Le poids des regards tournés vers elle était bien trop lourd pour ses frêles épaules et Hannah avait replongé son regard embué dans son assiette à peine entamée. Les yeux rivés sur ses tranches de bacon, elle ressassait les accusations publiques de son ancien coéquipier, qui avaient provoqué en elle un mélange de sentiments contradictoires. Pourtant, la capitaine avait basé son recrutement sur une caractéristique qui lui semblait fondamentale : la polyvalence. La saison serait longue et les Crochets d’Argent, comme les autres équipes, devraient faire face à des défections pour cause de blessure, retenue ou autre, et il lui semblait important que chacun soit capable d’occuper plusieurs postes sur le terrain. C’était principalement ce qui avait fait défaut à Wilson – excellent gardien, mais piètre joueur de champ – et pas son statut de né-moldu, n’en déplaise au sixième année.

Alors que la blondinette ruminait sa colère, une voix devenue familière tenta de la réconforter. La jeune Sparks se crispa encore un peu plus en découvrant face à elle Edmund, l’un des remplaçants de Serpentard. Les nouvelles recrues ne devaient pas la voir dans cet état. Comment une capitaine pleurnicheuse pouvait-elle bien les mener à la victoire ? D’un revers de manche rageur, elle essuya les larmes sur ses joues cramoisies et serra les dents en entendant Wilson encourager les Hel’s, leurs adversaires du jour. Cette ultime provocation résonnait comme une véritable trahison, tant il était inconcevable pour Hannah de renier sa propre maison.

Tu as raison...

La fillette hocha la tête à l’attention de son coéquipier, sans qu’aucun son ne sorte de sa bouche. La main de sa directrice sur son épaule la fit sursauter, mais ses paroles lui mirent un peu de baume au cœur. Se tournant vers la professeure, la deuxième année tenta d’esquisser un timide sourire avant d’articuler difficilement, malgré quelques trémolos dans la voix.

« Mer...ci Miss »

Au-delà de son intervention aussi rapide, il y avait tellement de choses pour lesquelles la capitaine souhaitait remercier Miss Taylor ; sa confiance et son soutien en premier lieu. Passée la stupeur qui avait un temps envahi la Grande Salle, la blondinette était désormais plus entourée : sa voisine de table, également camarade de promotion, mais aussi Clémence, la nouvelle gardienne des Crochets, avaient eu des mots réconfortants à son attention. Même Aliosus avait pu se libérer rapidement de ses tâches préfectorales. Les regards pesants étaient toujours braqués sur elle, mais la fillette se sentait moins seule pour les affronter. Et surtout, elle avait désormais une motivation supplémentaire pour remporter ce match inaugural ; il ne s’agissait plus de juste battre Delphillia.

Reprenant un peu de contenance, Hannah tenta tant bien que mal de se remettre dans son rôle de capitaine. Elle prit une longue inspiration pour retrouver un semblant de calme, puis se leva avant de conseiller ses deux coéquipiers.

« Prenez des forces pour toute à l’heure, on en aura tous besoin ! »

Joignant le geste à la parole, elle attrapa une pomme sur la table, sachant pertinemment qu’elle n’arriverait pas à avaler grand-chose de plus. Puis, elle se tourna vers le préfet de sa maison. Elle n’avait qu’une envie : fuir la foule d’élèves réunis dans la Grande Salle.

« On peut aller au terrain de Quidditch ? »

La salle commune, où avait été renvoyé Wilson, n’était pas une option. La fillette n’y mettrait d’ailleurs pas les pieds avant le match de l’après-midi et elle chargerait probablement Alaska, sa camarade de dortoir, d’y récupérer ses affaires de Quidditch. Elle espérait simplement ne pas croiser le sixième année dans le hall d’entrée.

Désolée de vous abandonner tous aussi rapidement...

Le visage fermé et grave, Aliosus apprécia de voir Hannah se ressaisir un tant soi peu. Il détourna son regard, d'une part parce qu'il savait que dans ce genre de moment, chaque paire d'yeux était un poids supplémentaire dont elle se passerait bien, et d'autre part pour surveiller les réactions aux alentours, qu'il n'y ait pas un imbécile prêt à renchérir sur les propos de Kingson ou quoi que ce soit d'autre. Visiblement pour cela il pouvait être tranquille, s'il y avait bien des têtes tournées vers la jeune capitaine de Quidditch de Serpentard, la plupart des élèves s'était contenté de se retourner vers ses voisins pour bavasser et commérer sur ce qui venait de se passer, pour les autres, il faisait son possible pour capter leurs regards et leur faire comprendre qu'il valait mieux s'occuper à autre chose.

Lorsque son apprentie finie par se lever et proposer de sortir il en fut soulagé, c'était la meilleure chose à faire selon lui, s'aérer le corps et l'esprit et se concentrer à nouveau sur l'objectif de la journée qui devenait double : réussir son premier match en tant que capitaine, et indirectement faire bouffer ses dents à l'égo de ce né moldu qui faisait honte à toute sa maison.
« Évidemment, viens je t'accompagne.»

Il ouvrit la marche, la mâchoire crispée jusqu'à ce qu'ils sortent enfin de la Grande Salle, laissant le lourd bruissement des murmures dans leurs dos et se dirigeant vers l'air frais du parc.

La salutation d’Ennis lui avait fait plaisir, bien entendu. Mais elle n’en oubliait pas moins que sa capitaine de Quidditch venait d’être copieusement insultée. Décidement, Joanne ne comprendrait jamais ces problématiques liées au statut du sang. Encore un truc qu’elle ajouterait sur sa liste des choses qu’elle ne voulait pas comprendre. Comment, et pourquoi, des gamins en étaient-ils arrivés à ça ? N’y avait-il pas d’autres raisons de refus d’équipe autre que le sang ? Le talent par exemple ? Simplement ? Ou même le manque d’affinité ? La possibilité que, simplement, la présence de ce joueur particulier perturbe l’équilibre de toute une équipe ? Joanne avait de multiples exemples pour répondre à cette question particulière mais jamais, grand jamais, le statut de sang en était un.

Alors quand la Capitaine de Quidditch s’éloigna avec l’un des préfets de sa maison, Joanne soupira longuement, avant de regarder la petite foule qui s’était amassée et qu’elle tenta de disperser avec un « Allez, retournez à vos places, il n’y a plus rien à voir ici ». Intérieurement, elle n’avait de cesse de se répéter que les gamins trouvaient vraiment des raisons alambiquées pour justifier une absence d’aptitude ou de capacité. Quand on n’était pas doué pour quelque chose il ne fallait pas s’attendre à être retenu sur cette même chose ! Il s’agissait d’une logique simple et particulièrement efficace aux yeux de la directrice. N’attendant pas que tout le monde se dissipe, elle retourna à la table des professeurs sans demander son reste aux autres élèves encore présents.

Départ de Joanne