Ah le repas du soir. C'était à chaque fois une vraie délivrance et un pur moment de plaisir pour la Poufsouffle. Elle en profitait pour faire le point sur sa journée et, peut importe ce qui s'y était passé, elle ressentait un sentiment d'accomplissement d'une journée écoulée. Comme toujours, elle était donc focalisée sur le contenu de son assiette, la tête plongée dedans par gourmandise, peu concentrée sur son environnement, elle laisse errer ses pensées. C'était déjà la deuxième semaine de cours, et le rythme avait repris son train-train quotidien. Les cours s’enchaînaient et il avait fallut reprendre le rythme, et travailler sérieusement dès le premier jour. Ne pas lâcher. Pour autant, c'était difficile pour la jeune fille. Depuis l'évènement de la fin d'année, elle dormait mal, et ressentait un fond d'angoisse constant. Il lui arrivait bien trop souvent de se réveiller en pleine nuit, terrorisée et tétanisée, les draps trempés de sueurs. La mort de Dai Hong Dao, la destruction de la Nouvelle-Zhuangyán, s'en était trop à gérer pour elle. Elle se plongeait dans le travail pour ne pas y penser, mais c'était difficile.

Le cours de ses pensées est soudain interrompu par un bruit sourd à proximité de la table des Poufsouffle.

Surprise, elle lève le regard, assez rapidement pour apercevoir un corbeau s'envoler. Un corbeau? L'oiseau est imposant, magnifique, et son plumage sombre et luisant absorbe son regard l'espace d'un instant. Elle aimerait continuer à s'y perdre. Celui ci vient se percher sur une poutre, bien en hauteur, comme pour avoir un regard sur l'ensemble des occupants de la Grande Salle. De son perchoir, il domine, son regard est noir.

Elle n'a cependant que peu de temps pour s'interroger sur la présence d'un tel oiseau à une telle heure en plein milieu de cette salle. Elle aperçoit rapidement un objet posé au sol, à l'origine certainement du bruit qu'elle, et certainement la plupart des personnes présentes, a entendu. L'objet attire toute son attention. Curieuse, elle se lève sur la pointe des pieds pour l'apercevoir. un peu mieux. Un tissus blanc. Intriguée par la vision du tissus blanc le recouvrant, son corps est parcouru d'un frisson en raison du souvenir que celui ci lui évoque. La dernière fois, c'était un corps qui était recouvert d'un tel draps. Une boule se forme dans son ventre. Et elle n'est pas au bout de ses surprises. Délicatement, le draps se dénoue tout seul, avec une grande légèreté et sans un bruit. Le tissus glisse sur le sol et découvre une boîte noire, lustrée et brillante. Comme un plumage. De délicats motifs floraux parcourent l'ensemble de la surface de la boîte. Ceux ci sont brillants, dorés, contrastant fortement avec le revêtement sombre de la boîte.

Tout aussi délicatement, la boîte s'élève dans les airs, en lévitation au dessus du sol, à une hauteur presque semblable à la taille de la jeune fille, la boîte s'immobilise. Brusquement, elle est agitée de soubresauts et se fend soudainement, sur l'une des deux façades les plus large. Un sourire. Ce n'est pas sur les lèvres de la Poufsouffle que celui ci se dessine, mais bien à la surface de la boîte. Lilly, quand a elle est bouche bée. Un rire cristallin s'échappe de ce sourire dérangeant, accompagné d'une voix. Une voix de femme. Les lèvres de la boîte s'anime, et, des mots en sortent.

De nouveau, un frisson parcours son corps. Cette première phrase sonne à ses oreilles comme une menace, ou au moins comme une mise en garde. Lilly est déstabilisée, la voix est agréable, apaisante presque. Mais ses propos la laisse perplexe. Sans savoir pourquoi, elle ressent un certain malaise. De multiples questions s'entrechoquent dans sa tête. A qui appartient cette voix ? Le Domiquoi ? Le nom lui semble en tout cas rigolo, et elle se demande bien de quoi il pouvait bien s'agir.  Pourquoi cette boîte parle du Professeur Montmort?

Elle observe autour d'elle si des élèves semblent plus inspirés par ce qu'ils viennent d'entendre. Par les regards intrigués, les visages blêmes et les bouches entrouvertes qu'elle aperçoit chez beaucoup, personne ne semble comprendre ce qu'il se passe. Elle se met de nouveau sur la pointe des pieds, jetant un regard en direction de la table des professeurs pour apercevoir le Professeur Montmort, qui est bien présente.

Elle fixe sans bouger la boîte qui tourne lentement sur elle même tandis que les lèvres continuent leur discours et qu'elle, ainsi que certainement la totalité des élèves autour d'elle, attendent la suite, en espérant avoir plus d'informations sur cet étrange Dominion.

Un endroit magique. Lilly est totalement scotchée aux lèvres de cette boîte qui leur conte une histoire que personne n'aurait pu imaginer, qu'aucunes oreilles d'élèves n'était préparé à entendre. En dehors de cette voix, aucun bruit n'est présent dans la Grande Salle. Le silence absolu. Tout le monde a posé ses couverts, plus personne ne mange, tout le monde est accroché aux paroles de cette boîte noire qui captive entièrement son auditoire.

Tout aussi rapidement que le vomissement de cette fumée, celle ci s'anime et illustre les dires de la boîte.

Au moment où celle ci déverse ses deux bras de fumée, l'ensemble de la table est parcouru d'un mouvement de recul, comme un seul corps. Cette fumée noire et épaisse à quelque chose d'effrayant, de terrifiant, d'hypnotisant. De repoussant. Les volutes de fumées font et défont de multiples dessins illustrant parfaitement les dires de la boîte. L'histoire qu'elle raconte l'est plus encore. Plus celle ci se déroule, moins Lilly est rassurée. Elle a l'impression d'assister à un spectacle qu'elle n'aurait pas choisit, un spectacle bien trop immersif. Peu rassurée, elle reste attentive. A la fois attirée par les dessins qu'elle observe, et repoussé par l'aspect sombre de cette fumée qui ne lui inspire pas grand chose de bon, elle écoute. Elle ne peut de toute façon rien faire de plus, son corps est tétanisé, engourdit par une peur sourde qui semble se distiller doucement mais sûrement, dans ses veines.
"ils s'affrontèrent à mort" A ces mots, son coeur semble manquer un battement et son visage, que son sang semble avoir quitté, pâlit.
"un seul et unique survivant" Une boule se forme dans sa gorge. Lilly est définitivement très mal à l'aise. Elle a chaud et froid en même temps. Les palpitations qui naissent dans sa poitrine battent jusqu'à ses tempes qui se couvrent de petites gouttes de sueur.

Un combat entre élèves de différentes écoles pour déterminer laquelle était la meilleure... L'idée même d'un tel tournois terrifiait Lilly. Cette histoire de renommée basé sur la mise à mort de plusieurs dizaines de jeunes sorciers lui inspirait un profond dégoût. C'était de la pure folie. L'existence même de ce lieu magique, le Dominion était une pure folie. Pourquoi les écoles avaient-elles acceptés d'envoyer leurs élèves à ce tournoi pour prouver leur soi disant puissance?

Pourquoi cette boîte sortie de nulle part leur raconte cette histoire? Elle n'est pas la seule à se poser des questions. Une élève, de la table des Serpentard, en énonce même une à voix haute. Chose que jamais, au grand jamais Lilly n'aurai osé faire. Son sang se glace quand Mael, un garçon de sa promotion et maison, assis proche d'elle, en pose lui aussi une d'une voix forte. Lilly est comme figée. Malgré elle, un petit "Chut" s'échappe de ses lèvres dans la direction du Poufsouffle. Toute cette histoire de lutte à mort lui semble bien trop horrible, proche de l’inacceptable. Et les réponses que la boîte va sûrement donner ne font qu’accroître sa peur et son malaise. La voix et son histoire ne lui plaisent plus du tout. La voix n'a plus rien d'agréables à ses oreilles. Oreilles qu'elle aimerait boucher pour effacer cette histoire qui tourne dans son esprit. Absolument rien de mignon dans tout ça...

Repensant à Dai Hong Dao, elle chuchote plus pour elle même que pour être véritablement entendue "La mort, toujours elle...". Elle ne supporte plus d'entendre parler de la mort, peut importe l'histoire dans laquelle elle se trouve.

La présence du corbeau, toujours perché sur sa poutre, ne la rassure pas. L'attitude du Professeur Montmort, qui s'est approchée doucement, la baguette à la main, non plus ne la rassure pas. Même si elle est sincèrement soulagé que leurs professeurs soient présents avec eux. Cela emmenait un certain sentiment de sécurité. Elle cherche du bout des doigts le contact de sa propre baguette, ce bois qu'elle aime presser et sentir contre sa paume, ne suffit pas à la calmer. Que va t'il se passer maintenant? Elle n'est pas certaine d'avoir envie de le savoir. Le temps semble s'être suspendu dans la Grande Salle.

Du coin de l'oeil Lilly voit sa professeur d'Histoire de la Magie se rapprocher de la boîte parlante. Une certaine tension est palpable et un malaise s'est installé dans la Grande Salle. Lourd et pesant. Et ce sourire qui continue à s'accroitre sur le noir de la boite la met extrêmement mal à l'aise. Mais pas autant que l'image des trois enfants prisonniers. Se ne sont que trois silhouettes entourés de barreaux de fumés et pourtant la Poufsouffle est terrorisée.

12 grandes Ecoles de Magie et 6 écoles non-reconnues par la Confédération intenationale. Elle est complètement perdue. Perdue dans ces informations. Perdue dans ce que cela implique et signifie. Elle n'est pas en capacité de réfléchir alors elle subit ces informations.

"Personne ne mourra". Pendant une demi seconde l'adolescente à un soupçon de soulagement. Mais juste une ébauche. Cela ne dure pas. Elle écoute la suite du discours avec un fond d'angoisse grandissant. Voilà pourquoi elle avait soigneusement pris le temps de leur raconter cette histoire. Un tournoi va être organisé. Un tournois dangereux et mortel la jeune fille en est alors persuadé. Elle revoit les images montrées par les volutes de fumées, les combats à mort entre sorciers de chaque écoles. Et les trois prisonniers en cage. S'en est trop pour elle. Elle est au bord de la syncope, son coeur s'affole dans sa poitrine. C'est la terreur. 14 ans. Elle a 14 ans. Une boule se forme dans sa gorge.

Enfin le sourire disparaît et semble avoir emporté tous les bruits de la Grande Salle. La boîte n'a pas disparue elle, elle continue de léviter. Dans le silence le plus complet. Lilly semble respirer à nouveau, difficilement. Comme beaucoup d'élèves, elle se tourne vers Miss Montmort, le regard presque suppliant.

Cependant les premières parole de cette dernière sont tout sauf ce qu'elle espérait. L'évocation de la possible mort achève de plomber et d’embrumer l'esprit de Lilly. Elle semble avoir reçu un énorme coup sur la tête, le ventre et tout son corps ne semble plus répondre. Elle est choquée. Venant d'une ancienne championne de tournois, ces paroles sont d'autant plus glaçantes. Elle a envie de partir en courant, de se réfugier dans son lit. D'oublier. Le croassement du corbeau, qui n'avait toujours pas bougé, la fait sursauter et lui prodigue un nouvel épisode de tachycardie. Elle n'est pas prête de ressentir de nouveau un sentiment de sécurité. Elle a peur. Très peur.

Chu-Jung, Mei et Qiong. Son coeur se sert, encore. Son corps ne semble ressentir que des pics de douleurs depuis le début de la soirée. Essayant de lutter contre ces douleurs, elle entend une élève de Serdaigle poser une question. Alors sans réfléchir elle en laisse également une s'échapper de sa bouche, d'un ton plus fort qu'elle ne l'aurait imaginé.

- "Excusez moi, mais vous savez à qui appartient cette voix? Pourquoi propose elle ce tournoi ? Quatre élèves de Poudlard vont-ils vraiment devoir y aller ?" N'ayant aucun contrôle sur sa voix, celle si oscille et s'affaiblit à la fin de son intervention. Pourquoi a elle parlé? Comment en a-t-elle trouvé le courage? Lilly ne semble plus être maitre ni de son corps ni de sa voix. Cette soirée lui échappe. Les événements lui échappent. Elle à l'impression de se faire aspirer dans une spirale au sein de laquelle elle ne contrôle plus rien. Attendant la réponse de sa professeur et espérant que celle ci l'ai entendue, elle se concentre sur les battements de son coeur. Calmant du mieux qu'elle peut sa respiration. Serrant et desserrant ses mains comme à son habitude lorsqu'elle est anxieuse. Ce qui arrive beaucoup trop souvent ses derniers temps. Et qui n'est pas visiblement pas parti pour s'arranger. Inspire, Expire. Elle essaie de focaliser son esprit, repensant à ce qu'elle a appris en Divination. Il faut qu'elle se calme. Elle a le sentiment qu'a tout moment son coeur pourrait sortir de sa poitrine tellement les battements de celui si sont forts et sourds. Tout en respirant, elle lève de nouveau les yeux vers le corbeau. Oiseau qu'elle admire en règle générale. Mais qui lui inspire sur le moment beaucoup de dégoût. Et de la peur. Beaucoup de peur.

Miss Montmort, qui semble maitre de ses émotions, prend le temps de répondre à chaque question qui lui est posé. L'admiration que lui porte Lilly ne fait que grandir. Elle voit en sa professeur l'incarnation de la force, du courage et de la volonté. Tout ce qu'elle n'a bien sur pas. Elle se sent toute petite. Toute petite et terriblement inutile. Impuissante. Elle acquisse doucement de la tête lors des explications données par cette dernière. Bien sur, aucune bonne nouvelle à l'horizon. Miss Montmort semble en tout cas déterminé à empêcher ce tournois d'avoir lieu. L'adolescente peut facilement imaginer le poids et les responsabilités que cela représentent pour elle et la Directrice. Scotchée par la détermination dont sa professeur semble faire preuve, elle essai de s'imaginer avec ne serait-ce que le dixième de sa force de caractère. Elle qui est terrorisée et ne rêve que de pouvoir se cacher a honte de son ressentit. Elle aimerait être forte. Mais la peur prend le dessus. Elle ne se sent pas à la hauteur pour affronter tout ce qui se dresse sur son chemin en ce moment. Et elle a honte de sa faiblesse. Elle qui a finalement une vie plutôt paisible et simple, sans grande décision a prendre ou sans responsabilités. Elle se sent lâche et faible.

Miss Montmort renvoie le corbeau qui s'envole, croassement fortement lorsqu'il survole sa table. Elle ne peut s'empêcher de frémir. Ce cri strient résonne et semble persister après que l'oiseau ait disparut. Lilly est a deux doigts de se prendre la tête entre les mains et de laisser ses larmes couler. Mais elle se retient et crispe un peu plus ses mains. Attendant qu'on les renvoi enfin dans leur dortoirs. Qu'elle puisse enfin oublier cette fichue soirée.

Pourtant la curiosité des autres élèves ne semble pas satisfaite. Et les réponses données ne semblent qu'entrainer encore plus de questions. Tout le monde est dans le même état. Complètement perdus. De multiples questions dans la tête. Alors Lilly elle aussi s'exprime de nouveau.

- "Et où sont les autres accès au Dominion? Pourquoi n'ont-ils pas tous été détruits? N'est-il pas possible de tous les détruire? " Parce qu'elle a peur. Parce qu'elle ne comprend pas pourquoi les accès à ce fichu Dominion de malheur n'ont pas été détruits. Pourquoi ce lieu existe-il ? N'y a t-il pas de sorciers assez puissants pour le détruire? Tant de pourquoi se bousculent dans sa tête. Elle est fatiguée. Mais elle se force à rester dans cette réalité douloureuse et elle écoute de nouveaux les réponses qui s'enchainent. Ainsi que l'ordre, à peine déguisé d'être très attentif dans l'enceinte même du château. N'était on pas sensé être en parfaite sécurité à Poudlard? Même ici tout peut arriver. Les jours qui allaient suivre s'annonçaient déjà difficiles et il était probable que l'ambiance ne serait pas joyeuse pendant un moment. Les réponses s’enchaînent et Lilly les écoute anxieusement. Elle reste silencieuse, submergée par les informations et ce qu'elles signifient. A l'évocation d'une potentielle attaque de Poudlard, un léger tremblement parcours son corps. Quand elle entend une Gryffondor appeler Miss Montmort, un nouveau tremblement s'empare d'elle. Elle regarde en direction de la table et croise très fortement les doigts, espérant que rien de grave n'arrive.

Et soudain, c'est le drame. Un nouveau choc pour elle et tous les élèves de la Salle. De nouveau des palpitations, de nouveau la respiration qui s'emballe.

Un élève de Gryffondor s'élève dans les airs. Les bras en croix. Une vision d'horreur. Elle a la bouche ouverte, semble crier en silence. Et souffrir terriblement. Pire que toutes les autres de la soirée. Lilly a atteint un stade panique intense. Un cri s’étouffe dans sa gorge. mais aucun son ne sort de sa bouche. Ses mâchoires sont crispées et elle est paralysée devant ce terrible spectacle. Autour d'elle la panique semble s'être généralisée. C'est le chaos. Des cris, des pleurs même.

Puis, l'ordre est enfin donné. Tout le monde doit retourner aux dortoirs. Mais comment décrocher ses yeux de cette élève? Que lui arrive-il? Que se passe-t-il dans ce château ce soir? Sous le choc elle suit les élèves de sa maison dans la direction de leur Salle Commune. Elle aurait aimé que cette soirée ne soit qu'un rêve. Et pourtant, c'est bien un cauchemar, mais c'est la réalité. Dure, violente, incisive.
Une réalité à laquelle on ne peut échapper.