Un courant d'air passe sur mon visage et j'ouvre les yeux. Difficilement. Très difficilement. Donc je les referme. Il fait encore sombre et le dortoir est calme, il n'y a presque pas un bruit. Je remonte la couette sous mon nez, et respire à fond. S'il n'y a pas de bruit, c'est que les autres filles ne sont pas encore réveillées. C'est bien, je peux profiter encore cinq minutes de mon oreiller. Je suis aimantée à lui ce matin. En même temps, c'est ma faute, je n'aurais pas dû lire jusque tard dans la nuit. Je serais plus fraîche ce matin. Tant pis, on est vendredi, je me reposerai demain. Il faut que je file à la douche avant que toutes les cabines ne soient prises ou alors je serai bonne pour poireauter. Et ce matin, ce n'est pas envisageable. Je dois laver mes cheveux et je refuse d'attendre dans la salle de bain alors que je pourrai passer ce temps enlacée à ma couette.
Pourquoi est-ce que les cours commencent si tôt ? Au prix d'un effort extraordinaire, vu mon niveau d'éveil, je parviens à rouvrir les yeux et à fixer le boîtier rond aux aiguilles argentées. 08h12. Et merde !
Je suis en retard ! Je jette un peu violemment la couette par dessus le lit et regarde à la ronde. Personne. Bah voilà pourquoi il n'y a pas un bruit ! J'ai cours de Défense contre les Forces Du Mal dans quinze minutes et je suis en pyjama... La panique. J'ai beau errer comme une ombre dans ce château depuis plus de deux ans, je ne crois pas encore être capable de traverser les murs et de m'installer en classe sans que personne ne remarque mon retard. Bien fait ! La prochaine fois, je me coucherai plus tôt...

Sans même enfiler mes chaussons, je sors de ma commode mon jean et mon pull bordeaux, celui qui est croisé devant et je file à la salle de bain en attrapant au passage ma trousse de toilette. Le sol est froid sous mes pieds. Je rentre dans une cabine de douche et je fais couler directement l'eau. Je n'ai pas le temps d'attendre qu'elle chauffe donc les premières gouttes qui rencontrent ma peau me font grelotter. Au bout de quelques secondes l'eau est chaude et ça me fait du bien. Malheureusement j'ai pas le temps de m'y attarder. Dommage, ça m'aurait réveillé ! Je me lave les cheveux et me savonne énergiquement. L'odeur de mon shampoing aux fruits rouges me donne faim. Je vais pas avoir le temps de manger...
Je sors de la douche, m'habille, me lave les dents et me brosse les cheveux.
Je jette un regard au miroir embué qui me renvoie le reflet d'une blonde au teint pâle et aux yeux fatigués, tristes. Je passe ma main sur le miroir, comme pour faire disparaître mon reflet.
J'ai pas le temps de m'arranger, juste un pschitt de parfum aux fruits rouges et un pincement sur les joues, histoire d'avoir un peu de couleur. Je repars au dortoir et jette un œil au réveil. 08H25. Là ça craint ! J'enfile mes converses en dentelles blanches, et jette ma robe de travail sur mon épaule et prend ma baguette.

Je quitte la tour Ouest en direction du premier étage principal et de la salle de classe qui m'attend.
Je manque de trébucher sur mes lacets qui ne sont pas fait. J'essaie d'enfiler ma robe de travail tant bien que mal, en courant. Mais le fait que les couloirs soient quasiment vides ne me rassure pas. Mon cœur bat vide, trop vite. J'arrive devant la salle, essoufflée, rouge, le haut de mon pull trempé par mes cheveux en vrac et mouillés. La porte va pour se fermer d'un coup quand je la stoppe du plat de la main.

Je rentre dans la pièce, et m’aperçois que les autre élèves sont déjà installés. Miss Holloway s'apprête à commencer son cours, quand nos regards se croisent. Elle me lance un regard réprobateur et m'indique une place vide sur la gauche.
A ces mots, je baisse les yeux, rouge de honte.
Je ne veux pas perturber d'avantage le cours et je me dirige rapidement vers la table désignée en essayant d'ajuster au mieux ma robe de travail.
La table est occupée, sur son côté droit. Un garçon y est assit. Je ne le connais, pas même si je sais que nous partageons les mêmes cours depuis la rentrée.
Je lui lance un sourire timide en m'asseyant à côté de lui. Aucun son ne sors de ma bouche. Seulement ce sourire léger qui flotte sur mes lèvres en guise de "bonjour".

@Bad Eaven

* BOUM ! *

« Quoi ? Que ? Qu’est-ce qui se passe ? »

Comme Bad, son voisin de dortoir venait de se réveiller en sursaut, paniqué par ce grand fracas qui avait résonné dans toute la pièce. On sentait même le parquet trembler sous les lits. Une ombre se dessina dans l’embrasure de la porte. La lumière provenant du couloir renforçait le contraste. La silhouette s’avança d’un pas lourd dans le dortoir avant de prendre à son tour la parole :

« Pardon les gars ! »

Le rythme du cœur de Bad se mit à ralentir et ses yeux s’habituèrent à la luminosité. Il reconnut l’un des autres Serdaigle qui partageait son dortoir. Que faisait-il avec ces drôles de boules en métal dans les bras ? Bad l’ignorait. À son manque de sommeil, ce dernier savait qu’on était en plein milieu de la nuit. Ce n’était pas le moment de se lancer dans une discussion, s’il voulait se rendormir rapidement. Il ne dit pas à un mot et se roula dans sa couverture. Une fois le calme revenu, il mit quelques minutes à retrouver le repos qu’on l’avait forcé à quitter.

* BOUM ! Boum ! Boum !! *

C’en était trop ! Alors que le garçon qui l’avait réveillé plus tôt se confondait en excuses, Bad se leva furieux. Il observa les boules roulées sur le sol avant de se tourner vers le perturbateur.

« Sérieux ! Tu peux pas faire attention ! Si t’es pas capable d’être discret, t’avais qu’à dormir dans le couloir. »

L’énervement était tel que Bad savait que sa nuit était terminée. À cause de cet irrespectueux maladroit, il n’arriverait jamais à se rendormir. Avec des gestes secs et brusques, il saisit ses vêtements et se dirigea vers la salle de bain. La douche censée le calmer n’atteint jamais son but. De retour dans le dortoir, Bad entendit des chuchotements. Sûrement des garçons en train de critiquer sa réaction virulente. Qu’importe, ce n’était pas lui le vrai méchant de l'histoire. Il saisit son sac de cours et descendit dans la Grande salle.

Comme il le pressentait, elle était vide. Bad ne voulait pas savoir l’heure qu’il était. Cela ne ferait que renforcer l’énervement de ce repos avorté. Il profita du calme pour sortir son manuel de Défense contre les Forces du Mal. Cette matière, sa préférée, était le seul point positif de ce début de journée. Lorsque les premiers élèves arrivèrent, il prit son petit-déjeuner à leurs côtés. Malgré la fatigue, partager quelques rires avec eux, lui fit le plus grand bien.

C’est de meilleure humeur qu’il prit la direction de la salle de cours. Lorsque Miss Holloway les fit entrer en posant lourdement son sac son bureau, il la suivit à l’intérieur. Le camarade qui l’avait réveillé en pleine nuit et qui était aussi son binôme en classe de Défense contre les Forces du Mal était déjà installé à la table qu’ils partageaient habituellement. Lorsque celui-ci croisa le regard de Bad, il lui sourit timidement, sincèrement désolé pour le brouhaha nocturne. Mais le Serdaigle n’avait pas encore digéré l’affaire et il choisit de se diriger vers une table vide.

Alors que le cours allait commencer, une invitée de dernière minute arriva juste à temps pour y assister. C’était Gabriella Barton, une Serdaigle dans la même filière que lui. Il n’avait jamais eu l’occasion, ou plutôt, il n’avait jamais pris le temps d’aller à sa rencontre. Cette jolie fille aux cheveux blonds ondulés et au teint clair était, au ressenti de Bad, une personne timide mais qui lui paraissait d’une grande gentillesse.

L’enseignante pointa la place à côté de Bad, demandant à la jeune fille de s’y installer. Le garçon était plutôt content d’avoir un prétexte légitime pour échanger avec elle. De plus, c’était une bonne occasion de narguer son binôme habituel qui se retrouvait maintenant seul.

Lorsque Gabriella s’installa à ses côtés, Bad vit qu’elle avait les cheveux trempés. Apparemment, sa nuit avait été plus longue que la sienne. La blonde lui sourit timidement. Pour ne pas lui attirer les foudres de l’enseignante, Bad leva son manuel de manière à cacher son propre visage. Il tourna alors la tête vers sa camarade et, tout sourire, lui chuchota :

« Salut Gabriella ! Je suis content de travailler avec toi aujourd’hui ! »

Lui adressant un clin d’œil, il reposa son livre et fixa son regard sur l’enseignante. Il ne voulait pas louper un mot de plus de ce cours qu’il aimait tant.

Mon sourire est timide, presque imperceptible. J'espère qu'il ne va pas croire que je le snobe.
Alors, je relève la tête pour rencontrer des yeux d'un vert intense. Le garçon dresse son livre en paravent pour nous cacher de Miss Holloway, et il me sourit. Pas un sourire timide, non, un sourire franc, lumineux. Un sourire qui dévoile des dents parfaitement alignées. Un sourire qui réchauffe.
Mes joues se colorent subitement.
Puis, alors que je ne crois pas pouvoir rougir davantage, le garçon aux yeux verts me salut par mon prénom en me gratifiant d'un clin d’œil. Je baisse les yeux, sentant mes joues chauffer et le rouge me colorer jusqu'à la pointe de cheveux. Je suis tellement habituée à vivre comme une ombre depuis plus de deux ans, sans qu'on me parle... Alors que ce garçon connaisse mon prénom, me fait tout drôle. Pour me donner une contenance, je reporte mon attention sur mon sac de cours... Qui devrait normalement se trouver posé au sol, à côté de ma chaise. Mais qui n'y est pas. Car dans ma précipitation, j'ai pris ma baguette et ma robe mais pas mon sac avec mon matériel de classe.

Ce n'est clairement pas ma journée. Je sens l'angoisse monter dans ma gorge.
Alors, je me redresse sur ma chaise, et plante ma tête entre mes mains. Je ne peux pas une nouvelle fois interrompre le cours. Alors, discrètement, je me tourne vers le garçon, en cachant mon visage avec une main pour que Miss Holloway ne me voit pas. Je chuchote :
"Je suis désolée, j'ai oublié mon sac, est ce que tu peux mettre ton manuel entre nous, pour que je suive le cours, s'il te plait ? Et si tu as un parchemin et une plume en plus ?"
Alors que je le regarde d'un air suppliant, j'entend la voix de Miss Holloway s'élever :
"La prochaine fois et quitte à arriver en retard, prenez bien toutes vos affaires. Monsieur Eaven, faites en sorte que votre camarade ne prenne pas plus de retard qu'elle n'en a déjà sur ce cours"
Je relève mes yeux sur elle, et croise un regard noir qui se détourne aussitôt sa remarque faite, elle reprend son cours, alors que moi, je sens les larmes monter. Je mord ma lèvre pour contenir l'émotion que suscite toutes ses paires d'yeux rivés sur moi. Je préfère de loin être une ombre.

Propos et action validés par Miss Holloway
@Bad Eaven

À mes salutations, Gabriella ne répondit pas un mot. Ce n’était pas plus mal. Elle avait tout intérêt à éviter de s’attirer les foudres de Miss Holloway après son arrivée tardive. Cependant, il n’y avait pas que cela. Son visage prit une teinte écarlate, symbole de la timidité qu’avait pressenti le garçon. Cette pudeur se confirma quand la Serdaigle évita le regard de Bad et fixa le sien au sol.

N'ayant pas vu l'absence de sac, le brun crut que Gabriella sortait ses affaire et il se reconcentra donc sur la leçon du jour. Elle portait sur Incarcerem et Brachialigo. Bad avait déjà entendu parler du premier à travers ses différentes lectures mais le second lui était totalement inconnu. Alors qu’il notait un maximum d’informations sur son parchemin, faisant gratter sa plume à une vitesse ahurissante, sa voisine se tourna vers lui en tentant de masquer son visage à la vue du professeur.

Gabriella avait toujours les joues cramoisies mais cette fois la cause ne semblait pas être la timidité. En effet, d’une discrétion discutable, elle s’adressa au garçon pour lui avouer qu’elle avait oublié ses affaires. Tout en chuchotant, elle lui demanda du matériel et s’il était possible qu'il partage son manuel avec elle. L’inquiétude qui se lisait dans les yeux de la Serdaigle ne laissait pas la possibilité à Bad de refuser. Décidément, le sort s’acharnait sur elle aujourd’hui.

Le brun n’eut pas le temps de se pencher vers son propre sac qu’une réflexion cinglante atteint Gabriella de plein fouet. Miss Holloway avait stoppé net son cours et un silence de cathédrale régnait dans la salle de classe. À la rescousse de sa voisine, Bad se dépêcha de sortir le matériel demandé qu'il posa sur la table avant de le faire glisser vers elle d’un geste vif de la main. Le garçon évita de croiser le regard de la jeune fille mais il ne put manquer ses yeux embués de larmes.

Alors que l’enseignante avait repris son cours, deux élèves installés devant eux continuaient de fixer Gabriella d’un regard moqueur, le sourire aux lèvres. Bad ne comprenait pas comment il était possible de se délecter de la souffrance des autres. Il haïssait ces personnes dénuées de compassion. Il leur jeta un regard noir et d’un geste de main vers l'avant leur intima l’ordre de se retourner. Il ne put s’empêcher de laisser échapper à voix basse.

« Quelle bande d’abrutis … »

Sous la légère colère qu’il ressentait, il était presque déçu qu’ils ne l’aient pas entendu. Il aurait pris un savoureux plaisir à tester le sortilège Brachialigo sur ces deux-là. Bad finit par se calmer et il reprit le fil du cours. Il avait manqué quelques informations importantes mais cela ne l’inquiétait pas outre mesure. Il les demanderait à ses camarades lorsqu’il en aurait besoin.

Après la démonstration du sortilège étudié sur un Serpentard que Miss Holloway avait oublié de libérer, Bad laissa, paradoxalement, échapper un petit rire. C’est différent, se dit-il à lui même. Il cherchait à s’en convaincre quitte à se voiler la face. Il oublia vite ses pensées car il était temps de passer à la pratique. Un exercice, comme souvent, en binôme.

Ça brûle. Leur regards. Les larmes qui essaient désespérément de s'enfuir de mes yeux, alors que je fais tout pour les retenir. Miss Holloway a repris son cours, et pourtant, je sens toujours les regards posés sur moi. Je voudrais me cacher dans un tiroir et le fermer à clef. Mais je ne peux pas, je dois être courageuse. Alors, j'essaie de ne pas y faire attention. Mais ce qui me trouble, c'est que le garçon à coté de moi évite clairement mon regard, alors qu'il avait eu l'air de se moquer de qui je suis. De ce que je suis. Une ombre. Mais vu comment les autres me regardent, il préfère certainement ne rien a voir à faire avec moi. Je ne peux pas lui en vouloir. Dans ces moments là, je préfère vraiment être une ombre, me fondre dans le noir et oublier. Qu'on m'oublie. Ne plus rien ressentir. Ça fait moins mal.

Je sens une larme rouler sur ma joue. Elle est froide mais elle brûle. Je la chasse du plat de la main. Mes yeux sont fixés sur mon parchemin et sur les mots que j'y écris. Sans qu'ils n'aient aucun sens. Je suis incapable de me concentrer. Je n'écoute qu'à moitié. Mes pensées sont loin. Très loin d'ici. J'entend à peine leurs rires moqueurs devant moi. Mais je sais qu'ils sont là.
Puis j'entend sa voix, basse, dans l'injure. Je voudrais le remercier, mais je suis incapable de croiser son regard vert. Alors je garde mes yeux baissés. C'est plus facile.

Je continu de griffonner des lettres collées pour former des mots, puis des phrases. Un long moment. Mais je suis hors du temps. Ma réalité est ailleurs. Mais je dois revenir dans celle-ci... Après avoir fait la démonstration des sortilèges, Miss Holloway, nous annonce que nous allons passer à la pratique. A deux. Evidemment.
Je garde la tête baissée sur le papier vieilli sous mes yeux. Je préfère attendre que les groupes se forment et qu'on m'attribue un binôme. Au moins, je n'aurais pas la sensation d'une nouvelle gifle en pleine figure lorsque mon voisin de table me dira non pour un travail en commun. Alors, j'attend.

Tournant la tête à droite, je croisais le regard de mon binôme habituel qui m’adressait un sourire. Tu rêves … Hors de question qu’on se mette ensemble aujourd’hui, pensa Bad. De toute manière, depuis que Gabriella s’était installée à ses côtés, Bad savait qu’il lui demanderait de travailler avec lui.

Il tourna le regard vers la jeune fille et la vit tête baissée sur ses parchemins. Son doux visage était encore marqué des restes d’une larme qu’on avait tenté d’effacer. Gabriella souhaitait sûrement disparaître. Que l'on ne fasse plus attention à elle pour le moment. Elle ne devait pas vouloir qu’on la prenne en pitié et encore moins qu’on lui sorte des remarques attendrissantes. En tout cas, Bad, lui, ne l’aurait pas souhaité. Faisant comme si de rien n’était mais gardant un œil bienveillant sur la Serdaigle, il s’adressa à elle d’un ton neutre :

« On y va ? »

Cette question ne laissait pas vraiment le choix à Gabriella de choisir un autre binôme ni de continuer à s’apitoyer sur son sort. Elle devait aller de l’avant et laisser ce qui s’était passé derrière elle. Plus facile à dire qu’à faire. Bad en était conscient. Il poursuivit en pesant chacun de ses mots :

« Je peux commencer à lancer les sorts si tu veux. »

Il ne souhaitait pas remuer le couteau dans la plaie de la blonde mais la raison de cette proposition était simple : elle était arrivée en retard et n’avait pas la tête au cours. Peu de chance qu’elle réussisse du premier coup. Elle devait absolument éviter de nouvelles remarques négatives de l’enseignante.

N’attendant aucune réponse, Bad se leva et s’approcha d’une table où était posé deux parchemins, une plume et de l’encre. Miss Holloway avait demandé aux élèves de noter toutes les observations faites durant l'exercice. Mais ils n'avaient le droit qu'à deux essais, pas plus. Peu de droit à l’erreur pour Bad. De plus, un manque de concentration et il pouvait blesser sa binôme. Ce n’était pas vraiment le jour pour cela.

J'attend en silence, dans ma bulle, que Miss Holloway associe mon nom à un autre. J'espère que tout se passera bien et que l'autre élève ne fera pas un scandale de devoir travailler avec moi. En général, je suis bonne élève mais mon côté solitaire a plutôt tendance à faire fuir les gens. A moins que ce ne soit moi. En fait c'est moi, je le sais. Et la dernière fois, que j'ai du travailler en binôme, en cours de sortilège... Ça ne s'est pas vraiment super bien passé. Alors que ce jour là, je n'avais pas fait de vagues, ni dû supporter la brûlure de leur regards.
Alors, j'attend. En espérant juste que cela sera rapide. Mon ventre se noue et ma lèvre va finir déchiquetée par mes dents si je continue de stresser comme ça.

Mais, ce n'est pas la voix de Miss Holloway qui me sort de ma bulle. C'est celle du garçon à côté de moi.
Je lève les yeux pour voir quel élève il a choisit pour binôme. Mais ses yeux sont posés sur moi. Instinctivement, je me retourne. Mais il n'y a personne. Juste moi. Je le regarde. Je fixe mes yeux bleus dans ses yeux verts, pour confirmer ma question muette "Moi ?"
Aucune réponse. Juste une autre question. Mais qui répond à la mienne.
" Je peux commencer à lancer les sorts si tu veux ? "

J'ouvre alors de grands yeux, surprise. Pourquoi ce garçon, qui semble pourtant apprécié et plein d'amis, voudrait travailler avec moi ? Il veut certainement se moquer. Non ça ne colle pas avec la réflexion qu'il à faite tout à l'heure. Je n'ai pas le temps d'y réfléchir ni de poser la question, qu'il est déjà parti chercher le matériel pour la pratique. Je le regarde déambuler dans l'espace pour revenir jusqu'à moi.
Alors, je le regarde de nouveau. Mais je ne baisse pas les yeux cette fois. Plus confiante, je lui offre même un sourire, timide, ténu, mais un sourire tout de même.
Puis d'une voix douce et légèrement tremblante, je chuchote :
"Merci... Oui... Je... Je veux bien que tu commences. Euh, je ne suis pas trop sûre de moi sur ces sortilèges..."
Puis, après quelques secondes, je m'approche de lui et avec une petite moue mais des yeux reconnaissants, j'ajoute :
"Et... Merci... Pour... Tu sais. Enfin... Ce que tu as dit aux autres."
Je n'attend pas de réponse ou quoi que ce soit. Alors, j'attrape mon parchemin, mais je me rend compte que ce que j'ai griffonné dessus n'a aucun sens. Merde ! On a que deux essais. Et j'ai pas vraiment suivis le cours. Alors une nouvelle fois, mes dents se referment sur ma lèvre et je cherche le regard émeraude de mon camarade. Son regard et son aide.
"Je suis vraiment désolée... Mais est ce que tu pourrais me réexpliquer au fur et à mesure s'il te plait ? ... J'ai pas été très attentive aux consignes..."

Gabriella accepta que Bad s’exerce le premier. Elle semblait même soulagée de ne pas avoir à ouvrir le bal. De plus, elle le remercia d’avoir pris sa défense en début de cours. Cette réaction étonna Bad. Il l'avait fait car il détestait leur attitude mais il n’avait pas réfléchi à l’impact que cela avait pu avoir sur Gabriella. Apparemment, ce geste lui avait fait plaisir. Tant mieux alors, pensa-t-il.

Revenant à la leçon du jour, la jeune fille lui demanda des explications sur la suite. Cette fois-ci, Bad ne fut pas surpris. Rien d'étonnant à ce que la Serdaigle n’ait rien écouté et ait la tête ailleurs avec ce début de cours catastrophique.

Ne voulant pas perdre davantage de temps, Bad s’exécuta. Il pointa le fond de la salle de l’index en s’adressant à Gabriella :

« Va là-bas, entre les deux gros coussins. Maintenant, on doit lancer deux sorts sur l’autre. Incarcerem et Brachialigo. Après chaque sort, faut noter sur le parchemin, l'aspect des cordes que t’as obtenu. C’est bon ? »

Bad ne voulait pas entrer dans les détails pour le moment. Avant tout car il n’avait pas envie de donner des conseils sans savoir si lui-même pouvait y arriver. Mais aussi car il pensait que Gabriella ne serait pas capable, dans son état, de retenir beaucoup d’informations.

Le brun attendit qu’elle soit en position puis recula d’un pas. Il se sentit brusquement déséquilibré et se rattrapa de justesse à l’épaule d’un grand garçon de Poufsouffle.

« Pardon !, s’excusa Bad dans une grimace gênée. Je viens de me prendre les pieds dans ce sac. En même temps, s’il était rangé ... »

Le Poufsouffle lui sourit, faisant comprendre qu’il n’y avait aucun problème puis détourna le regard sur son propre binôme. Bad, lui, se plaça face à Gabriella. Il leva la paume de sa main droite vers l’avant pour lui signifier que tout allait bien tout en accompagnant son geste de ces mots :

« Tout va bien, je me suis pris les pieds dans un sac. Bon, je me lance ! »

Bad laissa passer une vingtaine de secondes, le temps de se remémorer les cinq étapes à la réussite du sortilège Incarcerem. Hors de question de blesser la jeune fille, surtout aujourd'hui … Lorsque tout sembla clair dans son esprit, il visualisa les cordes, pointa les jambes de Gabriella de sa baguette et se lança :

« Incarcerem ! »

Quatre fines corde apparurent autour des genoux de la jeune fille sans pour autant déstabiliser la Serdaigle. Quelques secondes après, ces mêmes cordelettes, trop peu serrées, étaient déjà tombées au sol. Un échec cuisant …

Alors que mes yeux croisent les siens au moment même où mes mots sortent de ma bouche, je suis soulagée de ne pas voir de reproche dans son regard. C'est vrai que depuis ce matin, je cumule et ce garçon a été adorable. Alors, je me sens vraiment bête, mais soit il ne le remarque pas, soit ça n'a pas d'importance...

En tout cas, il ne refuse pas de me montrer les sortilèges, c'est déjà ça. Comme il m'indique les coussins au fond de la pièce, je me retourne pour me positionner. Ma bouche dessine un sourire pour lui signifier que je suis prête mais au moment de reculer, il bute dans un sac et dans un gars. Instinctivement, je fais un pas en avant pour le rattraper, mais je suis trop loin et en plus, il se rattrape de lui même au Poufsouffle qui se trouve derrière lui. Je baisse les yeux en me repositionnant, et je respire un coup quand mon binôme m'annonce que tout va bien. Il va commencer.
Alors j'attend, raide comme un piquet, les bras le long du corps et les ongles qui s'enfoncent dans mes paumes. Mais rien. Je l'observe, il semble réfléchir. Puis au bout d'un temps qui me parut à la fois très court et très long, il lance le sort.
Je sens un léger claquement contre mes genoux, mais les cordages tombent aussitôt, pour se répandre autour de mes chevilles. Je me penche pour observer mes pieds, puis mes yeux viennent se poser sur ce garçon en face de moi. Je le regarde avec une petite moue, me balançant sur mes talons. Je lui offre un sourire, avant que ma voix, qui est encore faible, ne fende le silence entre nous :
"Je crois que c'est pas bon... Je vais noter ce que j'ai ressenti au moment du sort."

Accompagnant la parole au geste, je sors de mes cordages pour m'approcher du parchemin. Je m'accroupit pour que mon visage soit à la hauteur de la table et je griffonne quelques mots sur le papier. J'essaie d'écrire le plus lisiblement possible pour qu'il arrive à me relire. Mais au moment où je m'apprête à noter son nom, je me rend compte que je ne suis pas sûre de le connaitre. Bad. J'ai bien entendu d'autres élèves l'appeler comme ça, mais c'est peut-être un surnom. Et je le connais pas, alors il ne va peut-être pas apprécier que je l'appelle par son surnom. La seule chose dont je suis sûre, c'est son nom de famille. D'un coup, j'ai un peu honte.
Alors je me redresse, et lui fais de nouveau face. C'est étrange cette sensation. Celle de voir quelqu'un tous les jours depuis plusieurs années et d'avoir pourtant l'impression de le rencontrer pour la première fois. Je l'observe, vraiment, pour la première fois. Il est un poil de boursouflet plus grand que moi, il a un visage fin et des cheveux bruns ondulés qui lui mangent un peu le visage.

Et d'un coup, je me rend compte que mon attitude n'est pas vraiment polie, alors je baisse les yeux, me triturant les doigts et d'une voix tremblante, je recommence à parler :
"Pardon... Euh, tu veux recommencer ou tu préfères que j'essaie ? Ou tu veux essayer avec le sort Brachialigo ?"
Je reprend mon souffle et après quelques secondes, je relève les yeux, et continue :
"Au fait, je suis désolée, je suis pas certaine de connaître ton prénom..."
Et comme une idiote, je lui tend la main à l'instant ou je me présente :
"Moi c'est Gabriella Barton... Mais tu peux m'appeler Gaby."

Gabriella remua involontairement le couteau dans la plaie avec sa remarque. Évidemment que ce n’est pas bon …, pensa Bad, vexé de sa déplorable prestation. Après avoir noté ses sensations sur un morceau de parchemin, la jeune fille finit par se lever. Face à lui, elle le questionna sur la manière dont il voyait la suite de l’exercice avant d’enchaîner en lui demandant son prénom. Elle doutait de son prénom. Bad n’en revint pas. Presque trois années qu’ils se côtoyaient quotidiennement en classe et elle ne savait même pas comment il s’appelait. Le garçon prit sur lui pour ne pas montrer sa surprise mais aussi sa déception. Glissant sa baguette dans sa poche, il tendit sa propre main vers celle de Gabriella - qui acceptait qu’on l’appelle Gaby - tendue vers lui. Dans une sorte de grimace, il répondit :

« Bad Eaven. »

Se déridant et faisant reflet de la présentation de la jeune fille, il ajouta :

« Tu peux m’appeler Bad. »

Aucune pointe de sarcasme dans ses propos. Le Serdaigle avait sourit et mis de côté la déconvenue sur son prénom jouant plutôt la carte de l’humour. Après ces présentations, Bad revint au cours, jetant un regard en coin à Miss Holloway. Hors de question que l'agacement qu’elle avait pour sa binôme ne déteigne sur lui. Le garçon pointa de nouveau les coussins du doigt tout en reprenant sa baguette de l'autre main :

« Je laisse tomber Incarcerem pour l’instant, je vais te lancer Brachialigo. Si on a le temps, je ferai un deuxième essai tout à l’heure. »

Bad se concentra sur ce second sortilège. Il avait pêché la première fois car il avait eu peur de blesser Gaby. Cette fois-ci, il ne devait pas hésiter. Faire abstraction de qui elle était, de ce qui lui était arrivé. Après une profonde expiration, il fit le vide dans sa tête. Fixant toute sa concentration sur sa visualisation, il pointa sa baguette vers le milieu des jambes de sa cible et se lança :

« Brachialigo ! »

Cette fois-ci le sortilège fit mouche. Six cordes résistantes de diamètre moyen s’enroulèrent fortement autour des genoux de Gabriella qui finit par s’écrouler dans les coussins. Bad s’approcha rapidement d’elle, soulagé d’avoir réussi. Affichant une humeur plus joyeuse, il s’adressa à la Serdaigle d’un air fier :

« Ha ha ! Alors ce coup-ci, tu crois que c’est bon ? Bouge pas, je vais te libérer ! »

À l’aide d’un “Finite” bien maîtrisé, il fit disparaître les entraves. Le brun tendit la main vers Gaby, toujours au sol, pour l’aider à se relever.

« On note les résultats sur le parchemin et après c’est ton tour, d’accord ? »