Avec @Phénicia Greene


Le moral n’était pas au beau fixe. Pourquoi ? Bad l’ignorait. Ou plutôt, il n’arrivait pas à mettre de mots sur cette sensation de tristesse qui ne le quittait plus depuis plusieurs jours. Aucun événement particulier ne l’avait affecté récemment. C’était peut-être juste la monotonie de ces journées d’hiver qui commençaient à peser. À moins que ce ne soit le ciel gris empli de nuages qui stagnait au-dessus du château depuis un long moment déjà.

C’était en pleine réflexion introspective que Bad avait entamé l’ascension de la tour d’Astronomie. Il n’avait pas le cœur à jouer aux échecs avec ses compagnons de dortoir, ni l'envie de côtoyer d’autres personnes. Il avait besoin d’être seul. De respirer. Quel meilleur endroit que le sommet de la tour d'Astronomie pour cela.

C’est dans cet état mélancolique et avec l’estomac noué qu’il atteint finalement l’air frais. Prenant de longues respirations pour se détendre, il posait son regard sur la Lune, presque pleine en cette soirée. Sa lumière masquait celle des étoiles ; un filtre obstruant les éclats stellaires. Il croisa les bras sur le sommet des remparts et y déposa sa tête, fatigué.

Lui qui montrait habituellement un visage enthousiaste, sympathique et ouvert aux autres, avait, ce soir, besoin de déposer le masque. Ne plus réfléchir, ne rien contrôler. Demain serait un jour meilleur, c'était certain, mais, en cette heure, il devait déconnecter. Laisser échapper la pression qu’il ressentait.

"La brume"
Phénix n'irait pas jusqu'à dire qu'elle la détestait mais elle ne l'appréciait pas pour autant. Particulièrement ce soir. La rouquine avait pour habitude d'observer les étoiles lorsque l'ennui des longues soirées la gagnait, les étoiles semblaient si lointaines et si proches à la fois... Malheureusement la brume était là. Elle masquait la lumière des astres et Phénix s'énerva. Une idée lui apparut alors: la tour d'astronomie ! Elle s'élevait haut dans le ciel, elle surplomberait certainement le brouillard.

Une couverture dans une main et sa baguette dans l'autre, c'est en chemise de nuit et pieds nus qu'elle s'engagea dans les escaliers:

-Lumos !souffla-t-elle doucement.

Un délicat rayonnement bleuté jaillit au bout de sa baguette et la guida patiemment aux escaliers de la tour. Elle posa un pied sur une marche et commença l'ascension. Au début elle faisait attention, avançait lentement pour ne pas se blesser. Elle oublia bien vite cette pensée au profit d'une autre: arriver rapidement en haut et profiter de la vue que lui offrirait le ciel. La montée dura plusieurs longues minutes mais elle en valait le coup.

Un ciel sans nuages s'allongeait devant la sorcière, les étoiles semblaient scintiller rien que pour elle cependant la Lune étincelante bloquait de ses rayons l'éclat complet des astres. Phénix cherchait des yeux l'endroit le plus propice pour son étude des cieux quand elle remarqua que la place était prise. Elle n'était pas seule. Un garçon était là, il faisait partie de Serdaigle. La rouquine, qui le voyait pour la première fois, ne put s'empêcher de le détailler. Une taille moyenne, peut-être un peu plus petit qu'elle mais son volume capillaire devait jouer énormément, un visage fin, un nez retroussé et des boucles brunes. Mais le plus frappant s'avérait être ses grands yeux émeraude. Une couleur singulière que Phénix ne se rappelait pas avoir déjà rencontrée.

Elle l'aurait salué d'un retentissant "Coucou !" si le jeune brun ne semblait pas si distant. Il venait assurément ici pour profiter du calme et du chant de la brise nocturne. L'aiglonne s'enroula dans sa couette et s'assit à côté de lui pour qu'il la remarque. Elle songeait qu'ainsi, il pourrait débuter la conversation de lui-même si l'envie l'en prenait. Elle redressa la tête mais pour une raison inconnue elle ne parvenait pas à profiter de la vue. Phénix se sentait...troublée ?

@Bad Eaven

Déjà quelques minutes qu’il était là, à laisser le temps défiler, le front collé sur ses bras croisés. Les yeux fermé, Bad sentait son souffle réchauffer sa peau. Il aurait aimé que ce moment dure, qu’il se prolonge encore quelques temps, qu’il n’ait pas à rentrer au château.

Alors qu’il commençait à se détendre, sa respiration s’accélera soudainement quand il entendit des bruits de pas derrière lui, à seulement quelques mètres. Relevant brusquement la tête, la vision trouble, il vit celle qui venait perturber ce moment de solitude. Son moment.

Une jeune fille était là debout. Elle était plutôt belle avec ses cheveux d’un roux ardent et ces grands yeux bleus. Mais ces considérations n’intéressait pas Bad, surtout en cet instant. Bleu, c’était aussi la couleur de la maison dont elle venait à en juger par sa tenue. Une Serdaigle, comme lui. Cherchant dans sa mémoire, il ne semblait jamais l’avoir croisé. Alors qu’il allait retourner à ses pensées, il la vit lui jeter des regards qui se voulaient discrets. C’était manqué.

Qu’est-ce qu’elle me veut ?, pensa Bad. À l'instant où il cherchait une réponse à cette question, il vit la jeune fille s’enrouler dans sa couette et venir s’asseoir à ses côtés. Le jeune Serdaigle, désabusé, n’y comprenait rien. Il était plus troublé qu’énervé par cette réaction qui lui semblait inappropriée. Qui fait ça ? Il n’arrivait pas à savoir ce qui avait poussé la rousse, cette inconnue sans-gêne, à entrer dans son espace vital, à s'inviter dans sa bulle.

Réfléchissant - difficilement à cause de cette proximité non désirée - plusieurs choix s’offrait à lui : partir, l’ignorer ou engager la conversation. Aucune ne lui convenait. Laissant s’écouler le temps, s’étirer le silence, il prit sa décision.

« Il n’y avait pas de place ailleurs ? », lança le jeune garçon.

Son ton était plus froid qu’il ne l’aurait voulu. Peut-être était-ce dû au trop plein d’émotions qui s’accumulait en lui. Après tout, c’est elle qui s’était installée ici. Si cette remarque lui déplaisait tant pis. Quelques secondes après cette dernière pensée, Bad se sentit coupable. Peut-être qu’elle n’avait pas pensé à mal en l’approchant. Peut-être tentait-elle de briser la glace. Qui pourrait l’en blâmer ? Bad essaya maladroitement de rattraper son premier propos.

« Je comprend. C’est à cet endroit qu’on a la meilleure vue. »

"Indécise"
C'est ainsi que Phénix se sentait. Elle hésitait entre: faire le premier pas comme lui dictait son esprit ou au contraire se taire, ne pas déranger le joli brun à ses côtés. Elle entreprit alors de nouer ses boucles flamboyantes qui lui obstruaient la vue puis déposa sa tête sur ses mains. En face d'elle, Cassiopée, la constellation formée de cinq étoiles visibles depuis la Terre. En dessous, Andromède, son fils dans la mythologie grecque, rejoignait le pégase. Phénix était passionnée d'astronomie et savait placer dans le ciel les quatre-vingt-huit constellations. Mais commencer à les chercher serait se mentir à soi-même. Elle cherchait simplement une excuse pour ne pas entamer la discussion.

Elle continua à contempler le ciel nocturne en silence. La Lune commençait à ternir, les étoiles reprenaient leurs droits pour le plus grand plaisir de la rouquine. Ses yeux s'illuminèrent et un sourire étira ses lèvres. Elle entendit une respiration. La petite sorcière tourna la tête. Le souffle du serdaigle s'accélérait et devenait rauque. Il se redressa et plongea son regard unique dans celui de Phénix:

-Il n'y avait pas de place ailleurs ? lâcha-t-il.

La remarque cinglante frappa violemment la jeune fille. Cette unique phrase fit remonter d'horribles souvenirs qu'elle pensait enfouis à jamais. Ses yeux se remplirent de larmes.
"Phénicia Greene je t'interdis de pleurer" se sermonna-t-elle.
Il avait raison. Ce n'était pas comme si l'espace manquait. Si la tour d'astronomie l'attirait alors qu'elle était haute et reculée, cela signifiait qu'il recherchait la solitude. Le jeune brun interrompit ses pensées:

-Je comprend. C'est à cet endroit qu'on a la meilleure vue. rajouta-t-il.

Phénix, souffla. Il n'était peut-être pas si méchant. Par contre, observateur, ça oui ! Cet endroit offrait une contemplation spéciale des astres. Peu de gens le remarquaient. Phénix lui sourit chaleureusement:

-Absolument...murmura-t-elle rêveusement.

La rouquine secoua sa tête pour en chasser les songes. C'est le moment que choisit son ruban pour s'envoler. Ses boucles folles s'échappèrent et vinrent former un halo rougeoyant autour de son visage. Elle avait horreur de ses cheveux indomptables. Cela ne l'empêcha pas te tendre une main vers son interlocuteur et de lui demander:

-Sinon, comment t'appelles-tu ? Moi je suis Phénicia mais je préfère Phénix.

Phénix lui parlait amicalement. Le serdaigle sortait enfin de sa torpeur.

@Bad Eaven

Bad s’en voulait. Les grands yeux humides de la jeune fille trahissait la peine qu’elle avait ressentie lorsqu’il avait engagé la conversation. Un moment d’égarement, de faiblesse et voilà que Maladresse lui tenait de nouveau compagnie. Il avait horreur de blesser les gens. L’injustice, la malveillance, la persécution le touchait directement au plus profond de son être.

Il avait essayé de rattraper son erreur et la jeune fille lui avait sourit. Un sourire qui disait “je ne t’en veux pas”. Comme pour lui assurer qu’elle le pardonnait, la Serdaigle lui tendit la main tout en menant une bataille perdue d’avance avec ses belles boucles qui lui tombaient sur le visage.

« Sinon, comment t'appelles-tu ? Moi je suis Phénicia mais je préfère Phénix. »

Phénix. Comme l’oiseau légendaire. L’oiseau de feu. Physiquement, c’est un prénom qui lui allait à merveille. Le roux flamboyant de sa chevelure indomptable était la représentation parfaite des flammes. Voulant repartir sur de bonnes bases, Bad lui sourit. Puis, tendant sa main à son tour, lui répondit :

« Salut Phénix. Moi, c’est Bad. »

La peau de sa main, de ses doigts était froide. Le printemps arrivait mais l’hiver jetait ses dernières forces dans la bataille. Une fois la nuit tombée, il faisait rapidement froid si haut dans le château. Bad aimait sentir l’air frais remplir ses poumons comme si cela le purifiait mais Phénix semblait plus sensible à ces faibles températures. Pour une fois, il savait quoi faire.

Bad se leva doucement prenant soin de ne pas heurter sa voisine qui l’observait, le visage surpris. Il fit quelques pas le long du rempart, puis tourna la tête vers la jeune fille, l’invitant à le rejoindre.

« Viens voir. Je veux te montrer quelque chose. »

"Liens"
Ceux-là même qui peuvent un jour vous attacher les mains pour voler votre liberté et réunir deux personnes. Penser au malheur ou au bonheur qu'ils avaient pu causer semblait presque drôle. Après tout, cela dépendait uniquement de la chance de chacun au moment de la distribution des cartes. Phénix le savait bien. Un jour elle pensait que jamais elle ne pourrait être plus heureuse et le suivant on lui retirait sa seule raison de vivre.Des mauvaises fréquentations elle en avait eu... Mais en haut de cette tour, sous le regard protecteur du ciel, elle retrouvait sa liberté. Elle se sentait bien.

Une main attrapa la sienne, elle appartenait à son voisin. La rouquine le regarda. Il lui souriait. Pas un de ces faux sourires qui signifiait "j'ai pitié de toi". Non, c'était un magnifique sourire franc et honnête:

-Salut Phénix. Moi, c'est Bad.

Bad répondit à la question sur un ton amical. Il serra un peu plus fort la main de la sorcière. Le contact de sa peau réchauffa un peu Phénix. Le bout de ses doigts restait froid mais ceux de la jeune fille tenaient plus du glaçon que du doigt. Elle s'étonnait d'ailleurs d'en posséder encore dix. Mais, ses mains lui importaient peu du moment qu'elle pouvait sentir la brise nocturne lécher ses jambes nues et la lumière de la Lune chatouiller ses paupières.

Bad se mit debout et fit quelques pas. Phénix le regarda, plus stupéfaite que curieuse. Il s'arrêta et d'un mouvement de tête, proposa à la rouquine de le rejoindre:

-Viens voir. Je veux te monter quelque chose.

Bad laissait planer le mystère. S'il souhaitait attiser la curiosité de Phénix, il avait réussi. Elle délaissa sa méfiance et ses a priori. Elle lâcha aussi sa couverture et s'approcha du garçon. Elle aimait la sensation du sol humide sous ses pieds. Phénix s'arrêta à un petit mètre de lui et pencha sa tête:

-Que veux-tu me montrer ? le questionna-t-elle.


@Bad Eaven

La voyant abandonner sa couette et s’approcher de lui, les pieds nus sur le sol, Bad eut une drôle de sensation. Son estomac semblait de nouveau se nouer comme lorsqu’il était arrivé - de nombreuses minutes auparavant - au sommet de cette tour. Mais la cause était différente. Le naturel de Phénix l’avait troublé. Il se dégageait d’elle un mélange de naïveté, de fragilité mais aussi une grande force que Bad ne s'expliquait pas.

Alors qu’elle arrivait à sa hauteur, la jeune fille l’interrogea sur ce qu’il voulait lui montrer. Sa curiosité allait vite être assouvie. Bad sortit sa baguette et pointa l’une des nombreuses pierres formant le rempart cerclant la tour d’Astronomie.

« Alohomora ! »

La roche s’ouvrit alors en deux en son centre laissant en lieu et place une sombre cavité rectangulaire qui semblait peu profonde. Bad avait découvert cette cachette vide il y a plusieurs mois déjà et avait décidé de se l'approprier. Enchantée par un Sortilège d’Extension, Bad y plongea le bras entier et en sortit une multitude de choses : cape, gants, bonnets, écharpes jusqu’à atteindre ce qu’il cherchait un Caloroscope. Cette sphère en verre de la taille d’une grosse balle contenait des centaines de lumières rouges incandescentes - similaires à de petites étoiles - qui virevoltaient à travers tout l’espace. L’objet dégageait une agréable sensation de chaleur à son porteur et l’observer - surtout la nuit - avait un effet apaisant, presque hypnotique. Une fois l’objet trouvé, Bad remis en place le reste des vêtements et referma sa cache.

Il tendit le Caloroscope à Phénix en lui souriant :

« Tiens, prends-le ! »

Il savait à quel point cet objet pouvait être réconfortant lorsque le froid venait vous saluer. Tournant de nouveau le regard vers l’immensité céleste, il ajouta :

« Dis Phénix, pourquoi tu es venue ici ce soir ? »

"Etoiles"
Elles sont au ciel ce que l'espoir est aux Hommes. Les personnes attirées par ces astres croient en l'espoir. Même dans le noir le plus complet, même dans les ténèbres les plus opaques elles sont là. Elles nous murmurent d'y croire. Voilà pourquoi Phénix les aimaient tant.

La rouquine penchait la tête pour tenter de déceler les pensées de Bad. Elle ne comprenait décidément pas ce qu'il cherchait à faire. Il sortit alors sa baguette. Elle était plutôt courte, au moins dix centimètres de moins que la sienne. Il la dirigea vers une pierre du rempart. Le jeune brun aux yeux émeraude murmura le sortilège de déverrouillage. Son dos masquait ses actions. Quand il se retourna, un trou creusait le créneau. A voir ce qu'il en sortait c'était plus un rangement secret qu'un banal "trou". Bad plongeait sa main dedans et la ressortait à chaque fois pleine. Des capes d'hiver et de travail, des gants et des écharpes s'éparpillaient autour d'eux. Cependant il ne trouvait pas ce qu'il voulait car il replongeait sa main à chaque fois à la recherche d'un objet spécial.

Phénix le regardait faire. Ses songes s'envolaient vers les étoiles, ne lui appartenaient plus. De toute façon tout finit un jour par rejoindre les cieux. Que se soit maintenant où plus tard peut lui importait. Elle se redressa et remarqua que Bad avait finalement trouvé. Il tendait vers elle un ballon de cristal rempli de lumières rougeoyantes. Les yeux azur de la rouquine ne purent s'empêcher de les comparer à une galaxie, une galaxie pourpre comme si elle avait été incendiée. Et comme toujours, les étoiles luttaient et se forçaient à vivre. Phénix tendit ses mains congelées vers son interlocuteur et s'empara de l'objet.

Une chaleur se répandait dans tout son corps et étanchait ses grelottements. Comme le printemps qui renaît et reprend ses droits après une dure et longue nuit d'hiver. Emerveillée elle serra contre elle la petite galaxie. Un petit sourire dessina son visage. Bad lui laissa le temps de découvrir la sphère avant de lui demander :

-Dis Phénix, pourquoi es-tu venue ici ce soir ?

La question prit de court la jeune Aiglonne. Certes elle pouvait répondre "La brume" mais elle sentait qu'il y avait plus que ça. Il voulait la véritable raison.

-Depuis petite, j'ai l'habitude de regarder les étoiles avant de dormir. Elle marqua un temps d'arrêt avant de continuer: Ma soeur me répétait sans cesse qu'à chaque fois qu'une vie s'éteignait, une étoile apparaissait. Je... j'essaie de trouver combien de nouvelles étoiles s'allument toutes les nuits. Sa voix se brisa, elle avait la gorge nouée:Mon plus grand rêve ? Découvrir un jour dans lequels de ces astres est partie vivre ma soeur. Elle ne voulait plus parler, elle ne voulait pas se remémorer ce jour, mais peut-être qu'en parler avec Bad la soulagerait. Certaines personnes disaient que qu'elle était trop jeune pour s'en souvenir. Phénix pensait qu'à sept ans, le traumatisme et le chagrin pouvaient largement se frayer un passage:Mais ne t'inquiète pas ce n'est pas grand-chose, j'étais toute petite quand elle décédée. Elle mentait mal, mais elle s'en fichait: A vrai dire c'est surtout que la brume m'obstruait la vue. Et comme je ne souhaitais pas prendre part aux jeux et aux soirées je me suis dit que prendre l'air me ferait du bien ! Et toi que fais-tu ici ?

La rouquine était fière d'elle, elle avait réussi à retenir ses pleurs. Elle feignit même un léger rire. Mais pour le moment Phénix se demandait vraiment ce que Bad, lui venait faire là. Au final elle ne désirait pas faire étalage de son passé larmoiyant, elle avait besoin de changer de sujet, de passer à autre chose. Elle plongea son regard dans celui de son voisin et si accrocha comme à une bouée.


@Bad Eaven

Phénix avait accepté le Caloroscope qu'il lui avait tendu, un léger sourire sur les lèvres. Elle semblait apprécier le geste et plongea son visage vers le ballet incessant des lumières incandescentes. Les yeux de la jeune fille reflétaient ces centaines d’étoiles qui lui donnaient un magnifique regard aux allures surnaturelles.

Bad profita du moment pour lui demander la raison de sa venue au sommet de la tour. Il se doutait que ce n’était pas la première fois qu’elle venait s’émerveiller de la beauté des nuits étoilées. Sa réponse fendit le cœur du garçon. Phénix s’était livrée à lui pleine de sincérité. Les étoiles lui rappelait le décès de sa sœur. Il comprenait maintenant les sentiments de fragilité et de force qu’il avait perçu en elle. Bad pensa instinctivement à son propre frère. Comment réagirait-il s’il apprenait sa disparition ? S’en remettrait-il ? Pourrait-il de nouveau sourire après ça ? Il ne le pensait pas. Les propos de la jeune fille avait provoqué en lui de la peine mais aussi de l'admiration. La résilience dont elle faisait preuve était remarquable.

« Je suis désolé pour ta sœur. », murmura Bad, tentant de capter le regard de Phénix.

C’est un décès qui avait marqué au fer rouge la vie de Phénix. C’est un décès, celui de son grand-père, qui avait ouvert un nouveau monde à Bad. Libérant sa mère du joug paternel, le garçon avait pu découvrir la magie et renouer avec celle qui l’avait mis au monde. Ces événements aux conséquences radicalement différentes les avaient pourtant menés, Phénix et lui, en haut de cette tour ce soir. Bad ne croyait pas au destin mais, ce soir, il se jouait de lui.

Après ses funestes mais libératrices révélations, Phénix avait tenté d’amoindrir la situation détournant la conversation tout en masquant sa peine. Pour se protéger, pensa Bad. Ou peut-être pour me protéger. Il était venu ici ce soir parce qu’il se sentait triste mais sa peine lui semblait maintenant ridicule, insignifiante. Après ces aveux, il se sentait honteux et faible d’avoir pu se laisser aller.

Comme pour se racheter auprès de lui-même, il devait faire quelque chose. Il devait aider la jeune fille. Il devait la soulager de ce poids qui semblait encore peser sur elle. Peut-être que Phénix le repousserait, se renfermerait sur elle-même mais il devait agir. Dans un mélange d’empathie et d’égoïsme, Bad enchaîna, sans tenir compte de la question de Phénix :

« Qu’est-ce qui lui est arrivée ? »

"Suicide"
Une pensée qui avait toujours eu une place dans l'esprit de Phénix. Après tout, rien n'est éternel, surtout pas la vie. Et puis qu'est-ce qui la retenait de sauter du haut cette tour. Bad évidemment. Il se situait entre elle et les remparts. De toute façon, elle devait vivre, elle devait être forte. Pour sa soeur, pour Bad.

Le silence meublait remarquablement la conversation. Le brun soutenait son regard et l'empêchait de se perdre dans de sombres idées. Plus le prinptemps s'allongeait plus les cauchemars fleurissaient dans la tête de la rouquine Le Mal-Etre se rapprochait lentement mais surement. Elle ne se laisserait pas aller, elle avait fait le choix il y a longtemps que le cadeau qu'était la vie méritait d'être vécue. Peu importaient les obstacles qui se présenteraient. Le jeune Serdaigle franchit d'un pas la distance qui les séparait et lui murmura qu'il se sentait désolé. A ce moment-là, un poids sur ses épaules s'envola dans la nuit et des larmes roulèrent.

La première personne à lui avoir dit être navrée, lui un parfait inconnu ou presque. Sa sincérité transperça Phénix en plein coeur. Il ne s'arrêta pas en si bon chemin. Il voulait savoir, partager sa peine. Il ne méritait pas de découvrir la douleur de sa voisine. Mais cette dernière songeait qu'il avait le droit connaître la vérité. Ses yeux ne mentaient pas. Il souhaitait une réponse. Elle décida de la lui offrir.

-Je... vais tout te raconter... depuis le début. Ses yeux la piquaient et sa gorge brulait: Elle s'appelait Kharyssa, et elle était... Un énorme sanglot la traversa:...ma jumelle. Il paraît que les jumeaux sont fusionnels, il ne fait aucun doute que ce jour funeste, Phénix perdit sa moitié, elle se perdit:Un soir d'hiver, mon père travaillait et ma mère cuisinait. Moi je regardais les étoiles. Kharyssa prenait son bain. Ses yeux se vidèrent de toutes émotions, cette fois il n'y avait plus seulement des larmes, mais une cascade inépuisable qui coulait le long de ses joues rebondies:On ne saura jamais réellement ce qu'il lui est arrivée. En entrant dans la pièce j'ai déduit qu'elle avait glissé dans la baignoire. Le sang dominait largement l'eau présente dans la pièce. Un haut-le-coeur fit trembler la sorcière: Dans sa chute, son crâne a heurté le robinet, rien de grave. Mais à la vue d'autant de sang sortant de son propre corps elle s'est évanouie. Phénix sourit légèrement de son impuissance:Elle se serait réveillé au bout de quelques minutes si le robinet ne continuait pas de couler. Elle s'est noyée ainsi. Un accident voilà ce que c'était. Un banal accident.

Phénix inspira à fond. Elle devait se sentir vivante. Sa soeur comptait sur elle. Elle leva le regard. Bad la regardait patiemment, avec compréhension. La Serdaigle se sentait mal.

-Je suis désolée, désolée...

Elle ne put s'empêcher de s'excuser. Elle avait toujours été faible, certaines personnes perspicaces ne se gênaient pas pour exploiter cette faiblesse. Elle, elle encaissait sans se plaindre. Elle avait honte de parler de ses problèmes avec lui. Cela ne le concernait pas. Mais il dégageait une aura chaleureuse et protectrice qui poussait Phénix à lui dévoiler tous ses pires secrets. Sa compagnie agréable rassurait la petite fille. Elle l'aurait bien serré dans ses bras si sa politesse ne l'en avait pas empêché. Pour la première fois de son existence elle savait qu'elle pouvait se reposer sur quelqu'un. Pour lui, elle sécha ses larmes et refoula la peine. Certes, la vie ne l'épargnait pas, mais ce soir, le bonheur frappait enfin à sa porte. Il se nommait Bad.


@Bad Eaven