Elle avait longuement hésité à se rendre dans ce bureau. Demander quelque chose à un professeur lui semblait assez indigne. Elle était censée avoir tout appris en cours, si chacun des élèves avait besoin d’un quart d’heure en plus avec l’enseignant, comment s’en sortirait-on ?

Elle aurait préféré être convoquée, que le geste n’émane pas d’elle. Lydia se serait ainsi sentie plus légitime à revenir en salle de Défense contre les Forces du Mal, alors que c’était le week-end, alors qu’elle aurait dû marcher vers sa Salle Commune, alors qu’elle n’aurait jamais pensé avoir quelque chose à demander personnellement à Mr Dole. En plus, ce n’était pas une matière qui occupait beaucoup d’importance dans l’esprit de Lydia ; elle savait que ce serait utile pour la suite, pour satisfaire ses ambitions, mais elle y préférait bien sûr les potions, la botanique ou l’histoire de la magie.

Arrivée devant la porte de la salle, elle ferma les yeux. La jeune fille revit en un éclair le cours du mardi. Elle s’était avancée pour découvrir la peur que l’Epouvantard percevait. Une – elle avait mis du temps à définir ce qu’était cette armoire aux recoins sombre – créature pouvait-elle connaître sa plus grande peur alors que Lydia elle-même hésitait ? Elle avait peur de beaucoup de choses. De certains Moldus, de la foule, de la chaleur, de son père parfois, de ses sentiments, du mal qui pourrait arriver à Kyana, de l’échec…
*Il va pas avoir la tâche facile, l’Épouvantard* s’était-elle dit. Puis elle y était allée, avec curiosité et une petite appréhension.

L’armoire avait semblée être déroutée pendant un bref instant – plus long que celui qu’elle avait octroyé aux autres élèves. Elle avait ensuite pris la forme de milliers de petites mains, qui s’étaient mises à tourner, tandis que mille voix sifflaient et murmuraient. La foule, c’était donc cela sa peur ?
Elle était devenue encore plus pâle que coutume, ses mains s’étaient serrées autour de sa baguette et sa respiration avait été hachée pendant, trois, quatre secondes. Lydia avait exterminé les petites mains en les faisant devenir une myriade de fleurs, avec des pépiements d’oiseaux en fond sonore.

Malgré cela, elle n’avait pas eu l’impression d’avoir peur. La peur c’était autre chose ; ce n’était pas ça.

Elle actionna la poignée de la porte. Se remémorer des actions de la veille avait convaincu la fillette que sa requête était raisonnable. Et puis si le professeur la prenait pour une idiote, tant pis.

Elle s’avança dans la salle, le soleil filtrait à travers les vitres.

« Bonjour Mr Dole. J’aurais quelque chose à vous demander. »

Froid mais à priori efficace.

Les yeux rivés sur un devoir de cinquième année, Mark faisait machinalement tourner sa plume entre ses doigts. Assis à son bureau, il profitait de ce vendredi après-midi pour corriger les copies qui s’étaient entassées au cours des derniers jours. Dans une semaine, ce serait les vacances. Il pourrait alors se détendre et en profiter pour se consacrer à ses loisirs. Mais pour l’heure, il lui restait du travail à effectuer. Ce n'était pas le moment de laisser son esprit vagabonder dans des songes vacanciers.

Plissant les yeux, Mark essayait de déchiffrer une écriture en pattes de mouche presque illisible. Aurait-il la volonté de lutter pour comprendre les mots de l’élève ou allait-il abandonner et rayer d'un grand trait tout le paragraphe ? Un dilemme qui resterait en suspens le temps qu’il aille chercher de quoi se désaltérer. Après s’être étiré de tout son long dans son fauteuil, Mark se leva pour sortir de son bureau et récupérer une bouteille de Virgin Bièraubeurre cachée dans la salle de cours. Cela l’aiderait peut-être à prendre une décision. L'enseignant s'arrêta devant une vieille armoire qui servait en théorie de réserve au matériel de cours mais qui, en réalité, faisait davantage office de bar. Après avoir fait grincer les gonds mal huilés, Mark repoussa de la main une fiole poussiéreuse et fissurée pour saisir la bouteille cachée derrière.

Un “bonjour Mr Dole” le fit sursauter. Virgin Bièraubeurre en main, il faillit renverser de la précieuse boisson sur le sol. Son ouïe aiguisée semblait l’avoir abandonnée. Mark n’avait absolument pas entendu l’inconnue entrer. Une jeune fille à n’en point douter par sa voix fluette.

L'homme se retourna et reconnut Lydia Holmes, une deuxième année de Serdaigle. L’enseignant la scruta d’un air étonné. Cette élève ne semblait pas très intéressée en cours de défense contre les forces du Mal et la voir entrer ici en dehors des heures de classe lui paraissait surprenant.

Après avoir posé la bouteille sur une petite table proche de lui, Mark salua à son tour la Serdaigle.

« Bonjour Miss Holmes. Je vous écoute. »

Il avait répondu d'une voix étonnamment froide. Inconsciemment, il s’était calqué sur le ton avec lequel s'était exprimée son interlocutrice.

Elle fronça les sourcils. Son entrée soignée n’avait servi strictement à rien. Le professeur ne l’avait pas entendu rentrer et avait semblé être pris sur le fait. Que tenait-il à la main ? Une bouteille ? Lydia voulait bien un apéritif – c’était presque l’heure – mais se ravisa aussitôt en essayant de ne pas montrer le rire qui commençait à naître derrière ses joues.

L’enseignant lui annonça qu’il l’écoutait. Il avait une voix beaucoup plus froide, presque cassante, que celle entendue durant les cours. La brunette en fut déstabilisée. La voix qui lui susurrait qu’elle n’était pas légitime d’être ici, que ce n’étaient que des émois d’adolescente, qu’elle était ridicule et que jamais Macbeth n’aurait réagi de cette manière (cette pensée étant la pire) avait repris de plus belle. Un peu de rose monta à ses joues et elle contrôla avec peine le bredouillement qui apparaissait quand elle était gênée.

« Désolée de vous déranger mais… C’était plutôt important pour moi. »

*Quelle idiote !* Elle se mordit la joue. Bon, plus qu’à passer aux confessions, le mal était fait. Dole avait dit qu’il l’écoutait, il n’y avait qu’à espérer que ce qu’elle dirait ne l’ennuierait pas trop.

La jeune fille réfléchit. C’était fou comment le temps passait plus vite dans ces moments où au contraire on aurait souhaité que les grains du sablier ralentissent leur descente. Elle tenta cependant de parler rapidement ; son interlocuteur avait une bouteille à boire.

« En fait, c’est une question – ou une remarque, je ne sais pas – sur l’Epouvantard au dernier cours. Je n’ai pas eu l’impression qu’il… »

Lydia laissa sa phrase en suspens. Déjà parce qu’elle ne savait pas définir ce qu’il s’était passé et aussi parce qu’elle voulait observer. Voir si son enseignant l’écoutait bel et bien et si ses paroles requéraient toute son attention.

La jeune Serdaigle sembla ressentir le ton froid de l’enseignant car elle s’excusa alors de le déranger. Et pas par simple politesse. Avec le pressentiment que la discussion allait sûrement durer, Mark décida de tourner les talons pour revenir vers l’armoire où il avait récupéré sa boisson. Dos à Holmes, il l’écoutait pourtant d’une oreille attentive. L’Épouvantard. Encore. Ce non-être était source de curiosité, d'inquiétude ou même de crainte pour nombre de ces jeunes élèves. Lui-même se rappelait encore la première fois où il avait dû faire face à la créature. Un passage obligé et marquant dans l’éducation magique des sorciers.

L’enseignant plongea son bras là où plus tôt se tenait une bouteille de Virgin Bièraubeurre et le ressortit avec deux verres opaques noirs. Sans un regard pour la Serdaigle, il revint près d’elle en récupérant au passage sa boisson de sa main libre. Le visage plus détendu, l’enseignant déposa tout son matériel sur une table proche et pointa du doigt l’une des chaises accolée.

« On va discuter de tout ça tranquillement. Je vous en prie, asseyez-vous. Qu’est-ce qui s’est passé avec l’Épouvantard ? Il n’était pas à votre goût ? »

Sans attendre de réponse, toujours debout, il reprit la bouteille et amena l’étiquette à hauteur de ses yeux.

« En parlant de goût, voulez-vous un verre de cette nouvelle cuvée de Virgin Bièraubeurre ? C’est l’une des meilleures de la région. Vous m’en direz des nouvelles ! »

Que… Que faisait Mr Dole ? Il lui tournait les talons, sans dire mots. Lydia sentit ses joues devenir complètement roses et elle avala sa salive pour empêcher les larmes de poindre dans ses yeux. Elle se maudissait d’accorder tant d’importance à une entrevue – même pas avec un enseignant d’une matière cruciale pour elle. La façade de glace qu’elle s’acharnait à garder intacte ne pouvait s’empêcher de fondre petit à petit. *Merlin, tiens bon.* On lui aurait demandé à cet instant précis quelles étaient ses peurs, la réponse aurait été facile. Elle avait peur de ses émotions, de ce que pouvait donner cette entrevue, et des mots que l’un et l’autre – élève et professeur – allaient s’échanger.

Elle se détendit cependant quand il l’invita à boire une virgin biéraubeurre. L’apéritif se ferait donc avec elle. Bien.

« Oh, merci Mr, je veux bien un verre ! Non, je n’y ai jamais goûté mais c’est une erreur que je dois réparer. »

La dose de charisme qu’elle possédait s’était soudain réveillée, après avoir disparu pendant un certain laps de temps. Elle reprit la parole et se risqua à faire une petite plaisanterie, en sachant qu’elle le regretterait sûrement.

« Disons que l’Épouvantard était moins à mon goût que la Bièraubeurre… »

Lydia se remémora ensuite les mots qu’elle avait à dire. Les nuances de ses yeux bleus devinrent plus foncées : elle réfléchissait.

« En fait, je n’ai pas eu l’impression qu’il montrait réellement ma peur. Je ne sais pas si vous comprenez mais… J’ai seulement été troublée en voyant la forme qu’il prenait mais absolument pas horrifiée. »

La jeune Holmes accepta avec un plaisir non feint l’invitation à partager un verre avec son enseignant. Mark, qui ne savait pas si cela était très éthique et professionnel, s’en moquait profondément. Si cela permettait de briser la glace et de permettre un échange libéré et vrai, il n’y avait aucune question à se poser.

Ce partage improvisé sembla fonctionner car la Serdaigle afficha un tout autre visage. Plus rayonnant, plus ouvert. Mark accueilla avec plaisir le trait d’humour de l’adolescente. Elle semblait à l’aise avec l’adulte malgré son jeune âge. Le professeur versa la boisson dans les verres qui prirent une teinte verte. Une couleur logique car il n’y avait pas une goutte d’alcool dans la Virgin Bièraubeurre. Ces verres magiques qu'on lui avait offerts lors d’un séjour en Russie, avaient la particularité de devenir rouge si la dose d’alcool qu’ils contenaient était trop élevée. Un attribut qui avait été bien utile à Mark lors de certaines occasions.

Inévitablement, ce moment de détente n’allait pas durer. Holmes allait devoir en dire plus sur son Épouvantard. Une chose qu’elle fit sans que Mark n’ait à lui tirer les vers du nez. Toujours debout, le professeur porta le verre à sa bouche et écouta attentivement ce que lui disait l’élève. Il était sceptique. Un Épouvantard prenait toujours la forme la plus terrifiante possible. Il n’y avait aucune exception. Les peurs profondes de Holmes étaient donc enfouies, placardées et verrouillées en elle au point qu’elle n’en avait plus conscience. Mark n’était pas psychologue mais si la Serdaigle était venue le voir c'est qu’elle espérait qu’il puisse lui apporter des réponses. Il était hors de question de la décevoir.

Le professeur, sans un mot, posa avec lenteur et délicatesse son verre vide sur la table avant de le remplir à nouveau. Mark prenait le temps de se remémorer en quoi s’était transformé le non-être face à la jeune fille. Il lui semblait qu’il avait pris l’apparence d’un très grands nombres de petites mains accompagnées d’autant de voix chuchotantes, presque inaudibles.

« Vous sembliez avoir des attentes sur la forme qu’il prendrait. Je sais que ce n’est pas évident d’en parler mais que pensiez-vous voir avant de commencer l'exercice ? »

Mark posa la bouteille sans pour autant se saisir du verre. Il devait montrer à Holmes qu’il était totalement avec elle pour ce moment délicat.

Lydia s’assit avec précaution, juste après que l’adulte ait rempli les deux verres. Ceux-ci avaient d’ailleurs pris une couleur verte, sans qu’elle puisse savoir pourquoi. Elle se redressa sur la chaise pour être toute droite et parce que cette position correspondait à sa nervosité. Dole n’allait pas l’empoisonner avec de la Virgin Bièraubeurre tout de même ? La couleur qu’avaient pris les récipients était un brin étrange. Elle essaya de ne pas s’en formaliser et porta le verre à ses lèvres. Elle buvait par petites gorgées tandis que l’enseignant lui posait des questions sur son Épouvantard. Elle se sentait fébrile, avait peur et en même temps hâte de connaître la suite de l’entretien.

« Merci beaucoup pour le verre. » dit-elle en le posant délicatement sur la table.

Ses gestes étaient mesurées, précis et attentifs. La moindre petite chose exigeait d’elle une sacrée concentration mais, ne s’était-elle pas promis de laisser paraître le moins d’émotion possible ? Elle devait tenir cette promesse à présent.

Le professeur lui demanda quelles étaient ses attentes avant l’exercice. Lydia ne s’était jamais posée la question ainsi, elle pensait beaucoup plus à ce qu’elle avait ressenti pendant. Elle inspira et se lança.

« Je pensais que mon Épouvantard montrerait quelque chose qui m’a déjà fait peur. Ce qui m’effraie le plus, ce sont certains sentiments, des trucs qu’on n’peut pas représenter. »

Cela sonnait presque faux. Elle devait ajouter des détails personnels, sinon son professeur ne pourrait jamais l’aider.

« J’ai déjà eu très peur quand je vivais quelque chose. Et j’étais… Terrassée. Le fait que j’aie réussi l’exercice me paraît presque étrange par rapport à mes réactions dans d’autres moments. »

Lydia pensait à ce qu’il s’était passé quand la salle commune de Serdaigle ne l’avait pas laissé rentrer, quand Rowena avait décidé qu’elle n’était plus digne de son apprentissage. Finalement, était-ce de la peur ou un profond désespoir ? Tout cela lui paraissait compliqué, trop adulte pour elle, un vrai sac de nœud qu’elle ne pouvait pas trancher d’un coup d’épée comme avait pu le faire Alexandre le Grand.

Holmes était polie, c’était certain. Libérée par contre, c’était moins sûr. La Serdaigle semblait sur la réserve comme si se livrer allait briser une carapace qu’elle avait pris soin de créer. ‘Des trucs’, ‘certains sentiments’, ‘quelque chose’, tant de généralités que cela en devenait presque frustrant pour Mark. Il pensait comprendre où voulait en venir Holmes mais elle tournait tellement autour du pot que le professeur en avait mal à la tête. S’il voulait l'aider, il allait devoir la pousser à faire preuve davantage de franchise, d'honnêteté et de partage.

L’enseignant refreina une envie d’y aller brutalement qui risquait de rompre définitivement le lien fragile qui commençait à s’installer. Pour autant, il n’allait pas passer la journée à discuter dans le vent.

« Qu’est-ce qui vous a terrassé ? Si vous avez peur de vos sentiments, duquel pensez-vous que l’Épouvantard a pris la forme ? Je suis sûr qu’on va découvrir pourquoi ça ne s’est pas déroulé comme vous le pensiez mais j’ai besoin que vous m’aidiez Holmes. »

Mark lui sourit en pointant du doigt la bouteille à moitié vide de Virgin Bièraubeurre, les sourcils levés au ciel. Une invitation silencieuse à se resservir.

« Vous savez ce non-être en a dérouté plus d’un avant vous ! Même parmi les sorciers les plus courageux. Et rassurez-vous, tout ce que vous direz ici restera entre vous et moi. »

Bon. Elle allait devoir faire des efforts, elle avait bien vu que sa réponse ne satisfaisait pas Dole. Ils n’y allaient pas y passer la nuit par tous les mages, et en plus elle finirait par se ridiculiser – ou pire, se faire mal voir – si rien ne sortait de cette conversation.

Comme l’avait sous-entendu le professeur, elle se resservit et lui adressa un petit sourire. Celui qu’elle utilisait auprès des grandes personnes quand elle avait envie d’entendre « oh mais quelle charmante petite-fille » tout en sachant pertinemment que ce n’était pas la vérité la plus exacte.

« Je n’aime pas la foule, les gens que je ne connais pas me font souvent mauvaise impression – enfin pas tout le temps, heureusement, sinon ce s’rait triste. Mon Epouvantard a pris cette forme, j’en suis sûre. »

C’était déjà un début, après plusieurs minutes de présence dans le bureau de l’enseignant, elle avait pu réussir à quelque chose. Les nœuds se défaisaient petit à petit, lentement mais sûrement.

« Cependant, la fois où j’ai fait une sorte de crise d’angoisse, où je crois avoir vraiment été effrayée, c’était parce que j’avais peur que… »

Elle s’interrompit. Elle parvenait à rester de marbre et pour cela, elle s’était complètement détachée de ce qu’elle était en train de dire. Lydia n’avait pas vraiment l’impression que c’était elle qui parlait, il lui semblait au contraire être la spectatrice de la scène, celle qui suivait en sirotant de la Virgin Bièraubeurre une série à la moldu. Si elle avait arrêté de parler, c’était parce que la jeune fille cherchait le mot exact, le cœur de ce qu’elle avait à dire.

« J’avais peur qu’on m’oublie, voilà. Que je ne sois plus rien aux yeux de mes proches. Mais c’est la première fois que je me l’avoue alors le non-être a peut-être eu du mal à le percevoir ? Je ne sais pas. »

Clairement, Holmes prenait sur elle. Mark remarqua les efforts de la Serdaigle à livrer son véritable ressenti. Au fil des explications, l’avis initial du professeur sembla se confirmer. La deuxième année avait construit une véritable barrière entre elle et les autres. Elle semblait méfiante de tout et de tout le monde. Comme elle le disait elle-même, il était possible que ce soit sous l’apparence de cette peur profonde que l'Épouvantard lui était apparu. La barricade qu’elle avait créé était si haute et solide qu’elle se croyait en sécurité et détacher de ce qui la terrifiait vraiment. Cela expliquait qu’elle n’ait pas eu véritablement peur face à la créature.

Alors que Mark pensait que l’adolescente n’allait pas développer davantage ses pensées, il fut surpris de voir Holmes toucher du doigt le cœur du problème. L’homme s’était fait en quelques minutes un portrait imprécis de la Serdaigle, une représentation qui ne se révélait pas aussi exacte qu'il le croyait. L’enseignant, même s’il n’était pas fin psychologue, était déçu de ne pas avoir visé juste. Heureusement, il se réconforta rapidement car il avait flairé la piste de la véritable nature de la peur de l’élève. Une crainte primaire de l’abandon. Classique.

Le professeur de défense contre les forces du Mal garda un visage impassible. Plus qu’une peur lambda, celle-ci risquait d’affecter la vie de la jeune fille. Dépendance affective, perte de confiance en elle et maladies psychosomatiques guettaient Holmes à chaque coin de sa vie. Mark n’avait aucune idée de comment l’aider. Pour le moment, la seule chose qu’il pouvait faire, c’était donner ses propres conclusions.

« Votre peur de l’abandon est tellement ancrée en vous qu’au fil du temps vous avez érigé une muraille pour vous en protéger. Une muraille si grande que désormais vous avez relégué cette angoisse au rang de simple trouble. Mais l’Épouvantard lui fait fi de tout cela. Il s’insinue en vous aussi facilement que vous avez vidé votre verre de Bièraubeurre. C’est dans sa nature de révéler votre peur la plus profonde et nul ne peut douter de ses talents pour cela. »

Mark voyait une araignée descendre le long d’un fil au-dessus de la tête de Holmes. L’enseignant saisit le fin morceau de toile pour poser délicatement l’insecte sur le sol de pierre. Cela permit à Holmes de prendre quelques secondes pour réfléchir à ce qui venait d'être dit.

« Voulez-vous que l’on tente de faire sortir la créature de son armoire ? Ce serait l’occasion d’analyser plus en détail l’apparence de l’Épouvantard lorsqu'il vous voit. »