peu de sa patiente.

Cette fille la prenait vraiment pour une imbécile, son frère était à Poudlard depuis un certain temps maintenant, son père était sorcier et sa mère bien qu'étant moldu était fascinée par ce monde qu'elle ne connaissait pas. Bien sûr qu'elle ne connaissait pas tout les détails, elle le savait ! Mais c'était quand même gros là... Sur un ton un peu froid mais pas non plus glacial elle commença à se défendre.

- Tu crois que j'sors d'une grotte ou quoi ? Je connais quand même les actualités du monde !

Elle reprit son souffle et voulut paraître la plus calme possible même si au fond d'elle, un dragon grondait. Pourquoi l’autre la prenait à ce point pour une ignare ? Elle refusait de l'accepter...
Après ses dernières paroles, l'autre ne la regardait plus et c'était bien dommage. Elle aimait bien voir les yeux de la personne à qui elle parlait. Elle continua sur sa lancée.

- J'pense que tu t'en fiches et puis j'ai pt'être tord mais les professeurs sont pas là pour ça ? Rendre Poudlard plus sûr ? Même si l'extérieur est pas sûr ?

Pfiou elle espérait que l'autre n'allait pas s'en aller, elle aurait apprécié savoir ce que l'autre pensait vraiment. Peut-être que c'était le moment de poser sa question, celle pour laquelle elle était venue la voir dès le début ? Sinon l'autre n'allait plus vouloir lui parler, et elle serait obligée d'aller voir quelqu'un d'autre. Elle ne pouvait pas se défiler, et puis ce n'est pas quelque chose dont-elle avait l'habitude. Elle voulait que cette fille lui réponde depuis le début et puis si elle ne voulait pas lui parler, elle n'avait qu'à lui dire de partir. N'en pouvant plus, elle lança d'une voix qu'elle voulu la plus cordiale et franche possible mais sans sourire.

- Mais bon c'est pas ce que j'voulais savoir... Tu sais qui est Dai Hond Dao ?

Bien, de la colère et de l'exaspération.
Elle préférait ça à toutes les questions du monde. Ces sentiments, elle savait les gérer, elle n'était pas en terrain inconnue.
La gosse en face avait vraiment un don pour empiéter sur son temps avec ses questions, pour poser des questions qui devraient être muettes et attendre bouche béate des explications.
L'autre commençait à mordiller une mèche de cheveux.
*Si t'as encore faim y'a des trucs sur la table, hein.*

Elle lança un regard un peu amusé à la gamine, entreprenant de reformer les oiseaux en mie de pain.
C'était comme les questions, les oiseaux.
Formulables à l'infini.
Incessant.
Et on avait beau pensé les avoir comblé, non, il y en avait toujours une nouvelle pour se pointer à nouveau, et se démultiplier en s'entrechoquant dans les bouches.

Des étincelles d’amusement pétillèrent dans ses yeux.
Au moins elle arrivait à s’énerver, la Jaune !
*Grotte ? Ben, comme les nounours... Le monde où tu vis. Ou comme les blaireaux. Et rappelle moi t’es où ? Ah oui, chez les blaireaux !*
Ce trait d’esprit silencieux lui arracha un mini sourire.
Ce n’était ni très gentil, ni très flatteur, mais après tout elle n’était ni l’un ni l’autre.

Elle aurait bien voulu voir Charlotte se dresser d’un coup et lui dire ses quatre vérités en face.
La seconde d’après, elle revenait sur cette décision.
Non, parce qu’elle détestait qu’on lui rappelle ses défauts.
Non, parce que tous les Autres regarderaient, bien trop contents d’avoir une animation de bon matin.

Elle trempa ses lèvres dans son verre de jus de citrouille, les lécha comme si elle était seule et non pas pressée de questions stupides, puis avala une gorgée.
Le liquide sucré se répandit dans sa gorge, amplifiant légèrement son sourire.
Elle se sentait presque bien.

C’est ordinairement dans ces instants où l’on croit être seul avec le soleil, seul dans le temps et dans le monde, que les Autres se mettent à brailler et vous remettent le cerveau en place à grand coup de Mots bien placés.
Elle resta un instant pétrifiée par le nom prononcé.
Un nom qu’on ne devrait jamais dire à la légère.
Un nom qu’on ne devrait jamais chercher à connaître.

Elle restait figée, yeux ouverts, sourire à présent crispé sur le visage, fixant avec force un point invisible devant elle et priant Morgane de bien vouloir la faire disparaître de la surface de la terre.
Ce qu’elle ne fit absolument pas.

Elle jeta un regard indéchiffrable à la Jaune, mélange de peur, de nervosité et d’ombres qui assombrissait son visage et recouvrait les dernières étincelles sous une épaisse couche de cendre.

Elle revit tout, en l’espace d’une seconde.
Elle sentit les mains d’Inconnue et de la Bleue pressées contre les siennes.
Elle entendit comme derrière une nappe de brouillard les paroles de l’infirmier.
Les cris se firent de plus en plus stridents, se rapprochant d’elle.
Les élèves au bord de la nausée, de l’évanouissement, ceux scotchés d’horreur, la curiosité de certains ou un air faussement confiant sur les visages d’autres.
Un kaléidoscope de faces mouvantes, des milliers de cœurs battant trop fort, le même goût métallique sur la langue, le même poids sur les poumons.
Et l’odeur de la Peur la prit à la gorge, l’empêchant d’articuler quoi que ce soit.
Elle ne pouvait pas raconter.
Elle ne pouvait décemment pas raconter.

Ce n’était pas un conte. Moins encore que tout ce qu’elle avait pu dire.
C’était une vérité.
Et la vérité se fout bien de déchiqueter les gens et leurs nuits. Elle se moque des nuits blanches qui s’allongent, des cauchemars qui se multiplient, ourlés de flèches et de sang noir.

Sa main heurta sa fourchette, la faisant sursauter.
Le contact lui sembla brûlant contre sa main glaciale, aussi brûlant que les flèches qui avaient transpercées le corps de Daï, ces foutues flèches qu’elle avait pas pu enlever, ces foutues flèches qui n’avaient fait que s’enfoncer et ces foutues flèches qui avaient arraché autant de sang que de larmes.

« T-T’en as entendu p-p-parler o-où ? »

Un murmure rauque.
Elle ne voulait plus jouer à raconter des contes.
Elle voulait protéger de ce qu’elle n’avait pu se défendre.
Elle voulait faire rempart de son corps, de son esprit, d’elle entière devant cette vérité, encaisser les coups à la place de Charlotte, ne devenir plus qu’une boule de douleur qui se consumait peu à peu, boule aux émotions rongés jusqu’à la moelle, au Souvenir omniprésent, au corps perclus de peur.

« Éc-coute. J’veux pas être responsable d'tes nuits blanches. Parce que les miennes sont trop longues pour que j’laisse quelqu’un d’autre les partager. Ec-coute. J’veux pas qu’tu perdes c’que j’ai abandonné le jour où j’ai vu Daï. J’veux pas qu’tu... Tu... »

Sa voix se brisa tout à fait.
La boule de souvenirs dans sa gorge ne voulait pas partir, hachant des mots et détruisant sa capacité à parler.

* Éc-coute. Parc’que j’ai plus d’voix pour te dire. J’t’en supplie, pose plus de questions, ça sert à rien les questions comme ça, ça fait que faire du mal. Éc-coute. Moi aussi j’suis curieuse, moi aussi j’pensais qu’la mort ça pouvait être beau. Écoute-moi penser, bordel ! Écoute, la Mort c’est moche, c’est vraiment dégueulasse, et tu d’vrais pas la connaître. Écoute, accepte de pas entendre d’réponse, accepte de pas avoir tout dans la vie, accepte de pas soulever les mensonges parc’que j’sais pas mentir, parc’que j’veux pas mentir et tu mérites pas d’mensonges. Écoute...*

Cette discussion embêtait Charlotte. Sa voisine la prenait définitivement pour une cruche et elle n'appréciait pas du tout. Elle attendait juste les renseignements qu'elle était venue chercher en allant la voir et pourquoi pas, faire connaissance avec une fille de Poufsouffle. La petite prit sur elle en voyant le sourire étrange que sa voisine affichait. Elle l'avait écoutée parler mais elle n'avait répondu à aucune de ses questions énervées. Peut-être qu'il fallait qu'elle change de technique ? Afin de se calmer, elle imagina que la fille en face d'elle était un mignon boursouflet contre lequel elle ne pourrait jamais s'énerver. Cette image la fit mentalement sourire et peut-être que l'autre pouvait le percevoir.

Mais le boursouflet mignon de son esprit disparu bien vite quand elle vit la réaction de la jaune à sa dernière question. Il lui sembla que celle-ci s'était transformée en statue, comme si elle avait été paralysée. Elle se demanda alors comment et pourquoi cela la mettait dans cet état. Elle se rapprocha doucement de l'autre sur le banc pour savoir ce qu'elle avait.

Elle entendit alors une voix cassée, une voix qui lui fit peur. Comment le sourire qui ne lui plaisait pas quelques secondes plus tôt s'était transformé en ça ? L'inquiétude prit vite toute la place dans son esprit aux côtés des milles questions qui encombraient son esprit encore une fois. Était-ce encore une fois quelque chose de terrible ? Quelque chose qui allait la choquer au delà de ce qu'elle pouvait supporter ? Son intuition ne la trompait pas, c'était assurément quelque chose auquel elle serait heureuse de ne pas avoir assisté.

La suite de des paroles la mortifia sur place, le boursouflet avait disparu et ne reviendrait pas. Elle faisait face à quelque chose qui la dépassait et ne savait plus comment réagir. C'était si grave que ça ? En tout cas il fallait qu'elle face quelque chose pour la fille qui était proche d'elle. N'étant pas rancunière, elle avait vite oublié ce que l'autre avait dit précédemment qui ne lui avait pas plus et maintenant elle se rapprochait encore plus proche. L'autre semblait avoir perdu sa voix et elle ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable. Pour autant, elle refusait de retirer ses paroles. Elle était actuellement une boule d'émotions et ne savait pas laquelle suivre, celle qui ferait le moins de dégâts.

Étant naturellement plutôt tactile, elle choisit d'essayer de glisser sa main dans celle de la fille qui lui semblait brisée. Elle ne s'excuserait pas, enfin du moins pas tout de suite mais si elle pouvait enlever cet air sur sa tête rien d'autre ne lui ferait plus plaisir. Son cœur se serrait, elle ne comprenait pas comment cette discussion en était arrivée là, un frisson la parcourut devant le mal-être de l'autre. Elle chuchota comme si sa voisine était devenue une chose fragile qui pouvait se briser.

- Je ne pensais pas que ça allait te faire cet effet... Et maintenant, je... J'aimerai comprendre pourquoi tu fais cette tête, mais si tu ne souhaite pas m'expliquer... Que ça te fait trop mal je comprendrais.

Elle ne savais pas quoi rajouter de plus, sa curiosité en demandait encore mais elle ne savait plus si elle voulait l'écouter désormais. Peut-être qu'elle devrait demander à un adulte au lieu d'un élève ? Ses parents lui semblaient être une bonne solution mais ils n'étaient pas ici avec elle...

Toute son attention était désormais sur la fille qui semblait si fière avant. Elle souffla :

- C'est si terrible ?

J'ai écris que Charlotte essaye de prendre la main d'Alison mais si elle ne le veux pas, elle peut encore ne pas l'attraper... J'aime beaucoup écrire avec toi, j'espère que ce que j'écris te conviens